« Petare Norte » : transformer la vie populaire au Venezuela

Porté par le Laboratoire International pour l’Habitat Populaire*, « Petare Norte » est une expérience-pilote unique au monde, menée avec une commune populaire du vaste « barrio » de Petare, à l’est de Caracas, État de Miranda. Vous pouvez suivre pas à pas chacune des étapes de ce projet participatif de transformation urbaine en vous abonnant à sa chaîne YouTube (sous-titrée en français) : https://www.youtube.com/@terratv2023

« Petare Norte » revêt une importance stratégique au niveau local et international. Son objectif est de trouver des solutions aux problèmes d’une grande agglomération populaire avec la participation directe des habitant(e)s, à toutes les étapes du processus. L’État communal comme plan de la révolution bolivarienne ouvre la la possibilité pour les organisations populaires du territoire de participer, avec voix et vote, à la prise de décision.

La stratégie du projet est l’appropriation du territoire, l’inclusion des habitant(e)s dans l’espace et le temps, le droit d’habiter qui va au-delà du simple droit à la vie et de l’accès à la ville, compris dans ses deux dimensions : le droit d’accès aux biens et aux services et le droit de participer pleinement à la planification de la ville.

Photo : Jean-François Parent, président du LIHP. Carte participative du projet « Petare Norte ». Photo TD

Texte : LIHP

Photos : Thierry Deronne / Vidéo : Jesus Reyes. Production : Terra TV 2023

* Pour plus d’informations : en France : Laboratoire International de l’habitat Populaire, LIHP, 25 rue Jean Jaurès, 93200 Saint-Denis, France / +33 1 42438090 / contact@lihp.info / www.lihp.info
Au Venezuela : LIHP Agencia América Latina, Torre Este de Parque Central, Piso 19, A.P. 1010, Caracas, Venezuela / + 58 212 5732543

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/03/20/petare-norte-transformer-la-vie-populaire-au-venezuela/

« Construire sa maison sans dépendre d’une entreprise privée » : l’École du Constructeur Populaire au Venezuela

« Le plus beau, pour ces jeunes qui viennent des milieux populaires, c’est de pouvoir réaliser leur rêve, construire leur propre maison sans dépendre d’une entreprise privée. Les projets collectifs de nos apprenti(e)s naissent de la collaboration avec les habitant(e)s, ils ou elles vont dans la communauté, cherchent le problème et proposent des solutions, grâce à leur formation technique, à partir d’une vision sociale« , raconte fièrement l’ingénieur Eskell Romero, directeur de l’école du Constructeur Populaire « Aristobulo Isturiz ». » « Dans chaque lotissement de la Grande Mission Logement Venezuela se trouve un noyau de notre école« .

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Du Synco de Salvador Allende au Sinco d’Hugo Chavez: l’internet au service de la démocratie participative

Le système d’intégration communale, SINCO, est une plateforme électronique développée pour la communication directe du gouvernement avec les organisations populaires au Venezuela. Elle s’inspire de la création du Cybersyn au Chili, en 1972, lorsque la révolution socialiste de Salvador Allende définissait un nouveau type d’État et un nouveau type de gouvernement. Le projet Cybersyn fut reconnu comme un ancêtre de l’Internet actuel, et son concepteur, Stafford Beer (photo), un expert britannique en gestion connu comme le père de la cybernétique, apporta au projet d’Allende une vision nouvelle de la gestion de l’information à des fins publiques et du libre accès pour les acteurs sociaux.

Les créateurs vénézuéliens du Sistema de Integración Comunal (SINCO) Guy Vernáez, Luisana Velásquez et César Carrero, évoquent l’inspiration fournie par l’expérience chilienne: « Cybersyn a abordé pour la première fois dans l’histoire le problème de la gestion de l’information au profit de l’État, en comprenant la nécessité de créer une société dans laquelle la cohésion sociale était obtenue par la transparence et la libre distribution de l’information et des connaissances ». C’est en 2015, sur base de cette prémisse qu’ils ont conçu un système qui interconnecterait les organisations de base du pouvoir populaire pour enregistrer les projets élaborés au sein des conseils communaux et des communes, les demandes de financements publics correspondants, pour qu’elles puissent rendre compte des avancées et évaluer les résultats des projets.

SINCO compte actuellement près de 30.000 organisations populaires, principalement des conseils communaux et communes, enregistrées dans l’état de Mérida, à l’ouest du Venezuela, et dans l’état de Guárico, au centre du pays. Ces régions servent de pilotes pour étendre la mise en œuvre dans tout le pays.

Dans sa deuxième étape, SINCO a incorporé un module de communication directe entre les organisations de base du pouvoir populaire, le Conseil fédéral du Gouvernement et le gouverneur de l’état. Désormais, en plus d’être un moyen de communication efficace entre les organisations de base et les institutions régionales, à tout moment et en tout lieu, et d’offrir la possibilité d’exprimer des exigences spécifiques, il permet aux communautés organisées de participer à la planification et à l’exécution elles-mêmes de leurs projets.

Communication sans « intermédiaires »

Luisana Velásquez, membre du Secrétariat national du Conseil fédéral du gouvernement et de l’équipe qui a créé cette plateforme numérique, explique l’innovation de SINCO: « une proposition disruptive aux schémas médiatiques conventionnels qui restent concentrés principalement sur les activités individuelles et unidirectionnelles des acteurs. Ici on cherche à favoriser de nouvelles relations entre les institutions, les Conseils communaux et les Communes du Venezuela, pour donner des réponses directes et sans intermédiaires au besoins sociaux et communs de la population. ».

Velásquez précise que SINCO a été initié pour le téléchargement des projets communaux élaborés par la population et les demandes de financements publics correspondants; cependant, en 2017, de nouvelles fonctions ont été incorporées pour améliorer la communication entre l’institution et les organisations, fonctions qui ont continué à évoluer et à se développer jusqu’à la consolidation de la version SINCO 2.0. « En 2018 l’outil a évolué. De plate-forme uniquement destinée à télécharger des projets, il est passé à un système de communication régionale directe afin de rapprocher le dirigeant de l’État de Guárico de l’ensemble des organisations sociales de son territoire et, en même temps, pour fournir des réponses aux besoins locaux dans le cadre de la coresponsabilité peuple/gouvernement ».

La chercheuse attire l’attention sur les changements que le lien nouveau ainsi créé avec les communautés de Mérida et Guárico a impliqué pour le Conseil fédéral du gouvernement.

« Il a permis de transformer les formes traditionnelles de communication et d’attention aux personnes, en surmontant la bureaucratie et l’intermédiation des processus d’organisation communautaire, ce qui a contribué à optimiser la capacité de réponse aux demandes sociales collectives. Il a rendu possible la construction des indicateurs de gestion nationale comme base de prise de décision, depuis les plans de développement intégral des Conseils communaux et des Communes jusqu’au Plan de développement intégral de la Nation ».

Démocratie participative et citoyenne

César Carrero, député à l’Assemblée nationale pour l’état de Mérida, a également participé à la création du système d’intégration communale. « Pour nous, le système d’intégration communale, plus qu’un système, est un projet politique, la possibilité d’avoir un outil qui vise à renforcer la démocratie participative et citoyenne, axe central de la révolution bolivarienne. SINCO permet à l’État de prendre des décisions directement avec le pouvoir citoyen, en utilisant les informations des organisations populaires pour générer la planification. Par exemple, au moment de l’approbation d’un projet, la manière efficace dont les déboursements respectifs seront effectués, ou comment se fera la remise des comptes, comment on peut effectuer les démarches à partir des régions elles-mêmes, sans besoin de voyager vers d’autres villes, en réduisant l’utilisation de papier, en réduisant la bureaucratie, en évitant l’interférence de « gestionnaires ».

Pour Carrero, le plus difficile a été de briser les paradigmes dominants au sein de l’État vénézuélien sur la gestion de l’information, même si le Venezuela dispose d’un éventail législatif visant à simplifier l’action publique. Le député de l’État de Mérida rappelle qu’il y a actuellement plus de 49.000 projets en cours d’exécution par près de 30.000 organisations.

« D’autres pays qui parlent tant de démocratie et où l’on nous accuse de dictature, se limitent dans leur grande majorité à convoquer le peuple tous les cinq ans à un processus électoral pour élire un président. Ici, au Venezuela, le pouvoir du peuple part d’une constante élection, d’une constante participation, non seulement pour élire un président, un gouverneur ou un maire, mais aussi pour élire les conseils communaux, parlements communaux où on décide des priorités sur lesquelles travailler dans le territoire. Le SINCO est un des outils qui contribuent à construire cet objectif politique de la démocratie participative et citoyenne ».

Source : https://mundo.sputniknews.com/20210415/sinco-el-proyecto-digital-que-interconecta-al-poder-popular-en-venezuela-1111206467.html

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/04/16/du-synco-de-salvador-allende-au-sinco-dhugo-chavez-linternet-au-service-de-la-democratie-participative/

Le gouvernement Maduro inaugure 100 bases de missions socialistes

« Aujourd’hui, nous inaugurons 100 bases de missions socialistes dans 100 localités où vivent les familles populaires, pour servir des milliers d’entre elles, afin que la population sache qu’elle est protégée. Malgré le blocus états-unien nous avons réorganisé ce réseau avec le soutien de la communauté » a expliqué le président Maduro lors d’une évaluation générale avec l’ensemble des ministres concernés, le 10 novembre 2020. « Nous devons gouverner avec le peuple, par le peuple, pour le peuple, c’est ainsi que Chávez l’a conçu« .

Pour accélérer le mouvement face à la détérioration des conditions socio-économiques sous la pression, depuis plusieurs années, de la guerre économique états-unienne, Maduro a également approuvé le budget qui permettra de mener à bien de nouveaux chantiers avec les conseils communaux et les communes avant le 31 décembre. « Nous allons inaugurer 100 autres bases de missions socialistes pour 150000 communautés populaires, nous le ferons malgré le blocus, car c’est comme ça que nous attaquons vraiment la pauvreté. Les grandes missions sociales sont le mécanisme permettant d’atteindre l’égalité, d’éliminer la pauvreté et de maintenir la communication permanente avec la population« , a-t-il précisé.

La base de missions socialistes « Marisela Mendoza de Brito » a été l’une des premières à être inaugurée dans l’État de Miranda : 13 communautés de la municipalité de Charallave en bénéficieront, soit 2026 familles. Dans ce lieu opérera la Mission Barrio Nuevo Barrio Tricolor dont l’objectif est de réparer les maisons ou d’en construire, le Programme de l’accouchement humanisé, les missions sociales éducatives Ribas, Robinson, Foyers de la Patrie et le Mouvement Somos Venezuela.

À San Carlos, dans le secteur de San Ramón, sept nouvelles bases de mission ont été inaugurées, où les patients seront également soignés par la médecine naturelle. Sur place, 1527 familles bénéficieront des services de cette base. De même, la base de missions socialistes « Rosa Inés » a été inaugurée dans le secteur de San Simón, de la municipalité de Maturín (région orientale du pays), pour s’occuper de plus de 3300 familles. La base de mission « Darío Vivas » dans le secteur de Las Majaguas de la municipalité de Juan Germán Roscio activera les espaces éducatifs, la clinique de médecine générale, ainsi que le système « point et cercle » avec un terrain de sport, l’espace préscolaire et Simoncito.

Ces « bases de missions socialistes » sont composées de trois modules à partir desquels sont gérées les missions sociales, programmes publics de protection créés par la Révolution bolivarienne.

En général le premier des modules internes de chaque base sert de logement aux médecins déjà installés dans ces communautés pour y dispenser des soins permanents. Le second est l’espace prévu pour les programmes de formation et les programmes culturels, notamment le Simoncito (enseignement initial), Misión Robinson (alphabétisation), Misión Ribas (enseignement secondaire) et Misión Sucre (enseignement universitaire). Il y a également un espace pour des activités culturelles, des cours, des ateliers, des lectures de groupe, etc. Le troisième module est une clinique de soins primaires dont le personnel est composé de médecins qui vivent dans la communauté. C’est là qu’opèrent les missions Barrio Adentro, le programme de santé de l’État. En bref, il y a trois espaces : le module résidentiel, le module de services et le module éducatif.

Cette campagne de construction de bases a été relancée par le président Nicolas Maduro le 7 juin 2014, après une enquête qui a déterminé qu’il y avait encore 1 500 communautés dans 255 paroisses avec une pauvreté extrême dans le pays.

Plan de relance de la Gran Misión Barrio Nuevo Tricolor

Le président a également ordonné d’accélérer la Grande Mission Barrio Nuevo, Barrio Tricolor (GMBNBT), dont l’objectif est de construire et/ou transformer l’habitat des secteurs populaires au niveau national (cette mission a déjà remis plus de trois millions de logements à très bas prix aux secteurs populaires).

« Je veux un plan spécial pour donner une forte impulsion à cette mission« , a-t-il déclaré depuis le Palais présidentiel, rappelant que « cette mission est un mécanisme pour vaincre la pauvreté et assurer une meilleure qualité de vie » dans le cadre de la lutte gouvernementale contre l’inégalité produite par les sévères restrictions économiques, financières et commerciales imposées depuis 2014 par l’Occident.

Source : https://ultimasnoticias.com.ve/noticias/mas-vida/gobierno-entrego-100-nuevas-bases-de-misiones-socialistas/

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/11/11/le-gouvernement-maduro-inaugure-100-bases-de-missions-socialistes/

Le pouvoir populaire et le rôle de la femme dans l’autogestion du logement au Venezuela

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Par Nahir González

Par l’intermédiaire de la Gran Misión Vivienda Venezuela (Grande Mission Sociale du Logement, GMVV), le gouvernement bolivarien de Nicolas Maduro a remis au secteurs populaires 3.105.131 maisons, ce qui en fait le seul pays au monde à développer ce type d’action sociale en pleine pandémie. Et jusqu’à présent 1.087.869 titres de propriété ont été remis aux familles bénéficiaires selon les données publiées par la presse du ministère de l’habitat et du logement du pays.

La GMVV a promu l’auto-construction, avec les Conseils Communaux, qui sont l’une des organisations de base les plus consolidées, et a formé les hommes et les femmes dans ce domaine, en leur fournissant des outils pour le plan des structures, le nettoyage du terrain, la préparation des matériaux de construction tels que les blocs et les structures métalliques, entre autres tâches de construction, et en participant également au processus de planification et aux propositions de développement urbain.

Ces politiques de protection sociale s’étendent à tout le pays. La création de la « Mission Venezuela Bella », qui vient de fêter un an de création, a été un facteur fondamental dans la restauration des espaces publics et leur entretien afin de fournir une qualité de vie au peuple vénézuélien. Elle s’appuie également sur les mairies et d’autres organisations pour la réhabilitation et la remise en état des maisons dans les zones urbaines établies par la « Misión Barrio Nuevo Barrio Tricolor« . L’objectif du Ministère de l’Habitat et du Logement pour 2025 est d’en construire et remettre cinq millions, pour lesquels il a garanti l’achat de matériaux de construction spéciaux nationaux et internationaux, avec notamment la coopération de la Chine, en donnant la priorité aux domaines et aux ressources.

Fin avril 2020, dans le cadre de la célébration du neuvième anniversaire de la GMVV, le président Maduro a approuvé un budget pour continuer à honorer la dette sociale qui, au Venezuela, fait partie du Plan de la Patrie rédigé par le chavisme: « Que les villes et les établissements humains soient inclusifs, sûrs, résistants et durables« . Il est prévu de construire 500.000 maisons d’ici 2020 : « Je signe le budget de 647.133 mille petros, pour cette première phase qui prévoit la construction de 500.000 maisons, 602 travaux d’urbanisme et de services de base, l’activation de 729 terrains, la délivrance de titres de propriété unifamiliale et de terrains urbains, ainsi que la planification de neuf nouvelles villes et l’attribution de 200.000 logements pour les jeunes » a déclaré M. Maduro.En 2018, le plan des Assemblées de Construction du Bien-Vivre Vénézuélien (AVV) a été lancé, pour préparer la population au processus d’auto-construction et de gestion de logements durables. Nous nous sommes entretenus avec Ayary Rojas, le principal porte-parole de l’organisation et le responsable de la construction urbaine « Jorge Rodríguez padre », situé dans le secteur El Algodonal de Caracas.
En quoi consiste ce projet et comment les gens ont-ils été préparés au processus d’auto-construction de logements ?
Il s’agit d’une construction verticale de plus de cinq étages, qui bénéficiera à 96 familles de Caracas. Nous sommes un système organisationnel, participatif et acteur direct de son destin : chacune des familles impliquées qui forge sa propre clé, son habitat et son logement digne, avec beaucoup de discipline, de constance, de volonté, avec des objectifs clairs, avec l’esprit, avec le cœur, avec l’action, notre devoir, notre droit, notre obligation de maintenir ce merveilleux processus qu’est la Grande Mission Logement.Nous avons l’organisation du pouvoir populaire, nous sommes les garants de ce processus d’autogestion constructive et de la distribution équitable des ressources économiques, des matériaux qui sont assignés par l’État à travers Construpatria et l’AVV.Les décisions sont prises en assemblée, l’information est discutée, diagnostiquée et socialisée, et là nous planifions, exécutons, réévaluons dans tous les aspects, modifions et sommes complètement impliqués dans tous les aspects.

« En tant que femmes, nous avons pris le contrôle de cette réalité et nous avons vu dans l’art de la construction les possibilités de l’exercer comme une profession ou comme une partie de notre métier« .

La formation des personnes au processus d’auto-construction de logements a été progressive. Nous avons le soutien technique du Ministère de l’Habitat et du Logement, et de la main d’œuvre qualifiée, nous sommes des organisations atypiques car 80% d’entre nous sont des femmes, constructrices intégrales, nous imprimons le temps d’exécution et nous sommes des participantes directes, du choix de la qualité des matériaux à la bonne exécution des travaux. Le matériel doit être conforme aux normes de sécurité, il doit être le bon, coupé à la taille exacte, selon ce qui a été établi dans le projet initial.

Dans le secteur de l’autogestion, et pour être durable dans le temps, nous nous sommes aventurés dans la production de protéines animales, nous sommes une communauté dédiée à la production de lapins, de lombriculture, nous avons une unité de production porcine et une plantation de maïs qui couvre deux hectares, des arbres différents Pour la récolte à moyen et long terme de mangues, fruits de la passion, carottes, avocat, guanabana, courge, qui sont distribués également aux membres de l’organisation.

8643a0c0-d7d8-4145-86ad-39de957e3c39-768x1024Nous traitons tous les domaines que nous considérons vitaux : formation sociopolitique, convivialité sociale, santé, constructif, malheureusement nous avons souffert d’un blocus bestial et inhumain qui nous a affaiblis, mais nous n’avons pas renoncé et nous nous battons toujours, nous sommes un projet qui va du personnel au collectif.
Comment le Covid-19 a-t-il affecté l’achèvement des travaux?
Le confinement a bien sûr touché le monde entier et nous n’échappons pas à cette réalité, cependant, comme nous sommes un projet autogéré, nous travaillons et nous construisons tous les jours avec quelques limitations, car nous évitons le surpeuplement de personnes dans les espaces. Nous ayons l’avantage d’être dans un espace ouvert, nous respectons les mécanismes de biosécurité mis en place par le gouvernement national.Le chantier a été un peu retardé, c’est vrai, par exemple, nous devions réaliser le faux-plafond du troisième étage et depuis deux semaines nous avons suspendu la tâche en raison du confinement radical, c’est quelque chose que nous ne pouvons pas éviter, nous convenons en tant que communauté que nous devons d’abord garantir la santé et ne pas générer de surexposition aux membres de l’organisation.L’État nous a accompagnées à tout moment, n’a cessé de nous soutenir, de nous envoyer le matériel pour répondre aux attentes et notre urbanisation entre dans les statistiques à livrer à la fin de cette année.
Comment s’est opérée la transformation personnelle pour vous en tant que femme, et en tant que leader communautaire, pour la famille?
Je pense que cela a été un tournant total, intense, y compris dans le cadre familial, et ce n’est pas courant, malgré le fait qu’Hugo Chávez se soit affirmé comme féministe, car dans notre pays nous continuons dans une certaine mesure à subir cette culture patriarcale, où les femmes ont généralement été invisibilisées, étiquetées comme “sexe faible”, comme des êtres incapables de mener des activités de ce type. Je crois que nous avons brisé des paradigmes, parce qu’ici nous, les femmes, nous nous sommes autonomisées et avons vu dans la construction la possibilité de l’exercer comme une profession ou comme une partie de notre profession, bien que cela soit d’habitude réservé aux hommes, nous démontrons que nous avons la force physique, et à notre rythme la capacité d’effectuer des tâches avec les mêmes compétences et capacités que n’importe quel expert.Nous avons découvert au cours de ces années ce qu’est un travail collectif, l’implication totale du noyau familial, nos attentes sont nombreuses pour l’avenir, nous savons qu’elles ne s’arrêtent pas ici, que le mouvement vénézuélien du logement existe au niveau national et que simultanément dans toutes les régions on construit des logements unifamiliaux et qu’à la différence de Caracas, le système de construction a été extraordinaire et que la formation, l’auto-formation, ce travail cohérent est ce qui nous a conduit au succès. Nous continuons de penser que c’est la voie qui nous incombe en tant que pouvoir populaire, en tant que personne à faibles ressources ou de ressources non constantes. Nous savons bien que dans le capitalisme, nous ne sommes pas en mesure d’acheter une maison dans un habitat décent semblable à ces espaces que nous construisons et qui deviennent une réalité tangible dans ce pays.

Source : https://correodelalba.org/2020/07/10/poder-popular-y-el-rol-de-la-mujer-en-la-autogestion-de-la-vivienda-en-venezuela/

Traduction : Thierry Deronne

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A Caracas, un logement populaire au cœur des quartiers chics…

Araure, dans l’état de Portuguesa, 11 septembre 2019. Nous voici aux 2.800.000 logements. Impressionnant! Continuons vers les 3 millions, puis vers les 5 millions de logements pour le peuple” déclare Nicolas Maduro en inaugurant un nouveau lotissement de la Grande Mission Logement, créée en 2011 par Hugo Chávez. « Cette mission sociale vise à faire de ces espaces une vraie communauté humaine, pour que les enfants disposent d’espaces sportifs, des espaces productifs aussi” rappelle le chef d’Etat. 

Face à la chute des prix du pétrole, à la guerre économique et aux sanctions états-uniennes qui s’alourdissent, d’autres gouvernements auraient sans doute “austérisé”, voire supprimé un tel programme social. L’opposition projette d’ailleurs de privatiser ces logements publics si elle revenait aux affaires. Mais le gouvernement bolivarien de Nicolas  Maduro continue à investir l’argent public dans la démocratisation du droit au logement des secteurs populaires. Il n’y a pas que la quantité qui impressionne: la participation des organisations citoyennes dans ces chantiers aide à mieux contrôler les ressources de l’Etat. 37 % ont été construits par le pouvoir populaire. Marco Teruggi a visité une construction de logements autogérés sur un terrain récupéré au cœur des quartiers de la haute bourgeoisie de Caracas…

Venezuelainfos

« Je suis fière d’être ici, je n’aurais jamais eu une maison toute seule, je suis restée parce que ça en valait la peine, je suis une guerrière », dit Leonor Sanchez, avec 59 ans de vie marqué par la pauvreté, sans jamais baisser les bras. Léonor nous offre du café dans son appartement qui n’est pas encore achevé : il manque les finitions, les carrelages de la salle de bain… « C’est pour ceux d’entre nous qui n’avaient rien », poursuit-elle. Elle est couturière, pâtissière, a eu des enfants, a un partenaire, et un projet collectif : finir les maisons sur le terrain qu’ils occupaient depuis 14 ans, depuis 2005. Elle sourit quand elle parle. « vous reprenez du café ? », demande-t-elle.

A gauche, Leonor Sánchez avec son amie

La parcelle de trois hectares est située à Baruta, à l’est de Caracas, où vivent des gens riches, l’air y est frais, il y a des collines, des urbanisations, et une majorité est contre le chavisme.

« Nous nous sommes battus par les voies légales, nous avons découvert la chaîne des titres de propriété de la terre, et la famille qui pensait être le propriétaire a découvert que le bureau du maire avait enlevé les papiers pour les donner à une société immobilière, » explique Richard Hereida, qui appartient au Mouvement des pobladores.

L’affaire ne s’arrête pas là : le maire était l’opposant Capriles Radonski et ce terrain était destiné à une de ses entreprises pour construire un centre commercial.

Le quartier où vit Richard Hereida, en face de la Nouvelle Communauté Socialiste Monterrey, Caracas, Venezuela

Quand ils ont pénétrés sur les lieux, ce n’était qu’une colline avec des sapins. Hereida était là depuis le début, lui et sa famille sont du quartier en face. « Nous vivions sur des collines, des ravins, des collines non planifiées « , dit-il en montrant son quartier. Quand il parle, il est fier de ce qu’ils ont fait : les 60.000 mètres cubes de terre qu’ils ont déplacés, la rue asphaltée, les sept immeubles où 156 familles vivront dans des appartements de 80 mètres carrés, avec trois chambres, salon, cuisine et deux salles de bains. « Rien n’a été donné », dit-il.

Une histoire à deux temps

La récupération de la terre à Baruta c’était au début de la révolution bolivarienne. En 2004, le Ministère du logement et de l’habitat a été créé et le débat sur les terrains urbains n’avait pas encore été organisé. L’une des premières actions de récupération de terrains a été organisée par le Camp des pionniers, faisant partie du mouvement des Pobladores, dans la région de Macaracuay, zone aisée.

« Cette prise de pouvoir nous a fait trembler parce que, bien que nous ayons entendu des rumeurs, il n’y avait personne à Caracas pour contester les terres des riches, pour leur dire que nous allions vivre à côté d’eux parce que nous avions le même droit, il n’y avait pas de discussion, explique Iraida Morocoima, porte-parole du mouvement.

Cette fois-là, ils ne sont pas entrés sur le terrain, l’action s’est déroulée sur le trottoir. La réponse a été violente : « Nous avons commencé à voir ce qu’était la lutte de classes, les gens qui nous insultaient, ils sont sortis avec des annonces à la une des journaux disant « notre maison va perdre de la valeur »‘, ils nous ont craché dessus, nous étions rien, des racistes et des classistes, » dit-elle.

A l’époque, ils faisaient des recherches sur les terrains urbains : « nous avons vu qu’il y avait beaucoup de terrains dans la ville qui pouvaient être récupérés pour les transformer en logements populaires », se souvient Juan Carlos Rodriguez. Il n’y avait pas de politique d’Etat pour ce problème, et ce qui existait, c’était la logique appliquée dans tout le continent : « tout au plus offrait-on des terres en périphérie, les terres pour le logement populaire étaient rejetées en dehors de la ville ».

Bâtiments en construction de la nouvelle communauté socialiste Monterrey, Caracas, Venezuela

Le mouvement s’est mis à disputer le centre de la ville, à questionner les latifundia urbains, les maisons vides, les terrains non utilisés, l’ordre hiérarchique de la terre et de ses propriétaires.

Le tournant s’est produit en 2011 : le mouvement a rencontré Hugo Chávez, et ce qui était une lutte entre les habitants est devenu une politique d’État, la Grande Mission Logement Venezuela est née et la récupération massive des terres à l’intérieur des villes a commencé.

« Chávez a réussi à regarder dans les yeux d’un peuple qui se battait et qui s’est joint à lui », dit Iraida. C’est en 2011 que l’État a exproprié les terres de Baruta et accordé un premier financement. Maintenant, il s’appelle Nueva Comunidad Socialista Monterrey.

L’autogestion

Occuper, résister, construire, c’est l’un des slogans du mouvement. Dès le début, ils ont proposé le processus d’une manière collective et organisée, tant la pénétration d’une terre que la permanence et la construction. « Les règles sont claires quand nous pénétrons ici, presque tout le monde participe de la lutte depuis le début, nous construisons ces règles nous-mêmes, » explique Hereida.

Espace collectif de la nouvelle communauté socialiste Monterrey, Caracas, Venezuela

Les normes couvrent plusieurs dimensions dans la construction. L’une d’entre elles est, dans la nouvelle communauté socialiste de Monterrey, que chaque personne doit contribuer 16 heures de travail collectif par semaine pour les espaces communs. Les autres sont pour l’intérieur de votre maison. Les samedis sont les cayapas (travail collectif et non rétribué), quand toutes les familles vont au travail en commun.

« L’autogestion est un pari politique de construction du pouvoir communal et populaire, elle implique le conflit des moyens de production, de la terre, des ressources, des matériaux, des machines, tout cela est un conflit pour que ces moyens soient gérés collectivement », explique Juan Carlos Rodríguez. Le pari, souligne-t-il, est sur le processus, et pas seulement sur le numérique, comme dans la logique constructiviste.

Le processus de construction de logements dépend du niveau d’organisation et de la constance avec laquelle l’État fournit les ressources matérielles. Le résultat est plus qu’un bâtiment : c’est une communauté.

Plan d’urbanisation Nouvelle communauté socialiste Monterrey, Caracas, Venezuela

« Si les hommes d’affaires construisent et que ce n’est pas rentable, ils le laissent à mi-chemin, mais pas les gens, parce que c’est leur maison, leur lutte, leur rêve, ils ne les abandonnent pas, ils les finissent avec dignité « , explique Iraida. Il fait remarquer à un homme qui se trouve dans les cayapas (travail collectif) : « Je parie que chez lui, les aliments viennent à manquer, parce que malgré tout ce que le président a tenté de faire, ce travail reste difficile, nous n’avons pas d’outils, tu sais combien coûte une paire de chaussures ? »

« Le blocus tue des gens, ce n’est pas que la guerre arrive, c’est qu’il y a la guerre, chaque processus électoral est une bataille de plus, mais qui en paie les conséquences, jusqu’à quand allons-nous mettre les morts. Iraida insiste sur la nécessité de trouver des réponses, et l’autogestion en est une : elle réduit les coûts de construction, crée l’organisation, le tissu social, la solidarité, l’horizon du socialisme communal.

L’une des luttes du Mouvement des Pobladores est pour que l’autogestion soit acceptée comme l’une des modalités de la Grande Mission Logement Venezuela. « Nous devons dépasser la vision selon laquelle l’État doit fournir toutes les ressources et les donner ensuite aux personnes qui en ont besoin », explique Rodríguez. Jusqu’à présent, la Grande Mission a achevé près de 2 millions 800 mille maisons, dont 37% ont été construites par le pouvoir populaire.

A qui appartiennent les maisons ?

L’une des premières lois que la droite a voulu mettre en œuvre lorsqu’elle a remporté l’Assemblée nationale en 2015 a été de modifier les bases du terrain et du logement de la Grande Mission. La loi envisageait de reconnaître la valeur spéculative des terres touchées, c’est-à-dire de les taxer à un prix plus élevé afin que l’État paie une indemnité plus élevée. Deuxièmement, elle proposait que les maisons puissent être vendues librement sur le marché immobilier, afin de les intégrer dans des circuits de spéculation.

Plans des maisons de la nouvelle communauté socialiste Monterrey, Caracas, Venezuela

Le mouvement des pobladores a mené plusieurs mobilisations pour s’y opposer, et le projet de loi a été classé. Cependant, l’une des mesures qu’ils prendraient s’ils étaient en mesure de le faire est devenue évidente.

« La haine de l’opposition à l’égard de Chávez est principalement due à l’expropriation des terres inutilisées ; ils ne nous pardonneront jamais d’avoir osé construire cela », dit Iraida Morocoima.

Le pari des Pobladores porte sur la propriété collective de la terre et du logement : « Nous ne voulons pas qu’elle passe par un processus d’individualisation de la propriété qui fragmente ce que nous avons construit collectivement au fil des ans », explique Juan Carlos. Ce cadre juridique n’existe pas encore et une partie de leur combat consiste à y parvenir.

Hereida explique qu’une fois les maisons terminées, elles continueront le processus de travail collectif et d’assemblées, comme cela se passe dans les espaces déjà terminés. La nouvelle communauté socialiste de Monterrey disposera de logements, d’une zone de loisirs et d’une autre zone de production, avec une construction de trois étages, où il y aura des locaux pour, par exemple, une boulangerie, une pharmacie, et des locaux pour des ateliers de couture.

« Des combats forts et difficiles arrivent », dit Iraida. « Nous disons que nous sommes loyaux envers les loyaux, pas envers le vol, pas envers la corruption, fidèles à ce qui doit être fait ». Et ce qu’il faut faire, disent-ils, c’est approfondir la politique de récupération des sols oisifs, contester les centres urbains, miser sur l’autogestion, créer des communautés dans les quartiers et au sein des zones exclusives de la bourgeoisie.

Marco Teruggi

Sputnik / traduit par Venesol

La révolution du logement dans la Révolution Bolivarienne

Entretien de Hernando Calvo Ospina avec l’architecte Jean-François Parent, président du Laboratoire International pour l’Habitat Populaire, une association française. Cette rencontre a eu lieu à Caracas, en décembre dernier. Jean-François Parent présente les projets du LIHP au Venezuela, mais parle aussi de la situation politique de ce pays.

Hernando Calvo Ospina. Parlez-moi du projet, comment a-t-il commencé, et pourquoi ici au Venezuela en particulier ?

Tout est lié au travail du Laboratoire et à ses relations avec l’Amérique Latine. On travaille depuis 2013 avec le Brésil, la Colombie, le Venezuela, Haïti et le Mexique. C’est un travail de recherche sur les questions urbaines et le rôle de l’habitat populaire, sur son histoire politique et sociale.

On s’est interrogés sur la façon dont les grands mouvements populaires visaient à transformer radicalement ces sociétés et comment cette ambition politique se traduisait sur le plan du mode de vie. C’est cela qui a motivé notre travail.

Au Venezuela, nous avons travaillé sur la présence du pouvoir populaire dans les décisions concernant la transformation urbaine, par le biais des conseils communaux. Nous sommes arrivés la première fois en 2011, mais c’est en 2013 que nous avons fixé les choses. Nous avons démarré ce travail et progressé au fur et à mesure. Nous sommes venus au Venezuela car l’architecture contemporaine nous intéressait. Il nous semblait que, comme au Brésil et au Mexique, la question de la modernité avait été traitée d’une manière particulière au Venezuela, du fait que des architectes avaient étudié en Europe puis rapporté cette culture de la modernité européenne ici, et l’avaient confrontée à La Caraïbe. Donc il s’agissait de comprendre comment la modernité s’était tropicalisée.

Mais dès qu’on abordait la question du logement social, de l’habitat populaire, ça restait très figé sur des modèles européens. On gardait les mêmes principes qu’en Europe, qu’en France. On n’arrivait pas à comprendre pourquoi. Alors on s’est interrogés.

En travaillant, nous avons été amenés à rencontrer des représentants du monde de l’architecture, de l’urbanisme et des représentants populaires vénézuéliens.

On a établi des relations personnelles scientifiques tout à fait passionnantes. A un moment donné, des responsables politiques nationaux nous ont dit que ce que nous faisions les intéressait d’un point de vue opérationnel. Ils avaient réussi à produire sept à huit cent mille logements, dans le cadre de la grande Mission Vivienda, dont l’objectif est de 3 millions de logements. Mais selon eux, ils n’avaient pas répondu à la dette qu’ils avaient vis-à-vis du pays, c’est-à-dire de faire que les gens vivent dans des conditions décentes, où qu’ils soient sur le territoire national. Ils affirmaient que la grande mission Vivienda arrivait à un tournant nécessitant de travailler l’appareil critique de leurs propres productions.

Nous, on était sur le cul quand ils ont dit ça. On s’est dit que ce n’était pas possible que ces gens, impliqués dans un tel processus et compte tenu de l’agression extérieure, puissent se dire : on se met sur la table, à poil, et on réfléchit à cet appareil critique.

Nous leur avons dit très volontiers que nous étions prêts à participer dans la mesure de nos moyens, avec nos limites : nous sommes étrangers, nous ne maîtrisons pas bien la situation politique, sociale, ni les éléments techniques.

Et c’est là qu’on a rencontré Francisco Garcés qui était président du SENEVI, un organisme de certification pour tout ce qui concerne les questions de logement, d’habitat, de construction et de normes administratives.

Il nous a dit : je veux la transformation de Los Teques. Et sachant que Los Teques était aussi la capitale de l’Etat de Miranda, c’était symboliquement extrêmement important, car à l’époque le gouverneur était Henrique Capriles, un homme de droite, opposé à la Révolution Bolivarienne. Il y avait donc un enjeu politique fort.

Nous avons signé une convention avec eux dans le cadre du projet de la grande Mission Vivienda, donc avec le gouvernement national, pour mettre en place cette stratégie de travail.

Nous avons formé une équipe franco-vénézuélienne tout à fait exceptionnelle, c’était plus qu’une équipe franco-vénézuélienne, c’était une équipe de gens qui avaient vraiment envie de travailler.

HCO : Qu’est-ce que les vénézuéliens attendaient des français ?

Nous nous sommes inscrits dans la stratégie de développement de la ville de Los Teques. Le maire nous a dit : « Je veux que vous réfléchissiez, que vous travailliez à partir des axes politiques. Quels sont de votre point de vue les axes urbains et architecturaux à développer ? » Il ne nous a pas donné de contraintes de lieux, ni de quartiers à transformer. On a eu toute liberté, parce que ce qui l’intéressait c’était d’avoir un regard extérieur sur sa ville à partir de son projet politique.

HCO : Quel était son projet politique  ?

Redonner vie à Los Teques, une ville de la banlieue de Caracas avec une population pendulaire, c’est-à-dire, qui part en métro bosser le matin à Caracas et qui revient le soir. C’était devenu une ville dortoir, alors que c’était le lieu où l’on produisait la nourriture pour l’ensemble de la ville de Caracas, un territoire gigantesque.

C’est tout le phénomène d’urbanisation mondialisée qui s’applique là. Et le maire disait qu’il fallait réfléchir à une chose fondamentale : éviter ce phénomène pendulaire d’abord, même s’il ne se règle pas en 3 ans. Et réfléchir à redévelopper l’économie locale pour permettre un développement de la ville en l’intégrant d’une autre manière dans celui de Caracas. Pas le grand Caracas, parce qu‘ils ne sont pas sur cette notion de grand Paris, de grand machin, comme on a chez nous. Ça aussi c’est un modèle idéologiquement fort  : on impose une forme d’urbanisation qui est le modèle néolibéral.

Un des points qui me paraissait très important, était la question du travail, c’est-à-dire le rapport des gens à leur travail. Comment faire pour qu’en produisant de la ville, on change y compris le rapport à la nature du travail. On n’améliore pas que les conditions de travail, mais on change la manière dont on pense le travail.

C’était extrêmement passionnant, car il y avait plein de zones urbaines industrialisées en déshérence.

Un deuxième point important était l’implication populaire dans la conception de la transformation de la ville.

Nous avons travaillé dans un premier temps avec la représentation populaire, c’est-à-dire qu’on a discuté avec les conseils communaux et le maire. C’est à ce moment que le maire a défini un lieu important, un quartier en mutation, structuré politiquement sur le plan des conseils communaux.

Il y a eu 3 étapes successives pour en arriver là où on en est aujourd’hui, c’est-à-dire prêts à construire. On va démarrer la construction maintenant.

HCO : Avec quels moyens ? Comment se porte le secteur du bâtiment au Venezuela  ?

Cette question est extrêmement importante dans le processus de la grande Mission Vivienda. Comme le Venezuela est un pays pétrolier, pendant toute une période l’appareil de production industrielle a été mis de côté, parce qu’on n’en avait pas besoin. Tout était importé, et en particulier dans le bâtiment. Il y a toujours des constructions dans le secteur privé, mais qui ne répondent pas aux besoins de la population.

L’outil de production du bâtiment a été réduit à une industrie de médiocre ou de faible qualité qui n’est pas capable de répondre aux besoins des objectifs de la grande Mission Vivienda, c’est-à-dire de produire massivement 300 000 logements par an. La France arrive à peine à 100 000.

Il faut un puissant appareil industriel pour cela. D’où l’importance, à la fois politique et industrielle, de la présence de la population dans le processus de production de la ville.

HCO : Comment cela se met-il en place concrètement ?

C’est justement l’un des objectifs : impliquer la population dans la construction de logements, pour qu’ils deviennent des ouvriers permettant de développer des chaînes de production, des lignes de production préfabriquées aussi, et qu’ils participent à la construction, mais pas comme ils ont fait au départ en achetant clés en mains des logements aux chinois, aux biélorusses, etc.

En engageant ce processus, en même temps que tu produis du logement, tu construis un appareil de production populaire puisque ce sont les populations qui, au travers de leur conseil communal, permettent d’avoir de petites industries répondant aux demandes, qui ne sont pas les mêmes que celles de la construction de tours de 25 étages.

En ce qui concerne l’implication des citoyens, c’est un processus en plein développement, et c’est ça qui est très intéressant. Au départ, dans les statistiques, les vénézuéliens devaient représenter 30 % de la production du logement de la grande Mission Vivienda, maintenant ils atteignent 65 % voire 70 %.

On produit non seulement du logement, mais aussi de la richesse car c’est une source de travail. On dit que l’économie va mal, mais on voit bien qu’en ce moment les vénézuéliens sont en train de générer une nouvelle économie au travers de ces grands axes politiques.

HCO : Comment le gouvernement français considère-t-il ce projet ?

L’administration française dit que ce n’est pas facile, que c’est dangereux. C’est donc difficile d’organiser les choses dès qu’on les officialise, du côté français. Cela n’est pas une critique de l’administration française, c’est un constat.

D’abord, officiellement, la France n’a pas de très bonnes relations diplomatiques avec le Venezuela. En 2013, l’ambassadeur de l’époque avait une ambition, parce qu’on n’était pas encore dans la situation économique et politique actuelle, Chavez était encore là. Avec le pétrole à 100 dollars le baril, l’économie vénézuélienne n’était pas la même qu’aujourd’hui. Il y avait une volonté de coopérer, des champs d’investigation qui faisaient qu’on avançait dans plein de domaines.

Avec Hollande, quand tout s’est arrêté, nous avons été marginalisés de fait, puisque plus rien ne se passait.

Nous nous sommes rendu compte à un moment donné que si l’on s’appuyait sur la structure de coopération officielle, on n’avançait pas. On ne peut pas dire qu’ils nous empêchaient d’avancer, mais c’était très difficile. Alors, on s’est libérés de tout ça et on a avancé.

Avec Macron, des positions politiques officielles ont été prises, qui font que c’est très difficile d’aller au Venezuela en disant qu’on représente la France. Mais on ne la représente pas, on représente un idéal de travail et de coopération.

Il y a un nouvel ambassadeur qui essaie de faire des choses un peu plus dynamiques, donc on verra bien. Mais on n’est pas dans une situation où l’on peut attendre de la France quoi que ce soit. Ce n’est pas possible.

HCO : Comment pouvez-vous progresser alors que le gouvernement français a décrété que le Venezuela était une dictature  ?

Cela nous freine par moments. Mais comme nous avons atteint la phase opérationnelle, que nous ne sommes plus des chercheurs travaillant sur une dimension théorique, c’est le gouvernement vénézuélien qui nous dit  : Allez les mecs, on construit. Opérationnaliser, c’est ce qui nous intéresse, d’autant plus que les vénézuéliens sont très clairs là-dessus, ils nous disent que nous avons une histoire très particulière, celle du logement social, de la location des logements. Le logement social en France est un outil de démocratisation, un outil de transformation de la ville, qui commence à se perdre.

HCO : Avez-vous obtenu le soutien d’entreprises françaises ?

Oui, on a fait une réunion à l’ambassade du Venezuela à Paris en mars 2017. Les géants du BTP étaient là. Les entreprises publiques françaises étaient intéressées. On leur a dit  : venez, on monte une délégation et on rencontre les autorités vénézuéliennes et à travers ce projet-là, on aborde les questions de gestion de l’eau, des déchets, de la construction, de la relation politique. C’est-à-dire, comment articuler la politique, le pouvoir politique et la représentation populaire, le pouvoir municipal, etc.

C’est là qu’est l’os avec l’administration française, puisque les relations franco-vénézuéliennes sont difficiles en ce moment sur le plan politique. Donc les entreprises qui avaient envie de venir avaient une certaine réticence. Ils nous ont dit, on reporte un peu.

Les vénézuéliens font appel à des partenaires, pas seulement économiques, mais des partenaires qui comprennent leur logique. Il faut voir aussi que ce qui se produit actuellement au Venezuela est observé par beaucoup de pays en voie de développement ou de pays frères.

J’ai dit aux autorités françaises de bien prendre la mesure de ce qui est en train de se passer. Bien sûr, les relations politiques peuvent être conflictuelles, mais en ce moment en Amérique latine la ville est en train de changer. Et si nous ne mesurons pas cela, ne nous faisons pas d’illusions, d’autres sauront le faire. Nous voulons participer au développement économique d’un continent puissant extrêmement riche, mais d’une manière que nous appelons la coopération renouvelée, car engagée. Nous considérons que nous pouvons avoir aussi un engagement, pas pour faire du fric, ce n’est pas possible. C’est fini de venir au Venezuela pour faire du fric. Il faut donc voir ou revoir des positions qui s’affranchissent de cet eurocentrisme. C’est ça qu’on est en train d’essayer de mettre en place, mais ce n’est pas facile à cause des autorités françaises. Quand tu vas au ministère des affaires étrangères, les mecs que tu côtoies sortent tous de Sciences po, ils ne comprennent rien. Ils ont une forme de pensée que je trouve abstraite, éloignée de tout.

HCO  : Avez-vous été touchés par les problèmes des « guarimbas »  (violences de l’extrême droite) ?

Ils nous ont affectés de 2 manières, mais assez secondaires.

Premièrement du côté français. On nous disait que nous ne pouvions pas aller au Venezuela, car c’était la guerre là-bas. Et nous leur disions que nous y allions déjà, et que nous n’avions pas vu de guerre. Cela a créé une certaine tension avec nos partenaires, car ils n’avaient que l’information bête que tout le monde avait en France.

Deuxièmement, ici au Venezuela nous avons été touchés cette année en particulier, parce que l’organisation du pays a été bloquée et que nous avons eu des difficultés pour travailler. Je suis allé plusieurs fois au ministère du logement, et l’année dernière, le rez-de-chaussée avait été complètement détruit et brûlé par la guarimba.

On a aussi ressenti un peu de tension, quand on allait dans les beaux quartiers où se trouve le Ministère du logement entre autres. Des gens nous avaient repérés comme étrangers, parce qu’il n’y en a pas tant que ça, et nous ont dit  : vous, vous êtes des traîtres. Il fallait qu’on fasse un peu attention à ça parce qu’on travaille avec le gouvernement. Ils voyaient bien qu’on n’était pas ici pour passer des vacances, mais parce qu’on avait une activité scientifique, intellectuelle, culturelle, économique avec le pays et qu’on n’était pas en train de pleurer. Nous étions en train de travailler, non pas avec le sourire, mais avec la satisfaction du travail.

Mais c’est plus à l’étranger, en France, que ça nous a affectés parce que nos amis disaient que nous étions « des ambassadeurs du gouvernement vénézuélien », et donc « vous n’êtes plus du tout objectifs ».

Alors moi je réponds, et le Labo répond régulièrement : Non, nous ne sommes pas objectifs, nous sommes engagés. Nous avons fait des choix. Et nous sommes prêts à en débattre, y compris sur le plan de la forme architecturale des projets. C’est-à-dire que vous pouvez émettre une critique sur nos productions architecturales. C’est pour ça qu’on les publie, qu’on les présente en différents endroits, parce qu’on attend la critique, on n’a aucune raison de ne pas l’accepter. C’est la démonstration d’un engagement.

Nos idées se traduisent dans cet engagement, un processus de transformation radicale de la société, et elles génèrent des formes particulières, un espace particulier. C’est pour cela que nous travaillons au Venezuela.

Jean-François PARENT avec Hernando CALVO OSPINA

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Erika Farías, nouvelle mairesse de Caracas: « pour faire la ville que nous voulons, la clef est de rendre le pouvoir au peuple »

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En 450 ans de l’histoire de Caracas, c’est la première femme à la tête du gouvernement municipal, et elle assure qu’en tant que caribéenne elle ne reste pas un instant sans inventer quelque chose. Comme toute femme elle est passionnée, volontariste, comme disait le commandant Chávez lorsqu’il parlait de cette audace des femmes, aussi nourrit-elle beaucoup de projets et de rêves pour notre ville. Voilà pourquoi l’organisation populaire sera pour elle une priorité dans sa tâche à la tête de la Mairie de Caracas.

« Sa première obligation en tant que mairesse ? » : s’attaquer aux problèmes que les gens souhaitent voir affrontés par n’importe quel maire : les ordures, l’eau, la circulation et les services. Sa principale préoccupation ce sont les jeunes, cible de l’hyper-consumérisme de la culture capitaliste – elle voit son propre reflet dans leur révolte. Elle dit qu’elle a été et qu’elle reste une rebelle. Elle mise sur la sauvegarde de la Caracas solidaire, pleine d’espoir. La Caracas où les histoires se transmettent par les contes des aïeux, où d’un rien naît une rumba, une fête sans fin, une blague impertinente, la conversation sans fin, pour le plaisir, où prévaudra la culture de paix, propre à un révolutionnaire.

Erika est une femme directe, sans détours, qui va droit au but. Elle aime la vérité, le travail quand il a du sens. Elle aime s’impliquer dans des causes et convaincre les autres. Elle fait confiance au peuple, voilà pourquoi elle s’est fixé le tâche de lui restituer son pouvoir originaire, constituant. Avec ses 24 scrutins en 18 ans de révolution, le Venezuela est sans doute une des démocraties représentatives les plus vivantes au monde, mais elle est plus que cela : une volonté et un besoin de développer la démocratie participative. Ce samedi 6 janvier, des citoyens ont entamé dans tout le pays la discussion pour apporter des idées en fonction du programme de gouvernement 2019-2015 et fortifier une révolution féministe, écosocialiste et communale.

— De votre point de vue féministe, que pensez-vous apporter à Caracas ?

— Sans doute y a-t-il des choses très concrètes auxquelles la population aspire et qu’elle attend d’un maire. On peut philosopher, être créatif, innover, il n’y a pas de limites, mais, au départ, les ordures doivent être ramassées, les trous rebouchés, les rues éclairées. Tout passe par la nécessité de résoudre le principal problème qu’a Caracas : le manque de coordination entre nous qui y vivons et nous qui y gouvernons, qu’il s’agisse de la mairie, du pouvoir populaire ou du ministère. Nous n’avons pas atteint un degré de coordination qui permette de faire de Caracas le lieu auquel aspire le président Maduro ou le peuple. C’est en ce sens que nous les femmes avons une forte potentialité, car de tous temps, en raison des responsabilités qui nous ont été attribuées, nous avons eu la mission de mettre de l’ordre, plus que les hommes ne le font. Et cela a à voir avec les pratiques historiquement assumées : l’agriculture, la répartition des choses dans les lieux que nous habitons, la famille. Tout cela te donne de l’expérience. Quand la coordination manque, on perd beaucoup de temps et d’effort. Par ailleurs, les femmes, nous sommes très dynamiques, inventives. Voilà pourquoi Chávez nous disait «hyper-engagées». Moi je suis ainsi. Dans le monde des hommes on ne discute pas beaucoup, on impose beaucoup, tandis que dans le monde des femmes, le dialogue est toujours présent. Le débat, la discussion, la réflexion sont toujours présents, cela nous plaît et c’est une valeur qu’il faut sauver. Nous, les femmes en général, nous ne restons pas immobiles, nous sommes toujours en train d’inventer une nouveauté et comment ne pas inventer à Caracas, une ville jeune, diverse, qui bouge, un peu chaotique, hystérique, bipolaire. Comment ne pas inventer dans une Caracas pareille ! dans une ville marquée par le passage quotidien de plus d’un million de personnes qui viennent pour la visiter ou parce qu’ils y travaillent ou qu’ils y étudient ou simplement qui passent par plaisir. Alors, en plus de nous qui vivons ici, et nous sommes près de 4 millions, tout cela fait que Caracas a besoin de beaucoup d’inventivité, de créativité, de flexibilité et de beaucoup de force. Et autre chose encore : nous les femmes sommes têtues. Ce que nous disons, nous le faisons, avec de la formation, avec de l’organisation et avec de la planification.

— Quelles sont les tâches prioritaires à prendre en compte et comment aborder ces problèmes stratégiques de la ville ?

— En premier lieu, il y a la question économique, en insistant sur l’approvisionnement, non seulement des aliments, mais c’est le principal. En deuxième lieu, les services publics (ordures, transport, circulation, eau potable) et en troisième, l’organisation communale. Ce sont les trois grandes priorités parmi les six défis que nous nous sommes lancés sur le plan du gouvernement.

Le mode d’organisation va nous permettre de rendre au peuple son pouvoir d’origine. Il n’y a pas un seul problème qui puisse se résoudre sans la participation populaire. Par exemple le ramassage des ordures. On pourra avoir les meilleures équipes et la meilleure technologie, mais si l’on ne parvient pas à faire comprendre que c’est une question de culture, il y aura toujours des ordures. La solution se joue à moyen terme avec la participation principale de la population. Pour les denrées alimentaires, c’est la même chose. Le CLAP (comité local d’approvisionnement et de production) est une mesure de guerre qui nous a permis, à Caracas, de secourir près de 805000 familles. L’appareil économique qui est au service de la bourgeoisie, de l’empire, a miné tout le système d’investissement et le processus de production, distribution et commercialisation, mais également le modèle de consommation. Les gens font la queue pour acheter des choses qui peuvent être remplacées dans le régime alimentaire de base. En situation de guerre il nous faut nous tourner vers d’autres choses, sinon, le degré de dépendance augmente dans le désir angoissé d’obtenir ce qu’on ne peut avoir. Malheureusement la culture de la consommation s’est imposée et c’est pour cela que la bataille doit être menée dans le domaine économique avec tous les secteurs de la population, afin de changer de modèle de consommation. On ne peut voir triompher un processus révolutionnaire sans un peuple organisé, sans un sujet historique conscient, mobilisé, organisé. Voilà pourquoi je crois fermement que seul le peuple sauve le peuple. Toutes les secondes de ma vie que je passerai à la tête de cette institution, je les mettrai au service de l’organisation populaire. C’est pour moi une priorité.

— Comment rendre son pouvoir au peuple ?

— Rendre son pouvoir au peuple signifie lui faire comprendre qu’il fait partie du problème car il est le demandeur. Il ne peut demander et attendre que la solution vienne. Il doit faire partie du processus de la solution. Il doit réclamer, car ce sont ses droits : l’eau, l’alimentation, la culture, le loisir, et cela grâce à la Révolution. Les droits, il nous faut les protéger et les construire.

Si en plus, on fait entrer ce peuple dans ce processus de planification et de réalisation des solutions, alors il fait preuve de ses capacités. Cet instant-là devra marquer la fin des vieilles institutions car le peuple exercera pleinement son pouvoir et il y aura des institutions qui n’auront plus de raison d’être – elle dit cela avec un sourire convaincu. Mais cela est un processus, il ne faut pas l’imposer à coup de matraque. D’où la nécessité du débat, de l’organisation, de la réflexion, parce que le pays est un, le projet aussi. Au milieu de tout ceci il faut protéger la Patrie comme une force unique ainsi que notre projet révolutionnaire, car c’est lui qui nous permet de faire ceci, c’est pourquoi une extrême responsabilité s’impose. L’un des grands défis que doit relever notre révolution est donc d’obtenir que le peuple soit l’acteur principal. Si le peuple se sent habilité, s’il est conscient que c’est son heure, qu’il a un rôle historique, personne ne peut l’abattre. Lorsque nous parlons d’une Caracas Communale c’est le peuple qui en est le sujet central, qui reconnaît son moment historique, qui reconnaît sa diversité, ses luttes et son identité ; dans cette conscience, en opposition au système hégémonique, il doit nécessairement, non seulement créer les bases d’un nouveau modèle mais aussi développer toute sa potentialité dans cette entreprise.

— Comment faire un gouvernement communal ?

— Notre Révolution a créé de nombreux mécanismes aptes à rendre le pouvoir au peuple, comme par exemple la Municipalité, le Conseil Fédéral de gouvernement, le Conseil des ministres, et le Président lui-même, lequel a la faculté de valider des ressources extraordinaires pour des projets en particulier. Mais il y a aussi l’autogestion. Nous ne devons pas laisser perdre les efforts fournis. Notre peuple a garanti un ensemble de conditions qui lui permettent d’être partie prenante de la solution de certains problèmes autrefois inexistants. Écoute, ma mère a passé toute sa vie à construire une maison, pour nous, pour ses enfants. Quand enfin elle a fini, nous étions déjà partis. Quand je passe par le tunnel de La Planicie je vois toujours la maison, mais nous n’y sommes plus. Mais maintenant il en est autrement, une famille a la possibilité de bâtir sa maison, parce qu’il y a un gouvernement qui garantit cela, elle a un emploi, il y a un système de missions et chacun peut prendre part à la solution de son problème. Voilà les concepts qu’il faut se réapproprier : l’autogestion, la coresponsabilité, les devoirs partagés. L’Etat a des devoirs, mais la communauté aussi. C’est l’un des débats que nous allons avoir en leur temps et à leur rythme, mais je suis sûre que nous allons avancer suffisamment, car c’est un travail à moyen et long terme. Il ne faut pas désespérer sur ce point, zéro angoisse. Nous les révolutionnaires nous savons quoi faire et ce qu’il faut faire, c’est s’occuper, sans angoisser. Les choses ne vont pas se résoudre du jour au lendemain, ou par magie, -souligne-t-elle simplement, insufflant ce calme nécessaire auquel elle fait référence.

— Quelle est votre stratégie pour le thème de la sécurité en ville ?

—La sécurité se ressent quand un ensemble de thèmes est résolu. La Municipalité a une police administrative, cependant nous avons notre responsabilité sur l’insécurité, qui est résultat et non cause. Nous avons la responsabilité de l’existence d’un bon aménagement, des normes de vie en commun, du loisir, de la culture et du sport pour éviter l’insécurité. Lorsqu’il y a des cas d’insécurité, il y a des mécanismes que l’Etat utilise, et en ce sens notre Révolution a une stratégie que sont les « secteurs de paix» où sont intégrées à l’organisation populaire des activités récréatives, sportives et culturelles pour le contrôle de la criminalité. Il faut souligner qu’ont été importées à Caracas des pratiques criminelles étrangères à notre culture et qui portent atteinte à la normalité de quelques communautés. Je m’engagerai dans ces équipes pour continuer à garantir l’éradication de cette conduite criminelle introduite par des groupes étrangers à notre culture et totalement démobilisés. Il y a à Caracas 11 « secteurs de paix » et nous allons les soutenir aux côtés de la Police Nationale Bolivarienne et des corps d’intelligence, de police de proximité pour continuer la bataille contre le crime.

— Comment la Mairie stimulera-t-elle l’Economie Productive ?

— Il y a une grande expectative avec le Conseil Economique de Caracas. Nous avons une forte potentialité dans le secteur du textile, des services, de la chaussure et dans l’alimentaire, non seulement en agriculture urbaine mais aussi sur la conservation et la transformation des aliments, tout comme dans le Tourisme. En ce sens nous pensons travailler conjointement avec l’état de Vargas, avec lequel nous partageons le parc naturel Waraira Repano et le bord de mer. Caracas a de magnifiques sites pour connaître l’histoire, toutes ces activités bien faites et planifiées peuvent s’avérer une source significative de revenus pour la ville. De plus –ajoute-t-elle- le vénézuélien est plus productif qu’hier, nous ne sommes pas un peuple de mous, d’ignorants, de paresseux. Si tel était le cas, aucune des luttes qui au long de plus de 500 ans ont été conduites pour conquérir la liberté et pour libérer cinq nations sud-américaines et davantage, n’aurait été menée ; c’est là l’œuvre d’un peuple vaillant, travailleur, d’un peuple qui pense, cultivé et intelligent. Pour que le Venezuela soit une puissance économique, son territoire et son peuple doivent être forts. Caracas a ces possibilités, il y a une voie, un plan unifié.

— Quelle est selon vous la principale potentialité de Caracas ?

— Caracas a une grande potentialité du point de vue des structures organisationnelles que la Révolution a construites, qui sont nombreuses et très diverses. Et grâce à elles nous créons des liens, nous intégrons quiconque aime Caracas et la Patrie. Nous allons y inviter toute personne qui voudra faire de Caracas un espace aimable où nous pourrons nous sentir chez nous, où nous pourrons développer nos propres capacités, afin de construire une Caracas sûre, productive, où la culture, les loisirs et le sport nous aideront à édifier cette culture nouvelle, ce sens commun qu’il nous faut bâtir dans le cadre du socialisme.

— Quels projets avez-vous pour poursuivre la récupération des espaces publics ?

—Jorge Rodríguez, le maire qui m’a précédée, a fait beaucoup pour notre ville et l’effort réalisé dans ce sens a été réellement extraordinaire. Cependant, le travail n’est pas encore terminé car cela requiert une programmation propre à chacun des espaces récupérés afin qu’ils soient en utilisation permanente. Un terrain de sport par exemple, peut avoir beaucoup d’usages, pour des aînés qui s’entraînent, pour des enfants qui s’initient à l’activité sportive, pour des évènements culturels, des réunions de la communauté, des débats… Ces espaces doivent être constamment utilisables, et, naturellement, il faut impliquer la communauté dans leur utilisation. Caracas est une ville universitaire, par exemple, et les jeunes gens de la Unearte pourraient exprimer leurs talents, animer des ateliers, dans un partage avec la communauté. Telle est la vraie « Culture Au Cœur ». Mettre dans ces espaces toute cette potentialité qui existe dans nos universités et parmi nous. Est-ce que vous imaginez –dit-elle le visage souriant- dans l’un ou l’autre de ces espaces nos grands -pères et grand- mères en train de raconter notre histoire. Il faut retrouver la culture orale.

Elle marque une pause et décide de nous raconter une anecdote : « Ma grand-mère Luisa était une indienne Karina, extraordinaire, forte et elle me racontait toujours ses histoires sous le manguier, et je ne vous dis pas tout ce qu’elle me racontait » -ajoute-t-elle tout en lançant un grand éclat de rire complice. – Les vénézuéliens nous sommes des conteurs, nous aimons raconter nos histoires. Ces choses se sont perdues, dans la précipitation de la ville capitaliste, de l’hyperconsommation, de ce machin – elle prend le téléphone portable et plonge les yeux sur l’écran, comme pour envoyer un message- nous avons perdu la véritable Caracas.

— Et quelle est la véritable Caracas à laquelle vous faites référence ?

—Cette Caracas qui, quand elle se lève, a le souci de l’autre, la Caracas solidaire. Cette Caracas elle est là, en attente. Elle n’est pas morte. L’hyperconsommation, la culture capitaliste de l’individualisme nous a fabriqué une société qui nous fait courir tout le temps comme hébétés et il faut combattre cela, car parfois c’est par plaisir, or personne ne peut vivre ainsi pressé en permanence, à ces niveaux d’angoisse qui font que les gens tombent malades et qu’ils veuillent même se battre avec tout le monde. Cela ne permet pas de voir la véritable Caracas, celle qui se retrouve un dimanche et fait une soupe collective. Cette Caracas où d’un rien naît une rumba, une fête, un mauvais tour, un joli boniment. Il faut retrouver cela, voilà la culture de la Paix.

— Quelle est votre plus grande préoccupation?

— La jeunesse. Une des choses qui me préoccupent beaucoup c’est cette tendance destructrice que l’empire nord-américain et la bourgeoisie veulent inoculer chez nos jeunes, avec comme devise « consomme à en mourir ». La jeunesse est une saine préoccupation, non pour les juger mais pour les accompagner car j’ai été jeune moi aussi et j’ai été très révoltée, je suis très reconnaissante à ma famille de ne pas m’avoir laissée seule dans ma période de plus grande révolte. Et avec le reguetón, tous ces hits commerciaux érotiques, et la petite fille qui tombe enceinte, surgit le thème de la sexualité, propre aux jeunes, car aujourd’hui ils sont initiés de plus en plus tôt. Il y a des gens qui ont peur de ce sujet, mais moi, non, rien n’est plus naturel, sans elle l’humanité n’existerait pas. Mais si l’on écoute les chansons c’est presque un retour à l’animalité … qu’est-ce que cela ?… où est passé l’amour, le fait de tomber amoureux ? – demande-t-elle, se plaignant des paroles des chansons de reguetón.- Nous cessons d’être des animaux et redevenons des êtres humains lorsque nous commençons à apprécier chez l’autre la beauté, la capacité à développer le meilleur de moi-même en l’autre, mais il convient au capitalisme que cela se perde. Nous devons dire comme le poète : Il faut lutter pour la joie, pour la beauté, pour l’amour, nous ne pouvons déboucher sur une société de barbares. Nous ne pouvons pas accuser les jeunes, il ne faut pas les laisser seuls – insiste-t-elle, sinon la culture antagonique les avale. C’est pour moi une grande préoccupation car notre pays est jeune. Et cette jeunesse est le futur. Chez nos ancêtres s’occuper des enfants est une affaire collective, cela ne concerne pas que papa et maman, la communauté doit les soutenir et les accompagner et moi, c’est en cela que je crois. Voilà pourquoi c’est mon souci et pour cela on me verra parmi les jeunes.

— Quel est le défi spécifique?

— Nous devons valoriser notre idéologie, nos contenus, notre identité, parce que, parfois, nous ne faisons que reproduire ce qui est étranger, qui nous asservit. Nous devons retrouver et reconstruire notre esthétique … Notre commandant disait que l’homme de la révolution doit être beau, cultivé, soigné, personne de référence, exemplaire. La Révolution est la plus belle chose du monde. Nous devons continuer à fouiller pour retrouver cette Caracas profonde, ce Venezuela profond, qui est capable de faire ce qu’il a fait le dimanche des élections. Au milieu d’une guerre comme celle que nous connaissons, où l’on croirait qu’il n’y a aucun motif pour nous faire bouger, qu’il n’y a rien ni personne à soutenir car nous sommes dans un conflit permanent, la saleté, le ticket de bus, la monnaie … tout un problème et la file en prime, pour s’approvisionner… au milieu d’un machin chaotique … et malgré tout cela le peuple a dit oui, mais c’est la Révolution et non le capitalisme qui va résoudre cela … peut-être n’a-t-elle pas tous les arguments, mais notre peuple sait qu’ils sont en train d’attaquer tout ce que Chavez a fait, afin d’enfoncer Nicolás Maduro… Ce qu’eux ne savent pas c’est que, nous les chavistes, nous sommes têtus et avons de la mémoire. Je suis militante, missionnaire de cette unité extraordinaire qu’il faut nouer sans cesse entre notre direction et notre peuple indissociable, pour l’unité, pour la détermination, pour l’adéquation, pour les enjeux, pour les défis. Nicolás est présent, un homme du peuple, courageux. C’est la plus belle qualité qu’a notre peuple, ils n’ont pas pu nous abattre et ne le pourront pas, ils ne vont pas pouvoir. Je le dis avec ma conviction de femme révolutionnaire, ici il n’y a pas de lâches et personne ne va se rendre.

Dans mon vieux San Juan

Erika est née dans le quartier Los Eucaliptos et jusqu’à quelque temps de là, elle vivait à Capuchinos, deux endroits de la paroisse San Juan. Pour elle, parcourir les rues de Caracas est un plaisir auquel, actuellement, elle s’adonne peu en raison de ses responsabilités politiques. « Je m’en allais de San Juan jusqu’à la Place des Musées, aller et retour à pied. A n’importe quelle heure, et j’étais la personne la plus heureuse du monde. Et cela me manque beaucoup». Le parc naturel Waraira Repano est l’un de ses lieux préférés, non seulement parce qu’il enserre Caracas, mais aussi parce qu’elle le connaît en long et en large car elle y monte depuis l’âge de trois ans quand, avec sa mère, elle allait voir son oncle qui était garde forestier. “Des 5 frères et sœurs, l’aînée et moi- même, gardons ce lien avec Waraira. Je connais presque toutes ses montées et j’y suis restée souvent, en différents moments : joyeux, tristes, méditatifs. Je choisis toujours la montagne. »

Sa façon de se distraire est de voir des films, des séries ainsi que la lecture. Elle dit qu’elle adore les enquêtes policières. Sur la musique, elle nous a dit que ses goûts sont variés, mais lorsque nous lui avons demandé si elle incluait les jukebox elle a éclaté de rire et nous raconta cette anecdote : « J’étais alors ministre des Communes, il était tard, j’étais fatiguée, mais avant d’arriver chez moi, à Capuchinos, je voulais me vider un peu la tête et je suis entrée dans un troquet immonde, tout près. J’hésitai à entrer, mais je me persuadai qu’à cette heure-là personne ne me verrait, alors je suis entrée et j’ai vu qu’il y avait un jukebox, je me suis installée, car il n’y avait presque personne, pour écouter Toña La Negra, la Lupe, Felipe Pirela, Javier Solís… à partir de ce jour, chaque fois que je le pouvais, j’allais faire le vide un petit moment pour « déconnecter un brin ». Sur un ton mélancolique elle se souvient du café Rajatabla. «  Il n’y a pas à Caracas un endroit comme celui-là, il faudrait qu’on rouvre ce bar ! ».

Biographie

La nouvelle mairesse de la Municipalité Libertador de Caracas a été élue le 30 juillet comme députée à l’assemblée constituante pour le District-Capitale. Le 22 septembre le chef de l’Etat l’a désignée comme ministre du Pouvoir Populaire auprès du Bureau de la Présidence de la République. Elle a aussi occupé les portefeuilles ministériels de l’Agriculture Urbaine, celui des Communes et Mouvements Sociaux et a été élue gouverneure de l’état de Cojedes, un mandat exercé de 2012 à 2016. La militante du PSUV (Parti Socialiste Uni du Venezuela) a fait des études de Philosophie à l’UCV et à l’Université Pédagogique Expérimentale Libertador. Elle a été la directrice nationale du Front Francisco de Miranda, organisation politique de la jeunesse vénézuélienne spécialisée dans le travail social. “J’ai commencé à travailler avec le commandant Chávez comme assistante civile. Dans cet espace intime on pouvait percevoir sa qualité humaine, sa capacité à comprendre les personnes et les choses. L’une de ses qualités qui m’a beaucoup marquée ce fut son authenticité, Chávez était ce qu’on voyait, il n’était pas autre chose, affectueux et très juste. Avec Chávez nous avons appris la nécessité de l’étude. « Un cadre révolutionnaire doit être constamment en train d’étudier, il ne peut être une personne superficielle, nous disait-il », se souvient-elle. Comme anecdote Erika nous a raconté qu’une fois quelqu’un l’a fustigée en tant que membre du gouvernement, à quoi, lui, le commandant, lui répondit : « rien de ceci n’est contre toi en tant que personne, c’est la vision révoltée d’un peuple qui un jour s’est dressé contre un gouvernement qui l’a toujours exclus, c’est pourquoi nous nous sommes engagés à écouter notre peuple et à changer la vision qu’il a du gouvernement. Voilà pourquoi nous devons être de plus en plus révolutionnaires. Ce peuple n’a jamais pu parler. Il faut toujours gagner son adhésion afin qu’il nous accompagne aussi fortement qu’il nous critique, car nous sommes convaincus que c’est le gouvernement révolutionnaire lui-même qui va établir les bases de la libération. »

Source : ODRY FARNETANO / CIUDAD CCS, http://ciudadccs.info/entrevista-erika-farias-restituir-poder-al-pueblo-la-caracas-queremos/

Traduction : Michele ELICHIRIGOITY

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Venezuela : pourquoi il est si important d’avoir reconquis électoralement l’état de Miranda

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« Guarimbas », violences organisées par les couches riches à partir des quartiers chics de Caracas. En invisibilisant la majorité populaire et en inversant le montage des news, les médias nous ont fait croire pendant des mois que cette minorité imprégnée de mépris racial et social était le « peuple du Venezuela » et que l’action défensive des forces de l’ordre était une « répression ».

par Ernesto Cazal

Miranda, un état stratégique détenu pendant très longtemps par l’opposition, vient d’élire comme gouverneur le jeune candidat chaviste Hector Rodriguez.

Son prédécesseur, Henrique Capriles Radonsky, dirigeant de Primero Justicia (PJ) et membre de l’oligarchie vénézuélienne, avait tenté pendant des années de s’imposer comme le leader principal d’une droite aujourd’hui en cours d’implosion. Il a été gouverneur de l’état de Miranda pendant deux périodes consécutives (2008-2012 et 2012-2017). Lors de sa défaite aux présidentielles de 2013, le milliardaire refusa le verdict des urnes et demanda à ses partisans de “décharger leur rage” dans la rue. Le soir-même commença une campagne “à la colombienne” : actes de vandalisme, tirs contre des centres de santé, des magasins publics d’alimentation, des médias associatifs, et meurtres de leaders sociaux, souvent motivés par le racisme social. Bilan : 13 morts et plus de 100 blessés. Une répétition à moindre échelle de l’insurrection armée de 2017 qui a fait, elle, près de 200 morts. On sait comment les médias internationaux ont fabriqué la plus grande fake news de l’histoire contemporaine en attribuant les victimes au gouvernement et en faisant croire que celui-ci était la source de la violence.

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L’ex-gouverneur de l’État de Miranda, Henrique Capriles Radonski (à gauche), ici réuni avec l’ex-secrétaire de gouvernement de Pinochet Jovino Novoa à Santiago en 2013. Radonski est impliqué dans le coup d’État meurtrier contre le président Chavez en avril 2002, dans les assassinats de militants bolivariens le 15 avril 2013 et dans l’insurrection armée de la droite en 2017.

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Capriles avec un des plus grands criminels contre l’humanité, l’ex-président colombien Alvaro Uribe dont le réseau paramilitaire profite des « accords de paix » pour réoccuper les espaces abandonnés par la guérilla et les « nettoyer » des militants sociaux et des défenseurs de droits humains, tout en prêtant main forte aux insurrections de ses alliés de droite au Vénézuéla.

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En avril 2013 déjà, Capriles Radonski appelait ses partisans à « décharger leur rage » dans la rue pour refuser le résultat des élections. Bilan : 13 morts et plus de 100 blessés.

En décernant un “prix Sakharov” à ce type d’opposants, la majorité de droite du Parlement Européen et ses alliés sociaux-démocrates se placent dans l’apologie de nombreuses violations des droits humains, du racisme, de la violence politique et du coup d’État (1). Bien que naturalisé par la concentration privée des médias et l’inféodation croissante aux États-Unis, ce pari persistant sur le « wrong horse » contraste avec la diplomatie équilibrée, prospective et informée de la communauté internationale (Mouvement des Non Alignés, UNASUR, CARICOM, Russie, Chine… jusqu’au Vatican et aux médiateurs officiels tels que l’ex-président espagnol Zapatero). Tous ont condamné les violences et recommandé le retour au dialogue et à la voie électorale. Le Venezuela continue à battre le record mondial en termes de quantité de scrutins puisqu’après l’élection de la Constituante de juillet 2017, et celle des gouverneurs le 15 octobre, viennent les municipales de décembre qui seront suivies en 2018, des présidentielles.

Cette alliance de la droite vénézuélienne avec une extrême droite sous influence du paramilitarisme colombien ne s’exprime pas que dans les violences des cycles insurrectionnels. Depuis des années l’État de Miranda a constitué leur base, avec cellules dormantes infiltrées depuis Bogota par les réseaux de l’ex-président Uribe et mises à couvert dans des grands domaines terriens.

Cet état représente en lui-même un état stratégique pour la stabilité générale de la région centre-nord du Venezuela, car c’est le point par lequel circulent quotidiennement les marchandises et les personnes qui vont de l’est à l’ouest et vice-versa. Des millions de personnes y vivent et y cohabitent et il représente un axe fondamental dans le domaine politique et juridique à cause de la proximité du district de la Capitale où sont réunis les sièges des pouvoirs publics vénézuéliens.

En termes de sécurité nationale, de stabilité économique et de rentabilité politique, la signification de la récupération de Miranda par le chavisme est extrêmement importante. Nous allons voir pourquoi.

La vie économique et la surface

Miranda est traditionnellement un pôle économique très important surtout dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme. Au nord, entre les montagnes (comme El Hatillo) et les côtes des Caraïbes comme celles de Barlovento, les visiteurs venus d’autres états et même de l’étranger affluent assez régulièrement. Là et vers l’ouest et le sud de l’état, les fermes, les grands potagers et les grands vergers fournissent les villes et les villages de l’état ainsi que Caracas et d’autres états voisins en cacao, fruits, fleurs, légumes divers et céréales par tonnes.

Les secteurs industriels de la manufacture sont concentrés dans les municipalités où la population est le plus pauvre ou appartient à la classe moyenne basse et qui possèdent, par conséquent, des quartiers populaires comme les « barrios » et des résidences qui n’ont rien d’opulent. Par exemple, les municipalités de Sucre (Petare), Plaza (Guarenas), Guaicaipuro (Los Teques), Cristóbal Rojas (Charallave), Lander (Ocumare del Tuy). C’est précisément dans cette partie de Miranda que le chavisme a augmenté son score et que la majorité a élu Rodriguez gouverneur le 15 octobre dernier.

Le dernier recensement (2011) de l’Institut National des Statistiques (INE) enregistre un nombre d’habitants de plus de 2.600.000 et on estime qu’il y en a 3 millions en 2017. Miranda est l’état le plus peuplé du Venezuela, après le Zulia.

Sur les 21 municipalités qui le composent, quatre appartiennent au District Métropolitain de Caracas: Baruta, Chacao, El Hatillo et Sucre. On appelle habituellement cet ensemble « l’Est de Caracas. » A Baruta, Chacao et El Hatillo résident les gens les plus riches non seulement de l’état mais aussi du pays et c’est ce bloc minoritaire de la population qui, traditionnellement, d’un point de vue de classe, affronte les chavistes, dont la majorité appartient aux secteurs populaires.

396 ans après sa fondation, le “barrio” de Petare est le plus important d’Amérique Latine en termes de population. Comme tout « cordon de misère, » – on appelait ainsi les “barrios” dans les années où les paysans se déplaçaient vers les grandes villes (1960-1970), Petare se dessine entre l’autoroute Francisco Fajardo, l’avenue Boyacá également appelée Côte Mille, des zones opulentes comme les Terrasses d’ Ávila, les centres résidentiels de Palo Verde et du fleuve Guaire, ce qui représente environ 70% du territoire de la municipalité de Sucre.

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Le « barrio » géant de Petare vu du satellite

Petare lui-même est composée de 50 secteurs avec de hauts indices de violence criminelle, de gros problèmes dans les services publics et une population qui, selon l’INE, frôle les 400.000 habitants, c’est à dire environ 46% de la population de la municipalité de Sucre. D’autres estimations non officielles donnent à Petare une population de plus de 500.000 habitants, parmi lesquels les gens non recensés – population étrangère, surtout des Colombiens, des Péruviens et des Chinois.

Beaucoup de reportages, émanant pour la plupart de médias d’opposition, ont montré Petare comme un endroit malsain, ultra-violent et en font retomber la responsabilité essentiellement sur le Gouvernement national. Cependant, lorsque Carlos Ocariz était maire de la municipalité de Sucre (2008-2017) et Henrique Capriles gouverneur de Miranda, tous 2 dirigeants du parti d’extrême droite Primero Justicia, les indices de délits ont grimpé fortement, une donnée que les médias anti-chavistes ne mentionnent pas.

L’importance de ce quartier populaire ne réside pas seulement dans le nombre de ses habitants ni dans la para-économie qui se développe en son sein, ni dans la violence criminelle ou dans les illégalités organisées, mais aussi dans sa domination stratégique territoriale.

Les relations de l’est et de l’ouest avec le nord du Venezuela

Alors que Petare constitue un lien direct vers l’est du pays et représente la principale issue vers Guarenas, Santa Lucía et l’est du pays, la capitale de l’état de Miranda (Los Teques) en constitue un vers l’ouest. Des milliers de personnes circulent tous les jours sur les couloirs centraux de la région, entre les montagnes, pour aller d’un côté à l’autre du Venezuela ou pour travailler dans les différents centres (commerciaux, industriels, agro-alimentaires, touristiques) qui constituent la vie économique de ce territoire.

Les voies de communication ont été pensées pour le transport des marchandises et des personnes des villes et des villages de l’état de Miranda vers le centre urbain de Caracas où travaillent et font du commerce la plupart des habitants de Miranda.

Ces routes servent aussi de communication directe et relativement rapide entre les états voisins de Miranda et de Caracas. Ce facteur est important pour comprendre le scénario des violences de bandes paramilitaires.

Les corridors paramilitaires et leurs relations avec des dirigeants de l’opposition à Miranda

La capture et le démantèlement de groupes, d’individus et de campements impliqués dans des activités criminelles par les corps de sécurité et du renseignement de l’État vénézuélien ont été la preuve la plus évidente.

Même si les groupes criminels ont commencé à agir dès 2002 dans l’état de Miranda, il leur a été facile de s’étendre à cause de la permissivité (et souvent de l’implication) de l’ex-gouverneur Radonsky et d’autres membres de la direction de l’opposition.

En 2015, lors du démantèlement de la bande criminelle paramilitaire « Gamma » qui opérait à Dolorita, municipalité de Sucre, Gustavo González López, alors Ministre de l’Intérieur, expliquait : « le para-militarisme est, à la base, une réponse, une structure de l’élite économique, de l’élite financière, de l’élite politique, qui cherche à reprendre le pouvoir par n’importe quel moyen ou de n’importe quelle façon. »

L’assassin de Liana Hergueta, José Pérez Venta, qui fut aussi un militant de Volonté Populaire (VP), a admis en août 2015 avoir reçu un entraînement paramilitaire à Cúcuta (Colombie) sur instructions d’Antonio Rivero. Henrique Capriles, alors gouverneur de Miranda, a été impliqué par ce même Pérez Venta dans des délits en territoire vénézuélien.

En octobre de cette année, González López a informé que 10 paramilitaires qui, d’après lui, faisaient partie d’une bande qui faisait le trafic de drogues de la Colombie vers les îles des Caraïbes et l’Afrique, avaient été capturés dans une grange à los Valles del Tuy : « Les liens sont confirmés par les trafiquants de drogues arrêtés. »

González López a informé sur son compte Twitter en avril 2016 que les corps de sécurité de l’Etat ont détecté et affronté des commandos installés dans des « campements de structure paramilitaire improvisés » dans les municipalités de Páez et d’Andrés Bello, à Barlovento.

En juillet 2016, González López a assuré que l’états-unien Joshua Holt et sa compagne vénézuélienne avaient transformé leur appartement en une véritable planque d’armes militaires à fins privées, et se trouvaient en relation avec des acteurs qui ont impliqué le gouverneur de Miranda. Nous écrivions alors: « (…) le rôle que joue l’opposition vénézuélienne dans cette infiltration d’agents des forces spéciales (comme Holt) a été révélé par le ministre González López suite à la perquisition des services de renseignement et des services de sécurité : « Selon les investigations, les 2 individus ont établi « une relation par internet au contenu  suspect. » Quelques mois plus tard, ils se sont rencontrés en personne en République Dominicaine et 5 jours après l’arrivée de l’états-unien au Venezuela, et sont mariés à la Mairie de la municipalité de Sucre de l’état de Miranda gouverné par Carlos Ocariz du parti Primero Justicia. (..)»

Dans une conférence de presse, à propos de l’affaire Holt, González López avait décrit le paramilitarisme au Venezuela de cette façon : « Cette façon d’agir correspond à des activités propres à des bandes criminelles de paramilitaires qui s’installeraient en territoire vénézuélien avec la protection de secteurs de l’opposition dont la stratégie est le rapprochement avec ces organisations criminelles pour exécuter des activités terroristes en utilisant diverses façades. »

Les informations obtenues montrent l’existence de corridors dans les environs de Petare (La Dolorita, municipalité de Sucre) qui débouchent sur Barlovento, c’est à dire, depuis l’est de Caracas pour arriver à l’est de l’état de Miranda et un autre qui avait comme point central los Valles del Tuy et débouchait au sud de Miranda. Tout cela entre les montagnes, les confluents fluviaux et les installations agricoles : ce qu’on appelle les « raccourcis clandestins», loin de la présence de l’Etat mais proches des yeux des policiers municipaux et des policiers du gouvernement de de l’opposition.

Il faut souligner aussi que le corridor qui part du nord, de la municipalité de Sucre vers los Valles del Tuy débouche au sud et au sud-ouest ainsi que d’autres corridors qui ont déjà été démantelés par l’Etat vénézuélien où opéraient les bandes « d’El Juvenal » et « d’El Picure », des clones de Pablo Escobar à Guárico et à Aragua.

« L’Est de Caracas » : capitale de la “révolution de couleur” au Venezuela

En termes d’anti-politique, les manifestations violentes de l’anti-chavisme entre avril et juillet de cette année ont été l’apogée « naturelle » des expressions de l’opposition dans les zones les plus riches de l’état de Miranda. Les municipalités de Chacao, Baruta et Sucre, en plus des Hauts de Miranda (là où sont concentrées les classes hautes et moyennes, minoritaires au Venezuela) ont été le théâtre des violences les plus importantes organisées par la table de l’Unité Démocratique (MUD), à l’exception des états frontaliers avec la Colombie.

Les marches, les protestations, les troubles, les attaques d’administrations de l’Etat, les sit-in, les barrages de rues, les sabotages de services publics, parmi les tactiques violentes utilisées par les révolutions de couleur destinées à conduire à une insurrection armée, ont été utilisées pendant les 3 mois de 2017 dans diverses municipalités de Miranda dont les habitants ont souvent été les otages.

Les classes les plus hautes de la société sont toujours les commanditaires les plus actives dans ce genre de manifestations, où que ce soit. Au Venezuela, ce sont les plus réactives aussi bien à ce que représente le chavisme en tant que culture radicale et politique qu’à ce que le gouvernement Bolivarien fait en dirigeant l’Etat.

L’ex-gouverneur de Miranda, Henrique Capriles incarne, par sa situation sociologique, cette haine et cette violence de classe. Avec la complicité des corps de police de ces municipalités et  la Police de Miranda (Polimiranda), l’opposition vénézuélienne a réussi des choses qui, s’il n’avait pas été gouverneur de l’état, auraient été un peu différentes. La même chose est arrivée en 2014, au moment de la mise en place du plan « La Sortie » de Leopoldo López et de María Corina Machado.

Auparavant, en mai 2016, la Police de Chacao (Polichacao) a dû être reprise en main par le Ministère de l’Intérieur, de la Justice et de la Paix à cause de la découverte d’un réseau interne de tueurs à gages impliquée dans divers délits déjà jugés, y compris l’assassinat politique du journaliste chaviste Ricardo Durán. En outre, des membres de la police ayant des liens avec l’opposition ont soutenu les actions de mercenaires et des manifestants violents.

En juin 2017, dans le cadre de cette révolution de couleur manquée qui a essayé d’organiser un coup d’Etat contre le Gouvernement du Président Nicolás Maduro et a même encouragé une intervention étrangère des Etats-Unis, le ministre Néstor Reverol a officialisé le contrôle de Polimiranda à cause de l’existence « d’éléments suffisamment convaincants qui impliquent la participation de fonctionnaires (de ce corps de police) à des violations des droits de l’homme et à des réseaux de délinquants. »

A son tour, la négligence du gouvernement de Miranda vis-à-vis de la stabilité et la sécurité des citoyens, s’est exprimée dans l’inéligibilité de Capriles à des charges publiques pendant 15 ans pour faits de corruption et autres irrégularités administratives.

Avec l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), la stabilité politique est revenue et a mis un terme à la stratégie de l’insurrection de l’anti-chavisme. Cela a ouvert la voie à l’organisation des élections régionales qui ont vu dans l’état de Miranda la défaite du candidat d’opposition Carlos Ocariz et la victoire du chaviste Héctor Rodríguez. Cette victoire permet de restaurer la paix et de reprendre la lutte contre la forte insécurité locale. Un territoire de moins pour le secteur putschiste de la droite.

Note : (1) Sur les violations des droits humains commises par cette opposition, on peut lire notamment « la rage raciste de l’extrême droite vénézuélienne »https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/05/24/la-rage-raciste-de-lextreme-droite-venezuelienne/ et « Venezuela: la presse française lâchée par sa source ? » : https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/08/04/venezuela-la-presse-francaise-lachee-par-sa-source/

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Le jeune candidat chaviste Hector Rodriguez, ici en campagne, a gagné son pari de vaincre l’oligarchie locale de Miranda dans les urnes. Ci-dessous, après la victoire – au festival de théâtre de Los Teques et à l’inauguration d’un point d’approvisionnement d’eau désalinisée.

Source: http://misionverdad.com/LA-GUERRA-EN-VENEZUELA/por-que-es-importante-que-el-chavismo-haya-recuperado-el-estado-miranda

Traduction: Françoise Lopez pour Bolivar Infos

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« Monsanto doit faire ses valises et quitter le Venezuela »

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Emma ORTEGA, agricultrice installée dans l’Etat d’Aragua, été élue le 30 juillet dernier comme députée pour le Secteur Paysans et Pêcheurs à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). La télévision alternative Alba TV a eu l’occasion de discuter avec elle à propos l’importance de la Loi sur les Semences conquise par la Révolution, du quotidien des femmes paysannes au Venezuela et des difficultés que rencontre le gouvernement bolivarien dans la mise en place des conditions devant mener à la souveraineté alimentaire selon le modèle communal.

Les semences et les transnationales

Pour Emma Ortega, la Loi sur les Semences qui interdit les OGM et défend les semences autochtones « est non négociable », il faut profiter de l’Assemblée Constituante pour lui donner pleinement un rang constitutionnel « en raison de l’autonomie que représente pour le pays le fait de disposer de ses propres semences ». Selon elle, après l’engagement dans une politique orientée vers la préservation de nos semences avec la création d’instances comme l’Institut National de Recherche Agricole ou l’Institut National de Santé Agricole Intégrale (INSAI), le moment est venu de lever le rideau sur le fait que nous restons dépendants de sociétés productrices de semences capitalistes : « les transnationales sont présentes dans nos structures gouvernementales, ce qu’il faut dénoncer, car leur intérêt est de soutenir le modèle capitaliste et agro-industriel dans nos campagnes ».

Si notre politique agricole est basée sur l’agriculture verte, « il est indubitable que Monsanto reste dans les coulisses pour influencer nos décisions et c’est ce qu’il faut dénoncer, Monsanto doit faire ses valises et quitter le Venezuela. On nous dira probablement que nous ne disposons pas de substituts, mais nous les avons, ils sont là, connus de la population et des techniciens qui ne sont pas rivés à une politique agricole dans laquelle le paysan ne fait que fournir la matière première à ceux qui la transforment ».

La politique agricole appliquée jusqu’à présent est fragmentée, nous devons systématiser une agriculture qui n’aurait pas seulement à voir avec des kilos et des quintaux mais aurait un rapport directe avec les acteurs (trices) sociaux(ales), le processus de production et ses implications « .

C’est pourquoi il faut valoriser la vie des paysans et des habitants des campagnes, garantir leur entière sécurité -pas seulement physique mais aussi sociale – en leur offrant une infrastructure de soutien à la production agricole , »depuis des routes jusqu’à l’électricité, des centres de collecte, de transport, tout cela faisant partie des investissements devant être faits dans l’agriculture paysanne pour consolider les espaces qu’occupe la paysannerie ».

Malgré ces contradictions, Ortega fait remarquer que les étalages des rues des villes sont remplis d’auyamas (potirons), piments doux, de tubercules comme l’ocumo, la yucca, de poivrons et de tomates. « Une production existe dans le pays, la paysannerie est présente, ce sont les aliments liés à l’agro-industrie qui nous posent problème ».

Elle s’interroge sur le fait qu’au cours de visites dans des régions comme Calabozo dans l’Etat de Guárico, elle a observé qu’il s’y produit bien du riz, mais que celui qui est commercialisé est importé. « Se pourrait-il que notre riz soit mis en sacs importés et ainsi vendu plus cher? »

« Ils naissent à la campagne et meurent dans les villes »

Selon elle, les lacunes de notre politique agricole et le fait de ne pas offrir d’opportunités aux jeunes couples paysans favorise leur déplacement vers les villes où ils finissent attrapés dans les rets de la délinquance. Lorsqu’ils doivent s’éloigner à cause d’un conflit ou d’un délit qu’ils ont commis, ils se réfugient de nouveau à la campagne, dans des endroits dont ils connaissent la territorialité et comment s’y meut l’économie. Et ce sont eux qui pillent et violent, « ce sont des délinquants ruraux pour ainsi dire ».

« Je croyais que c’était nous, les femmes, qui étions les plus lésées, mais ce sont finalement les jeunes dont l’espérance de vie est de 24 ans à peine dans cette dynamique qui les fait naître à la campagne pour mourir dans la délinquance », dit Emma. Pour elle, la « Gran Mision Vivienda Venezuela » (Grande Mission Logement Venezuela) est admirable, bien que trop centrée sur les villes ; elle devrait aussi s’étendre dans aux campagnes à travers des programmes ruraux afin de remédier à l’exode des jeunes couples paysans.

« Quand les femmes vont de l’avant, aucun homme ne recule »

Ortega rappelle que la titularisation des terres est transversale à l’économie, le politique et le social, domaines dans lesquels les femmes sont théoriquement les premières concernées, mais la loi donne la priorité aux femmes chefs de famille, laissant en marge des milliers de femmes paysannes qui vivent en union libre; de fait ou consensuelle, car lors de l’enregistrement, c’est l’homme qui finit par devenir le seul titulaire des terres au vu de sa carte d’identité où il apparaît comme célibataire. Elle considère tout aussi nécessaire d’établir une titularisation commune entre l’homme, la femme qui travaille aux champs et leurs enfants.

Vidéo de l’entrevue intégrale :

Source : http://www.albatv.org/Monsanto-debe-empezar-a-hacer-sus.html

Traduction : Frédérique Buhl

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