Diplomatie des peuples : solidarité des deux principaux syndicats brésiliens avec le Venezuela

Des représentants des deux principales centrales syndicales du Brésil sont au Venezuela dans le cadre d’une campagne de solidarité visant à remercier le gouvernement du président Nicolás Maduro et les travailleur(se)s vénézuélien(ne)s pour leur soutien lors de la crise sanitaire provoquée par la pandémie, exacerbée par la négligence du gouvernement de Jair Bolsonaro.

Sergio Nobre, président de la Central Unitaria de Trabajadores de Brasil (CUT) et Miguel Torres, président de Força Sindical, ont soutenu une réunion avec Carlos Ron, président de l’Institut Simon Bolivar pour la paix et la solidarité entre les peuples (ISB).

Cette visite a un caractère historique puisqu’il s’agit d’un échange direct de solidarité entre travailleurs, dans le contexte de la pandémie et du blocus illégal des États-Unis contre le Venezuela.

Le peuple vénézuélien a montré sa solidarité avec le peuple du Brésil en envoyant de l’oxygène à Manaus, et en réponse, les travailleurs brésiliens ont lancé une campagne pour envoyer au Venezuela des équipements nécessaires à la production d’oxygène ; cependant, cet envoi a été bloqué par les mesures coercitives unilatérales des États-Unis.

À cet égard, M. Nobre a expliqué combien il était précieux pour la population de Manaus, dans l’État d’Amazonas, de recevoir de l’oxygène pour traiter les patients gravement infectés par le virus. « Dans la région de Manaus, il y a eu un drame parce que, contrairement au gouvernement vénézuélien, le gouvernement brésilien (Bolsonaro) n’a pas reconnu la pandémie ; il n’a pas pris les mesures sanitaires dont le pays avait besoin (…) mettant la situation économique au-dessus de la vie », a déclaré Nobre.

Au Brésil, des milliers de personnes sont mortes à cause de la pandémie. « Nous vivons le pire moment de l’histoire de la classe ouvrière. Nous avons dépassé les 600.000 victimes et ce sont des travailleurs qui ne pouvaient pas rester à la maison en pleine pandémie », a rapporté le président de la CUT. Pour cette raison, l’envoi de milliers de litres d’oxygène au Brésil depuis le Venezuela, au milieu des difficultés qu’il traverse en raison des mesures coercitives criminelles des États-Unis, est « un geste humain très important », explique Nobre.

Les représentants syndicaux brésiliens ont annoncé que dans le cadre de cette visite, ils enverront prochainement une cargaison de fournitures et de pièces de rechange pour la maintenance de l’usine d’oxygène de Siderúrgica del Orinoco (Sidor), la plus importante du pays.

De son côté, Miguel Torres, a rappelé que seuls la Chine et le Venezuela étaient capables de comprendre les difficultés que traverse le peuple brésilien, face à un gouvernement qui sert les intérêts des États-Unis.

Torres a réaffirmé que « la solidarité syndicale est très importante en ce moment ; en temps de crise, la seule chose qui nous unit est la solidarité ».

Carlos Ron a profité de la présence des deux dirigeants syndicaux pour les remercier de la campagne de solidarité. « Pour nous, cette visite est très importante ; cette expression de solidarité parce que c’est une reconnaissance de la souffrance du peuple vénézuélien affecté par le blocus criminel et illégal des États-Unis. »

Ron juge fondamental que les travailleur(se)s du monde entier s’articulent pour faire face ensemble aux défis de ces temps.

Source : https://www.isb.ve/2021/11/04/movimientos-sindicales-brasil-venezuela/

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/11/06/diplomatie-des-peuples-solidarite-des-deux-principaux-syndicats-bresiliens-avec-le-venezuela/

« Des travailleurs unis qui produisent sans patron, ça n’existe pas ?». Voyage au coeur des « Ateliers de Grès »

Foto Milangela Galea

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Foto Milangela Galea

Photos:  Milangela Galea

Le patron s’est installé dans son bureau… en Espagne – peut-être était-ce son domicile ?, a activé Skype et a ordonné d’appeler tous les travailleurs de l’usine de Barquisimeto (Venezuela) autour de l’ordinateur du gérant local : « Je n’ai plus de quoi investir, l’entreprise est liquidée, lundi vous pouvez passer chercher votre chèque » a-t-il dit. Message concis, depuis un pays lointain, dont se souviennent bien les employés des « Ateliers du Grès ». Maintenant il n’y avait plus de doute : l’usine fermait, les licenciait tous, le vendredi 31 août 2012.

Le premier réflexe fut d’empêcher l’avocat d’emporter les machines de l’usine. Le second, de cadenasser la porte d’entrée. Le troisième, de commencer à s’organiser devant les bruits qui circulaient : l’usine sera vendue, démolie sous peu. Les travailleurs formèrent trois groupes de surveillance pour garder les installations 24 heures sur 24, du dimanche au dimanche.

Commencèrent les chantages, les tentatives d’usure et les menaces de la part du patron, de l’avocat, de l’acheteur du terrain et en même temps la pression économique sur des travailleurs privés de salaire, l’apprentissage d’une lutte sur le long terme. Tout ce qui était prévisible dans un bras de fer où la propriété d’une usine est en jeu.

Sur les 150 ouvriers céramistes, 25 sont restés, puis 19… L’argent manquait, impossible d’apporter une réponse aux besoins urgents des familles. Ceux qui maintinrent l’occupation mirent sur pied des stratégies de survie : un étal à la porte de l’usine pour y vendre du café, des bonbons, tout ce qu’on pouvait, et la recherche d’appuis solidaires rapidement apparus : celui de la Fédération Bolivarienne Socialiste de Travailleurs Urbains, Ruraux et de la Pêche- qui monta l’ « opération kilo » afin d’obtenir des aliments – et celui des camarades de l’usine Altusa, qui avaient affronté le même patron dans un conflit similaire.

Les céramistes résistèrent 19 mois, en maintenant chaque machine en état de marche, en construisant un réseau d’appui familial, ouvrier, une conscience, une capacité d’affronter des nuits de solitude. Devant eux, l’usine n’était que silence. Immobilisée, la pièce maîtresse avait fonctionné durant des décennies sans jamais s’éteindre – un four de 120 mètres de long, 2m80 de haut, 60 de large, à une température de 890 degrés, et une capacité de traiter 45 wagons. Sur le modèle de ceux « créés par les allemands durant la deuxième guerre mondiale pour brûler les corps des homosexuels et des juifs » expliquent les travailleurs.

19 mois. Jusqu’au jour où, devant l’absence de réponse de la part de patron et suite aux démarches auprès de l’Etat, ils décidèrent de remettre l’usine en marche, de réactiver le four avec l’aide des travailleurs d’Altusa qui avaient appris comment rallumer les machines de leur usine sans leur patron. « Ils l’ont chauffé pendant deux mois, on leur disait que s’ils l’allumaient, Barquisimeto allait exploser » raconte José Novoa, Président de la fédération.

Mais après les essais et les erreurs – comme la difficulté de stabiliser la température à son juste niveau-, le four recommença à fonctionner, le pré-four et les différents engrenages pour fabriquer les dalles de grès, celles qu’avait toujours produit cette usine.

Avec le premier pas vint le premier problème : le manque de produits chimiques nécessaires à la fabrication des dalles. La solution : produire des poutrelles et des briques alvéolées avec des matières premières faciles à se procurer – argile, eau et mélasse. A force d’invention, on changea les moules, les instruments de découpe et construisit de nouvelles lignes de transport. Et tandis que la production commençait, la situation se régularisait juridiquement : on enregistra la fabrique auprès du Ministère des Communes en tant qu’Entreprise Sociale Directe – c’est-à-dire sans participation de l’Etat : « Ateliers de Grès ». Le bras de fer sur la propriété s’est achevé en faveur des travailleurs.

La production actuelle, après une année et demie de fonctionnement, est de 10.000 briques alvéolées par jour. Lorsque le processus d’automatisation sera finalisé, avec le soutien de la Mission Savoir et Travail, il y aura 30 à 35.000 unités par jour. « Aucun d’entre nous n’est un professionnel, la plupart de ceux qui dirigent l’entreprise n’ont pas le baccalauréat », explique Pedro, l’un des dix-neuf. Il était « homme à tout faire » comme il s’appelle lui-même : il réparait les sous-sols du four, il faisait des travaux de maçonnerie, des réparations mécaniques, il baignait les chiens.

Pour mettre en fonctionnement ces six hectares sur lesquels s’étend l’usine ils ont dû s’organiser davantage en mettant sur pied quatre unités : administration, gestion productive, formation et contrôle. Pedro, par exemple, est membre de la troisième. « Les unités ont été choisies en assemblée, petit à petit nous avons découvert quelle tâche pouvait exécuter chacun d’entre nous » raconte-t-il. Dans les installations on voit une partie de son travail : des fresques murales, des slogans, des consignes, l’esthétique révolutionnaire de l’usine.

« On dit que nous ne savons ni gérer ni produire, mais dans les faits nous avons démontré le contraire. C’est dur mais nous avons appris, tout est dirigé par les travailleurs, l’entreprise est à nous, nous devons en prendre soin. », dit Jorgina Catalina, de l’unité administrative. « Les Ateliers de Grès » comptent aujourd’hui 85 travailleurs, en majorité des jeunes, de moins de 25 ans. L’objectif est d’arriver à 150, lorsque l’usine produira 35 000 briques alvéolées dont ils savent qu’elles seront achetés par la Grande Mission Logement Venezuela.

« La situation n’est pas ce que dit la droite. Une usine sans patron et avec des travailleurs unis, oui, ça produit » explique Pedro. À présent les bénéfices sont répartis de façon équitable entre ceux qui produisent les briques alvéolées, pas comme avant, où « sur les huit heures de travail, deux allaient à celui qui produisait et 8 au patron ».

Les travailleurs des Ateliers ont conscience de représenter une expérience d’avant-garde, non seulement parce qu’il s’agit de l’Entreprise de Production Sociale Directe de plus grande taille mais parce qu’ils sont l’une des rares usines récupérées à être administrées intégralement par des travailleurs. Ils ont noué une alliance étroite avec les deux autres expériences qu’ils connaissent et toutes deux à Barquisimeto : Beneagro –anciennement Poulets Souto- récupérée et mise en production par les travailleurs, et Travailleurs Unis –ex Brahma- (1) où on a résisté à la tentative de licenciement en occupant l’entreprise et où on n’attend que l’expropriation pour la mettre en marche.

« On compte sur les doigts d’une main les entreprises occupées et totalement administrées par les travailleurs » souligne José Novoa qui donne les chiffres actuels : il y a au Venezuela 1800 entreprises récupérées, nationalisées, occupées et alliées, c’est-à-dire là où il existe une forte présence syndicale et un contrôle de la base.

Les « Ateliers du Grès » est l’une de celles que l’on compte sur les doigts d’une main ; elle est parvenue à résister, à se mettre en marche, à produire, à vendre et à croître. Sans baccalauréats, ni propriétaires étrangers, ni experts venant de l’extérieur pour « conseiller » la direction. Ils ont leurs défis, tel que celui d’équilibrer les dynamiques entre les 19 travailleurs et ceux qui s’incorporeront- le groupe qui a résisté n’a pas perçu de salaire pendant deux ans, comment prendre en compte cela sans générer de disparités ?, celui de réaliser une gestion collective, efficace, transparente,  celui de montrer, tant pour eux-mêmes que pour la batailles d’idées en cours au Venezuela, que « oui, la production socialiste ça existe ».

Texte : Marco Teruggi

Photos : Milángela Galea

Traduction : Sylvie Carrasco

Source : http://laculturanuestra.com/no-existe-la-produccion-socialista-viaje-al-interior-de-alfareros-del-gres/

Note : (1) Sur cette expérience, on peut lire “(Photos :) occuper, résister, produire”, http://wp.me/p2ahp2-1UN

Foto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaFoto Milangela GaleaURL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-22W

(Photos :) Occuper, résister, produire

63-de-98Inquiet de l’avenir, Vicente Pacheco a décidé ce soir, de parler à sa femme et à son fils. Ils vivent de son labeur. Vicente compte 32 ans d’ancienneté dans la même usine. C’est dur, mais ils font avec. Il leur a parlé des décisions prises par l’entreprise, de ce qui pourrait se passer, des doutes qui traversent la plupart de ses collègues. La conversation a été longue. Il se rappelle ce qu’il se sont dit : «tu resteras ici jusqu’à la fin, pas question de s’en aller».

C’est en 1981 -à l’âge de 29 ans- qu’il a été embauché. A l’époque, cette usine de Barquisimeto produisait de la bière, de la marque Zulia. Vicente a occupé tous les postes, en particulier celui du conditionnement des canettes de bière (palettiseur) en fin de chaîne de production. Dans l’intervalle, l’entreprise a changé de patrons, et Pacheco a poursuivi son travail pour le compte de la Cervecera Nacional. Toujours avec un maigre salaire et sans possibilité de défendre ses droits, malgré la présence d’un syndicat « maison ».

En 1995, la multinationale brésilienne Brahma, a repris les rênes de l’usine. Vicente à dû obéir aux nouvelles directives. Celles de ceux qui empochaient les dividendes. La production quotidienne s’élevait alors à 36 000 boîtes métalliques et à 18 000 canettes. Jour après jour, 7 jours sur 7. Son travail ne changeait pas : il chargeait et conditionnait la marchandise, submergé par le bruit des nombreuses machines qui transportaient, lavaient, remplissaient, déplaçaient, attribuaient un code, pasteurisaient et étiquetaient tout autour de lui, les articles produits.

Vicente a passé la moitié de sa vie, dans cette usine. « Je ne suis pas de ceux qui reviennent en arrière. Quand une décision est prise, elle est prise. C’est ainsi que je reste moi-même, fidèle à mes principes », dit-il dans le silence d’un entrepôt de plusieurs milliers de mètres carrés, qui hier encore débordait d’activités 24 heures sur 24. Désormais, toute la production s’est arrêtée. La poussière qui s’accumule depuis 2 ans, sur toutes les parties de ce vaste local en témoigne. On discerne encore les couleurs jaune, noir, blanche des différentes installations -dont celles des gros interrupteurs électriques rouge- sans oublier les couches de graisse qui ruissellent de ci, de là.

Avec Brahma -qui s’est appelée AmBev à partir de 2003, et qui est l’une des plus grandes multinationales du continent- une nouvelle organisation du travail a vu le jour : aux 12 heures de travail d’affilée, succédaient 12 heures de repos. Pour combattre la fatigue, de nombreux ouvriers mastiquaient des chiques de tabac (« chimo »), buvaient du Coca-Cola et du café noir qu’ils mélangeaient.

En accord avec les gérants de l’usine, le « syndicat » maison avait la haute main sur la convention collective. Pacheco et ses collègues de travail n’avaient pas le droit d’en discuter, ni d’en débattre. Pas de voix au chapitre. Vicente : « jour après jour, on vendait notre force de travail. C’est tout ».

93-de-9880-de-98Malgré sa situation d’exploité, Pacheco aime ces imposantes machines et la puissance qui se dégage de l’entreprise qui s’étend sur 14 ha. Le site contient 14 silos d’une capacité de stockage de 8.1980 tonnes; des cuves de fermentation, de cuisson, de mélange, de refroidissement et de filtrage, mais aussi 2 réservoirs pouvant recueillir 24 000 litres d’eau chacun. Des ateliers de réparation et des laboratoires complètent le tout. En somme, tout ce qui est nécessaire à la production de la bière, de A jusqu’à Z. A l’exception des matières premières (importées), telles que l’orge et le houblon.

Accompagné de son propre écho, Pacheco se souvient. Il s’installe aux commandes des machines, actionne le mécanisme qui remplit 900 canettes (boîtes métalliques)/minute.

Le 5 mars 2013 à 16h25, les patrons ont débouché les bouteilles de whisky. Tout en applaudissant les nouvelles de la télévision, ils demandèrent aux travailleurs, à travers les fenêtres ouvertes des bureaux de la direction : « qu’est-ce que vous allez faire maintenant que votre président (Chavez) est mort? ». Le 18, ils ont convoqué l’ensemble du personnel pour lui annoncer que l’usine allait fermer ses portes, « du fait que la viabilité économique n’était plus au rendez-vous pour le maintien de leurs activités au Venezuela ». A aucun moment ils n’ont parlé de faillite. Il était également prévu que les 600 travailleurs sous contrat, et les 300 intérimaires recevraient sous peu, une « indemnité ».

Pacheco avait déjà parlé chez lui des stratagèmes de la société, et c’est avec les siens qu’il a décidé de la réponse à donner. De nombreux autres travailleurs de l’usine en ont fait autant. Ils savaient qu’on pouvait résister, qu’ils étaient dans leur droit – la nouvelle Loi du Travail n’autorise pas ce type de cessation d’activités (1). Ils n’avaient pas à courber l’échine. De plus, la majorité d’entre eux adhéraient au chavisme, et ils étaient organisés.

A tout prix

Les premières réunions ont eu lieu dans les locaux sanitaires, à 3 heures du matin. Alors la direction en a fait retirer les portes et les ouvriers ne furent plus autorisés à s’y rendre qu’accompagnés d’un contremaître, à raison de 10 minutes à prendre sur les 12 heures de roulement. Au début, ils étaient peu nombreux. 12 pour être exact. Ils savaient aussi que des mouchards rôdaient, que le « syndicat maison » allait main dans la main avec les patrons. Des travailleurs avaient été menacés. Chaque réunion devenait un risque.

La première chose qu’ils firent fut d’étudier les textes de lois et de discuter de la convention collective. Ils se sont ensuite procurés une brochure intitulée Movimiento Fuerza Unida (Mouvement Force Unie), dont ils ont assuré la diffusion clandestine. Leur objectif principal, selon Heiber Mogollon qui est référent de l’usine et membre de la Fédération Socialiste Bolivarienne pour les zones urbaine, rurale et de pêche : « organiser la classe ouvrière, préparer l’émergence des conditions subjectives, la conscience de notre peuple, les conditions objectives étant d’ores et déjà réunies ».

En 2005, ils ont été découverts par hasard. Aussitôt les accusations ont fusé : traîtres, agents déstabilisateurs, apprentis guérilleros, gauchistes. Mais ils avaient déjà jeté les bases d’une organisation. Mogollon : « ce qui importait dans ce premier temps, c’était de diffuser auprès des travailleurs la vraie nature de leur convention collective. Pour cela, on a convoqué une assemblée, on a imprimé un contrat et le personnel s’est rendu compte de toutes les irrégularités qui entachaient ce document, au seul profit du patron et de son syndicat. Chacun a pu se faire une opinion. Entre 300 et 400 travailleurs mécontents et grugés ont demandé des comptes au syndicat en place, qui les tenait depuis 20 ans sous sa coupe. « On a fait monté la sauce ». Résultat : lors des élections de 2006, 99,5% des bulletins exprimés se sont portés sur de nouvelles instances qui ont été élues, et la convention collective est passée aux mains du nouveau syndicat.67-de-98

Par la suite, les patrons de l’entreprise ont tenté de les acheter en offrant des fourgonnettes, des valises pleines de billets de 100, de comptes bancaires ouverts à leur noms. Ils ont même recruté un homme de main chargé de les menacer de mort. Pourtant ces tentatives de corruption n’ont mené à rien, l’intelligence des gens a déjoué le projet d’homicide, le syndicat s’est renforcé, et une première et authentique convention collective a vu le jour (2008-2011). L’une des premières mesures à être prise, portait sur la suppression des 12X12, et au retour des rotations de travail de 8 heures.

Mais au moment où tous ces changements survenaient, Ambev avait échafaudé d’autres plans : en 2010, elle formalisa la vente de 85% du capital de l’usine, qu’elle céda à l’entreprise brassicole Regional. « Ce sont eux qui ont réuni les conditions pour que l’usine s’achemine lentement vers la fermeture de ses portes. Ils ont tenté de faire valoir cet argument auprès des services du Ministère des Finances, qui consistait à dire que le manque de viabilité économique de l’usine, rendait inopérant le soutien à une entreprise dont les pertes étaient toujours plus importantes. Mais c’est la direction qui est responsable de cela » selon Angel Vazquez, qui a tenu pendant les deux années de résistance.

Tous ensemble, ils ont étudié, essayé de comprendre le cours des événements. AmBev se devait de fermer l’usine, de la vider de ses travailleurs, pour mener à bien l’opération de cession prévue et consolider son alliance avec Regional, qui produisait la bière de marque Zulia, sur le brevet de laquelle la multinationale d’origine brésilienne, avait un droit de regard. Angel : « le capitalisme a eu le dernier mot et les travailleurs se sont retrouvés à la rue ».

Le 18 mars 2013, de nombreux ouvriers revenaient de Caracas, où ils avaient rendu un dernier hommage à Hugo Chavez. On traversait une mauvaise passe. Mogollon était du voyage. Pourtant, l’heure n’était pas aux lamentations. Il devait s’adresser au personnel de l’usine, convaincre sans pour pouvoir promettre ce qu’il ignorait. « Soutenir leur regard a été le plus difficile pour moi, quand j’ai pris la parole lors de l’assemblée qu’on avait réuni. Il fallait vraiment leur démontrer que ce que je disais, j’en avais l’intime conviction : nous allions résister ». Des centaines d’entre eux l’ont suivi.

« Dans un premier temps, on a décrété une sorte d’état d’urgence au niveau de l’usine. Le but : contrôler et protéger notre outil de travail. Pour cela, on a mis sur pied des équipes de surveillance, d’entretien » raconte le dirigeant qui a occupé les locaux toutes les nuits, une année durant, en compagnie de 300 autres travailleurs. Toutefois, au bout d’un certain temps, le manque d’argent s’est fait sentir et certains d’entre eux ont commencé à chercher du travail ailleurs, à courir après une solution pour les enfants, pour la famille. S’est formé le dernier carré des irréductibles. « On était convaincu de la nécessité d’agir, de faire bouger les choses. On se disait : si on s’en va, tout cela sera peu à peu oublié, et le système en sortira renforcé ».14-de-98

L’unité

C’est par nécessité qu’ils ont contacté la Commune José Pio Tamayo, dans un premier temps. Dans l’attente de l’expropriation, on leur avait recommandé de faire enregistrer l’usine sous le statut d’Entreprise de Propriété Sociale (EPS), un concept juridique communautaire. Le Parlement Communal a fait un peu plus que leur ouvrir ses portes : les aider à relever le défi. On a même inventé une expression pour caractériser cette initiative : le pouvoir ouvrier-communal.

Jusque là, seule une partie des travailleurs connaissaient l’existence des Communes, pour avoir entendu Hugo Chavez en parler lors de sa participation personnelle à un Conseil communal. Toutefois, la majorité d’entre eux ignorait tout de cette structure. Ils étaient encore moins nombreux à se douter de ce qu’ils allaient entreprendre, à partir de la création de l’Entreprise de Propriété Sociale Travailleurs Unis.

Tout d’abord, confrontés à la nécessité pressante de créer de nouvelles sources de revenus, ils ont élaboré un plan d’urgence avec l’appui de la Commune : à l’aide de camions-citernes, ils se sont lancés dans le lavage de voitures. Ils ont également mis en vente des poulets, achetés à crédit. Dans ce domaine, Veneagro -une usine relevant du contrôle ouvrier- leur apporta son concours. De cette manière, ils ont pu assurer une rentrée d’argent hebdomadaire oscillant entre 1000 et 1500 Bolivars. Chacun des 60 travailleurs ayant poursuivi la lutte a pu en bénéficier. Survivre, c’est une chose, mais il faut aussi avoir un projet précis. Il a aussi été nécessaire de se défendre contre un procureur acheté par AmBev, qui a lancé des ordres d’expulsion.

Mogollon : « Nous parions sur un nouveau modèle de gestion fondé sur la participation et appuyé sur un collectif ouvrier-communal. Au sein d’une entreprise privée, gagner son pain à la sueur de son front, cela s’appelle  »plus-value ». Dans notre cas, c’est de la  »rétribution » et du  »contrôle social ». Les richesses produites par cette grande usine servent à la réalisation de nos projets : bâtir des écoles, des centres de santé, assurer l’éducation de nos enfants, sans pour autant devoir tout demander à l’État, ni dépendre du bon vouloir du secteur privé ».

C’est ce que le porte-parole de la Commune, José Miguel Gomez appelle le double processus de création : création de richesse, et libération de territoire. Pour articuler ces deux axes, lui et un autre « communard » élu ont commencé à participer aux assemblées d’usines et de Travailleurs Unis, tandis que deux travailleurs/socio-producteurs ont rejoint le Parlement Communal.

Cette participation croisée plonge ses racines dans les assemblées des conseils communaux. C’est à cet échelon qu’on traite des besoins les plus criants de chaque zone concernée. C’est aussi à ce niveau, que les porte-parole sont élus. Ceux qui donnent vie au parlement. Mais aussi les socio-producteurs, qui assistent aux débats, en recueillent les propos, et les relaient auprès des assemblées d’usines. Gomez : « Au final, tous ces éléments sont transmis à un fonds social, qui en synthétise les termes et se charge de les transformer en réalisations concrètes sur le terrain ».

Dans cette nouvelle unité de production, organisée autour d’une assemblée centrale à participation ouverte -ce qui permet de prendre collectivement les décisions- on a rompu avec les logiques verticales propres aux modes d’organisation capitalistes, avec la fragmentation des tâches et des savoirs. Gomez : « un système de transfert des connaissances s’est mis en route. Ici, les ouvriers participent à la planification, ont accès aux livres comptables, parce que désormais, on peut maîtriser les processus de connaissance liés aux domaines de la science et de la technologie ». La démocratisation des grilles de salaires, des tâches et des savoirs. C’est dans cette direction, que les travailleurs commencent à penser. C’est dans cette voie qu’ils s’engagent.

Mettre sur pied un vrai contrôle des travailleurs. Sans supervision administrative de l’État, comme ce fut le cas dans d’autres expériences. Prendre directement les choses en main, comme dans le cas des Empresas de Propriedad Social Directe qui dépendent des Communes. Mais ici, c’est l’amorce d’une expérience à grande échelle. Pour Gomez, c’est une étape vers l’inversion du scenario actuel : « L’économie du Venezuela, la majorité des moyens de production restent privées à 80 %, l’État en contrôle une petite partie mais bien peu se trouvent sous le contrôle citoyen. Les relations sociales sont encore marquées par la méthode capitaliste ».

Être autogestionnaires, c’est faire en sorte « que le peuple contrôle les rouages de l’économie pour qu’ils puisse s’émanciper et avancer dans la construction d’un socialisme vénézuélien» (Angel Vazquez).18-de-98

Jusqu’au bout

Pacheco achève sa visite de l’usine et des vastes terrains qui l’environnent. Il pense que le pire est derrière lui. Il ne manque plus que la signature présidentielle d’expropriation de l’entreprise, et que les projets se concrétisent. Ils ne vont plus produire de bière, mais vont se tourner vers la mise en bouteille d’eau minérale et la création d’un jus de moringa et de stevia, s’associer à la chaîne de production de l’entreprise publique Lacteos Los Andes, assurer le stockage des productions issues des communes agricoles et le conditionnement des silos à grains de la commune.

Le vieux travailleur a également découvert que personne n’a à lui dicter ce qu’il doit faire, ce qu’il doit être. Ce que les patrons de l’usine ont essayé d’écraser, de réduire au silence, d’acheter. Eux savent qu’ils doivent étudier, se former, s’organiser pour pouvoir agir, et résister.

Note :

(1) Lire « Nouvelle loi du travail : un pas de plus vers la vraie vie », https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/04/nouvelle-loi-du-travail-au-venezuela-un-pas-de-plus-vers-la-vraie-vie/

Texte : Marco Teruggi

Photos : Gustavo Lagarde

Source : http://laculturanuestra.com/?p=175

Traduction : Jean-Marc del Percio

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URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1UN

(vidéos et photos :) Quarante jours à la rencontre des mouvements sociaux.

«Je salue notre dangereux ami… » (rires) «…Joao Pedro Stedile, du mouvement des sans terre». Là où d’autres chefs d’Etat évitent tout risque d’incident diplomatique, le nouveau président du Venezuela, élu le 14 avril 2013, préfère bousculer le protocole pour se réunir avec les mouvements sociaux. La signature le même jour d’accords majeurs de coopération avec la présidente du Brésil n’empêche pas Nicolas Maduro de dialoguer avec ceux qui critiquent l’abandon de la réforme agraire et les progrès de l’agro-business sous le mandat de Dilma Roussef. (1)maduro_darcy_ribeiro_brasilia

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Réunion avec les mouvements sociaux à l’Université de Brasilia, Mémorial Darcy Ribeiro, 9 mai 2013

Ce 9 mai 2013 au mémorial Darcy Ribeiro – qui pour Maduro «fait partie des  hommes capables de transformer la conscience d’une époque» – c’est le porte-parole du Mouvement des Sans Terre, au nom des syndicats et collectifs présents, qui accueille le président vénézuélien. Le lutteur social rappelle que Chavez fut le premier à aller vers eux, à dénoncer les limites institutionnelles de l’État bourgeois en vigueur depuis trois siècles et à chercher l’appui  des mouvements sociaux dans cette transformation.

Avec les militants brésiliens, Maduro évoque la transformation du Marché Commun du Sud (MERCOSUR) dont le Venezuela assumera la présidence le 28 juin « en une identité de peuple, une opportunité de développement, d’intégration énergétique, économique, structurelle de nos pays », notamment à travers la consolidation du SUCRE,  monnaie régionale qui met fin à la dictature du dollar pour la vente et l’achat de produits entre pays de l’ALBA, la Banque du Sud, la création d’une École de Formation des Mouvements Sociaux, la défense des ressources naturelles lors de la prochaine réunion de la CELAC à Caracas, l’organisation d’un Fonds Égalitaire de lutte conte la pauvreté à discuter au sein de l’OPEP : «nous ne sommes pas simplement un gouvernement, nous sommes une révolution populaire au pouvoir et nous transformons la société.  Le pouvoir moral, politique, organisateur des mouvements sociaux est la garantie majeure pour les processus démocratiques de notre région et la clef de leur invincibilité face aux agressions impériales».

La première étape de cette tournée dans les pays du MERCOSUR l’avait mené en Uruguay à la rencontre du Président Mujica et des travailleurs. Maduro, qui entra en politique à travers la militance syndicale, y a proposé la création d’une confédération des travailleurs à l’échelle du continent..

Uruguay, 7 mai 2013

Avec les travailleurs uruguayens, 7 mai 2013

Uruguay Madurocon los trabajadoresNicolas Cochabamba BoliviaQuelques semaines plus tard à Cochabamba, lors de sa rencontre avec les mouvements sociaux boliviens en compagnie d’Evo Morales, le président du Venezuela a de nouveau plaidé pour la création d’une organisation continentale des mouvements de travailleurs, paysans, pêcheurs, communautés indigènes, mouvements féministes, étudiants et pour faire face ensemble aux nouvelles stratégies impériales et aux traités de libre commerce – notamment l’Alliance Pacifique mise sur orbite par les États-Unis (Mexique, Colombie, Pérou et Chili)- et aux plans de la droite latino-américaine pour détruire l’ALBA.“Nous avons décidé de développer fortement à travers l’ALBA tout ce qui concerne l’éducation publique gratuite et de qualité pour nos peuples, de fortifier nos universités publiques. Les pays membres de l’ALBA sont en tête des indicateurs de l’éducation universitaire en Amérique Latine et dans certains cas, dans le monde”.Bolivia movimientos sociales 1Bolivia movimientos sociales 3

Bolivie, 25 mai 2013

Bolivie, 25 mai 2013

Ce volontarisme social de la diplomatie bolivarienne est occulté, ou réduit à une « pétrodiplomatie », par les médias occidentaux qui taisent avec le même soin le « gouvernement de rue » au coeur de la politique intérieure que mène Maduro au Venezuela. Conçu pour « rencontrer directement les problèmes et les résoudre avec la population, organiser un nouveau modèle de gouvernement avec les conseils communaux, essence d’une nouvelle démocratie et du socialisme« , ce « gouvernement de rue » a déjà pris des centaines de mesures et alloué les ressources nécessaires sur la base du diagnostic participatif. (2)

Pour rendre à l’État sa capacité d’action sur le terrain et lutter contre la corruption, Maduro a décrété six Régions Stratégiques de Développement Intégral (REDI). Tout va se jouer dans l’efficacité du suivi par les relais mis en place. Après avoir surmonté la tentative de coup d’État organisée par la droite en avril 2013, le président est en train de regrouper les forces sociales autour du programme sorti des urnes, le « Plan Patria 2013-2019 » (3). C’est pourquoi la droite latino-américaine et ses alliés états-uniens intensifient leurs manoeuvres de déstabilisation, notamment depuis la Colombie. Mais le temps joue en faveur de la révolution bolivarienne. (4)

Thierry Deronne, Caracas, 3 juin 2013.
Version espagnole de cet article : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=169235

« Gouvernement de rue », quartier de Coropo, État d’Aragua, Venezuela, 31 mai 2013.

Aragua

Notes :
(1) Voir « A Brasilia le campement national Hugo Chavez exige la reprise de la réforme agraire » http://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/03/23/a-brasilia-le-campement-paysan-national-hugo-chavez-exige-la-reprise-de-la-reforme-agraire/
(2) Sur la méthode de gouvernement de Nicolas Maduro, on peut lire « Nous t’écoutons Claudia » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/05/06/nous-tecoutons-claudia/ ; « Gouvernement dans la rue et révolutions dans la révolution : Nicolas Maduro commence à gouverner » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/20/gouvernement-dans-la-rue-et-revolutions-dans-la-revolution-nicolas-maduro-commence-a-gouverner/ ; et « Le Venezuela en 2013 : accroche-toi, tu n’as encore rien vu » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/01/06/le-venezuela-bolivarien-en-2013-accroche-toi-tu-nas-encore-rien-vu/
(3) Voir « Ce que la révolution bolivarienne va faire de 2013 à 2019 » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/15/ce-que-va-faire-la-revolution-bolivarienne-de-2013-a-2019/

(4) Parallèlement aux mesures issues des assemblées populaires, à l’augmentation générale des salaires et à la mise en oeuvre effective de la nouvelle Loi du Travail, voici quelques mesures qui ont marqué les quarante premiers jours de la présidence de Nicolas Maduro : (merci à Juan Miguel Díaz Ferrer)

Sécurité citoyenne

Création du “Mouvement pour la Paix et pour la Vie”, avec le désarmement effectif de bandes de jeunes délinquants, la création d’espaces culturels et de formation et la création du fonds spécial « Jóvenes de la Patria » (500 millions de Bolivars).
Mise en place du Plan National de sécurité avec l’appui mutuel des communautés populaires, des forces armées et de la police nationale bolivarienne. Dans les premiers mois le taux d’homicides a été réduit de 60 % en moyenne. Il s’agit aussi de mettre fin aux violations des droits de l’homme commises par les polices antérieures.
Renforcement de la Mission A Toda Vida Venezuela pour humaniser les conditions de détention dans le système pénitencier.
Réunion avec  les télévisions privées pour qu’elles réduisent leur dose quotidienne de violence.
Politiques alimentaires
Dialogue avec le secteur privé. La Chambre de l’industrie alimentaire du Venezuela a accepté de travailler avec l’exécutif à trouver des solutions aux problèmes d’approvisionnement et prévoit dans les 180 jours d’augmenter la production de 18%.
Lancement de la construction d’une centrale agro-industrielle près de Caracas avec un investissement d’environ 52 millions de dollars de la Chine.
Nouvelle stratégie visant à accroître les réserves alimentaires du pays.
Importation de 760.000  tonnes de nourriture, huile, lait en poudre, le sucre brut, le thon en conserve, sardines en conserve et le sorgho.
Renforcement du système des magasins d’État PDVAL, qui vend les produits de base 35% moins cher que dans le marché et du réseau FarmaPatria qui vend les médicaments à des prix 40% iférieurs à ceux du marché.
Recensement par les experts agricoles des pays du Mercosur, dans les états du Zulia, Aragua, Portuguesa et autres de 230 000 hectares aptes à la mise en culture immédiate.
 Subventions aux producteurs de riz et de canne à sucre.
 Avec l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil, la Bolivie, signature de nouveaux accords agricoles et énergétiques.
 Avec des sociétés brésiliennes, le Venezuela construit une usine d’engrais pour produire 1,5 millions de tonnes par an.
Électricité
Déclaration de l’état d’urgence pour le réseau national d’électricité. Approbation des ressources nécessaires pour renforcer le système électrique national (SEN), dans le cadre du plan de 100 jours présenté par le ministre de l’Electricité.
Inspection du parc d’énergie éolienne de La Guajira (État du Zulia)
Tarifs spéciaux pour les grands consommateurs d’électricité, afin d’encourager les économies d’énergie (commerciaux, etc) et maintien du tarif social pour la population.
Logement
Reprise du plan massif de rénovation urbaine populaire « quartier tricolore ».
Objectif de la Grande Mission Logement Venezuela pour cette année : construction de 380.000 maisons à travers le pays.
Relations Internationales
Visite des pays du MERCOSUR qui ont signé plusieurs accords de coopération avec le Vénézuéla.
Appui aux candidatures de la Bolivie et de l’Equateur au sein du Mercosur.
Articulation des processus d’intégration régionale ALBA–Mercosur, et Petrocaribe-Mercosur. Organisatio à Caracas du VIIème Sommet de Petrocaribe,avec  l’entrée du Guatemala et du Honduras en tant que membres actifs du mécanisme de coopération, démarrage des travaux pour constituer la Zone Économique de Petrocaribe (ZEP), accord spécial signé pour la fourniture d’engrais à promouvoir le développement agro-industriel régional, et régime spécial des liaisons aériennes entre tous les pays membres. Création d’un fonds pour les opérations conjointes. Développement d’un système de développement du commerce interne dans la zone de Petrocaribe.
Vidéos : dialogue avec les mouvements sociaux brésiliens, Mémorial Darcy Ribeiro, le 9 mai 2013.



URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/06/03/videos-et-photos-quarante-jours-a-la-rencontre-des-mouvements-sociaux/

«Gouvernement dans la rue» et «révolutions dans la révolution» : Nicolas Maduro commence à gouverner

Alors que les médias occidentaux prennent leurs désirs pour la réalité («chavisme affaibli, divisé, fragilisé», etc…), la remobilisation populaire – pacifique – et l’unification diplomatique de l’Amérique Latine face à la tentative de coup d’État ont accompagné le président Nicolas Maduro pour sa prise de fonctions, ce 19 avril 2013.

Lors de la session spéciale de l’Assemblée Nationale, en présence de chefs d’État, musiciens et  mouvements sociaux venus du Venezuela, d’Amérique Latine et du monde entier, Maduro a dénoncé le black-out médiatique sur les victimes des commandos de l’opposition, et rappelé leurs noms : José Luis Ponce, Rosiris Reyes, Ender Agreda, Henry Manuel Rangel, Keler Enrique Guevara, Luis García Polanco, Rey David Sánchez, Jonathan Antonio Hernández Acosta, Johny Pacheco, en demandant que ces meurtres ne restent pas impunis.

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La mère de Luis García (24 ans) assassiné le 15 avril à Maracaibo.

Le gouvernement bolivarien et plusieurs députés dissidents de l’opposition avaient, dans les semaines précédant l’élection, dénoncé les préparatifs de la déstabilisation violente et notamment l’infiltration de paramilitaires et les réunions à l’ambassade des États-Unis. Les médias privés, radios, télévisions et journaux d’opposition, majoritaires au Venezuela, gardent aujourd’hui le silence sur ces victimes, comme si elles n’avaient jamais existé. L’ONG de «défense des droits de l’homme» PROVEA, puisant ses informations dans le journal d’opposition « el Nacional », les attribue… à la pègre.

« Comme les nazis dans les années trente »

Le président a rappelé que «toute proportion gardée, la haine de la droite contre les centres de santé intégraux installés dans les quartiers populaires et contre les médecins cubains qui y travaillent avec les nouveaux médecins intégraux vénézuéliens, rappelle celle des nazis dans les années trente en Allemagne. Ce sont les mêmes prémisses qui consistent à exclure, à nier le droit de vivre de l’Autre, à l’époque celui du peuple juif, qui ont justifié l’Holocauste. C’est le même visage qui pointe derrière le racime social d’aujourd’hui.

«Peu m’importe la haine de l’oligarchie. A cette oligarchie, à ces médias qui haïssent le peuple, qui réactivent la haine du coup d’État de 2002, qui ont poussé à l’assassinat de huit des nôtres, qui me traitent de «chien colombien» parce que ma mère est d’origine colombienne, je leur crie du fond de mon coeur : Chávez est vivant, la lutte continue et vivra pour toujours ! Il y a parmi nous trois millions de colombiens qui avant la révolution se faisaient exploiter faute de papiers, et nous les avons régularisés, nous sommes historiquement un même et seul peuple : les peuples colombien et vénézuélien !

«Nous n’avons jamais appartenu et nous n’appartiendrons jamais à une élite.

«Aujourd’hui notre capacité d’agir et notre force se sont multipliées : un peuple et un État ont su faire face à une campagne de déstabilisation organisée de longue date. Nos forces armées sont loyales au peuple et ne sont plus l’instrument répressif d’il y a 15 ans. Le peuple s’est organisé en conseils communaux. 20 gouverneurs bolivariens sur 23 ont été élus en décembre dernier et nous voyons grandir chaque jour un puissant mouvement culturel, le monde des artistes, des musiciens, des cinéastes, il faut continuer à revitaliser la culture populaire.

«Nos racines spirituelles plongent dans la rébellions des lutteurs de la première indépendance d’il y a deux siècles, Miranda, Bolívar, Rodríguez, et la lutte pour l’indépendance est la même aujourd’hui, nous venons de la révolution sandiniste, de la révolution salvadorienne des année 80, de la révolution cubaine et de toutes les alternatives de la gauche actuelle. Aujourd’hui, tout autour de nous, nous comptons sur des forces unitaires comme celle de l’UNASUR (3) qui dans sa diversité idéologique – droite, gauche, centre-droit, centre-gauche, réussit à trouver un terrain d’entente commune pour défendre la démocratie, et au fil des épreuves qui ont eu lieu ces dernières années, au fil des tentatives de déstabilisation, a su réagir, réaffirmer, construire, ce que j’appellerais un patrimoine démocratique.

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« révolutions dans la révolution »

«Je vous invite à mener plusieurs révolutions dans la révolution. Nous allons d’abord réaliser et approfondir le « Plan Patria » 2013-2019 en cinq objectifs, qui est l’héritage que nous a apporté le président Chavez (1). Entre 2005 et 2006 quand j’étais député j’ai participé au lancement du «parlementarisme de rue», un phénomène important, suivi de l’étape du «peuple législateur» grâce auquel les citoyen(ne)s présentent leurs propres projets de lois (2). Aujourd’hui nous allons amplifier ce mouvement de participation à travers « le gouvernement dans la rue« .

«Dès lundi, je vais parcourir le pays avec les ministres, nous allons écouter tout le monde, écouter les critiques, les critiques et les solutions car la population dans les quartiers, les travailleurs dans les centres de production, sont les premiers experts de la réalité. Pour que l’économie fonctionne, pour que les aliments ne soient plus accaparés, pour faire face à la guerre économique, aux sabotages, à la mafia du dollar parallèle, nous allons viser l’efficacité socialiste à tout prix, combattre la corruption, la bureaucratie, l’indifférence, le travail mal fait de personnes qui se déguisent en révolutionnaires, se coiffent d’un béret rouge «chaviste» pour mieux se moquer du peuple. Nous allons renforcer toutes les missions, et créer les micro-missions, collectifs locaux chargés de résoudre chaque problème local des missions nationales. Contre la corruption, nous allons aussi créer un corps secret d’enquêteurs.

«80 % des vénézueliens considèrent à juste titre – et c’est un fait constant en Amérique Latine – que le problème principal est l’insécurité. Après les premiers pas déjà accomplis – la création de la nouvelle police nationale bolivarienne, et d’une université intégrale pour la former en permanence, il nous faut travailler avec le «mouvement pour la vie et pour la paix» (3) dans les quartiers et la main dans la main avec les secteurs populaires.

«Nous allons relancer la mission «Barrio tricolor» (quartier tricolore), accélérer la construction de logements dans les quartiers pour qu’ils deviennent les plus beaux, pour une qualité de vie maximale. Cet effort sera complémentaire de la Grande Mission Logement (4) avec un objectif de 3 millions de logements. Dès lundi, notre système national d’électricité deviendra stratégique avec un niveau maximal de sécurité, pour mettre fin aux coupures et aux sabotages qui ont eu lieu dans tout le pays. Nous allons multiplier la construction de centres de diagnostic intégraux, il y aura plus de santé gratuite pour l’ensemble de la population, partout. Ici comme ailleurs, je vais demander aux forces armées de s’intégrer davantage, d’apporter toute leur aide dans ces projets sociaux. De même que les travailleurs doivent être plus présents dans la planification des objectifs de l’économie.

«Notre objectif pour 2019, c’est zéro pauvreté, zéro misère. Mais augmenter la puissance des facteurs productifs de tout le pays, notamment en multipliant les investissements Sud-Sud, surmonter la misère, n’est possible que dans le socialisme. Si nous ne dépassions pas le capitalisme, nous retomberions dans la fosse. C’est la grande révolution sociale de la démocratie, du pouvoir populaire, du mode de vie socialiste, car bien sûr tout est lié, la construction des conseils communaux, des communes, la vie syndicale et les organisations de travailleurs,  nous voulons le respect de la vie, de la solidarité, de la coopération, poursuivre une formation socio-politique critique, car si tout cet effort de conscientisation s’étiolait, la révolution mourrait. Tout cela ne sera possible qu’avec le peuple, à partir de lui.»

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Nicolas Maduro lors de sa prise de fonctions salue quelques uns des chefs d’État présents : Dilma Roussef, Raul Castro et Cristina Fernandez. Pour la présidente argentine, “c’est le premier président chaviste, ouvrier. Dieu, quel continent que le nôtre ! c’est ça, l’Amérique Latine. J’ai vu à Caracas de nombreux logements en construction. Nous devons stopper la haine, la xénophobie des minorités violentes.»

Depuis Brasilia, le Mouvement des Travailleurs Sans Terre qui a organisé le « campement national Hugo Chavez » pour exiger la reprise de la réforme agraire au Brésil, a déclaré par la voix du membre de la Coordination Nationale Alexandre Conceiçao : «la démocratie vénézuélienne a choisi Maduro pour présider le pays. Les actes contraires à cette reconnaissance sont un attentat contre la souveraineté du peuple vénézuélien et concernent toute l’Amérique Latine et les Caraïbes.»

Campement « Hugo Chavez » organisé par le Mouvement des Sans Terre, Brasilia.

CCS-200413-024

Thierry Deronne, Caracas, 20 avril 2013,

avec AVN, Ciudad Caracas Info, Correo del Orinoco.

Notes :
  1. « Ce que va faire la révolution bolivarienne de 2013 à 2019 » , https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/15/ce-que-va-faire-la-revolution-bolivarienne-de-2013-a-2019/
  2. Sur les lois d’initiative populaire, https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/04/au-venezuela-la-marche-vers-la-democratisation-des-medias/
  3. Sur la création du Mouvement pour la Paix et pour la Vie, voir http://www.avn.info.ve/contenido/maduro-exhort%C3%B3-grupos-armados-pasarse-al-movimiento-paz-y-vida
  4. « Quand s’éloigne le bruit de la pluie sur les toits de carton », https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/17/quand-seloigne-le-bruit-de-la-pluie-sur-les-toits-de-carton/
  5. « A Brasilia, le campement national Hugo Chavez exige la reprise de la réforme agraire », https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/23/a-brasilia-le-campement-paysan-national-hugo-chavez-exige-la-reprise-de-la-reforme-agraire/

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/20/gouvernement-dans-la-rue-et-revolutions-dans-la-revolution-nicolas-maduro-commence-a-gouverner/

Nouvelle loi du travail au Venezuela : un pas de plus vers la vraie vie.

La nouvelle Loi du Travail célébrée en grande pompe par les travailleurs vénézuéliens ce 1er mai 2012 est un vieux rêve devenu réalité au bout d’un débat citoyen qui a duré près de trois ans. Plus de 19000 propositions ont été remises par toutes sortes d’organisations de travailleurs, syndicats, coordinations, etc.. à la commission présidentielle chargée d’élaborer le projet. Avec la Constitution Bolivarienne, c’est le texte de loi qui a le plus bénéficié de la participation populaire.

Nous avions rendu compte de ce débat national il y a quelques semaines : « Le Venezuela ouvre le débat pour construire une nouvelle loi du travail »

Résultat : la loi signée le 30 avril 2012 par le président Chavez brise enfin le carcan néo-libéral où les gouvernements antérieurs avaient étouffé les droits sociaux. Depuis le 2 mai la loi (dont on peut lire ici le texte intégral en espagnol) circule gratuitement sur internet et de main en main, massivement, dans plusieurs journaux. Sauf dans ceux de l’opposition qui relaient les critiques patronales contre la loi, contre l’égalité homme/femme, contre l’augmentation des indemnités dues aux travailleurs, etc… Des réunions seront organisées partout dans les mois qui viennent, notamment par les syndicats, pour continuer à faire connaître la loi et pour qu’elle soit un levier de nouvelles transformations.

Points forts : l’égalité entre hommes et femmes ; l’interdiction de la sous-traitance du travail ; les conseils de travailleurs. Ceux-ci ne substituent pas les syndicats (qui voient leurs prérogatives renforcées par la loi). Leur fonction, bientôt développée par une loi spéciale, est de promouvoir la participation des travailleurs et de la communauté vivant autour des centres de travail, dans la gestion des entreprises. Ainsi que de lutter contre la spéculation, l’accaparement des produits de première nécessité.

Détail amusant (qui rappelle l’extrême misère de l’information sur le Venezuela en France) : pour occulter le débat citoyen à la base de cette loi, le Monde et l’AFP n’ont rien trouvé de mieux que de la présenter comme une épreuve de force entre un autocrate et son opposition. Saluons cette nouvelle victoire du droit des lecteurs qu’on « informe » sur une Loi du travail sans donner la parole à un seul des millions de travailleurs concernés mais en la donnant… au patronat.

Cette loi s’accompagne par ailleurs d’une nouvelle augmentation du salaire minimum, qui en fait le plus élevé d’Amérique Latine. Une augmentation du pouvoir d’achat protégéee par la baisse continue de l’inflation depuis cinq mois consécutifs (0,8% en avril), par une loi de contrôle des prix pour les produits de première nécessité et l’offre concomitante de biens bon marché produits par les entreprises nationalisées.

Voici un résumé (non exhaustif) de quelques uns des droits dont jouissent à présent les travailleurs vénézuéliens.

Les indemnités auxquelles aura droit le travailleur lors de la fin ou lors de la rupture d’un contrat seront calculées en fonction du dernier salaire. Le travailleur y a droit de manière immédiate, tout retard dans le paiement entraînant des intérêts supplémentaires à lui verser. Ce calcul d’indemnités a un effet rétroactif à partir de de juin 1997, date à laquelle le gouvernement néo-libéral de Rafael Caldera et de Teodoro Petkoff avait modifié la loi au détriment des travailleurs. A présent le patron devra verser pour chaque trimestre et à chaque travailleur une somme équivalant à 15 jours de salaire. (Art. 141 y 142).

DAVANTAGE DE BÉNÉFICES NON SALARIAUX. La loi crée des avantages nouveaux (non décomptables des cotisations et des épargnes déjà établies en faveur des travailleurs) : notamment le remboursement de soins médicaux, l’octroi de bourses ou le financement de formations, de spécialisations. (Art. 105)

SANTÉ ET ÉDUCATION GRATUITES PROTÈGENT LE REVENU DU TRAVAILLEUR. (Art. 97)

DURÉE DU TRAVAIL. La durée du travail qui était jusqu’ici de 44 heures (ce qui obligeait à travailler les samedis) se réduit à 40 heures hebdomadaires (Art. 173). L’idée est d’avancer progressivement vers plus de temps libre (Art. 174)

SIX MOIS DE CONGÉ PRÉ- ET POST-NATAL (six semaines avant l’accouchement et vingt semaines ensuite) (Art. 336 y 338). Les pères auront droit de leur côté à quatorze jours de congé à partir de la naissance de leur enfant (Art. 339). Les parents sont désormais protégés contre toute forme de licenciement durant deux années à partir de l’accouchement. La loi prévoit des avantages semblables en cas d’adoption. L’idée est de permettre à l’enfant d’être mieux accueilli, mieux entouré affectivement par ses parents . Des repos quotidiens sont prévus pour l’allaitement des nourrissons (Art. 335-330-345)

LA SOUS-TRAITANCE DU TRAVAIL EST INTERDITE. Cette pratique s’était étendue à toute l’Amérique latine depuis les années 90 avec la néo-libéralisation du continent. On estime qu’au Venezuela 1 million 200 mille travailleurs en sont victimes.

RETOUR DE LA DOUBLE INDEMNISATION, comme l’avait annoncé le président Hugo Chávez peu avant la promulgation de la loi. Ce mécanisme vise à sanctionner le patron qui effectue un licenciement injustifié, et à compenser la perte de l’emploi pour le travailleur en doublant ses indemnités de licenciement (Art. 92)

LE PATRON PAIERA PLUS S’IL LICENCIE. Tandis qu’en Europe les politiques d’ajustement visent à rendre les licenciement moins chers pour le patronat, au Venezuela la nouvelle loi en élève le coût pour le patron (Art. 92)

QUINZE JOURS D’INDEMNITÉS DE VACANCES, c’est ce que devra payer à présent le patron au travailleur en plus du salaire normal (Art 192).

PLUS DE JOURS FÉRIÉS. La nouvelle loi prévoit quatre jours fériés de plus en faveur des travailleurs (Art. 184).

VACANCES OBLIGATOIRES. Le travailleur devra jouir de ses vacances de manière effective et obligatoire (Art 197).

LE CALCUL DES DIVIDENDES ET AUTRES BÉNÉFICES DE FIN D’ANNÉE DÛS AU TRAVAILLEUR se fera a présent sur la base de trente jours au lieu de quinze. La fourchette va donc à présent de trente jours minimum à quatre mois maximum de salaires (Art. 131-132). Les organisations syndicales pourront aussi inspecter les comptes de l’entreprise pour déterminer si ce qui est versé aux travailleurs reflète bien la réalité des bénéfices de l’entreprise (Art. 133-138)

Sanctions légales contre les patrons délinquants, avec DE POSSIBLES PEINES D’EMPRISONNEMENT. Nouveauté introduite par la loi, la détention comme mécanisme de sanction en cas d’infraction à la loi par un patron. Exemples d’infractions: le refus de réembaucher un travailleur, la violation du droit de grève, le refus d’appliquer ou l’obstruction aux actes des autorités du Travail. Ces infractions seront sanctionnées par une mesure de détention de six à quinze mois. (Art. 512, 538)

LA FERMETURE D’UN CENTRE DE TRAVAIL sera également cause d’une mesure de détention qui peut aller de six à quinze mois selon le verdict des organes juridiques compétents de la République. Toute récidive est punie d’une peine augmentée (Art. 539-540)

TRAVAILLEURS FIXES DÈS LE PREMIER MOIS. Les travailleurs de durée indéterminée (comme de durée déterminée, ou à la tâche) seront considérés comme fixes par la loi dès le premier mois et non à partir de trois mois (en fin de période d’essai) comme auparavant. Dans la loi antérieure le patron pouvait rompre le contrat en payant simplement la valeur de celui-ci au travailleur ou en s’appuyant sur les causes de licenciement (Art. 87).

ENTREPRISES SOUS CONTRÔLE OUVRIER : c’est le mécanisme établi par la loi pour faire face à la fermeture illégale ou frauduleuse d’entreprises et de centres de travail. Si le patron ne se soumet pas à l’ordonnance de reprise des activités productives, le Ministère du travail réunira les travailleurs pour former une instance d’administration et réactiver la production. Dans ce Conseil d’Administration Spécial est prévue la participation du patron. Si celui-ci s’y refuse, le contrôle revient totalement aux travailleurs. La loi prévoit la possibilité que l’État offre son assistance technique et participe à la gestion à travers les ministères compétents (Art. 149)

CE N’EST QU’APRÈS LE PAIEMENT DES TRAVAILLEURS et quand ceux-ci s’estiment pleinement satisfaits que les tribunaux peuvent désormais procéder à la déclaration de faillites. Le paiement des salaires est prioritaire par rapport à tout autre engagement de l’entreprise. (Art. 150-151)

CONTRE LE  HARCÈLEMENT MORAL AU TRAVAIL ET SEXUEL. La loi interdit tout autant ce harcèlement au travail que sexuel et établit les sanctions. Elle définit le harcèlement au travail comme la pression constante et la conduite abusive exercée par le patron ou ses représentants ou un travailleur portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité bio-psycho-sociale d’un travailleur. Le harcèlement sexuel est défini comme l’imposition d’une conduite sexuelle non désirée et non demandée, exercée de manière isolée ou de manière répétée par le patron ou ses représentants contre le travailleur. La norme légale établit à présent que l’État, les travailleurs, leurs organisations sociales, les patrons sont dans l’obligation de promouvoir des actions qui garantissent la prévention, l’enquête, la sanction, ainsi que la diffusion, le traitement, le suivi et l’appui aux dénonciations de harcèlement. (Art. 164-166)

Signature de la loi par Chavez: « Justicia social ! ». 30 avril 2012.

Caracas, 1er mai 2012.

Voir aussi :

« Venezuela : attaquée par les médias privés, la nouvelle loi du travail est appliquée et diffusée rapidement avec l’appui des mouvements paysans et du réseau féministe. »

Le Venezuela ouvre le débat pour construire une nouvelle loi du travail.

« Démocratiser le monde opaque de la production », “Mettre en place des conseils des travailleurs”, “éliminer la division du travail”, « réduire la durée du travail pour faire place au temps de la vie », « créer la propriété sociale des moyens de production » : les objectifs qui fondent historiquement l’existence de la gauche sont bien vivants… au Venezuela. Alors qu’en Europe, en Espagne par exemple, la loi du travail est revue et corrigée pour la rendre plus favorable au patronat, le Venezuela a lancé il y a quelques mois un débat public pour élaborer une loi qui «paie enfin la dette que possède encore la révolution vis-à-vis des travailleurs».

La loi actuelle reste en effet très favorable à un secteur privé dominant, et marquée au coin du néo-libéralisme et des accords de Punto Fijo (1961) par lesquels sociaux-chrétiens et sociaux-démocrates avaient fixé le contrôle politique de l’État. Pour que la nouvelle « Loi Organique du Travail » (LOT) que signera le président Chavez le 1er mai prochain soit le fruit d’un débat pluraliste, la commission présidentielle a déjà reçu des milliers de propositions que rédigent des mouvements sociaux aux quatre coins du pays : syndicats, mouvements de jeunes, organisations de femmes, coordinations de concierges, de producteurs agricoles ou de pêcheurs, etc…

Ainsi les militants de la JOC (Jeunesse Ouvrière Catholique) ont réalisé un diagnostic précis des atteintes aux droits des jeunes travailleurs (photo). «Non-reconnaissance des jeunes travailleurs du secteur informel», «mauvais traitements et agressions au travail», «licenciements injustifiés», «irrespect du droit lié au premier emploi», «stages sans paiement de salaires», «pas d’accès à la santé dans les centres de travail», etc.. L’axe central de leur proposition est que la loi consacre enfin les jeunes travailleurs comme sujets de plein droit, en garantissant l’égalité et en punissant sévèrement les patrons coupables de discriminations. Parmi les propositions, on notera entre autres:

– Le patron devra garantir que 25% au moins du personnel soit composé de jeunes. Ceux-ci bénéficieront d’un régime spécial qui leur permette d’étudier tout en travaillant, sans que cela affecte ni leur salaire, ni la stabilité de l’emploi.

– Le patron devra garantir les moyens concrets de la formation intégrale des travailleurs durant la journée de travail (ce qui vaut pour les syndicats, délégués de prévention et membres du Conseil des Travailleurs).

– L’interdiction de pré-requis à l’embauche tels qu’expérience préalable ou période d’ essai.

– Les pleins droits à la participation politique et à l’organisation dans les centres de travail, pour le mouvement syndical comme pour les conseils des travailleurs.

– Les pleins droits aux assemblées permanentes comme moyens de prises de décisions et de consultations syndicales et des conseils de travailleurs pendant les heures de travail ou pendant le temps libre.

Osvaldo Vera, député socialiste (PSUV) et membre de la commission présidentielle qui rassemble les diverses propositions, explique que la loi modifiera le rôle du ministère du Travail. «Il cessera d’être neutre et se mettra du côté du travail, non plus de celui du capital». Mr. Vera évoque la création d’un fonds pour le paiement des divers droits sociaux dus aux travailleurs, alimenté par 3% des royalties pétrolières. «Ainsi, tout travailleur qui quitte son poste pour prendre sa retraite, ou parce qu’il démissionne ou se fait licencier, pourra compter sur le paiement rapide de ses droits ou de ses indemnités”. La figure du « licenciement injustifié » sera éliminée de la loi et sera remplacée par celle du « licenciement illégal« . Pour Antonio Espinoza Prieto, avocat expert en droit du travail, lui aussi membre de la commission présidentielle, trois aspects sont incontournables : « la restitution du régime des prestations sociales la réduction de la durée du travail et le renforcement des droits du travaillleur« .

Depuis la salle de réunion des conseils communaux du secteur Valentin Valiente de la ville de Cumaná, sur la côte (photo), des dirigeants syndicaux parmi lesquels Marcela Maspero (UNETE, syndicat bolivarien) ont annoncé la remise de propositions le 22 mars prochain dans le cadre d’une grande mobilisation nationale à Caracas. Elle a exigé que la commission présidentielle rende publique l’ensemble des propositions : « Il n’y a aucune clarté et nous ne pouvons nous démobiliser vu la compromission de secteurs locaux du ministère du travail et le retard de certains dossiers, comme c’est le cas pour les 18 travailleurs de l’entreprise privée Toyota licenciés en septembre 2011, et dont le retour au travail a été repoussé durant 5 mois ».

« Nous sommes toutes travailleuses, dans tous les aspects de la vie»

Dans l’État agricole de Portuguesa, une cinquante de travailleuses se sont réunies à l’occasion de la Journée Internationale de la femme (photo).

Sindia Aguilar et Yilvany Martínez de l’entreprise Protécnica, Patricia Méndez de l’entreprise Molinera, Carolina Gana et Milena Hernández de l’entreprise Proarepa, Camila Rodríguez de ATC, Johanna Rojas et Ninfa Riera, de Pronutricos, Rosa Landínez (Communauté de Píritu), María Mendoza (Venearroz) et Olga Angulo (Arroz del Alba), entre autres, veulent «adapter la loi à nos besoins concrets et en particulier réaliser l’équité totale entre hommes et femmes au travail». Chacune d’elles va réunir le plus grand nombre possible de  travailleuses dans d’autres entreprises pour poursuivre la discussion.

A l’autre bout du pays, des femmes de l’État de Vargas (Maison de la Femme de la mairie, Zone Éducative de Vargas, Direction Régionale de la Santé, Organisation des femmes Josefa Joaquina Sánchez, etc..) exigent que la loi «visibilise la femme travailleuse sous toutes ses facettes : femme qui travaille au foyer, paysanne ou commerçante informelle».

Aimée Benítez, du mouvement Josefa Joaquina Sánchez : «L’égalité absolue est indispensable. Nous sommes toutes travailleuses, dans tous les aspects de la vie. Nous défendons des propositions comme le fonds de sécurité sociale financé par les entreprises publiques et privées, pour résoudre les difficultés des travailleu(r)ses indépendantes». Les femmes appuient la réduction de la durée du travail de 8 à 6 heures par jour, l’extension du congé prénatal à deux mois comme droit inaliénable et du congé postnatal à six mois, un droit qui pourrait être étendu à tout proche qui aide à prendre soin de l’enfant jusqu’à l’âge d’un an. On défend la proposition de “garderies dans les entreprises publiques et privées pour, notamment, garantir le temps de l’allaitement maternel”.

Renaissance légale du «Conseil des travailleurs».

Un des buts de la nouvelle loi est de rattraper le retard pris dans la création de la figure légale du «Conseil des Travailleurs» que le Parti Communiste du Venezuela avait déjà proposée à l’Assemblée Nationale en 2007. Quel est le but de ces «conseils», revendication historique de la gauche mondiale (1) ?

Pas de collaborer avec le patronat pour augmenter l’emprise du capital sur le travail mais de devenir une forme d’organisation supérieure des travailleurs, qui exercera le contrôle social sur la production et sur l’administration des entreprises, prendra une part active aux décisions et développera la participation directe de la population dans les centres de travail publics comme privés. Les «conseils de travailleurs» ne se substitueront donc pas aux syndicats, maintenus dans la nouvelle loi, mais leurs membres jouiront de la même protection légale que les militants syndicaux. Il s’agit en fait de démocratiser le monde du travail. Les entreprises mixtes et privées ne pourront en aucun cas faire obstacle à leur constitution ni à leur fonctionnement, sous peine de sanctions.

Thierry Deronne, avec AVN, Ciudad CCS, Prensa Proarepa, JOC-V, Prensa MINPPAL.

(1) La journaliste Carolina Hidalgo (Ciudad CCS) rappelle qu’au Chili en 1973, les travailleurs chiliens s’organisèrent spontanément sous la forme des “cordons industriels”, sorte de conseils de travailleurs constitués dans chaque secteur pour faire face aux pénuries provoquées par l’opposition et par le gouvernement états-unien sous la présidence de Salvador Allende. Dans ces cordons industriels les ouvriers prenaient les décisions sur la production et fonctionnaient indépendamment du gouvernement.

Dans les premières années de la révolution russe, avant l’époque stalinienne, les “soviets” désignaient des assemblées d’ouvriers, de soldats, de paysans comme force fondamentale de transformation. En 1918, en Allemagne, l’opposition à la Première Guerre Mondiale et à ses pénuries et à la monarchie prussienne furent le point de départ des conseils de travailleurs, de marins et de soldats. Cette année-là des milliers de ces organisations s’établissent dans 18 villes allemandes. En Espagne, en 1936, de nombreuses expériences semblables appelées « collectivités » surgirent au sein du mouvement républicain en lutte contre les franquistes. Ces structures contrôlées par les travailleurs assumèrent dans certains cas les services municipaux, voire le pouvoir municipal. En 1937, ces “collectivités” furent anéanties sous l’action des troupes franquistes.

URL de cet article: https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/03/09/le-venezuela-ouvre-le-debat-pour-construire-une-nouvelle-loi-du-travail/

Les travailleurs assument la direction de VIVEX, Vidrios Venezolanos Extras, nationalisée par le gouvernement bolivarien.

mercredi 1er juin 2011

Le vice-ministre de Développement Industriel, Carlos Farías, a annoncé que les travailleurs assumeront l’administration de Vidrios Venezolanos Extras (Vivex), industrie qui se consacre à la fabrication de vitres pour véhicules. Farías a souligné que les travailleurs de l’entreprise située dans la zone industrielle de Barcelona, municipalité de Bolívar, état d’Anzoátegui luttent depuis près de trois ans pour leurs revendications.

Il a indiqué que le décret 8.260, qui émane de la présidence de la république, constitue un acte de justice sociale envers les travailleurs. La disposition légale, publiée au Journal Officiel 39.685 du 31 mai 2011, ordonne la réquisition des biens meubles, immeubles et autres ajouts ou dépendances de VIVEX.

Les installations sont prêtes à fonctionner. Basiquement ce que nous avons à faire, c’est de préparer un projet, connaître le niveau d’investissement financier, le matériel et les ressources humaines qui manquent pour pouvoir la réimpulser” a expliqué le fonctionnaire du gouvernement bolivarien.

Il a souligné que le droit au travail de tous les employés de Vivex est garanti et il a rappelé l’importance de l’entreprise pour le gouvernement bolivarien dans le secteur de la production nationale d’automobiles pour la population.

De son côté le porte-parole syndical de Vivex, Jean Sabino, a rappelé que “après que les anciens propriétaires ont déclaré de manière frauduleuse la faillite et ont refusé de payer les droits aux travailleurs, nous, les travailleurs avons décidé de commencer la lutte pour réaliser nos revendications”.

Il a raconté comment pendant les trois dernières années le mouvement a organisé des réunions de travail et des assemblées avec les communautés voisines pour discuter des possibilités de réactivation de l’entreprise, et que de toutes les possibilités c’est la nationalisation qui a été retenue par la majorité.

Le syndicaliste Sabino a remercié le président Hugo Chávez pour cette décision de nationaliser l’entreprise et il a rappelé l’engagement de tous les travailleurs de Vivex d’impulser la production en faveur du peuple vénézuélien.

Sur le thème du contrôle ouvrier au Venezuela, on peut lire également : Venezuela, 24.05.2011. Les travailleurs de « La Gaviota » veulent approfondir le contrôle ouvrier

Source : http://www.correodelorinoco.gob.ve/…

Voir le reportage de VIVE Oriente en espagnol

Traduction : Thierry Deronne URL de cet article : http://www.larevolucionvive.org.ve/…

Les travailleurs de « La Gaviota » veulent approfondir le contrôle ouvrier

lundi 23 mai 2011

En décembre 2010 les travailleurs de l’entreprises de conserves alimentaires « La Gaviota » ont organisé une grève de 21 jours. Il ne s’agissait pas seulement d’exprimer des revendications sur le travail mais aussi d’exiger des informations sur la comptabilité et de protester contre la chute et les « problèmes fréquents » dans la distribution.

Dans la mesure où les travailleurs et les communautés accèdent vraiment à l’information sur le processus productif sans aucune limitation et participe pleinement aux décisions qui la concernent, alors l’efficacité s’améliorera, la bureaucratie, la corruption diminueront, la distribution sera mieux ciblée, avec une qualité et des prix justes. Elle rencontrera les besoins du collectif et non de petits groupes de pouvoir”. C’est ce qu’explique José García, dirigeant du syndicat d’UNETE (Union Nationale des Travailleurs) de cette industrie.

Les « Conservas Alimenticias La Gaviota » est une entreprise qui emballe et distribue des sardines, des mollusques, et du thon, elle constitue une des rares sources de revenus du secteurValentin Valiente, Cumaná, état de Sucre.

A la suite de son occupation par les travailleurs, elle a été nationalisée par le gouvernement révolutionnaire. Dès ses premiers pas comme entreprise publique, les travailleurs ont participé directement à la relance de la production. Depuis, malgré ses hauts et ses bas, ce processus de contrôle ouvrier, ne s’est pas arrêté.

C’est ce que nous raconte le syndicaliste García qui, au vu du chemin parcouru, exige plus d’avancées. Il considère que l’actuelle direction, malgré des progrès, prend encore des décisions sans consulter les travailleurs. « Le contrôle ouvrier est l’usage d’informations pour pouvoir intervenir dans les décisions. Sans cela, ce n’est pas un contrôle ouvrier« . nous dit-il, tout en reconnaissant l’appui du gouvernement : « Le ministre Juan Carlos Loyo a dit, et nous le savons, que le gouvernement veut continuer à changer le modèle”.

HISTOIRE D’UNE LUTTE DES TRAVAILLEURS

En janvier 2009, les travailleurs avaient organisé une grève de 75 jours pour obtenir de meilleures conditions de travail. Les patrons privés leur imposaient des cycles de deux à trois jours de travail par semaine pour éviter de leur payer des droits sociaux ou des vacances. “Nous avons enquêté et nous nous sommes rendus compte que le produit était exporté au Brésil, car comme elle est vendue au Venezuela à trois bolivars, ils préféraient la vendre à l’étranger, à un prix de 17 bolivars”.

Il raconte comment le patron diminuait les tours de travail parce qu’il ne souhaitait pas augmenter la production. “Ils gagnaient quatre fois plus à l’extérieur, payaient le moins de temps de travail possible. Nous avons commencé la lutte non seulement pour nos revendications salariales ou sur les conditions de travail mais aussi pour un travail permanent”.

En mai 2009, le gouvernement bolivarien a fait occuper temporairement l’usine pour éviter sa fermeture par les patrons. Cet acte fut notamment l’œuvre du ministre du Commerce Eduardo Samán qui annonça que l’entreprise passerait sous contrôle ouvrier et qui expliqua dans divers médias que dans la première étape on “avait réussi à briser la division entre le travail manuel et l’administration de l’entreprise”.

Pendant cette période fut nommé un conseil de travailleurs pour gérer l’entreprise avec le conseil des fonctionnaires du Ministère du Commerce. Les premières conquêtes furent le paiement de tickets d’alimentation, la restructuration du temps de travail, le paiement de droits acquis aux travailleurs et l’inscription générale à la sécurité sociale. Voir la vidéo sous-titre en FR : http://blip.tv/escuela-popular-latinoamericana-cine/empresa-recuperada-socialista-la-gaviota-sub-frances-2591495

Le 19 mai, deux semaines après l’intervention gouvernementale, l’usine produisait déjà à 50% de sa capacité. Les excédents étaient minimes mais elle n’enregistra aucune perte. “Effectivement il fut démontré que nous pouvions payer des salaires, l’entretien et tout le reste, grâce à la vente des produits” explique García.

Notre objectif était de produire à 100% de capacité pour atteindre l’indépendance financière mais nous ne l’avons pas encore atteint”.

En mars 2010 l’entreprise passe sous le contrôle d’Indepabis (Institut de Défense des Droits des Consommateurs) et par la suite, de la Corporation Vénézuélienne d’Aliments (CVAL), organisme qui nomme une équipe de gérants pour substituer la vieille structure où le conseil des travailleurs était l’organe de décision.

A partir de cette date a commencé à baisser la production et les actions syndicales ont repris parce que les gérants ne donnaient pas d’information sur la situation financière. Après de nombreuses luttes, nous avons obtenu le contrôle des secteurs de vente et de production mais la direction s’est réservée ceux des achats et de la comptabilité”.

Le représentant syndical raconte que les travailleurs se sont organisés pour publier mensuellement les chiffres de la production et pour développer des systèmes de distribution “pertinents, fréquents, de qualité, à un prix juste” avec l’aide des conseils communaux de la zone Valentin Valiente.

En octobre 2010 le syndicat a présenté un document à la direction de Pescalba, entreprise cubano-vénézuélienne qui fournit à « La Gaviota » du poisson et d’autres matières pour la production. Ils y ont dénoncé des barrières bureaucratiques pour l’acquisition de la matière première, des outils et les problèmes dans le stockage et la distribution.

En décembre 2010, le syndicat a décidé de paralyser les activités. Les travailleurs n’avaient toujours pas reçu le paiement du treizième mois et dénonçait le fait que la gérance stockait inexplicablement plus de 50000 caisses de produits sans les écouler.

Après 21 jours d’arrêt des activités, on est parvenu à certains accords, comme l’intégration de deux travailleurs dans la direction.

En janvier 2011 les activités reprennent. Mais en mars 2011 la production et la distribution chutent de nouveau jusqu’à l’arrêt de la production “par manque de matière première et à cause des barrières bureaucratiques”.

Nous avions 96 mille caisses accumulées qui exigeaient une distribution rapide, efficace, nous ne pouvions faire le travail parce que les gérants retardaient les décisions et n’achetaient pas les matières premières”.

En avril, le ministre de l’Agriculture et des Terres Juan Carlos Loyo, s’est rendu sur place, a visité « La Gaviota » pour mener son enquête. Après une assemblée du personnel, il a destitué la direction de la partie vénézuélienne de Pescalba et a annoncé la restructuration de la direction de « La Gaviota » qui depuis lors serait intégrée par les travailleurs, les porte-parole de la communauté et de l’Etat.

A l’heure actuelle José García fait un bilan positif du processus mais insiste sur la nécessité de changer le modèle de gestion pour améliorer la situation. “Les travailleurs sont ceux qui doivent transformer ce modèle et prendre le contrôle des entreprises, pas les bureaucrates ni les directions syndicales” conclut-il avec ses compagnons, en proposant d’apporter un coup de main pour atteindre la souveraineté.


Qu’est-ce que le contrôle ouvrier ?

Le contrôle ouvrier signifie exactement ceci : la classe ouvrière et ses représentants dans les entreprises ont le droit d’inspecter les livres de compte de l’entreprise ou de l’industrie, de surveiller et de contrôler tous les revenus et les dépenses et les actions de la direction.

Dans le programme de transition au socialisme l’homme politique russe Léon Trotsky explique que le premier pas vers le contrôle réel de l’industrie est l’élimination des “secrets de l’entreprise” : la comptabilité est utilisée en effet pour justifier toutes les attaques contre la classe ouvrière, telles que les réductions de salaire, les licenciements et l’augmentation des cycles de travail. Quand les entrepreneurs disent qu’ils sont en faillite ou qu’ils perdent des bénéfices, il faut demander des comptes. Le contrôle ouvrier permet aux travailleurs de connaître les chiffres et donc la situation réelle de l’entreprise. L’idée est de lever le voile, de démontrer à la classe ouvrière le fonctionnement détaillé du système capitaliste, c’est un pas nécessaire dans son élimination.

Source : Ciudad Caracas http://www.ciudadccs.info/?p=173699 CAROLINA HIDALGO/CIUDAD CCS

Traduction : Thierry Deronne, URL de cet article : http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1561&lang=fr

Sur la route de Cumaná…

dimanche 13 décembre 2009

A l’origine, une nouvelle lubie de notre camarade de Vive, nous faire voir du pays.

Et le voici qu’il nous parle d’une entreprise nommée La Gaviota qui va être nationalisée officiellement le jour même et que ce serait bien qu’on y aille, admettons.

Nous, c’est le camarade toulousain Maxime Vivas (écrivain, auteur notamment de la Face Cachée de Reporters sans Frontières) et moi même.

Il est donc 6h du matin quand nous quittons Caracas pour Cumana, dans l’Etat de Sucre, à 8h de route (en comptant les heures de bouchons).

Voyage cahoteux avec des nids de poule en plein milieu des « autoroutes », si gros qu’on parlerais plutôt de nids d’autruches, mais pas chaotique pour autant. Quelques arrêts dans les panaderias (boulangeries) pour touriste, à vous faire regretter les mêmes des quartiers chics de la capitale pourtant déjà excessivement chers.

Nous traversons l’Etat de Miranda, descendant les collines vers les plaines verdoyantes. Puis la forêt touffue, ou jungle, ou ne sais plus, avec les vendeurs de fruits, bananes, fruits de la passions, mandarines, …

Voici un péage, le seul, nous payons quelques centimes. On croise des postes de péages sur toutes les routes au Venezuela mais il est rare que ceux-ci servent encore à leur usage premier. les routes du Venezuela appartiennent elles aussi au domaine public.

Nous voici dans l’Etat Azoantegui, avec ses grandes plaines entre plaines semi-désertiques, faisant penser au Mexique, avec les cactus au bord de la route, sous un climat chaud et sec.

Puis une lagune, bleue océan, calme, au bord de laquelle j’ai appris par une traduction du début de mon séjour qu’il s’y trouve une coopérative socialiste de pêche. Invisible à l’oeil de l’autoroute mais bien réelle

On roule, roule, et on passe devant les puits de pétrole, le cœur de la richesse de cette nation. Cette richesse qui est aussi source de beaucoup de problèmes, comme un cadeau empoissonné. Rien n’est possible sans, mais on ne put rien faire tant qu’il est là. cette richesse qui appauvrit. Encore un paradoxe. pas des moindres.*

On traverse les villes, on arrive à Barcelona, eh oui ici aussi, et on reprend l’autoroute. Puis voici Puerto la Cruz, à la limite avec l’Etat Sucre, une ville clairement touristique et nous commençons à grimper les montagnes pour suivre la route du bord de mer et redescendre vers notre destination, avec tout le long vue sur la mer, la côte, les plages, qu’on dit ici encore plus paradisiaques qu’à Choroni.

Enfin, nous finissons notre périple et derrière les collines on arrive à Cumanà, une cité balnéaire, hôtels, plages, vendeurs, tout pour les touristes. Sauf que ce n’est pas précisément le motif de notre visite.

En bon gauchistes, nous sommes une fois de plus là pour suivre le processus révolutionnaire à partir de la base (révolutionnaire). Et évidemment, nous nous concentrons dans les lieux où ça marche afin de généreusement collaborer à la (honteuse) propagande chaviste.

Nous arrivons sur place sur les coup de 14h. On passe le portail et nous entrons.

Un immense espace s’offre à nous, avec devant une grande usine, plutôt sobre, même austère, s’il n’y avait devant tout un petit monde s’affairant à monter une scène de spectacle, et ces gens discutant tranquillement sur les chaises installées devant la scène.

Au dessus de la scène, cette photo, si explicite, et pourtant ce n’est que plus tard que nous comprendrons un peu mieux de quoi il s’agit vraiment. « La Gaviota alzó el vuelo al socialismo »

Je retrouve Rafael, notre contact, que j’avais rencontré Fama de America quand ces ouvriers étaient venus jouer pour ces autres travailleurs en lutte une pièce de théâtre sur leur combat. Embrassades chaleureuses, présentation de tout le petit monde. Il y a là des ouvriers et ouvrières, des militants sociaux, des membres du conseil communal, des représentant des fonds d’aide du gouvernement.

Devant nous la scène, derrière nous et plus loin dans la place, un bâtiment plus petit avec des groupes s’affairant devant. On se rapproche.

On se trouve face à la Salle de Bataille Sociale « Subversion Caribe », un lieu où peuvent se rassembler les conseils communaux, les commissions, les lutteurs sociaux.

Devant, une sono crache à plein poumon la voix d’Ali Primera et ses chants populaires et révolutionnaires. On entre dans les lieux et on nous dirige vers les cuisine où les ouvrières et les ouvriers de l’usine préparent la hallaca, le plat de noël au Venezuela, et nous en offre une immédiatement, que nous dégustons avec saveur.

Étant passablement épuisés, Rafael nous désigne en souriant des matelas stockés dans un coin et nous nous écroulons dans une sieste réconfortante.

Mais où sommes nous donc me direz vous ?

La Gaviota est une fabrique de conserves de sardines et de fruits de mer. Une usine qui emploie 330 ouvriers, majoritairement des femmes, qui distribue les sardines en conserve dans le pays. Il y a 6 mois ces travailleurs ont commencé une lutte pour obtenir la nationalisation de l’entreprise. Condition de travail difficile, faibles salaires, exploitation des gérants. Les ouvriers effectuait alors les deux 12, en non pas les trois 8, en étant payé la moitié des (au minimum) 58 heures de travail hebdomadaires.Comme chaque fois dans ce cas, le gouvernement a pris une mesure d’occupation temporaire afin de mesurer la viabilité de l’entreprise et si elle est d’importance à l’économie nationale, dans le cadre d’un programme de souveraineté alimentaire.

Après quelques mois de lutte, le gouvernement a accepté rapidement la nationalisation.

Ce 5 décembre 2009 est la date où l’usine est officiellement nationalisée.

Mais pas dans n’importe quelle condition car comme nous l’explique un des ouvrier, l’usine est totalement gérée par les ouvriers. Il n’y a pas de patron, un simple comité de coordination. ils sont arrivés à s’organiser pour les commandes, les contrats, les ventes. Les pêcheurs du coin livrent la matière première, les travailleurs font leur travailleur de mise en conserve et les produits sont exportés sur les marchés locaux, mais également dans tout le pays via les réseaux de distribution à bas prix Mercal et Pdval. Dans cette organisation, ils ont réussi en diminuant la production de 50% pour retrouver un niveau de pénibilité du travail acceptable, en réorganisant la structure avec des salaires garantis pour tous et non plus au fonction du rendement, avec tout cela, ils ont encore un bénéfice record et peuvent s’octroyer à tous un salaire de 2500 BsF mensuel, presque le triple de leur salaire antérieur.

Nous sommes donc dans une usine nationalisée ET autogérée.

Alors, pour fêter cet évènement exceptionnel, les ouvriers et les communautés de Cumana ont organisé un festival intitulé : « la Gaviota a fait le saut vers le socialisme »

Comme dit précédemment, l’usine accueille la salle de bataille socle et les ouvriers sont aussi investits dans la vie de quartier, dans le PSUV et des les luttes sociales extérieures.

On se réveille sous le coup de 16h. Beaucoup de monde est arrivé. On voit défiler les camionettes et descendre les groupes de musique et de danseurs.

Programmé à13h, le spectacle commence à 16h30.

La musique commence.

Un groupe de danseuses folkloriques de musique traditionnelle vénézuelienne nous fait une démonstration de robes de couleurs et de mouvements pleins d’allégresse.

Vient ensuite sur scène une chanteuse locale, apparemment très connue ici, qui dans un sanglot d’émotion déclame un chant composé à la gloire des travailleurs de la Gaviota.

Puis vient le tour des jeunes de l’école de danse de Cumana. Devant nous une démonstration de sensualité, de rapidité et de maitrise ..

… Le joropo, danse traditionnelle des llanos, les plaine du centre, une danse majestueuse, avec les tenues qui vont avec.

Puis c’est le tour d’une groupe de la gaïta, chant traditionnel de noël, venu de Maracaibo, dans l’Ouest, devenu culture nationale, sauf qu’ici il n’y a que des femmes qui chantent et elles parlent de socialisme et de la Gaviota.

Peu après vient un autre groupe de danse, cette fois des enfants, qui procèdent aux aussi un joropo endiablé, au milieu d’une coupure d’électricité du secteur.

Entre chacune des chansons, les organisateurs remettront un titre de reconnaissance aux groupes. Les pauses et les installations de chacun des musiciens laisseront un laps de temps disponible pour des lectures, déclarations ou poèmes en tous genres. Il y en aura à la fin de chaque chanson.

Je me souviendrais longtemps de ce musicien, ouvrier de la Gaviota, timide et tremblant, amené sur le devant de la scène guidé par la main, prenant le micro et déclamant un poème de sa composition, qui fit l’effet d’un soufflet qui s’abat sur nous et nous laisse cois d’admiration.

Il y a aussi cet autre ouvrier qui au moment de débuté une chanson, prendra soudainement le micro et déclarera la Gaviota « base de Paz, base de paix contre l’impérialisme yankee dans Notre Amérique ». Je discute avec mon voisin, lui parle du 23 de Enero, il connait, évidemment.

Viendront ensuite des mariachis (chanson traditionnelle mexicaine) vénézueliens, avec leur chanteur complètement ivre qui tentera en vain de nous convertir à une secte protestante évangéliste, tout en chantant horriblement faux. Moment de fou rire collectif mémorable.

Et puis viennent des groupes de jeunes, de Caracas, du reggea, du rock, on change de ton. Joue un groupe de Caracas, que j’avais déjà croisé au 23 de Enero lors du concert pour le référendum.

On sent a ce moment dans la foule comme un souffle, les gens commencent à danser plus massivement. Les percussionnistes sont déchainés, deux, trois temps, quatre temps, ils changent selon le morceau et s’adaptent à la musique.

Vient un autre jeune, qui reprend de manière très rythmée les grands succès d’Ali Primera avec la foule debout qui chante et danse. J’apprendrais plus tard qu’il s’agit du fils du chanteur populaire.

Et puis viendra la conclusion, où sur scène ils se retrouveront tous, tous ceux qui ont participé au festival. Les jeunes sur le devant de la scène, Les petits encore devant et tout les autres là où il reste de la place, derrière, sur les côtés, dans le public.

Ils entament la chanson du groupe « La Cantera » : Libertad, la luna en mi pensamiento.

La chanson commence doucement, soudain je vois un ouvrier, le sourire jusqu’aux oreilles, courant précipitamment à l’intérieur de l’usine et en ressortant avec un but de tissu coloré.

Puis une ouvrière accroche à un ballon de baudruche un drapeau rouge qu’elle brandit.

Le bout de tissu coloré est un drapeau, le drapeau du Venezuela, l’ouvrier juché sur une chaise le tend au dessus de la scène. Il projette son ombre sur le mur blanc de l’usine. Et puis. et puis,

Il y aura cet instant de pure synchronie, de parfaite cohésion. Tout le public monde chantant, dansant, assis ou debout, peu importe, toute la scène répétant ces mots « libertad, libertad, libertad, la luna en mi pensamiento », (liberté, la lune dans mes pensées). La lumière des projecteurs se reflette au travers du drapeau vénézuelien tendu au dessus de tous, et au fond cette image de la gaviota, la mouette, volant au devant d’un coucher de soleil en forme d’étoile. L’image est surréaliste.

Personne n’a eu besoin de crier « patria socialismo o muerte, venceremos », le slogan des chavistes. Il n’y avait pas de caméra, pas de journalistes, seulement des homme et des femmes. Pa de manipulation ni de propagande, un simple évènement collectif. Ca n’a pas duré certes, mais,

Au milieu de tous ces chavistes, les critiques, les contradictions, les oppositions, la propagande, quittaient les pensées. Il n’y avait qu’une mystique commune, un sentiment d’unité si fort, celui qui fait croire qu’on peut déplacer les montagnes et qui donne envie de sourire aux autres, de serrer son voisin dans ses bras et de chanter et danser ensemble de rire et de croire que tout est réellement possible sur cette terre.

Si futile, si irréel, si enfantin et naïf mais, au moins pour moi c’était là.

L’espace d’un peu plus d’une minute, j’ai vécu un instant de socialisme. Et la seule chose que je peux désormais espérer c’est que ça ne soit pas le dernier… La musique s’arrête. Pas brutalement, la descente s’est faite en douceur avec quelques autres chansons, les gens partent progressivement.

Un petit vieux m’accoste et me parle des héros du Venezuela. Je lui confie mon ignorance crasse de l’histoire des figures historiques du pays. Il s’en va, me dit de l’attendre. Dix minutes plus tard le voila revenu chargé de bouquins, portant sur les héros du pays et de l’Amérique Latine. il me les offre.

Nus nous dirigeons vers l’infirmerie de l’usine où nous posons nos affaires et nous endormons sous l’oeil des affiches du gouvernement.

Réveil à 6h du matin. Difficile. Pas la gueule de bois (pas d’alcool) mais presque. Sueur, poussière, on est pas super propre et on ne sent pas forcément le jasmin.On cherche le gardien pour qu’il nous ouvre les portes. Celui-ci nous propose de visiter l’usine. Nous acceptons.

Effet de la veille ou de la fatigue, toujours est il que j’ai immédiatement été pris d’une envie de photographier chacun des détails de l’usine et de ses machines. la tête embrumée, tentant de cadrer et d’avoir des photos nettes, je me fais la réflexion qu’avant de venir au Venezuela, je n’avais jamais regardé une usine ni ne m’étais intéressé à son fonctionnement, son histoire, la vie des gens à l’intérieur. On est le révolutionnaire qu’on peut..

Le gardien travaille aussi et les gardes de nuit se font à tour de rôle. Il nous explique chaque phase de la production : arrivée des poissons, découpe, cuisson, préparation des condiments, pose des couvercles, expédition.

Il nous raconte aussi tout ce qu’ils ont gagné : médecine du travail, infirmerie, ticket restaurants, augmentation des salaires, diminution de la pénibilité, mais surtout, faisant écho une phrase que j’ai déjà entendu à plusieurs reprises :

« nous avons retrouvé notre dignité ».

Il est l’heure de partir, retrouver les bouchons, la ville, l’agitation et la pollution. Le « processus » et le quotidien révolutionnaires ou pas. Cet ouvrier me dira alors cette phrase, la dernière qui me reste de la Gaviota :

« Tant que nous serons là, tant qu’il y aura ne serait-ce qu’une Gaviota dans ce pays, existera la Révolution ».

Nous nous disons au revoir. On passe la porte. Et nous partons.

Epilogue :

Sur la route nous avons faim, nous payons à nouveau cher pour une petite empanada. Notre chauffeur s’arrête à cinq reprises pour charger des denrées, bananes plantin, mandarines, gateaux tradtionnels, lard séché (! !!), essence aussi. 0.10 Bolivars le litre. 2 centimes d’euros. 90 centimes pour 30 litre. On prend une bouteille d’eau de 33 cl : 7 BsF, 2 euros. Paradoxe des contradictions.

On croise en traversant Portuguesa un panneau publicitaire immense pour une bière avec dessus une nana quasiment à poil. La question féminine n’est pas encore tout à fait résolue, elle non plus.

Que restera-t-il de cette escapade à la Gaviota ?

Est-ce une autre de ces exceptions ne confirmant pas la règle comme j’en ai déjà vu d’autres en ce pays ?

Et quand bien même, est-ce qu’un pays qui peut, grâce à des changements politiques arriver à créer ce genre d’évènement, est-il vraiment foutu, pétris de contradictions, s’autodétruisant de jour en jour ?

Certains disent que toute société totalitaire est vouée à s’effondrer dès lors qu’une personne arrive à porter une voix dissidente en son sein. N’est pas l’apanage de processus révolutionnaire d’exister à partir du moment où en un lieu donné une personne y croit et la met en pratique ?

Je ne vois bien que ce que je veux voir de ce pays, j’en suis conscient, mais le peu que je ne me cache pas existe lui aussi, il serait fâcheux de l’oublier, un rêve une utopie, un processus, une révolution, une raison de vivre ?

Bien des choses que je ne sache pas. Et c’est tant mieux car c’est la seule raison qui me (et nous) permette d’espérer.

Grégoire Souchay, décembre 2009.

Source : http://escapades-bolivariennes.blogspot.com/2009/12/instants-socialistes.html

Voir aussi :

08.09.2009. « LA GAVIOTA », nouveau documentaire sous-titré en français sur la lutte des travailleurs au Venezuela.