Au Venezuela les communard(e)s continuent à créer l’État nouveau.

Lorenzo Santiago, Brasil de Fato | Caracas (Venezuela)

Petit à petit, les Vénézuéliens ont remonté les rues étroites du quartier de Catia pour aller voter dans les bureaux de la commune d’Altos de Lídice, à Caracas (1). L’élection de ce dimanche 21 avril au Venezuela n’a pas pour but de choisir un député, un maire ou un gouverneur. L’objectif de la consultation populaire est de définir les projets prioritaires pour chacun des 4500 auto-gouvernements communards du pays. Dans la rue, on note la forte participation des femmes. Carmen Forjado, coordinatrice de l’équipe électorale de la commune « Golpe de Timón » : « Nous sommes les 70% des électeurs, nous avons laissé le foyer, notre confort, nous nous sommes donné les moyens d’agir sur le plan politique. Nous avons le sentiment d’incarner tout ce processus ».

15.617 bureaux de vote répartis dans 49.000 conseils communaux du Venezuela ont ouvert leurs portes tôt le matin à ces électrices et aux électeurs qui ont pu choisir les priorités de chaque commune parmi sept options. Le projet retenu est transmis au ministère des communes et des mouvements sociaux, pour être financé. Il sera mis en œuvre avec le concours des habitant(e)s eux-mêmes, avec l’aide matérielle du gouvernement révolutionnaire. Les projets sur lesquels les Vénézuéliens votent sont l’eau potable, les services électriques, l’amélioration des services publics, du système de santé, de l’éducation, du sport, des transports publics, la gestion des déchets, l’entretien des rues ou des routes, la protection de l’environnement, des projets productifs, des processus industriels, le système de production agricole, etc… Qu’il s’agisse d’acheter des ambulances, d’améliorer l’approvisionnement en eau potable ou de construire un réseau Wi-Fi public, les Vénézuéliens revendiquent ce vote comme une étape avancée de la démocratie participative.

Le caractère politique de ces élections va au-delà de la politique des partis. Les communes sont un concept de l’État nouveau, proposé par le président Hugo Chávez. Son objectif reste clair : que l’État soit géré de la base au sommet et que les décisions des conseils communaux prennent toute leur place dans la prise de décision commune peuple/gouvernement. Il ne s’agit pas d’une simple consultation citoyenne, comme dans d’autres pays. Ici le résultat du vote oblige l’État à financer le projet retenu par la population.
Les projets élus ce dimanche ont été choisis après un débat approfondi au sein des conseils communaux. Par le biais d’assemblées, les habitants ont été écoutés et ont fait valoir ce qu’ils considéraient comme les principales demandes. A partir de là, ont été choisi les sept projets les plus urgents, et nécessaires.

Pour Dahis Escobar, éducatrice à l’université plurinationale Patria Grande, la participation populaire est fondamentale pour mettre en œuvre des projets qui répondent étroitement à la réalité des communes. « Ce n’est pas une simple démocratie représentative. Je ne choisis pas quelqu’un qui promet de réaliser quelque chose sans que je sache s’il va le faire ou pas, ou parce qu’il nous a dit que selon lui, tel ou tel projet est le meilleur pour la communauté. Non. Ici, la démocratie est participative et directe. Nous participons nous-mêmes au choix des projets que nous allons réaliser. Le débat sert à écouter les demandes réelles de la population ».

« Vaincre le capitalisme »

Pour José Ibarra, porte-parole des infrastructures de la commune socialiste d’Altos de Lídice, « C’est très important pour vaincre l’État capitaliste. Avant, nous étions habitués à une mairie. Mais aujourd’hui, le pouvoir populaire participe à partir de son territoire, des projets à court, moyen et long terme sont élaborés. Les gens eux-mêmes, les porte-parole des conseils communaux et le Comité Local d’Approvisionnement, participent ensemble à ce projet au bénéfice des communes »

Mères, pères, grands-pères et grands-mères accompagnés de leurs enfants, petits-enfants et neveux. Des familles entières se sont rendues aux urnes en ce dimanche qui s’annonçait nuageux à Caracas. Le ministère des communes s’attendait à ce qu’au moins 1,3 million de communard(e)s participent à la consultation. Parce qu’ils sont simples et rapides à mettre en œuvre, le gouvernement calcule que les projets retenus seront finalisés dans un délai maximum de deux mois. Les travaux seront gérés par les communes elles-mêmes par l’intermédiaire de la Banque Communale, une figure créée par l’assemblée nationale au sein du vaste éventail des lois du pouvoir populaire. Chaque commune dispose de sa propre banque, et d’une unité qui concentre l’administration des fonds. La banque recevra l’argent du ministère et l’investira conformément à ce qui a été approuvé dans les assemblées.

Contrairement aux élections traditionnelles (35 en 24 ans de révolution), les personnes âgées de plus de 15 ans peuvent participer à la consultation populaire. Pour Dahis Escobar, la présence des jeunes est un gage de plus grande représentativité dans le choix des projets. « Les plus de 15 ans peuvent choisir les projets qu’ils préfèrent, l’important est que ces projets soient réalisés par les habitants de ces communautés eux-mêmes. C’est un projet pour toute la commune, qui profite à toute la commune, pas à un secteur, pas à un individu, mais à toute la commune ».

Photo : Sur la base du vote, chaque commune dresse la liste des projets qui seront mis en œuvre en priorité par le gouvernement / Monyse Ravena

« Grand jour ! Le pouvoir dans notre pays est enfin dans les mains du peuple », a déclaré le président Maduro, pour qui « la droite déteste le pouvoir populaire, rien que ces mots – pouvoir populaire – génèrent son mépris, sa haine, à l’assemblée elle a toujours voté contre les lois qui le garantissent. » L’idée du gouvernement bolivarien est que le processus de consultation et de choix des projets soit mené plus souvent. Le vote a été suivi par des observateurs du monde entier dans tout le pays, dans les différents points de vote. Le sociologue portoricain Ramón Grosfoguel, célèbre penseur de la décolonialité, en était : « le processus électoral de la consultation populaire devrait être analysé par d’autres gouvernements comme un exemple de réussite. C’est un exemple de démocratie participative qui n’a pas de précédent dans le monde. On ne voit cela nulle part dans le monde, ici on en a déjà fait l’expérience et cela semble normal, mais pour nous qui venons de l’extérieur, c’est tout sauf normal, c’est un exemple ».

Lorenzo Santiago

Source : https://www.brasildefato.com.br/2024/04/22/consulta-popular-envolve-49-mil-comunas-na-venezuela-e-escolhe-projetos-prioritarios-para-territorios

Traduction du portugais : Thierry Deronne

Note :
(1) Les communes sont un type d’organisation sociale et politique basé sur les quartiers urbains et les communautés rurales. Créées dans le cadre de la loi organique des communes, promulguée en 2010 par le président de l’époque, Hugo Chávez, elles expérimentent une nouvelle forme d’autogouvernement populaire basée sur l’autogestion et le dialogue permanent avec l’État. Elles ont la priorité dans le transfert des ressources de l’État et ne doivent pas nécessairement se limiter à un état ou à une municipalité, c’est-à-dire qu’une même commune peut couvrir plus d’une ville. Le rôle de la commune implique également la gestion économique des ressources. Ces organisations s’appuient sur la loi de l’économie communale, qui reconnaît plusieurs types d’organisation au niveau économique : les entreprises communales de propriété sociale directe, les unités familiales de production ou les sociétés communales de propriété sociale indirecte, qui sont des sociétés mixtes, gérées pour moitié par l’État et pour moitié par la commune.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/04/23/au-venezuela-les-communardes-continuent-a-creer-letat-nouveau/

Loin des médias, le Venezuela

Depuis douze ans, ce modeste blog « de terrain » cherche à témoigner de la nature profonde de la révolution bolivarienne : démocratisation, socialisme participatif, autogouvernements populaires. Le Venezuela n’est pas seulement la victime de l’impérialisme, de ses blocus, de ses agressions ou de ses « sanctions ». C’est un peuple en marche, qui tire de son Histoire anticoloniale et de « l’équilibre du monde » cher à Simon Bolivar, les formes politiques de sa révolution.

Contrairement à ce que font les grands médias, ce blog transmet des expériences utiles à toutes celles et ceux qui veulent changer la vie. C’est une manière de se libérer du piège de « la remorque » qui consiste à passer sa vie à répondre au mensonge du jour (et oblige de ce fait à légitimer des thématiques étrangères aux intérêts des citoyen(ne)s.)

On sait depuis longtemps comment marche le journalisme dominant. Pour épauler le capitalisme dans sa guerre contre les gouvernements rebelles, il isole les peuples et fragmente le réel (sous-thèmes au lieu de la structure, effets au lieu des causes, individualités politiques au lieu des processus collectifs, extinction du temps sous la dictature du « présentisme », etc…). Sa cible, ce sont les militant(e)s de gauche. Il n’attaque pas le Venezuela parce qu’il est une « dictature » mais parce qu’il faut endiguer l’exemple de la démocratie de gauche la plus avancée des Amériques, celle où le record en nombre d’élections côtoie le progrès de la démocratie participative. Bref, tant que durera le quasi-monopole privé des médias, il faudra maintenir ce travail forcé de « réponse ». Comme dans nos « douze points sur les « i » d’élections présidentielles ».

Mais revenons à nos moutons. Force est de constater qu’après 24 ans de révolution, la machine à démocratiser ne se refroidit pas. Deux événements, auxquels j’ai assisté ces derniers jours, en témoignent.

Le Ministère vénézuélien de la Culture a organisé du 21 au 31 mars 2024 la troisième édition annuelle de son Festival International de Théâtre Progressiste. 150 troupes de théâtre nationales, et des troupes théâtrales de 20 pays, ont participé. Dans tout le pays, le public a pu assister à 830 représentations et découvrir le travail de près de 2000 artistes. L’entrée était très modique et, dans la plupart des cas, gratuite. Avec en parallèle, des ateliers et des activités de plein air pour les enfants. École artistique mais aussi prise de conscience. Tous ces spectacles venus d’Amérique latine, d’Europe, d’Afrique et d’Asie, ont permis au peuple vénézuélien de découvrir un monde que les médias prennent tant de soin à occulter.

Venue de Tunisie, d’Afrique, la pièce « L’Albatros » parle de la migration, du cimetière de la Méditerranée et pose des questions urgentes, fondamentales : « Qu’est-ce que l’égalité ? Qui a des droits ? ». Elle parle des mouvements de masse et de la rage des peuples causés par le capitalisme et l’impérialisme global. Ils sont cinq. Le sixième est un petit bateau en papier, brisé par les vagues déferlantes de la mer. « Je remercie la mer de nous avoir accepté sans visas ni passeports. Je remercie les poissons qui nous mangeront sans nous connaître. Lorsque les amis iront frapper à ta porte pour te donner leurs condoléances, refuse-les. » « Quel beau poème, poignant ! » s’écrie une spectatrice vénézuélienne. « Et quel public ! Concentré, chaleureux, intime, respectueux » répond la tunisienne Jamila Chihi. J’ai conversé avec Chedly Arfaoui qui a écrit et mis en scène cette pièce magistrale ainsi qu’avec ses actrices et acteurs – Fatma Ben Saïdane, Abdelkader Ben Saïd, Ali Ben Saïd, Meriem Ben Hamida et Malek Zouaidi. Voici mon reportage (VO FR ST ESP) :

Quelques jours plus tard, j’ai participé à une conférence de presse au Ministère des Communes et des Mouvements Sociaux. Entouré de délégué(e)s de communes (autogouvernements populaires) de plusieurs régions du pays – des femmes en majorité -, le ministre Guy Vernáez explique le processus de la consultation populaire nationale du 21 avril 2024. Près de 4500 communes voteront pour le projet qu’elles considèrent comme prioritaire. Le gouvernement fournira les ressources pour qu’elles puissent l’exécuter, avec leurs propres organisation et leur propre main d’œuvre. Il ne s’agit pas, comme dans d’autres pays, d’une simple consultation. Ici, le vote oblige le gouvernement à financer chacun des projets.

Ces dernières années, le président Maduro a insisté auprès de ses ministres pour qu’ils accélèrent le transfert du pouvoir et des ressources aux organisations populaires. Pour cette élection-ci, plus de 27.000 projets ont déjà été présentés dans les assemblées citoyennes. Venue de l’État de Carabobo, la déléguée communarde Ofelia García explique : « la plupart des projets présentés visent à améliorer les services publics, les routes, la santé, l’éducation, l’environnement, les plans de production, les sports, les processus industriels, les transports publics et le système de production agricole. Tous les conseils communaux de notre territoire ont été convoqués et les projets ont été classés en fonction de leur intérêt commun et non individuel. »

Thierry Deronne, Caracas, le 8 avril 2024.

Photos : ci-dessus, mes questions au Ministre des Communes et mouvements Sociaux Guy Vernaez. Ci-dessous : assemblées citoyennes pour informer sur le vote qui permettra aux organisations communardes de choisir leur projet prioritaire.

Notre reportage (VO ESP) de la conférence de presse :

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/04/08/loin-des-medias-le-venezuela/

Le Venezuela donne un coup d’accélérateur aux autogouvernements populaires.

La révolution bolivarienne est une machine à démocratiser en profondeur le champ politique, notamment par la mise en place de différents types d’autogouvernements populaires, la plupart du temps sous la forme de communes mais aussi sous d’autres formes d’organisation. Ce mouvement puise ses racines dans l’histoire populaire de résistance au colonialisme et notamment dans la création de cumbes afro-descendants par des ex-esclavisé(e)s fugitif(ve)s, ancêtres d’une grande partie des communes actuelles. Il faut y ajouter les racines du « bien commun » indigène et, bien sûr, la révolution bolivarienne initiée par Hugo Chávez qui a synthétisé ces racines avec le marxisme et la pensée du « gouvernement territorial » (« toparquia« ) de Simon Rodríguez, le tuteur de Simón Bolívar.

Il y a dans ce mouvement une forte vitalité. Cependant ce n’est encore qu’une minorité de la population qui vit dans ces territoires organisés. Il faut beaucoup travailler pour transformer « l’esprit de la commune » (Hugo Chávez) en « sens commun » dans un pays où l’économie privée et les médias commerciaux occupent encore une place dominante : « Il ne faut pas continuer à ouvrir des usines qui sont comme une île entourée par la mer du capitalisme, car la mer les engloutit. Il faut  » implanter l’esprit socialiste tout au long de la chaîne, depuis le travail de la terre jusqu’au système de distribution et de consommation. » (Hugo Chavez, 2012). C’est pourquoi, ces dernières années, les communes les plus avancées ont envoyé des brigades de l’Union Communarde (« Union Comunera« ) dans tout le pays pour rencontrer d’autres groupes en train de s’organiser, encourager les initiatives naissantes et les sortir de leur isolement. Cette aventure démocratique est racontée dans notre documentaire « Nostalgiques du futur » (1). Un des objectifs est de dépasser le capitalisme en créant des circuits économiques intégraux, du producteur au consommateur, autour de produits tels que le café, le cacao, le poisson, etc… Des « routes communales » pour garantir un commerce équitable et direct, sans intermédiaires.

Photo : réunion de travail dans la commune populaire « Cinco Fortalezas » (Cumanacoa, état de Sucre). « Dans le temps et l’espace communal, la part la plus atomisée de l’être humain se brise et commence le moment de l’unité. Ce passage du moi individuel au moi collectif est atteint à partir de toutes les luttes quotidiennes que nous, communardes et communards, vivons au jour le jour pour satisfaire nos besoins. » dit Nacho, membre de la Commune Che Guevara.

Ce 20 octobre 2023 on commémorait au Venezuela les onze ans du « changement de cap », une réunion télévisée de 2012, passée à la postérité, où le président Hugo Chávez avait sévèrement critiqué ses ministres pour leur mollesse dans l’appui à la construction de cette démocratie directe parallèle à la démocratie représentative, et lancé son célèbre « la commune ou rien !« 

Onze ans plus tard donc, Nicolas Maduro et ses ministres ont rencontré les communes – autogouvernements populaires -, lors d’un vaste meeting à Caracas pour dresser la liste des avancées, des problèmes et des propositions des milliers de communard(e)s venu(e)s de tout le Venezuela.

Le président a d’abord demandé au gouvernement d’acheter la production communarde en priorité : « le Conseil des vice-présidents disposera de 72 heures pour établir un mécanisme efficace permettant d’intégrer la production des communes dans le programme national de marchés publics. Il y a des problèmes à résoudre et nous devons les résoudre sur la base des propositions qui viennent de la base, du peuple organisé » a souligné le chef de l’État, qui a par ailleurs ordonné de reprendre l’autoconstruction comme méthode pour faire avancer la Grande Mission Sociale « Logement Venezuela » (2) : « Cette mission doit être planifiée non pas depuis le ministère, mais depuis le territoire avec le peuple organisé. Le projet du pouvoir populaire est vital si nous voulons avancer dans la construction d’une nouvelle société« .

Autres mesures annoncées par le président bolivarien pour soutenir les autogouvernements populaires :

– Transfert de 15 entreprises industrielles au pouvoir populaire.

– Transfert immédiat de 48 locaux de Mercal et PDVAL (magasins d’aliments subventionnés par l’État), qui seront réactivés dans le cadre de la création de la Corporation nationale labellisée « Produit par les Communes ».

– Approbation de 348 millions 665.020 bolivars pour la promotion de 43 circuits économiques communaux (circuits économiques intégraux, du producteur au consommateur, autour de produits tels que le café, le cacao, le poisson, etc… pour garantir un commerce équitable et direct, sans intermédiaires.).

– 130 projets présentés par les communard(e)s liés à l’électricité, l’eau, la santé, l’environnement, le gaz et le logement seront financés.

« A mesure que nous récupérerons le revenu national avec la levée partielle des sanctions par les États-Unis, toute rentrée d’argent dans les caisses de l’État ira directement aux circuits économiques communaux, à ceux qui existent et à ceux que nous allons créer » a expliqué Maduro, qui a enfin demandé aux ministres qu’ils lient directement leurs agendas de travail aux besoins du pouvoir populaire : « Vos agendas de travail doivent prendre en compte prioritairement les plans des communes« . Et de conclure : « La grande contribution du président Chávez à la théorie mondiale du socialisme en tant que courant de changement pour la justice et l’égalité est le socialisme construit au plan territorial, communal, dans les quartiers populaires, dans les communautés populaires. Difficile à construire ? Oui, mais essentiel et nécessaire. Il faut un maximum de pouvoir au peuple !« 

Thierry Deronne, Caracas, le 20 octobre 2023.

Notes :

(1) on peut voir ce documentaire en ligne : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/06/08/nostalgiques-du-futur-en-ligne-les-mutins-de-pangee/

(2) Ce vaste programme gouvernemental créé par Hugo Chávez en 2012 vise pour 2025 l’objectif de 5 millions de logements bon marché remis au familles populaires.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/10/21/le-venezuela-donne-un-coup-daccelerateur-aux-autogouvernements-populaires/

« PETARE NORD » épisode 4 (VO sous-titres français)

Le jour est venu de rassembler les cartes produites par l’équipe du Laboratoire International de l’Habitat Populaire et les conseils communaux de la Commune « Vamos con Todo » à Petare Norte, au Venezuela. Moment de grande émotion : découvrir sur une carte collective l’image complète de la lutte d’un quartier populaire contre l’exclusion historique. Yasmine Jiménez, porte-parole de cette commune de Petare, explique, les larmes aux yeux : « Nos grands-parents, nos parents ont dû construire leurs maisons comme ils le pouvaient. Ils n’avaient pas d’ingénieur ou d’architecte à leurs côtés pour leur dire plus ou moins comment faire. Mais leurs maisons sont stables, sont dignes. Il est temps pour nous, communardes et communards, de marquer notre empreinte de transformation dans chaque territoire, dans le monde. Lorsque toutes les missions sociales révolutionnaires s’incarneront en profondeur dans la réalité de nos territoires communaux, nous pourrons dire clairement que nous faisons la révolution et nous pourrons renforcer le socialisme, en tant qu’égalité des droits. Le rôle des femmes est fondamental. C’est nous, les femmes, qui remplissons d’amour nos quartiers et nos familles, et tant que nous nous verrons avec les yeux de l’amour, nous remporterons de grandes victoires politiques.
Production : TERRA TV/LIHP. Réalisé et monté par Jesús Reyes. République bolivarienne du Venezuela, mai 2023. Durée : 13 min 15 sec. VO SUBT FRANÇAIS.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/05/12/petare-nord-episode-4-vo-sous-titres-francais/

(VIDEO ST FR) « Petare Norte », Venezuela, chronique 3.

Depuis le mois de février, Terra TV produit chaque mois un épisode sous-titré en français de « Petare Norte ». Porté par le Laboratoire International pour l’Habitat Populaire (LIHP), ce projet pilote, unique en son genre, allie l’intelligence créatrice de l’auto-gouvernement populaire (la Commune « Vamos con todo » de Petare) à l’architecture sociale comme réponse aux défis des grandes concentrations urbaines. Il compte sur la collaboration du gouvernement bolivarien de Miranda, ainsi que d’autres institutions nationales et locales. Ce projet fera l’objet d’un documentaire produit par Terra TV qui sortira en 2024.

Dans ce troisième épisode, la participation populaire à la « cartographie communale » s’intensifie. Une habitante et membre du conseil communal Cuatro Sectores explique : « nous apprenons à mettre les légendes, à dessiner les passages, nos lieux de rencontre, c’est la première fois qu’on les voit comme ça, c’est ce que j’ai appris. Nous nous sommes familiarisés avec la carte, où nous reconnaissons nos maisons : « regarde, il y a ma maison, il y a ta maison  » et ainsi de suite. Je peux faire la même chose au conseil communal. Donner une carte à tout le monde, aux délégué(e)s des conseils communaux et à tout le monde dans chaque conseil communal, une carte de tous les territoires, de tous les commerces et de toutes les entreprises, des maisons à risque. Pour que chacun puisse gérer ses propres informations, ainsi quand une institution se présente dans la rue, les voisins disposent déjà de toute l’information. Pour que tout le monde soit informé, parce que quand on est informé, personne ne peut te « raconter des histoires ».

« Pas faire une place, non. La priorité là maintenant… il devrait y avoir un CDI [Centre de Diagnostic Intégral], un espace pour la culture, un espace pour les réunions du conseil communal, et le reste, eh bien… on verra ce qu’on peut mettre d’autre ». (déléguée du Conseil Communal Simón Bolívar 1783)

« La qualité de vie, c’est que nous allons avoir quoi ? De bons logements, une école, ce qui n’est pas encore le cas; Nous allons avoir un terrain où nous pourrons jouer au basket-ball, [pour] que les enfants fassent du sport; il y aura un endroit où les enfants pourront faire de la danse. Où les enfants pourront danser, vous voyez ? C’est une bonne vie pour eux, ils oublient les drogues, ils oublient : « allons boire au bar là-haut », parce qu’ils font déjà du sport et vous les occupez là. Ils vont être mieux lotis et ils vont prendre soin de ce qu’on leur donne ». (délégué du conseil communal d’El Chinchorro).

« Il y a les escaliers en mauvais état, tu tombes, le vieillard tombe, tu tombes quand tu portes de l’eau. Mais si l’on améliore cela, la qualité de vie peut être meilleure, si personne ne doit porter de l’eau, si l’eau arrive à tout le monde par des canalisations, et ils devraient aussi la faire payer pour que les gens apprécient l’eau et ne la gaspillent pas. ». (déléguée du Conseil Communal Cuatro Sectores).

« Petare Norte, c’est une terre bénie et il y a du talent partout. Et il y a des matériaux pour construire un espace (…) » (déléguée du conseil communautaire de Cuatro Sectores).

« Il y a beaucoup de bonne main-d’œuvre ici dans les communautés, ce qui manque, c’est juste un diplôme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un diplôme d’ingénieur, mais nous avons déjà sans diplôme, des maçons, des professionnels, de tout, nous avons besoin de beaucoup de main-d’œuvre, de personnes qualifiées, de personnes qui ont été formées. Et Petare sera une puissance mondiale (…) ». (déléguée du Conseil Communal Cuatro Sectores).

L’équipe des compagnes architectes du LIHP « à l’écoute de la carte » des habitant(e)s de la commune Vamos con todo, à Petare, avril 2023.

Source : LIHP

Traduction : T.D.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/04/22/video-st-fr-petare-norte-venezuela-chronique-3/

(vidéo:) « Petare Norte », Venezuela, chronique 2.

Cartographie communale comme stratégie sociale

Deuxième épisode d’une chronique vénézuélienne au long cours qui raconte en images comment des citoyen(ne)s rêvent et transforment leur habitat, pour rompre avec la logique capitaliste de l’espace.

Que veut dire : comprendre son territoire ? Comment lire son environnement, ses évolutions, ses dynamiques ? Ces interrogations posées par la démarche collective d’étude urbaine engagée dans le vaste quartier populaire de Petare Norte (près de Caracas, au Venezuela) ont poussé le Laboratoire International pour l’Habitat Populaire (LIHP) à initier une cartographique participative du territoire dans une dialectique entre ce qui est possible d’un point de vue technique (incarné par l’acteur scientifique : architectes, ingénieurs, …), ce qui est nécessaire et souhaitable du point de vue des communautés organisées à l’échelle communale (conseils communaux et communes) et ce qui est plausible, pour la puissance publique (l’État vénézuélien et du gouvernement régional de l’État de Miranda) dans le cadre de ses ambitions politiques, de ses actions et de ses projets de réalisations.

Au fil des réunions, des cartes dynamiques sont produites, tissant des liens de « communications » entre ces trois familles d’acteurs en associant, mêlant, combinant : activités humaines (de l’espace intime à l’espace de socialisation) ; activités urbaines (du public et du privé…) pour appréhender le territoire dans son mouvement et dans l’espace.

Cette deuxième chronique audiovisuelle, réalisée par Jesus Reyes de Terra TV, illustre cette démarche de cartographie participative.

Jean-François Parent

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/04/10/video-petare-norte-venezuela-chronique-2/

« Petare Norte » : transformer la vie populaire au Venezuela

Porté par le Laboratoire International pour l’Habitat Populaire*, « Petare Norte » est une expérience-pilote unique au monde, menée avec une commune populaire du vaste « barrio » de Petare, à l’est de Caracas, État de Miranda. Vous pouvez suivre pas à pas chacune des étapes de ce projet participatif de transformation urbaine en vous abonnant à sa chaîne YouTube (sous-titrée en français) : https://www.youtube.com/@terratv2023

« Petare Norte » revêt une importance stratégique au niveau local et international. Son objectif est de trouver des solutions aux problèmes d’une grande agglomération populaire avec la participation directe des habitant(e)s, à toutes les étapes du processus. L’État communal comme plan de la révolution bolivarienne ouvre la la possibilité pour les organisations populaires du territoire de participer, avec voix et vote, à la prise de décision.

La stratégie du projet est l’appropriation du territoire, l’inclusion des habitant(e)s dans l’espace et le temps, le droit d’habiter qui va au-delà du simple droit à la vie et de l’accès à la ville, compris dans ses deux dimensions : le droit d’accès aux biens et aux services et le droit de participer pleinement à la planification de la ville.

Photo : Jean-François Parent, président du LIHP. Carte participative du projet « Petare Norte ». Photo TD

Texte : LIHP

Photos : Thierry Deronne / Vidéo : Jesus Reyes. Production : Terra TV 2023

* Pour plus d’informations : en France : Laboratoire International de l’habitat Populaire, LIHP, 25 rue Jean Jaurès, 93200 Saint-Denis, France / +33 1 42438090 / contact@lihp.info / www.lihp.info
Au Venezuela : LIHP Agencia América Latina, Torre Este de Parque Central, Piso 19, A.P. 1010, Caracas, Venezuela / + 58 212 5732543

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/03/20/petare-norte-transformer-la-vie-populaire-au-venezuela/

(Video:) Mango de Ocoita, coeur de la révolution bolivarienne (Terra TV)

Venezuela, janvier 2023. Sur les terres de la résistance héroïque des ex-esclaves emmenés par Guillermo Ribas, le Ministère des Communes et des Mouvements Sociaux – accompagné de membres du mouvement afro-vénézuélien et du Mouvement des Sans Terre du Brésil – se réunit avec la communauté organisée de Mango de Ocoita. Objectif: écouter les critiques et les propositions pour construire un plan de travail commun, entre autres sur la production du cacao comme maillon de la nouvelle économie communale. Reportage sous-titré en français (17 min.). Prod. Terra TV, République Bolivarienne du Venezuela 2023.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/02/15/video-mango-de-ocoita-coeur-de-la-revolution-bolivarienne-terra-tv/

Vidéo: le Venezuela que la télévision ne vous montrera pas. (Terra TV)

Le plan de la révolution bolivarienne, occulté par les grands médias, est de transférer le pouvoir d’État aux autogouvernements populaires. Depuis 22 ans, loin des caméras et des micros, le Venezuela édifie jour après jour, par toute sorte de lois et de luttes quotidiennes, une démocratie participative. Comme en décembre 2022 dans la municipalité de Simon Planas, état de Lara. Des assemblées citoyennes avaient proposé de réduire les dépenses somptuaires de la mairie pour pouvoir financer les réponses aux besoins les plus urgents de la population. Il ne manquait que l’approbation électorale. Des femmes de milieu populaire, en majorité, ont organisé avec des moyens de fortune un référendum consultatif – comme le leur permet la Constitution Bolivarienne -, un scrutin contre lequel se sont aussitôt ligués la droite locale et des secteurs corrompus de la mairie. Ce court-métrage documentaire de la jeune réalisatrice Lana Vielma, formée dans les ateliers de Terra TV, visibilise un maillon de cette « histoire populaire du Venezuela ».

La gauche pourrait s’intéresser au pays qui réalise le rêve historique d’une révolution participative, un rêve pour lequel tant de peuples se sont battus. Les États-Unis, eux, ont compris le danger de l’exemple, qui maintiennent leur blocus et leurs sanctions contre la révolution. Malgré les dures conséquences sociales de cet étau, le Venezuela tient bon. Majoritairement chaviste, l’Assemblée Nationale reprend la consultation publique sur l’extension des lois du pouvoir citoyen (photos). Le développement de la démocratie participative et des auto-gouvernements populaires à tous les niveaux est une des priorités fixées par le président Nicolas Maduro pour 2023.

Thierry Deronne, Caracas, 1 février 2023

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/02/01/video-le-venezuela-que-la-television-ne-vous-montrera-pas-par-terra-tv/

L’Ancien et le Nouveau. Comment passé et présent dialoguent dans les communes populaires au Venezuela.

Photo: Joel Galindez. « De très longs processus de résistance ont laissé une graine qui s’est finalement transformée en un projet communal. Nous devons nous pencher sur notre histoire pour comprendre notre présent. »

Au sud de l’État de Yaracuy, Urachiche est une commune nichée entre les montagnes d’Aroa et les plaines qui s’ouvrent sur les llanos vénézuéliens. Elle a une longue histoire de lutte et constitue, avec la commune voisine de Bruzual, le cœur du culte dynamique de María Lionza, une déesse syncrétique qui rassemble des traditions indigènes et africaines.

Urachiche abrite également deux communes étroitement liées : Hugo Chávez et Alí Primera. Nous découvrons ici l’histoire de ces communes et leurs luttes pour le contrôle collectif de la terre.

Photos : Joel Galíndez est membre de la coopérative du Fundo San Simón et parlementaire des organisations socio-productives de la commune Hugo Chávez | Germán Prado est porte-parole de la commune Hugo Chávez | Arturo Cordero est communard, fondateur des communes, et conseiller municipal d’Urachiche | José Alvarado est membre de la Commune d’Alí Primera | Wladimir Alvarado est parlementaire de la Commune d’Alí Primera et producteur de café | Ana Morales est parlementaire de la Commune d’Alí Primera et membre de la banque communale. (Voces Urgentes)

La résistance à la colonisation espagnole et le « cumbe »

Joel Galíndez : Ce que nous voyons aujourd’hui prendre forme ici à Urachiche s’inscrit dans le courant historique. Les processus de résistance de longue date ont laissé une graine qui a fini par se transformer en un projet communautaire. Nous devons regarder notre histoire pour comprendre notre présent.

Notre lutte a commencé lorsque les peuples indigènes ont résisté à la colonisation, qui a été suivie par la création des cumbes. Les cumbes étaient des communautés égalitaires où les personnes qui avaient échappé à l’esclavage s’associaient aux peuples indigènes pour vivre librement en marge de l’empire espagnol.

Ces terres ont également vu les paysans s’unir à José Antonio Páez dans la lutte pour l’indépendance. Ce sont les pardos [que l’on peut traduire par peuple brun] qui ont mené les guerres d’indépendance, et ils peuvent revendiquer l’indépendance du Venezuela comme leur propre victoire autant que celle de Bolívar. Cette victoire a jeté les bases d’un avenir prospère, mais l’oligarchie est retournée à ses anciennes habitudes.

La guerre d’indépendance [1810-23] et la trahison du projet émancipateur qui s’ensuivit furent suivies de la guerre fédérale [milieu du XIXe siècle], lorsque le peuple fit sien le slogan d’Ezequiel Zamora « Terre et hommes libres » [tierra y hombres libres]. Quelque 300 ans de lutte et de guerre ont culminé avec la mort de Zamora et les intérêts oligarchiques semblaient s’installer pour de bon… Mais est-ce le cas ? En fait, les gens ont continué à lutter ici, dans le sud de Yaracuy. Plus tard, dans les années 1960, la guérilla a fait de ces montagnes son port d’attache.

Douglas Bravo [un des commandants de la guérilla vénézuélienne] était ici et le commandant Magoya a dirigé un front basé dans ces montagnes. Ils ont laissé leurs enseignements chez nous. Ainsi, alors que les années 1970 ont vu la défaite militaire des Forces armées de libération nationale [FALN], l’héritage de ces hommes et femmes courageux est toujours présent parmi nous.

Nous sommes les héritiers du courant historique, et les communes d’ici sont leur héritage autant qu’elles sont notre fait. Il est triste que certains remettent en question notre passé rebelle et se tournent vers un avenir mercantile, mais le courant historique est dans notre sang et l’avenir, pour nous, va de pair avec notre passé.

Germán Prado : Les traités colonialistes nous disent que les Jirajara, le peuple indigène qui vivait ici, ont été exterminés par les troupes espagnoles en trois ans. Cette histoire n’est que cela : une histoire ! En fait, les Jirajara ont résisté avec des personnes qui fuyaient l’esclavage, et après une longue guerre, les Espagnols ont dû capituler. C’est l’histoire du premier cumbe [communauté marrone].

Arturo Cordero : Les peuples indigènes qui habitaient ces territoires avant la colonisation étaient les Jirajara, mais aussi les tribus Guachire, Chirimagüe et Urachiche. Ils étaient Caribes, et la propriété de la terre était communautaire.

La colonisation de ces territoires s’est produite vers 1539, lorsqu’ils avaient été cédés aux Welser [banquiers allemands à qui la couronne espagnole avait donné le contrôle de ce que nous connaissons aujourd’hui comme le Venezuela entre 1528 et 1546]. Cependant, en 1552, il y a eu un soulèvement à Buría [Yaracuy], une région montagneuse. Ce fut le premier soulèvement contre les colons espagnols, et il a duré 75 ans.

À cette époque, les Jirajaras et les esclaves qui s’étaient enfuis ont commencé à former des cumbes dans ces terres. Après cette longue guerre, la Couronne espagnole a reconnu la « République des Zambos Nirgua » ou ce que l’on appelle aujourd’hui un « resguardo » [réserve].

Le territoire qui a été déclaré « république » était quatre fois plus grand que n’importe quelle autre réserve. Qu’est-ce que cela nous apprend ? Yaracuy a été un bastion de la résistance à l’impérialisme et une réserve d’organisation communautaire. Bien avant la Commune de Paris, nous avions des cumbes qui étaient organisées démocratiquement avec des terres communes.

Germán Prado : Nous sommes les héritiers des peuples indigènes qui ont résisté à la violence des colonialistes, et il y a des éléments dans nos communes qui ont des racines dans leur cosmovision. Je vais en souligner un qui est important pour nous : dans les communes Hugo Chávez et Alí Primera, il n’y a pas de gros bonnet ou de gros bras qui dirige, comme c’est le cas dans d’autres organisations. Ici, non seulement nous respectons les préceptes formels établis par la loi des communes, qui sont basés sur l’assemblée, mais notre ADN organisationnel se mêle à l’organisation égalitaire des Jirajaras.

Arturo Cordero : De même, contrairement aux peuples indigènes du nord de Yaracuy, ceux du sud étaient matriarcaux. On peut le voir dans les saints patrons ici, qui sont toujours des femmes et souvent liés aux mythologies précoloniales, alors que dans le nord, les saints patrons sont des hommes. Mais l’héritage matriarcal va au-delà de ces autels : le mode de vie communautaire est également lié à ces formes d’organisation anciennes et nouvelles.

Photo : paysage de la commune Hugo Chavez (Voces Urgentes)

L’indépendance, la guerre fédérale et la trahison

Arturo Cordero : La Ley de Haberes Militares [loi sur les possessions militaires] de Bolívar de 1817 a constitué une réforme agraire radicale. Elle remettait les terres prises à la Couronne et aux colons aux soldats et officiers patriotes. Toutefois, les années suivantes ont vu une recomposition des classes et la réforme a été inversée : de nombreux soldats n’avaient pas les moyens de produire sur leurs terres, de sorte que les hommes puissants de la république naissante ont pris le contrôle de la plupart des terres par différents moyens.

Cela s’est produit dans tout le pays. De plus, en 1846, avant la guerre fédérale, Fernando Espinal, un juge d’Urachiche, a statué en faveur des plus puissants, dépossédant les indigènes de leurs terres. C’est ainsi qu’ils sont devenus des serfs [« tributarios »] sur leur propre territoire.

S’ensuivit la guerre fédérale [dirigée par le général Zamora], qui nous a légué le cri de guerre « Terre libérée et hommes libres ». Quelque 150 ans plus tard, ce slogan révolutionnaire a défini une grande partie de ce que la révolution bolivarienne allait essayer de faire dans les zones rurales.

Avec beaucoup d’autres, Prudencio Vásquez et José Blandfort – tous deux originaires d’Urachiche – ont combattu avec Zamora dans les premiers jours de la guerre. En fait, il est documenté que lors d’une conversation entre Zamora et Blandfort, ce dernier a évoqué la thèse de Proudhon selon laquelle « la propriété est un vol ». Ce à quoi Zamora a répondu : « La propriété est un vol quand elle n’est pas le produit du travail ».

Les luttes populaires pour la terre et la dignité provoquèrent la colère de l’oligarchie. Les troupes de Zamora ont été vaincues, mais les braises de la révolution se sont constamment rallumées, car le peuple a poursuivi son combat.

Cent ans plus tard, le peuple a repris les armes contre l’oppresseur.

Photos : De gauche à droite : Un enfant de Maimire, commune Alí Primera ; l’église d’Urachiche ; la commune Alí Primera. (Voces Urgentes)

La guérilla

José Alvarado : Je suis un communiste et un guérillero. J’ai été élevé à Cerro Atravesado, dans les montagnes entre Lara et Yaracuy, dans une famille de paysans pauvres.

Tout a commencé quand j’étais enfant. Alors que l’armée harcelait et dépossédait les travailleurs du campo, la guérilla était respectueuse et solidaire avec les paysans. Quand ils avaient besoin de quelque chose, ils l’achetaient chez nous.

C’est pourquoi j’ai rejoint la guérilla, où j’ai appris à lire et je suis devenu un cadre politico-militaire.

Arturo Cordero : Dès que les FALN ont pris les armes, Urachiche est devenu un épicentre de la guérilla. Un groupe d’hommes armés portant le nom de Livia Gouverneur – une jeune étudiante communiste qui avait été tuée un an auparavant – est entré dans le territoire et a commencé à tisser des liens avec les paysans, qui avaient beaucoup de sympathie pour la cause. Les camarades de Livia Gouverneur faisaient partie du Front José Leonardo Chirinos, plus important.

De nombreux habitants se sont joints à cette lutte de résistance et les montagnes d’Urachiche sont devenues connues dans tout le pays comme un important bastion de guérilleros. En fait, elle est devenue une sorte d’épicentre pour les fronts de guérilleros. Dans la chaîne de montagnes la plus rude qui se trouve derrière nous, à Cerro Atravesado, il y a un endroit appelé la Place Rouge, et c’est là que les fronts de guérilleros se rencontraient.

Des gens comme Calistro Efraín Rojas, l’un des premiers combattants, viennent d’ici, tout comme son fils, notre professeur bien-aimé Felipe Rojas. Magoya, le commandant des guérilleros, a fait de cette terre son port d’attache avec sa femme, la commandante Milagros, qui était en fait originaire d’Urachiche.

Ana Morales : La persécution des guérilleros était brutale : si l’armée les attrapait, ils étaient soit torturés, soit tués. Dans ces montagnes, la sympathie envers les guérilleros était large. Après tout, les gens d’ici étaient eux aussi victimes de la répression et du despotisme de l’État. Ils partageaient la vision de la guérilla pour un monde plus juste. Ils [les guérilleros] étaient aussi des enseignants : beaucoup de gens apprenaient à lire avec eux.

Wladimir Alvarado : Certains disent que la guérilla a été vaincue, mais l’histoire n’est pas si simple. La vérité est qu’ils ont laissé de nombreux enseignements derrière eux. C’est pourquoi je dis que la révolution bolivarienne est l’héritage des luttes passées et que le communisme est un projet que les guérilleros nous ont légué. Nous devons la lutte pour la terre à Zamora, et nous devons le socialisme à la guérilla. En fait, Chávez soulignait souvent l’importance de l’insurrection des années 60 lorsqu’il réfléchissait à notre passé.

Ana Morales : Les guérilleros ont ravivé d’anciennes luttes et nous ont laissé de nombreux enseignements. En fait, Felipe Rojas était notre professeur. Il nous expliquait souvent que le vrai socialisme est une question d’égalité et de solidarité, de vie dans la dignité et de reconstruction des communautés. C’est ce que sont nos communes.

* * *

José Alvarado : Notre lutte remonte à loin. Nous étions déjà sur le terrain – luttant contre l’oligarchie oppressive – bien avant la guerre d’indépendance. En tant que communistes, nous avons souffert de persécutions, mais le plus important est que ces luttes ont laissé derrière elles une communauté organisée.

C’est pourquoi, lorsque Chávez est arrivé, nous étions prêts. Nous avions traversé des années de préparation politique, idéologique et militaire. Nous étions aussi subversifs que Chávez lui-même ! Nous n’avions jamais pensé que nous aurions une révolution par le vote, car nos principaux modèles étaient le Che et Fidel. Mais quand nous avons vu l’homme, nous avons vu le potentiel pour faire une révolution, et les habitants d’Urachiche se sont engagés dans un projet qui s’appellerait d’abord bolivarien et ensuite socialiste.

Il y a encore beaucoup à faire. Il y a beaucoup de contradictions et tout le monde n’est pas engagé dans le socialisme, mais ne vous y trompez pas : ici, dans ces montagnes, les communes et le rêve d’une société communiste sont bien vivants ! Dans les terres basses, en particulier dans les grandes villes, certains ont abandonné, mais ici, le projet est vivant et bien vivant.

Germán Prado : La nôtre est une organisation paysanne et, depuis des siècles, nous luttons pour que la terre revienne à ceux qui la travaillent. Bien sûr, lorsque Chávez est arrivé au pouvoir, la corrélation des forces a changé, mais la lutte continue. C’est pourquoi – avec les peuples indigènes qui ont résisté à l’empire espagnol, avec les paysans qui ont combattu avec Zamora, et avec les guerrilleros qui ont laissé leurs empreintes dans nos montagnes – nous continuons à lutter avec les opprimés.

Arturo Cordero : Urachiche a une longue histoire de lutte, avec au centre la lutte pour avoir la terre et la justice. C’est pourquoi, lorsque Chávez a défini la commune comme le chemin historique vers le socialisme, tout cela a pris un sens pour nous, et c’est pourquoi Urachiche a trois communes combatives : Camunare Rojo (un peu moins active aujourd’hui), Alí Primera, et Hugo Chávez.

Les communes d’Urachiche sont unies dans la lutte : nous avons tous une dette envers nos ancêtres. Nous, les habitants et les paysans, sommes les arrière-petits-enfants des indigènes et des Noirs qui ont résisté à la colonisation ; nous sommes les élèves d’Argimiro Gabaldón [un commandant de la guérilla mort en 1964] et des guérilleros ; et nous sommes les fils et les filles des producteurs de café qui, à partir de 1961, ont réussi à déloger le terrible clan Giménez. Les Giménez étaient une famille qui avait dépouillé les paysans de leurs récoltes pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, les paysans d’Urachiche sont propriétaires des terres où ils produisent et les communes sont au centre de la vie politique d’Urachiche.

Photos : De gauche à droite : Maïs, membres de la commune Hugo Chávez, feu de cuisson à Maimire. (Voces Urgentes)

Entretien réalisé par Cira Pascual Marquina and Chris GilbertVenezuelanalysis

Photos : Voces Urgentes

Source : http://www.venezuelanalysis.com/interviews/15683

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article: https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/01/26/lancien-et-le-nouveau-comment-passe-et-present-dialoguent-dans-les-communes-populaires-au-venezuela/