Venezuela: culture d’une Caraïbe en résistance, par Maria Claudia Rossel

Photo : Mídia NINJA

L’auteure : Maria Claudia Rossel. Ingénieure culturelle, artiste, productrice et coordinatrice de réseaux et féministe cofondatrice de la plateforme Cyberculture.

Depuis 2014, le Venezuela traverse une forte crise qui s’est encore aggravée depuis 2016, une crise économique pour l’essentiel. Cette crise englobe plusieurs éléments : d’une part, les effets dus aux sanctions et blocus émanant des pays centraux, que nous appelons la Guerre Economique proprement dite, et d’autre part, les facteurs liés à l’épuisement du modèle économique vénézuélien lui-même. 

Dans ce contexte, le secteur culturel a été touché de plein fouet, c’est pourquoi une analyse sur la situation du pays et les mesures palliatives à envisager en ce moment pour ce secteur doit être faite à la lumière d’une réalité antérieure de forte résistance, dans des conditions qui, avant le Covid déjà, pouvaient être qualifiées de conditions de guerre. 

Voici quelques idées et réflexions susceptibles de décrire notre réalité culturelle dans une Caraïbe en état de résistance.

  • Le Venezuela a été l’un des pays de la région qui a mis en place des mesures vraiment efficaces contre le Covid-19, comme le montrent les indicateurs – confirmés par l’OMS – qui présentent l’une des courbes de cas les plus plates de la région; ces mesures ayant eu pour effet, non seulement de réduire fortement la contagion, mais aussi de maintenir un taux très bas de mortalité, alors que le taux de dépistages (gratuits) est le plus élevé du continent.
  • Les mesures préventives prises par l’Etat ont accompagné l’évolution des politiques visant à enrayer en amont cette nouvelle crise. Dans un pays assiégé comme le nôtre, ces politiques se sont focalisées sur la base de la Pyramide de Waslow, basée sur deux axes essentiels : 
  •  L’accès à des aliments subventionnés au travers des Conseils Locaux d’Approvisionnement et de Production (CLAP), 
  •  et l’attribution d’allocations à divers secteurs sociaux par l’intermédiaire du système “Carnet de la Patria”. 

Ce système est un mécanisme que nous pourrions réexaminer dans le cadre de la reprise d’un débat historique sur la nécessité d’un revenu universel, après la pandémie. 

Ces politiques ont été conçues pour la protection de la population en général, et plus particulièrement pour les zones populaires et les secteurs les plus vulnérables.  Ce ne sont donc pas des mesures prises uniquement pour le secteur culturel. Pourtant, un certain nombre d’artistes et de créateurs de culture bénéficient de ces prestations ; je trouve donc important de présenter ces dispositifs, qui font partie du paysage actuel.

Photos: Cacica Honta/ Cacri Photos

Evidemment, face à une situation d’hyperinflation et de dollarisation de l’économie, face à un dollar qui augmente de jour en jour de manière exponentielle et indiscriminée, et fait bondir les prix des biens de consommation, ces bons représenteraient dans le meilleur des cas des allocations de subsistance.

Au niveau du Ministère de la Culture, organisme responsable de la politique culturelle au niveau de l’Etat, aucune politique officielle d’inclusion de ce secteur n’a été menée. Cependant, divers organismes publics ont développé des programmes afin de réinventer leurs activités suivant trois axes : la formation en ligne, la reconversion numérique de certains espaces (par exemple, les festivals) et la remise d’allocations comme encouragement à la création.

Diverses expériences ont été menées par des gouvernements locaux comme la Mairie de Caracas, non seulement dans le but d’ouvrir des champs de possibilités pour les artistes et les créateurs ou dans certains cas, de préserver des contrats antérieurs, mais aussi pour garantir une offre de consommation culturelle aux citoyens.

En voici quelques exemples :

  • L’un des évènements qu’il me paraît essentiel d’analyser en ce moment, sont les tentatives de reconfiguration analogique de l’activité culturelle entrepris par la mouvance indépendante, et parfois par la Mairie. Je me réfère à diverses activités expérimentées dans la rue et sur tout le territoire, à la réalisation d’évènements sans public à proximité immédiate et dans des zones de forte densité de population comme les zones urbaines ou celles dont la situation géographique le permet. Des équipements y sont installés pour l’organisation de concerts, d’activités ou de “sérénades”, tout en respectant les mesures de distanciation sociale, ce qui permet de créer des espaces de divertissement et de consommation culturelle.

Voici quelques exemples de ces expérimentations analogiques : 

  • Les activités de Radio Verdura (système sonore Tiuna+Tiuna El Fuerte 

On peut les regarder dans l’article suivant  

Photos: Giuliano Salvatore / CACRI photos

Photo: Dikó/ Cacri Photos

Pourquoi nous paraît-il si important d’évaluer ces expériences ? 

Parce que dans un pays où l’accès à internet est précaire, ou la fourniture d’électricité est instable, penser que la seule et unique manière de réinventer le secteur culturel est d’utiliser internet pose problème. 

S’y ajoutent d’autres raisons, découlant toutes des « sanctions » – mesures coercitives unilatérales – occidentales contre le Venezuela, par exemple : 

  •  Les possibilités de rémunération des créateurs et créatrices de ces contenus deviennent de plus en plus précaires;    
  • Il existe des plateformes comme Spotify dont l’accès est bloqué au Venezuela ; dans le cas de Facebook et Instagram, des plateformes existent et fonctionnent mais modifient chaque semaine leurs interdictions et règles d’utilisation en fonction de leur promotion et rentabilisation. 

Pour mieux illustrer la situation au Venezuela, nous donnerons un exemple récent qui a agité les réseaux sociaux : le cas de DirectTV, un opérateur de chaînes de télévisions qui, suite aux sanctions états-uniennes, a cessé d’émettre sur le territoire national; dans un pays dont nous venons de vous rappeler la situation de confinement généralisé, et où la consommation culturelle est fortement réduite à la télévision, un tel évènement nous permet d’évaluer le niveau des difficultés  que rencontre ce secteur, et donne un exemple de la dimension géopolitique du conflit qui nous impacte durement. 

A mon avis, le Venezuela a sans cesse démontré, au risque de tomber dans le lieu commun, que « les crises représentent des opportunités ». Comme l’affirme un dicton populaire vénézuélien : “nous sommes un cuir sec, si on l’écrase d’un côté, il se relève de l’autre”. C’est pourquoi, sans minimiser la gravité de cette nouvelle crise liée à la pandémie, je préfère croire, étant une incorrigible optimiste, que les solutions surgiront du terrain. 

Mai et juin sont les mois les plus effervescents pour ce qui est des fêtes populaires au Venezuela, et nos créateurs nous ont démontré que la culture cherchera toujours les formes, les interstices et les moyens qui lui permettront de renaître. Car, pour nous autres créateurs, créer ne se réduit pas à un simple choix, mais est l’expression de la vie même. Ne pas créer, c’est mourir. 

Depuis le 3 mai, date de la Fête de la Croix de Mai, fête de l‘abondance et de la prospérité, la culture populaire s’est mise à expérimenter des dispositifs qui tout en respectant les règles de distanciation sociale, permettent de perpétuer la tradition vivante. C’est pourquoi, voyant de nouvelles activités émerger quotidiennement, je m’approprie les mots d’un grand Vénézuélien Aquiles Nazoa et de son Credo en affirmant que je crois aux pouvoirs créateurs du peuple. Je suis certaine que malgré les moments difficiles que nous traversons, nous trouverons ensemble les meilleures technologies, collaborations et redistributions collectives et en réseau qui nous permettront de rebondir face aux défis de cette nouvelle ère où la culture doit jouer un rôle vital et devrons saisir cette deuxième opportunité qui nous est offerte, pour faire mieux encore.

María Claudia Rossell

Source : https://medium.com/especial-observa-culturas/venezuela-caracas-la-cultura-desde-un-caribe-en-resistencia-3d1e920b4e9a

Traduction : Frédérique Buhl

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Le Président Maduro annonce la création de l’Institut National pour la Décolonisation

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A l’occasion d’une rencontre avec des intellectuels de différents pays qui participaient à la IIIème Ecole de Pensée Critique Décoloniale ouverte au public vénézuélien, le Président vénézuélien Maduro a approuvé la proposition présentée par Enrique Dussel et Ramon Grosfoguel de créer un Institut pour la Décolonisation, qui combattra la formation européo-centrée qui prévaut toujours à l’intérieur de nombreux programmes éducatifs. Le Ministre du Pouvoir Populaire pour la Culture, Ernesto Villegas, a été désigné pour parachever sa création avec le collectif des intellectuels.

La rencontre entre le Chef de l’État et les intellectuels a eu lieu au palais présidentiel de Miraflores à Caracas, et a été retransmise par la chaîne publique de télévision. Les penseurs visitaient le Vénézuela à l’occasion de  la Troisième Ecole de Pensée Critique Décoloniale : Etat et Processus Constituants, qui se déroulait à la Bibliothèque Nationale du Vénézuela entre le 22 et le 26 octobre.

« Ce furent des journées de débat et de réflexion extrêmement intéressantes, pertinentes, profondes et absolument libres » a expliqué le Ministre de la Culture Ernesto Villegas.  « Le gouvernement bolivarien, à travers ses distinctes institutions, leur a donné tout son soutien, mais cela ne s’est nullement traduit en restriction ou limitation, de manière à ce que l’évènement soit un plan pour le débat critique et autocritique des grandes affaires de l’humanité, particulièrement depuis la perspective de la décolonisation ».

Parmi les participants à l’évènement, on dénombre Enrique Dussel (Mexique), Ramón Grosfoguel (Porto Rico), Juan José Bautista (Bolivie, gagnant du Premier pris du Libérateur de la Pensée Critique en 2014), Sabelo J. Ndlovu-Gatsheni (Afrique du Sud), Houria Bouteldja (France), Karina Ochoa (Mexique) et José Romero-Losacco (Venezuela). S’est également joint au rendez-vous à Miraflores, le Directeur général de la Bibliothèque Nationale Ignacio Barreto ; le président du Centre National des Etudes Historiques, Pedro Calzadilla; Adán Chávez, Saúl Ortega, Jacobo Borges, Cilia Flores, Tania Díaz, Nicolás Maduro Guerra et Aurora Paredes, entre autres.

« Ce n’est pas dû au hasard que cet évènement ait lieu ici au Vénézuéla, au milieu du bourgeonnement fasciste qui s’est implanté sur notre continent et dans le monde » a exprimé Villegas. « Le Vénézuela  confirme être le bastion de la lutte pour la décolonisation, l’émancipation, la construction d’une nouvelle société distincte et supérieure au capitalisme sauvage et à celle de la modernité et du colonialisme ».

Les propositions.

Le professeur Ramón Grosfoguel a souligné l’importance de défendre l’anti-impérialisme : «  tout anti-impérialisme n’est pas décolonial, mais on ne peut pas être décolonial sans être d’abord anti-impérialiste ».

A l’intérieur des débats en Amérique Latine, beaucoup de gens se présentent comme anticolonialistes, mais à l’heure d’opiner sur le processus bolivarien au Vénézuela « lamentablement, ceux-ci prennent partit pour la droite pro-impérialiste et néolibérale de ce pays ». C’est pour nous, une contradiction énorme ». Cela indique que le décolonial doit tenir un engagement politique et éthique avec les peuples en lutte pour leur libération.

Il a également suggéré qu’« il faut avoir l’idée de penser conjointement un institut de production de en connaissance décoloniale, qui soit transversal » et qui puisse contribuer « pas seulement une fois l’an, mais chaque jours au Vénézuela ». Il a indiqué qu’il y a une génération de de vénézuéliens « formés pour nous, qui peuvent assumer le projet eux-mêmes et l’emmener ».

Enrique Dussel, académicien reconnu, philosophe, historien, théologien d’origine argentine, naturalisé au Mexique, a signalé que, « par malheur, même dans les processus révolutionnaires avancés comme ceux de Cuba ou de la Bolivie, l’éducation primaire, secondaire et universitaire continuent d’être dispensées depuis une vision européo-centrée de la culture et de la science. «C’est difficile, mais nous devons une fois pour toutes changer le contenu du cursus d’enseignement, afin de changer aussi la mentalité de la jeunesse et de tous les citoyens, et ne pas attendre un siècle mais 4 ou 5 ans ». Il a également soutenu l’idée de former un institut qui pourra fournir un équipement « au niveau économique, politique et agricole » touchant ainsi toutes les activités d’un Etat.

« Nous continuons d’éduquer à la manière d’un français ou d’un nord-américain notre jeunesse et le citoyen, nous pouvons changer cela en peu de temps, avec des équipes qui écrivent des textes d’étude pour tous les collèges du pays, gratuits et qui permettront le changement. A cette fin, l’idée de suggérer la constitution d’un institut d’étude décoloniale, mais qui ne sera pas partie de différents ministères ou secrétariats, mais qui dépendra directement de la Présidence, pour que depuis cet endroit, il puisse irradier toutes les activités de l’État. Et cela signifie que « même la stratégie militaire doit être pensée de manière décoloniale ».

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Approbation de la création de l’Institut National de Décolonisation du Vénézuela.

A ce propos, le Président Maduro a signifié son accord pour la création de l’Institut National de Décolonisation du Vénézuela, à cette fin , il a désigné pour responsable le ministre Ernesto Villegas. Il a indiqué que cela était absolument nécessaire afin de donner cohérence, articulation et pouvoir avancer dans l’ensemble de ce processus pour consolider une indépendance absolue du pays. «  Pour la consolidation de l’indépendance véritable, il faut approfondir la décolonisation de notre pays, de notre continent et de nos peuples » a insisté Maduro.

« Je donne mon accord pour que l’Institut de Décolonisation soit connecté à la Présidence de la République, mais je désigne de manière publique le compagnon Ernesto Villegas (ministre de la Culture), comme cadre révolutionnaire du Vénézuela, comme grand essayiste politique, institutionnel et culturel pour un plan intégral de décolonisation. Mais avec un sens éminemment pratique ! » Il a manifesté sa pleine confiance en Villegas, et a appelé à installer ces initiatives « qu’elles aient une grande portée et tout le soutien dans tous les sens du terme ».

Regarder la vidéo sur Youtube.

A ce propos, il a insisté sur le fait que le nouveau devait être enraciné dans les bases de la pensée révolutionnaire, défavorable à la période coloniale, ce qu’a toujours proclamé le Commandant Chavez. “Hugo Chávez était un homme qui changeait les structures et questionnait les paradigmes établit et il construisait de nouveau paradigme depuis la racine populaire vénézuélienne (…) Nous devons aller à un processus de décolonisation intégral du pays, (…) et l’intégrer au Plan de la Patrie 2025 pour consolider les valeurs de la nouvelle culture et l’indépendance du Vénézuela (…) Nous devons identifier comment créer des processus autonomes, pour aller conquérir les espaces qui consolident le 21ème siècle de la résurrection de l’Amérique Latine et des Caraïbes », a-t-il exprimé.

« Je suis convaincu que cet Institut, depuis l’Alba (Alternative Bolivarienne des Peuples de Notre Amérique) fera l’Histoire, pour doter de lumières, d’idées, de projets, les processus inévitables que nous allons vivre en Amérique Latine et dans les Caraïbes » a indiqué le Chef de l’État vénézuélien.

Il a également indiqué que la décolonisation devra s’inclure comme une ligne additionnelle du Plan de la Patrie qui est en quelque sorte le programme fondamental du gouvernement.

En Réponse à Mike Pence.

Maduro a également répondu aux accusations du vice-président des Etats Unis, Mike Pence, qui avait déclaré récemment, que selon les informations reçues par le président du Honduras,  Juan Orlando Hernández, c’était… le Gouvernement vénézuélien qui aurait organisé et financé la déferlante de migrants fuyant la misère de ce pays jusqu’au territoire états-unien.

« J’alerte le monde sur la paranoïa de Mike Pence et des secteurs extrémistes du Gouvernement des Etats Unis contre le Vénézuela. Ils ont une obsession car ils n’ont pas pu nous mettre en déroute, et ne pourront jamais le faire car la Révolution Bolivarienne est décidée à avancer » a souligné le mandataire.

Regarder la vidéo sur Youtube.

A ce propos, il a commenté le danger que représentent de telles déclarations pour sa sécurité et celle du Vénézuela, il a affirmé que les Etats Unis cherchent à démolir la Révolution, formant part d’une campagne de discrédit sans précédent contre la nation.

Maduro a rappelé les différents obstacles qu’a eu à affronter le chavisme depuis son arrivée en 1999, et particulièrement le coup d’État contre le président Chavez en avril 2002.

« Nous avons du affronter l’assaut durant le premier Gouvernement de George Bush, quand ils vinrent donner un coup d’État, et ils l’ont donné. Ce Palais fût pris entre le 11 et le 12 avril 2002 (…) mais la mobilisation du peuple dans la rue, et l’union civique et militaire, ont fait échouer le coup d’Etat de l’Empire » a-t-il insisté.

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Traduction : Julie Jaroszewski

Source :  http://albaciudad.org/2018/10/presidente-maduro-anuncio-la-creacion-del-instituto-nacional-para-la-descolonizacion-videos/

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Erika Farías, nouvelle mairesse de Caracas: « pour faire la ville que nous voulons, la clef est de rendre le pouvoir au peuple »

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En 450 ans de l’histoire de Caracas, c’est la première femme à la tête du gouvernement municipal, et elle assure qu’en tant que caribéenne elle ne reste pas un instant sans inventer quelque chose. Comme toute femme elle est passionnée, volontariste, comme disait le commandant Chávez lorsqu’il parlait de cette audace des femmes, aussi nourrit-elle beaucoup de projets et de rêves pour notre ville. Voilà pourquoi l’organisation populaire sera pour elle une priorité dans sa tâche à la tête de la Mairie de Caracas.

« Sa première obligation en tant que mairesse ? » : s’attaquer aux problèmes que les gens souhaitent voir affrontés par n’importe quel maire : les ordures, l’eau, la circulation et les services. Sa principale préoccupation ce sont les jeunes, cible de l’hyper-consumérisme de la culture capitaliste – elle voit son propre reflet dans leur révolte. Elle dit qu’elle a été et qu’elle reste une rebelle. Elle mise sur la sauvegarde de la Caracas solidaire, pleine d’espoir. La Caracas où les histoires se transmettent par les contes des aïeux, où d’un rien naît une rumba, une fête sans fin, une blague impertinente, la conversation sans fin, pour le plaisir, où prévaudra la culture de paix, propre à un révolutionnaire.

Erika est une femme directe, sans détours, qui va droit au but. Elle aime la vérité, le travail quand il a du sens. Elle aime s’impliquer dans des causes et convaincre les autres. Elle fait confiance au peuple, voilà pourquoi elle s’est fixé le tâche de lui restituer son pouvoir originaire, constituant. Avec ses 24 scrutins en 18 ans de révolution, le Venezuela est sans doute une des démocraties représentatives les plus vivantes au monde, mais elle est plus que cela : une volonté et un besoin de développer la démocratie participative. Ce samedi 6 janvier, des citoyens ont entamé dans tout le pays la discussion pour apporter des idées en fonction du programme de gouvernement 2019-2015 et fortifier une révolution féministe, écosocialiste et communale.

— De votre point de vue féministe, que pensez-vous apporter à Caracas ?

— Sans doute y a-t-il des choses très concrètes auxquelles la population aspire et qu’elle attend d’un maire. On peut philosopher, être créatif, innover, il n’y a pas de limites, mais, au départ, les ordures doivent être ramassées, les trous rebouchés, les rues éclairées. Tout passe par la nécessité de résoudre le principal problème qu’a Caracas : le manque de coordination entre nous qui y vivons et nous qui y gouvernons, qu’il s’agisse de la mairie, du pouvoir populaire ou du ministère. Nous n’avons pas atteint un degré de coordination qui permette de faire de Caracas le lieu auquel aspire le président Maduro ou le peuple. C’est en ce sens que nous les femmes avons une forte potentialité, car de tous temps, en raison des responsabilités qui nous ont été attribuées, nous avons eu la mission de mettre de l’ordre, plus que les hommes ne le font. Et cela a à voir avec les pratiques historiquement assumées : l’agriculture, la répartition des choses dans les lieux que nous habitons, la famille. Tout cela te donne de l’expérience. Quand la coordination manque, on perd beaucoup de temps et d’effort. Par ailleurs, les femmes, nous sommes très dynamiques, inventives. Voilà pourquoi Chávez nous disait «hyper-engagées». Moi je suis ainsi. Dans le monde des hommes on ne discute pas beaucoup, on impose beaucoup, tandis que dans le monde des femmes, le dialogue est toujours présent. Le débat, la discussion, la réflexion sont toujours présents, cela nous plaît et c’est une valeur qu’il faut sauver. Nous, les femmes en général, nous ne restons pas immobiles, nous sommes toujours en train d’inventer une nouveauté et comment ne pas inventer à Caracas, une ville jeune, diverse, qui bouge, un peu chaotique, hystérique, bipolaire. Comment ne pas inventer dans une Caracas pareille ! dans une ville marquée par le passage quotidien de plus d’un million de personnes qui viennent pour la visiter ou parce qu’ils y travaillent ou qu’ils y étudient ou simplement qui passent par plaisir. Alors, en plus de nous qui vivons ici, et nous sommes près de 4 millions, tout cela fait que Caracas a besoin de beaucoup d’inventivité, de créativité, de flexibilité et de beaucoup de force. Et autre chose encore : nous les femmes sommes têtues. Ce que nous disons, nous le faisons, avec de la formation, avec de l’organisation et avec de la planification.

— Quelles sont les tâches prioritaires à prendre en compte et comment aborder ces problèmes stratégiques de la ville ?

— En premier lieu, il y a la question économique, en insistant sur l’approvisionnement, non seulement des aliments, mais c’est le principal. En deuxième lieu, les services publics (ordures, transport, circulation, eau potable) et en troisième, l’organisation communale. Ce sont les trois grandes priorités parmi les six défis que nous nous sommes lancés sur le plan du gouvernement.

Le mode d’organisation va nous permettre de rendre au peuple son pouvoir d’origine. Il n’y a pas un seul problème qui puisse se résoudre sans la participation populaire. Par exemple le ramassage des ordures. On pourra avoir les meilleures équipes et la meilleure technologie, mais si l’on ne parvient pas à faire comprendre que c’est une question de culture, il y aura toujours des ordures. La solution se joue à moyen terme avec la participation principale de la population. Pour les denrées alimentaires, c’est la même chose. Le CLAP (comité local d’approvisionnement et de production) est une mesure de guerre qui nous a permis, à Caracas, de secourir près de 805000 familles. L’appareil économique qui est au service de la bourgeoisie, de l’empire, a miné tout le système d’investissement et le processus de production, distribution et commercialisation, mais également le modèle de consommation. Les gens font la queue pour acheter des choses qui peuvent être remplacées dans le régime alimentaire de base. En situation de guerre il nous faut nous tourner vers d’autres choses, sinon, le degré de dépendance augmente dans le désir angoissé d’obtenir ce qu’on ne peut avoir. Malheureusement la culture de la consommation s’est imposée et c’est pour cela que la bataille doit être menée dans le domaine économique avec tous les secteurs de la population, afin de changer de modèle de consommation. On ne peut voir triompher un processus révolutionnaire sans un peuple organisé, sans un sujet historique conscient, mobilisé, organisé. Voilà pourquoi je crois fermement que seul le peuple sauve le peuple. Toutes les secondes de ma vie que je passerai à la tête de cette institution, je les mettrai au service de l’organisation populaire. C’est pour moi une priorité.

— Comment rendre son pouvoir au peuple ?

— Rendre son pouvoir au peuple signifie lui faire comprendre qu’il fait partie du problème car il est le demandeur. Il ne peut demander et attendre que la solution vienne. Il doit faire partie du processus de la solution. Il doit réclamer, car ce sont ses droits : l’eau, l’alimentation, la culture, le loisir, et cela grâce à la Révolution. Les droits, il nous faut les protéger et les construire.

Si en plus, on fait entrer ce peuple dans ce processus de planification et de réalisation des solutions, alors il fait preuve de ses capacités. Cet instant-là devra marquer la fin des vieilles institutions car le peuple exercera pleinement son pouvoir et il y aura des institutions qui n’auront plus de raison d’être – elle dit cela avec un sourire convaincu. Mais cela est un processus, il ne faut pas l’imposer à coup de matraque. D’où la nécessité du débat, de l’organisation, de la réflexion, parce que le pays est un, le projet aussi. Au milieu de tout ceci il faut protéger la Patrie comme une force unique ainsi que notre projet révolutionnaire, car c’est lui qui nous permet de faire ceci, c’est pourquoi une extrême responsabilité s’impose. L’un des grands défis que doit relever notre révolution est donc d’obtenir que le peuple soit l’acteur principal. Si le peuple se sent habilité, s’il est conscient que c’est son heure, qu’il a un rôle historique, personne ne peut l’abattre. Lorsque nous parlons d’une Caracas Communale c’est le peuple qui en est le sujet central, qui reconnaît son moment historique, qui reconnaît sa diversité, ses luttes et son identité ; dans cette conscience, en opposition au système hégémonique, il doit nécessairement, non seulement créer les bases d’un nouveau modèle mais aussi développer toute sa potentialité dans cette entreprise.

— Comment faire un gouvernement communal ?

— Notre Révolution a créé de nombreux mécanismes aptes à rendre le pouvoir au peuple, comme par exemple la Municipalité, le Conseil Fédéral de gouvernement, le Conseil des ministres, et le Président lui-même, lequel a la faculté de valider des ressources extraordinaires pour des projets en particulier. Mais il y a aussi l’autogestion. Nous ne devons pas laisser perdre les efforts fournis. Notre peuple a garanti un ensemble de conditions qui lui permettent d’être partie prenante de la solution de certains problèmes autrefois inexistants. Écoute, ma mère a passé toute sa vie à construire une maison, pour nous, pour ses enfants. Quand enfin elle a fini, nous étions déjà partis. Quand je passe par le tunnel de La Planicie je vois toujours la maison, mais nous n’y sommes plus. Mais maintenant il en est autrement, une famille a la possibilité de bâtir sa maison, parce qu’il y a un gouvernement qui garantit cela, elle a un emploi, il y a un système de missions et chacun peut prendre part à la solution de son problème. Voilà les concepts qu’il faut se réapproprier : l’autogestion, la coresponsabilité, les devoirs partagés. L’Etat a des devoirs, mais la communauté aussi. C’est l’un des débats que nous allons avoir en leur temps et à leur rythme, mais je suis sûre que nous allons avancer suffisamment, car c’est un travail à moyen et long terme. Il ne faut pas désespérer sur ce point, zéro angoisse. Nous les révolutionnaires nous savons quoi faire et ce qu’il faut faire, c’est s’occuper, sans angoisser. Les choses ne vont pas se résoudre du jour au lendemain, ou par magie, -souligne-t-elle simplement, insufflant ce calme nécessaire auquel elle fait référence.

— Quelle est votre stratégie pour le thème de la sécurité en ville ?

—La sécurité se ressent quand un ensemble de thèmes est résolu. La Municipalité a une police administrative, cependant nous avons notre responsabilité sur l’insécurité, qui est résultat et non cause. Nous avons la responsabilité de l’existence d’un bon aménagement, des normes de vie en commun, du loisir, de la culture et du sport pour éviter l’insécurité. Lorsqu’il y a des cas d’insécurité, il y a des mécanismes que l’Etat utilise, et en ce sens notre Révolution a une stratégie que sont les « secteurs de paix» où sont intégrées à l’organisation populaire des activités récréatives, sportives et culturelles pour le contrôle de la criminalité. Il faut souligner qu’ont été importées à Caracas des pratiques criminelles étrangères à notre culture et qui portent atteinte à la normalité de quelques communautés. Je m’engagerai dans ces équipes pour continuer à garantir l’éradication de cette conduite criminelle introduite par des groupes étrangers à notre culture et totalement démobilisés. Il y a à Caracas 11 « secteurs de paix » et nous allons les soutenir aux côtés de la Police Nationale Bolivarienne et des corps d’intelligence, de police de proximité pour continuer la bataille contre le crime.

— Comment la Mairie stimulera-t-elle l’Economie Productive ?

— Il y a une grande expectative avec le Conseil Economique de Caracas. Nous avons une forte potentialité dans le secteur du textile, des services, de la chaussure et dans l’alimentaire, non seulement en agriculture urbaine mais aussi sur la conservation et la transformation des aliments, tout comme dans le Tourisme. En ce sens nous pensons travailler conjointement avec l’état de Vargas, avec lequel nous partageons le parc naturel Waraira Repano et le bord de mer. Caracas a de magnifiques sites pour connaître l’histoire, toutes ces activités bien faites et planifiées peuvent s’avérer une source significative de revenus pour la ville. De plus –ajoute-t-elle- le vénézuélien est plus productif qu’hier, nous ne sommes pas un peuple de mous, d’ignorants, de paresseux. Si tel était le cas, aucune des luttes qui au long de plus de 500 ans ont été conduites pour conquérir la liberté et pour libérer cinq nations sud-américaines et davantage, n’aurait été menée ; c’est là l’œuvre d’un peuple vaillant, travailleur, d’un peuple qui pense, cultivé et intelligent. Pour que le Venezuela soit une puissance économique, son territoire et son peuple doivent être forts. Caracas a ces possibilités, il y a une voie, un plan unifié.

— Quelle est selon vous la principale potentialité de Caracas ?

— Caracas a une grande potentialité du point de vue des structures organisationnelles que la Révolution a construites, qui sont nombreuses et très diverses. Et grâce à elles nous créons des liens, nous intégrons quiconque aime Caracas et la Patrie. Nous allons y inviter toute personne qui voudra faire de Caracas un espace aimable où nous pourrons nous sentir chez nous, où nous pourrons développer nos propres capacités, afin de construire une Caracas sûre, productive, où la culture, les loisirs et le sport nous aideront à édifier cette culture nouvelle, ce sens commun qu’il nous faut bâtir dans le cadre du socialisme.

— Quels projets avez-vous pour poursuivre la récupération des espaces publics ?

—Jorge Rodríguez, le maire qui m’a précédée, a fait beaucoup pour notre ville et l’effort réalisé dans ce sens a été réellement extraordinaire. Cependant, le travail n’est pas encore terminé car cela requiert une programmation propre à chacun des espaces récupérés afin qu’ils soient en utilisation permanente. Un terrain de sport par exemple, peut avoir beaucoup d’usages, pour des aînés qui s’entraînent, pour des enfants qui s’initient à l’activité sportive, pour des évènements culturels, des réunions de la communauté, des débats… Ces espaces doivent être constamment utilisables, et, naturellement, il faut impliquer la communauté dans leur utilisation. Caracas est une ville universitaire, par exemple, et les jeunes gens de la Unearte pourraient exprimer leurs talents, animer des ateliers, dans un partage avec la communauté. Telle est la vraie « Culture Au Cœur ». Mettre dans ces espaces toute cette potentialité qui existe dans nos universités et parmi nous. Est-ce que vous imaginez –dit-elle le visage souriant- dans l’un ou l’autre de ces espaces nos grands -pères et grand- mères en train de raconter notre histoire. Il faut retrouver la culture orale.

Elle marque une pause et décide de nous raconter une anecdote : « Ma grand-mère Luisa était une indienne Karina, extraordinaire, forte et elle me racontait toujours ses histoires sous le manguier, et je ne vous dis pas tout ce qu’elle me racontait » -ajoute-t-elle tout en lançant un grand éclat de rire complice. – Les vénézuéliens nous sommes des conteurs, nous aimons raconter nos histoires. Ces choses se sont perdues, dans la précipitation de la ville capitaliste, de l’hyperconsommation, de ce machin – elle prend le téléphone portable et plonge les yeux sur l’écran, comme pour envoyer un message- nous avons perdu la véritable Caracas.

— Et quelle est la véritable Caracas à laquelle vous faites référence ?

—Cette Caracas qui, quand elle se lève, a le souci de l’autre, la Caracas solidaire. Cette Caracas elle est là, en attente. Elle n’est pas morte. L’hyperconsommation, la culture capitaliste de l’individualisme nous a fabriqué une société qui nous fait courir tout le temps comme hébétés et il faut combattre cela, car parfois c’est par plaisir, or personne ne peut vivre ainsi pressé en permanence, à ces niveaux d’angoisse qui font que les gens tombent malades et qu’ils veuillent même se battre avec tout le monde. Cela ne permet pas de voir la véritable Caracas, celle qui se retrouve un dimanche et fait une soupe collective. Cette Caracas où d’un rien naît une rumba, une fête, un mauvais tour, un joli boniment. Il faut retrouver cela, voilà la culture de la Paix.

— Quelle est votre plus grande préoccupation?

— La jeunesse. Une des choses qui me préoccupent beaucoup c’est cette tendance destructrice que l’empire nord-américain et la bourgeoisie veulent inoculer chez nos jeunes, avec comme devise « consomme à en mourir ». La jeunesse est une saine préoccupation, non pour les juger mais pour les accompagner car j’ai été jeune moi aussi et j’ai été très révoltée, je suis très reconnaissante à ma famille de ne pas m’avoir laissée seule dans ma période de plus grande révolte. Et avec le reguetón, tous ces hits commerciaux érotiques, et la petite fille qui tombe enceinte, surgit le thème de la sexualité, propre aux jeunes, car aujourd’hui ils sont initiés de plus en plus tôt. Il y a des gens qui ont peur de ce sujet, mais moi, non, rien n’est plus naturel, sans elle l’humanité n’existerait pas. Mais si l’on écoute les chansons c’est presque un retour à l’animalité … qu’est-ce que cela ?… où est passé l’amour, le fait de tomber amoureux ? – demande-t-elle, se plaignant des paroles des chansons de reguetón.- Nous cessons d’être des animaux et redevenons des êtres humains lorsque nous commençons à apprécier chez l’autre la beauté, la capacité à développer le meilleur de moi-même en l’autre, mais il convient au capitalisme que cela se perde. Nous devons dire comme le poète : Il faut lutter pour la joie, pour la beauté, pour l’amour, nous ne pouvons déboucher sur une société de barbares. Nous ne pouvons pas accuser les jeunes, il ne faut pas les laisser seuls – insiste-t-elle, sinon la culture antagonique les avale. C’est pour moi une grande préoccupation car notre pays est jeune. Et cette jeunesse est le futur. Chez nos ancêtres s’occuper des enfants est une affaire collective, cela ne concerne pas que papa et maman, la communauté doit les soutenir et les accompagner et moi, c’est en cela que je crois. Voilà pourquoi c’est mon souci et pour cela on me verra parmi les jeunes.

— Quel est le défi spécifique?

— Nous devons valoriser notre idéologie, nos contenus, notre identité, parce que, parfois, nous ne faisons que reproduire ce qui est étranger, qui nous asservit. Nous devons retrouver et reconstruire notre esthétique … Notre commandant disait que l’homme de la révolution doit être beau, cultivé, soigné, personne de référence, exemplaire. La Révolution est la plus belle chose du monde. Nous devons continuer à fouiller pour retrouver cette Caracas profonde, ce Venezuela profond, qui est capable de faire ce qu’il a fait le dimanche des élections. Au milieu d’une guerre comme celle que nous connaissons, où l’on croirait qu’il n’y a aucun motif pour nous faire bouger, qu’il n’y a rien ni personne à soutenir car nous sommes dans un conflit permanent, la saleté, le ticket de bus, la monnaie … tout un problème et la file en prime, pour s’approvisionner… au milieu d’un machin chaotique … et malgré tout cela le peuple a dit oui, mais c’est la Révolution et non le capitalisme qui va résoudre cela … peut-être n’a-t-elle pas tous les arguments, mais notre peuple sait qu’ils sont en train d’attaquer tout ce que Chavez a fait, afin d’enfoncer Nicolás Maduro… Ce qu’eux ne savent pas c’est que, nous les chavistes, nous sommes têtus et avons de la mémoire. Je suis militante, missionnaire de cette unité extraordinaire qu’il faut nouer sans cesse entre notre direction et notre peuple indissociable, pour l’unité, pour la détermination, pour l’adéquation, pour les enjeux, pour les défis. Nicolás est présent, un homme du peuple, courageux. C’est la plus belle qualité qu’a notre peuple, ils n’ont pas pu nous abattre et ne le pourront pas, ils ne vont pas pouvoir. Je le dis avec ma conviction de femme révolutionnaire, ici il n’y a pas de lâches et personne ne va se rendre.

Dans mon vieux San Juan

Erika est née dans le quartier Los Eucaliptos et jusqu’à quelque temps de là, elle vivait à Capuchinos, deux endroits de la paroisse San Juan. Pour elle, parcourir les rues de Caracas est un plaisir auquel, actuellement, elle s’adonne peu en raison de ses responsabilités politiques. « Je m’en allais de San Juan jusqu’à la Place des Musées, aller et retour à pied. A n’importe quelle heure, et j’étais la personne la plus heureuse du monde. Et cela me manque beaucoup». Le parc naturel Waraira Repano est l’un de ses lieux préférés, non seulement parce qu’il enserre Caracas, mais aussi parce qu’elle le connaît en long et en large car elle y monte depuis l’âge de trois ans quand, avec sa mère, elle allait voir son oncle qui était garde forestier. “Des 5 frères et sœurs, l’aînée et moi- même, gardons ce lien avec Waraira. Je connais presque toutes ses montées et j’y suis restée souvent, en différents moments : joyeux, tristes, méditatifs. Je choisis toujours la montagne. »

Sa façon de se distraire est de voir des films, des séries ainsi que la lecture. Elle dit qu’elle adore les enquêtes policières. Sur la musique, elle nous a dit que ses goûts sont variés, mais lorsque nous lui avons demandé si elle incluait les jukebox elle a éclaté de rire et nous raconta cette anecdote : « J’étais alors ministre des Communes, il était tard, j’étais fatiguée, mais avant d’arriver chez moi, à Capuchinos, je voulais me vider un peu la tête et je suis entrée dans un troquet immonde, tout près. J’hésitai à entrer, mais je me persuadai qu’à cette heure-là personne ne me verrait, alors je suis entrée et j’ai vu qu’il y avait un jukebox, je me suis installée, car il n’y avait presque personne, pour écouter Toña La Negra, la Lupe, Felipe Pirela, Javier Solís… à partir de ce jour, chaque fois que je le pouvais, j’allais faire le vide un petit moment pour « déconnecter un brin ». Sur un ton mélancolique elle se souvient du café Rajatabla. «  Il n’y a pas à Caracas un endroit comme celui-là, il faudrait qu’on rouvre ce bar ! ».

Biographie

La nouvelle mairesse de la Municipalité Libertador de Caracas a été élue le 30 juillet comme députée à l’assemblée constituante pour le District-Capitale. Le 22 septembre le chef de l’Etat l’a désignée comme ministre du Pouvoir Populaire auprès du Bureau de la Présidence de la République. Elle a aussi occupé les portefeuilles ministériels de l’Agriculture Urbaine, celui des Communes et Mouvements Sociaux et a été élue gouverneure de l’état de Cojedes, un mandat exercé de 2012 à 2016. La militante du PSUV (Parti Socialiste Uni du Venezuela) a fait des études de Philosophie à l’UCV et à l’Université Pédagogique Expérimentale Libertador. Elle a été la directrice nationale du Front Francisco de Miranda, organisation politique de la jeunesse vénézuélienne spécialisée dans le travail social. “J’ai commencé à travailler avec le commandant Chávez comme assistante civile. Dans cet espace intime on pouvait percevoir sa qualité humaine, sa capacité à comprendre les personnes et les choses. L’une de ses qualités qui m’a beaucoup marquée ce fut son authenticité, Chávez était ce qu’on voyait, il n’était pas autre chose, affectueux et très juste. Avec Chávez nous avons appris la nécessité de l’étude. « Un cadre révolutionnaire doit être constamment en train d’étudier, il ne peut être une personne superficielle, nous disait-il », se souvient-elle. Comme anecdote Erika nous a raconté qu’une fois quelqu’un l’a fustigée en tant que membre du gouvernement, à quoi, lui, le commandant, lui répondit : « rien de ceci n’est contre toi en tant que personne, c’est la vision révoltée d’un peuple qui un jour s’est dressé contre un gouvernement qui l’a toujours exclus, c’est pourquoi nous nous sommes engagés à écouter notre peuple et à changer la vision qu’il a du gouvernement. Voilà pourquoi nous devons être de plus en plus révolutionnaires. Ce peuple n’a jamais pu parler. Il faut toujours gagner son adhésion afin qu’il nous accompagne aussi fortement qu’il nous critique, car nous sommes convaincus que c’est le gouvernement révolutionnaire lui-même qui va établir les bases de la libération. »

Source : ODRY FARNETANO / CIUDAD CCS, http://ciudadccs.info/entrevista-erika-farias-restituir-poder-al-pueblo-la-caracas-queremos/

Traduction : Michele ELICHIRIGOITY

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Les débats de l’Assemblée Constituante : de la corruption comme usage privé de la chose publique.

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Avec l’Assemblée Nationale Constituante le modèle de société est en débat. Dans ce modèle, l’économie occupe une place centrale. Le pain de chaque jour est vital à tout le reste, sauf dans les moments d’exceptions politiques, qui, nous le savons, ne sont pas éternels. Produire ce pain peut être garanti par un privé, par l’Etat, par une communauté organisée, ou par une alliance entre parties. Cela semble être un consensus dans le chavisme actuellement et pour les années à venir.

A l’intérieur de ce possible consensus des débats ont lieu. L’un d’entre eux concerne l’Etat. Le point d’accord est que l’intervention de ce dernier est nécessaire, et que certaines branches de l’économie doivent être sous son contrôle. Il serait nécessaire de déterminer lesquelles, selon les objectifs pour l’étape que nous traversons, et dans une perspective de  transition au socialisme. Cependant, la discussion se complique à l’heure de tirer le bilan de dix-huit ans de tentatives, d’essais, de plans déjà exécutés. Qu’est-ce qui a pu se faire et qu’est-ce qui n’a pas pu ? Et pourquoi ?

La droite en profite comme d’habitude pour réaffirmer son sens commun néolibéral : l’Etat est inefficace, le secteur privé sait, lui, gérer. Pour démonter cette matrice il est facile de voir qu’il n’y a jamais eu de véritable entreprise privée au Venezuela, pas plus celle qui a vécu des devises de l’Etat que celle qui a toujours préféré importer pour spéculer, que produire sur place. Mais l’Etat en tant que tel ? Que se passe-t-il avec la production sous son contrôle, avec les entreprises expropriées, achetées, créées, avec les plans de développement agricoles, les objectifs tracés? C’est là que semble être la zone complexe, qui reste peu abordée, et rend difficile le débat sur le modèle, sur de possibles mesures centrales à prendre dans ce pays en guerre, où l’Etat doit avoir un rôle déterminant.

Particulariser la discussion peut en réduire la portée, la mener dans l’abstrait peut affaiblir la force de l’argumentation. En guise d’équilibre impossible je vais parler d’une expérience récente: le débat mené dans le cadre des déplacements des députés constituants dans les territoires avec des ouvriers de la Centrale Sucrière Ezéquiel Zamora, et avec des producteurs agricoles dans le Centre Technique Productif Socialiste Florentino, les deux situées à Barinas, toutes deux propriétés de l’Etat. La conclusion à laquelle on arrive est que les projets ont été bien posés selon les capacités du territoire, selon les marchés d’achat et vente, et malgré cela n’ont pas réussi à se développer. Ils fonctionnent à un pourcentage de production inférieur à leur potentiel, sans compter qu’ils devaient, selon le plan, croître.

Que s’est-il donc passé ? Quelles raisons ont empêché le développement de ces entreprises ? Il ne s’agit pas dans ces cas, comme c’est arrivé dans d’autres, d’achats d’entreprises qui sur le point d’être mises en faillite par leurs propriétaires, avec des machines obsolètes et des marchés fermés. Les réponses sont diverses mais elles se concentrent en un point: la corruption, c’est-à-dire la mauvaise utilisation des fonds, l’utilisation de ce qui est public pour le bénéfice personnel/familial, comme par exemple, de l’argent qui est arrivé et n’a pas été investi, du bétail  et des machines vendus illégalement – l’univers de la corruption est bien plus grand: évasion fiscale, comptes dans des paradis fiscaux, surfacturations et un etcetera dans lequel les grands entrepreneurs sont experts.

Il s’agit d’un thème difficile à aborder, parce qu’en partie, c’est une arme avec laquelle la droite – immergée jusqu’au cou dans la corruption – attaque tous les processus progressistes et révolutionnaires. Le problème c’est que nous ne pouvons laisser à ces secteurs le monopole de « l’explication ».  Un de ceux qui, depuis nos propres rangs, étudient le sujet, c’est, par exemple,  le vice-président bolivien Álvaro García Linera, qui dans une entrevue récente,  exprime des concepts comme celui de la « démocratisation de la micro-corruption » et pose la question centrale: que faire devant ce problème?

« C’est un fait qui te ronge la morale, alors que la seule force qu’on a quand on vient d’en bas c’est la force morale (…) Si tu deviens permissif tu perds ta force morale (…) Si tu perds moralement tu perds générationnellement, la pire défaite d’un révolutionnaire est la défaite morale. Tu peux perdre des élections, perdre militairement, perdre la vie, mais ton principe, ta crédibilité sont toujours debout, par contre quand tu perds la morale tu ne te relèves plus ». Il explique, en mettant l’accent sur la dimension morale, la nécessité d’identifier les responsables, de les juger, de se frapper durement.

Cet impact moral est évident. En particulier à cause de l’impunité qui a généralement régné face à ces situations. On pourrait formuler plusieurs hypothèses pour expliquer que la logique de sanctionner la personne en l’écartant de son poste – parfois pour le nommer à un poste équivalent – a substitué celle de juger: la culture politique, la corrélation de forces, le manque de suivi qui permettent de mener les cas à la justice. Il existe sûrement plus d’explications. L’absence de sanction des responsables affecte les ouvriers, les producteurs agricoles, les habitants de la zone, du pays, mine la bataille d’idées de la révolution, sa construction d’un sens commun.

Il existe une autre dimension en plus de la morale: l’économique. Prenons un cas qui apparaît systématiquement dans chaque commune, ou territoire agricole: Agropatria, l’entreprise publique qui doit fournir des matières premières pour la production. Toutes les descriptions signalent que l’entreprise dispose des matières premières nécessaires mais que celles-ci sont revendues par des réseaux de « bachaqueros« . Les recherches conduisent à la complicité entre le personnel de l’entreprise et des revendeurs. Le gain pour les corrompus et les mafias est important, le poids pour les producteurs aussi; leurs coûts de production augmentent, leurs gains diminuent, les prix –  avec des bénéfices extraordinaires pour les intermédiaires –  augmentent, le pouvoir d’achat est frappé, la guerre économique en devient plus aiguë pour les secteurs populaires.

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Débattre des causes de la situation de l’économie publique est la clé pour aborder le modèle et les mesures nécessaires, immédiates et stratégiques. L’hypothèse est que le problème  ce n’est pas le modèle socialiste – comme le martèle la droite –  mais qu’il n’a pas été possible de développer comme prévu la stratégie. Cela est dû, en partie, à la corruption qui a freiné, parfois brisé, des initiatives clés. Nicolas Maduro l’a dit dans son discours devant l’Assemblée Nationale Constituante:  » Le neuf n’arrive pas à naître, et parfois il se met à mourir à cause de la bureaucratie et de la corruption. Et le vieux n’arrive pas à mourir, et parfois il poignarde le neuf ». La corruption dans la sphère de l’Etat n’est pas l’œuvre du chavisme mais une partie endémique de la formation économique, politique et étatique, pétrolière, un lubrifiant constitutif du capitalisme. Ce n’est pas un problème nouveau, il ne se résout pas d’un coup de baguette magique.

Les récentes lois proposées par le président Maduro face aux grands réseaux de corruption du CENCOEX et des systèmes publics d’octroi de devises aux entreprises privées censées importer des médicaments ou aliments mais qui les ont revendus sur le marché parallèle, vont dans le bon sens : il s’agit non seulement de reprendre les enquêtes freinées par le Ministère Public, mais de confisquer les biens de ces grands groupes privés pour les remettre non à l’Etat mais directement à la population. Il y a eu plusieurs arrestations ces dernières semaines: au sein du Ministère Public, de la compagnie publique du pétrole PDVSA, à l’Hôpital de Valencia, et Maduro a demandé de reprendre l’enquête de CADIVI, l’organe chargé d’octroyer des devises étrangères. Si on y ajoute aussi le cas, par exemple, de Pequiven, filiale de PDVSA, au début de l’année, on voit que le problème touche des zones clés de l’Etat pour le développement économique, et qu’il existe des responsabilités dans les hautes sphères. La capacité d’affronter les agressions multiformes seraient d’une autre ampleur avec un Etat à la capacité productive consolidée, avec une justice dans les zones où la corruption s’est installée en lien avec les plans de ceux qui conduisent la stratégie contre le Venezuela. Une coïncidence qui peut s’expliquer par l’action des facteurs de guerre pour générer de la corruption dans des zones et des territoires géographiques stratégiques.

Ce dernier point place la corruption dans le problème majeur actuel: le plan de récupération du pouvoir économique par le bloc putschiste, dirigé depuis les Etats-Unis. Les détournements de fonds/complicités de frontière/manque de suivi/sabotage, ont pour objectif – pour ceux qui dirigent la guerre – la paralysie progressive de l’économie pour asphyxier la population. Mais ils remplissent aussi un autre objectif, celui de décomposer le tissu social, de rompre les solidarités populaires. On a vu ces derniers temps comment la corruption a augmenté dans l’espace public quotidien, sur de petites échelles, une « démocratisation de la micro-corruption » analysée par García Linares – plus seulement dans l’Etat mais aussi dans la société.

Il est central d’exercer la justice, d’appliquer le poids de l’Etat sur l’Etat lui-même, sur les grands groupes privés, de commencer d’en haut, de l’intérieur, jusqu’en en aval – le populaire n’est pas un synonyme automatique  d’innocence -. Il faut le faire pour appliquer les mesures prises, stimuler la force économique propre que peut développer l’Etat – celui-ci a montré sa capacité de réussir dans plusieurs expériences – accompagner le développement social/communal, établir des accords avec le secteur privé qui se concrétisent vraiment et ne deviennent pas une source d’enrichissement illégal.

Nous avons besoin de débattre de l’Etat, de sa puissance et de ses failles, de faire le bilan de ce qui a été fait, de le corriger dans notre stratégie, de mettre des noms sur les responsables des vols et de les juger, et de ne pas recommencer à créer les mêmes structures qui ne peuvent se maintenir vu leurs logiques de fonctionnement, le manque de suivi et de sanctions. Dans le cas contraire on peut courir le risque de répéter les erreurs, de ne pas réussir à construire des solutions nécessaires dans ce contexte de guerre, et de maintenir une culture de l’impunité qui, on le sait, génère davantage d’impunité.

Marco Teruggi

Source : https://hastaelnocau.wordpress.com/2017/09/12/la-corrupcion-el-uso-privado-de-la-cosa-publica/

Traduction : Cathie Duval

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Le rêve d’une communication populaire

Article de Tibisay Maza Giménez paru dans Ciudad Caracas (29 août 2017)

L’École populaire de Cinéma, Télévision et de Théâtre est un espace de création d’énoncés émanant des communautés. Elle vient de présenter quatre nouveaux courts-métrages, un livre et les conclusions d’un an d’enquête parmi les 35 collectifs de télévision populaire du Venezuela.

Les 19 et 26 août 2017, le cinéma Antonieta Colon de Caracas accueillait l’École Populaire et Latino-américaine de Ciné, Télévision et Théâtre (EPLACITE) qui a projeté quatre nouveaux courts métrages : « Caquetios, une école en construction« , « Un pont pour Pluton », « Le tissu rouge, processus d’une fiction populaire« , et « Mémoires du ciel » de Jesus Reyes, et lancé le livre « Théorie et pratique d’une télévision et d’un cinéma par et pour le peuple« , qui a été remis à cette occasion à plusieurs étudiant(e)s et communicateurs populaires. Le 26, l’enquête nationale menée pendant un an par l’EPLACITE sur les 35 télévisions communautaires du Venezuela a également été présentée au public. Ces productions et publications audiovisuelles (en ligne sur le blog en espagnol de l’école : www.escuelapopularcineytv.wordpress.com) visent à construire un nouvel imaginaire populaire. « Le cinéma et la télévision dominantes sont plus du côté des résultats que des processus« , remarque Jesus Reyes, jeune réalisateur issu des quartiers populaires de Caracas et aujourd’hui enseignant de l’EPLACITE. « Nous résolvons nous-mêmes les problèmes techniques qui se présentent lors de chaque réalisation. On croit généralement que faire du cinéma nécessite beaucoup d’argent et l’assistance d’équipes nombreuses. Nous avons démontré qu’il n’en est rien. Nous avons aussi surmonté un problème technico-idéologique : le peuple n’est pas un objet mais un sujet qui est à la fois la source d’informations et de visions qui nous stimulent, et celui que nous voulons révéler par notre discours et notre structure » ajoute-t-il.

 

Le livre est une compilation des matériels de cours et des investigations mené par l’école ces 20 dernières années ; il remet fortement en question le paradigme dominant sur la communication sociale et recueille l’héritage d’expériences d’esthétiques révolutionnaires : Dziga Vertov, par exemple ou encore Santiago Alvarez, Jorge Sanjines et Glauber Rocha. « Nous apportons des clés nécessaires à la consolidation d’une dramaturgie décolonisatrice tout en récupérant un siècle de découvertes et de savoir-faire des travailleurs du cinéma, monopolisé par l’élite hollywoodienne : du langage de la caméra au sens qui se dégage de l’assemblage des différents plans » précise Thierry Deronne, le fondateur belgo-vénézuélien de cette école, enseignant de dramaturgie, documentaire et théorie du montage dans deux universités publiques créées par la révolution bolivarienne (l’UBV et l’UNEARTE).

Lorsque ce dernier a quitté sa ville natale de Tournai pour créer au Venezuela l’École Populaire et Latino-américaine de Ciné, Télévision et Théâtre (EPLACITE) dans les années 1990, l’objectif premier était de mettre une série d’outils d’expression à la disposition des mouvements sociaux. Un des professeurs qui l’a conseillé dans cette tâche est Thierry Odeyn, professeur à l’école nationale de cinéma INSAS (Bruxelles), avec ses recherches permanentes sur « plutôt que faire du cinéma politique, faire politiquement du cinéma ». « Il existe une revendication sociale qui devient chaque jour plus aiguë. Une révolution ne peut se développer dans un champ où les médias privés dominent et envahissent en permanence les esprits, les rêves. Un de nos apports consiste donc à faire prendre conscience qu’il devient urgent de démocratiser radicalement la propriété des médias » souligne Deronne.

Il rappelle qu’à l’époque de la création de l’École, les médias associatifs n’avaient pas encore été légalisés. Mais après la première victoire électorale de Hugo Chavez, le collectif a fait un bond qualitatif en réponse à leur forte demande de formation. « Aujourd’hui, à une époque où la concentration des médias interfère avec les institutions démocratiques et leur permet même de contribuer à faire tomber des gouvernements, nous ne pouvons plus nous contenter d’affirmer « on ment, on nous attaque », il faut désormais prendre l’initiative, au travers de l’Assemblée Constituante par exemple, de construire une loi nationale, puis internationale, qui démocratise la propriété des médias, mais aussi de renouveler la formation en nous appuyant sur de nouveaux paradigmes qui s’inspirent de l’expérience latino-américaine« . Aujourd’hui, le collectif est formé de divers enseignants qui se consacrent à l’étude et à la mise en valeur d’un jeune cinéma latino-américain comme Jesus Reyes, Juan José Moreno, Luis Rodriguez, Violeta Moreno, Betzany Guedez. « Nous avons aussi un réseau d’enseignants latino-américains, avec qui nous partageons de nouveaux regards contribuant à forger cette image du Venezuela et de notre Amérique« , ajoute Deronne.

Le projet est ouvert aux étudiants de UNEARTE, de l’Université Bolivarienne du Venezuela (UBV) mais surtout aux collectifs populaires et télévisions communautaires qui cherchent à améliorer leurs connaissances dans la réalisation de productions audio-visuelles. « Il faut souligner que des collectifs féministes particulièrement préoccupés de créer une image de la femme contre la violence que diffusent les télénovelas, ont toujours joué un rôle important dans l’École depuis sa fondation. » L’École est itinérante et le planning se fait en fonction des mouvements sociaux qui sollicitent ses services. « Nous sommes allés récemment dans l’État de Lara et en septembre nous nous rendrons dans l’État de Portuguesa où existe tout un projet de transcription historique de l’épopée d’Argimiro Gabaldon. Les mouvements sociaux se chargent de trouver un endroit pour nous recevoir et installer notre matériel ; nos ateliers ont la caractéristique d’être théoriques et pratiques et durent généralement 5 jours », précise-t-il.

PIONNIERE DANS LE DOMAINE COMMUNAUTAIRE

Deronne a eu l’occasion de voyager dans divers pays du continent et de découvrir leur niveau de développement audiovisuel. Pour lui la télévision associative, c’est d’abord une création bolivarienne, nourrie par l’une des pensées les plus emblématiques de Simon Rodriguez : « apprendre par l’exemple et enseigner par la pratique », et par les racines afrodescendantes, rebelles, et même si dans le Venezuela la majorité des ondes reste aux mains du secteur commercial, ce pays a apporté quelque chose d’inédit : une trentaine de collectifs s’essaient concrètement à un nouveau modèle de télévision populaire, au sein d’un processus révolutionnaire. « Avec des gouvernements progressistes comme l’Équateur, la Bolivie et l’Argentine sous la présidence de Cristina Fernandez, des lois qui protègent l’activité et la diffusion de médias alternatifs ont vu le jour, mais il n’y existe pas beaucoup de télévisions communautaires concrètes. Le Venezuela, en revanche, a acquis une solide expérience en ce domaine. C’est l’heure du bilan, des leçons à tirer de plusieurs échecs, d’une nouvelle génération. Dans d’autres pays, on rêve encore de pouvoir compter sur un État qui donne des caméras et des bancs de montage, sans contrôle politique. »

Source de cet article : http://ciudadccs.info/sonando-con-la-comunicacion-popular/

Photos : Yrleana Gomez / EPLACITE

Traduction : Frédérique Buhl

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Dix clefs pour comprendre et analyser la victoire du chavisme à la Constituante

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Électeurs du centre de vote Luis Alejandro Alvarado, Cagua, État d’Aragua (centre du pays)

par Victor Hugo Majano

Le processus électoral qu’a vécu dimanche le Venezuela et les résultats quantitatifs du vote pour la constituante (plus de huit millions de suffrages exprimés) montrent clairement un triomphe du chavisme, avec une corrélation très forte sur les plans politique et symbolique.

La « bataille finale » ne s’est pas jouée comme le disent les boucliers des extrémistes de droite « autour du palais présidentiel de Miraflores » : elle ne s’est pas faite avec des balles mais avec des votes et n’en a que plus de force. Le chavisme dispose à présent d’une grande légitimité et de la base légale pour aller de l’avant et sans hésitations vers une transformation profonde dans le cadre constitutionnel pour assurer la paix, renforcer les institutions et rétablir l’équilibre de l’économie.

Une analyse préliminaire permet d’identifier un ensemble de points-clés:

1) On voit que l’opposition associée à la MUD (coordination des partis de droite) n’est pas majoritaire.

2) Elle n’exprime pas plus les attentes et les besoins de la majorité ou des principaux secteurs du pays. Pas même des secteurs dominants.

3) Elle ne sert pas les intérêts nationaux, mais des facteurs externes bien identifiés, qui ne tentent même pas de nuancer leurs positions ou de les dissimuler.

4) La droite a démontré un caractère violent et son irresponsabilité dans l’usage de la violence. Les dirigeants actuels sont encore ceux du coup d’État contre Chavez ou des « guarimbas » des années antérieures. Ils n’ont jamais condamné mais au contraire encouragé les actions meurtrières de 2017, appelant même à plusieurs reprises à un nouveau coup d’État des forces armées, sans autre projet politique que celui de renverse Maduro, comme ils voulaient renverser Chavez.

5) Pendant ce temps, le chavisme a montré qu’il est le seul mouvement politique actuellement porteur d’une vision, d’un projet national d’inclusion, qui intègre les principaux facteurs sociaux, institutionnels, économiques et politiques du pays et parmi lesquels ne sont pas exclus organiquement les facteurs liés à l’opposition regroupée dans le MUD.

6) La droite, en réponse, passera à la postérité pour sa conduite erratique, qui s’est transformée en menace pour l’indépendance, la paix, la stabilité institutionnelle et l’équilibre économique du Venezuela. Le bloc d’opposition n’a pas su surmonter son obsession de reprendre le pouvoir « par tous les moyens ». Au lieu d’élaborer une proposition politique d’envergue, elle s’est engluée dans une dynamique absolument destructrice.

7) L’origine et le développement des conflits qui vont s’aiguisant depuis 2012 sont d’ordre économique, déterminés par l’accès et la redistribution des revenus pétroliers. Par conséquent, le Venezuela ne peut éluder plus longtemps le débat sur le dépassement du modèle rentisme pétrolier, ainsi que sur tous les éléments symboliques dérivés. Ce qui veut dire profiter de l’avantage de pouvoir prendre des décisions radicales à travers une Constituante pour démanteler les structures productives hautement dépendantes du secteur extérieur.

8) Les conditions imposées par la violence de la rue et les menaces de la droite contre le vote ont forcé le chavisme à faire preuve d’un plus grand engagement. Paradoxalement ces conditions peuvent avoir fonctionné comme encouragement à la participation. Cela s’est produit en 2002-2003 lors de la réaction populaire au coup d’État contre Chavez ou après le sabotage pétrolier en 2004, avant le référendum révocatoire, entre autres dates. Aujourd’hui, le chavisme mécontent et certains des ni-ni (si tant est qu’existe cette catégorie), qui s’étaient abstenus lors de la victoire de la droite aux législatives de décembre 2015, sont allés voter. Alors que ce que pouvait espérer de mieux la droite, était leur indifférence.

9) Le chavisme devient le principal articulateur et promoteur du dialogue politique, mais cela l’oblige à être plus inclusif (en parlant des militants) et plus large thématiquement, tout en s’impliquant davantage dans l’aspect concret de chaque facteur social .

10) Une grande partie des obligations du chavisme implique la construction d’une cosmogonie et d’une téléologie du peuple vénézuélien qui puissent incarner une alternative aux valeurs culturelles du capital. Ce qui inclut des aspects liés à la culture populaire (dont la religiosité).

Source : http://www.albatv.org/En-claves-Que-significa-la.html

Traduction : Thierry Deronne

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Les partis de gauche et les mouvements sociaux d’Amérique Latine appuient un peuple qui écrit sa constitution à la barbe de l’Empire.

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Réunion des partis de gauche latino-américains à Managua du 15 au 19 juillet pour le XXIIIème Forum de Sao Paulo.

Les 300 délégués de 18 partis politiques de gauche venus de 26 pays d’Amérique Latine, réunis à Managua du 15 au 19 juillet pour le XXIIIème Forum de Sao Paulo, viennent de réaffirmer leur soutien au processus de l’Assemblée Constituante grâce auquel les vénézuéliens éliront 545 député(e)s au suffrage universel, le 30 juillet. La secrétaire exécutive du Forum, Mónica Valente (Parti des Travailleurs, Brésil) a souligné que l’heure a sonné pour la gauche de reprendre l’offensive contre le néolibéralisme dans la région et que la seule façon de la démocratie est de « consulter le peuple, non de faire des coups d’État comme au Brésil, au Paraguay et au Honduras. » « Nous allons former une Commission d’Accompagnement Électoral de l’Assemblée Constituante au Venezuela, car nous l’appuyons » a précisé la Présidente du Parti des Travailleurs du Brésil, la sénatrice Gleisi Hoffmann, lors de la clôture de cette rencontre qui a vu les présidents du Salvador, Salvador Sanchez Ceren, du Nicaragua Daniel Ortega ou de Bolivie Evo Morales réaffirmer leur soutien à la révolution bolivarienne et dénoncer la volonté de la détruire de la part des États-Unis. Même soutien de la Coordination des Mouvements Sociaux de l’ALBA ou du Sommet des peuples qui se réunit en Argentine parallèlement au sommet des gouvernements du Mercosur.

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Sommet des Peuples, organisé parallèlement au sommet du Mercosur, Argentine, 20 juillet 2017

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Mouvements sociaux du Brésil, dont le Mouvement des Travailleurs Sans Terre, manifestant leur soutien au scrutin de l’Assemblée Constituante au Venezuela, le 20 juillet 2017.

Alors que la gauche occidentale, par peur des retombées médiatiques, n’ose plus parler du Venezuela, l’ensemble des partis de la gauche et des mouvements sociaux d’Amérique Latine, manifestent de manière claire leur solidarité avec les jacobins noirs qui s’entêtent a vouloir écrire leur constitution à la barbe de l’empire états-unien, de ses vassaux européens et de médias qui continuent à imputer les morts causées par les violences de la droite au « dictateur Maduro ». Cette lutte coloniale contre la démocratie se répète au Venezuela lui-même où une opposition raciste qui s’inspire de plus en plus de l’État Islamique brûle vifs, comme hier encore à Lecheria, ceux qu’elle n’a jamais considérés vraiment comme des êtres humains depuis que Chavez les a fait entrer dans l’espace politique. Il suffit de lire les tweets de la droite sur les candidats à l’Assemblée Constituante, pour comprendre ce qu’elle ferait en cas de retour au pouvoir.

Tweets racistes

Demandez le programme !

Mais alors que 90 % de la population ne participe à ces violences, dont les foyers se trouvent dans les quartiers riches, quels sont les rêves des candidats à cette assemblée, quels sont les thèmes de tous ces débats citoyens censurés par les médias et ignorés par la gauche occidentale ? Un des courants les plus vivants du chavisme critique (baptisé « bravio », c-à-d rebelle) mène une campagne intense contre le repli populaire de l’espace public causé par la guerre économique et la dépolitisation du conflit favorisée tant par cet antichavisme raciste, fascisant, que par le conservatisme et l’inertie de secteurs de l’État, boulets de la révolution, essayant de conserver des quotas de pouvoir ou au moins, des privilèges.

Certains courants de la gauche occidentale, soucieux de leur image, se drapent dans le « ni-ni » de « la critique de gauche », comme si les vénézuéliens dépendaient de communiqués parisiens pour réfléchir de manière critique sur leur réalité et rallumer le moteur de leur Histoire. On n’est pas loin des discours de Sarkozy ou Macron sur l’Afrique « préhistorique ». Mais la critique, la vraie, celle qui ne procède pas de projections idéologiques, appartient d’abord à ceux qui agissent sur place pour transformer leur réalité, à ceux qui peuvent critiquer un processus en connaissance de cause. En voici un bon exemple : le programme de ces militants de base et de peau foncée.

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L’ECONOMIQUE:

Pour une économie au service de la vie et des gens!

  • Rédaction d’un chapitre dans la Constitution consacré à l’économie communale, qui considère les axes suivants:

Le modèle économique socialiste se base sur une économie en fonction de l’attention et de la reproduction de la vie sur la planète, soumise aux intérêts communs du peuple travailleur. Les revenus nationaux produit de la rente pétrolière (98%) doivent forcer la naissance d’une économie véritablement productive, basée sur ces principes comme indispensable fondement du nouvel État communal et populaire. Les « droits économiques » reconnus actuellement par la Constitution doivent transcender vers l’énoncé de ce nouveau « système économique » à construire, comme unique possibilité de dépassement de la crise systémique actuelle. Ce modèle doit considérer de plus, comme biens communs, les ressources naturelles comme l’eau, la biodiversité, la richesse génétique, les minerais et que les gouvernements néolibéraux laquais privatisent impunément à travers l’exploitation transnationale.

  • Pour une économie mixte, rationnelle, planifiée, durable, productive, sous contrôle de la société dans toutes ses étapes pour garantir la distribution et la commercialisation justes et pas pour vider le salaire du peuple travailleur pour le bénéfice d’un petit nombre.
  • D’implacables mécanismes de contrôle du libre échange spéculatif, reflété dans l’augmentation galopante des prix, pour la défense du salaire réel à travers le pouvoir populaire, comme une nouvelle institutionnalité, seule capable de s’imposer au métabolisme économique capitaliste, rentier et parasitaire.
  • Revendication du travail comme source et principe de la vie économique du pays.
  • Au peuple les moyens de production! Confiscation des biens des entreprises coupables de fraude fiscale.
  • Pour un cadre constitutionnel qui reconnaisse notre régime mixte de propriété: social, communal, familial, étatique et privé. Établir avec une plus grande précision le modèle économique mixte à caractère social et inclusif basé sur trois formes principales de propriété.

PROPRIETE SOCIALE ET COMMUNALE: définir comme constitutionnelles les formes de propriété communale, associative, collaborative tenant pour établi que l’État portera une attention spéciale à ce secteur en attribuant un % du PIB pour son impulsion et développement. Il faut avancer dans le renforcement du Système Économique Communal, comme appareil dynamisant de l’économie, où les formes de propriété sociale garantissent une occupation productive.

PROPRIETE SOUS GESTION ETATIQUE: Expliciter quels sont les secteurs stratégiques que l’État doit contrôler pour garantir la souveraineté, les droits de la population et l’indépendance économique de la Nation. En ajoutant qu’il est fondamental de transformer les entreprises au schéma capitaliste sous contrôle de l’État en Entreprises Publiques Socialistes dans lesquelles la pierre angulaire de leur gestion soit la participation active des travailleurs et travailleuses à la planification, la gestion et au contrôle de la production.

PROPRIETE PRIVEE, NATIONALE ET INTERNATIONALE: Établir un cadre constitutionnel qui donne un soutien juridique aux investissements privés. Il doit y avoir transparence sur la nature et la portée des investissements privés, et leur réglementation; les petite et moyenne entreprises devront avoir une impulsion spéciale à l’intérieur du modèle économique national.

  • Distribution juste de la richesse! Par l’obligation constitutionnelle de destiner les revenus économiques du pays au développement productif dans le cadre du modèle économique mixte, et au développement social dans les aspects prioritaires comme la santé, l’éducation, l’alimentation, la recherche et le développement technologique. La non réalisation de cette disposition devra être un délit qui envisage des sanctions implacables.
  • Contrôle et suivi populaire, citoyen, participatif et protagonique de la gestion économique et de l’administration des ressources publiques. Information sur les assignations budgétaires, subsides, transferts et revenus propres, avec l’accent sur l’assignation de devises à entrepreneuriat, la planification de leur distribution et de leur usage postérieur effectif.
  • Gestion directe et démocratique du processus social du travail.
  • Coopération et corresponsabilité territoriale des organisations de travailleurs et travailleuses des entreprises productives existantes sur le territoire avec les instances de gouvernement communal pour garantir des processus de contrôle permanents et l’administration populaire des ressources résultant des excédents des entreprises de propriété sociale.
  • Enchaînement productif dans chacune des zones depuis les instances d’organisations de base des travailleurs et travailleuses, pour la planification de la production et le renforcement des processus de recherche et d’innovation technologique.
  • Indépendance économique ou rien! Pour le développement d’entreprises productives communales, familiales et particulières avec accompagnement et suivi sur le technico-productif, l’économique et l’éthique, sous contrôle populaire, pour augmenter les niveaux d’activité économique.
  • Maintenir l’interdiction des monopoles et pour une taxe fiscale socialement juste. Sont taxés davantage ceux qui ont le plus. Établir l’impôt sur la concentration des richesses et des impôts sur le luxe, la hausse progressive des impôts que paieront les grands capitaux oisifs et improductifs et l’abolition progressive des impôts régressifs et confiscatoires comme la TVA.
  • Démocratisation du secteur bancaire et de l’activité financière sous contrôle populaire.
  • Unification et renforcement du système de banque publique dans une banque forte et unique pour la distribution des excédents au bénéfice du peuple travailleur et pour contenir la spéculation financière de la banque privée.
  • Amélioration et contrôle du système de commerce électronique, en contrôlant et déclarant d’utilité publique les entreprises de ce secteur.

LE POLITIQUE

Le pouvoir populaire, base de la nouvelle société!

Les niveaux d’organisation des gens se sont énormément élevés pendant les 18 dernières années (par exemple, les 46 813 conseils communaux et les 1 743 communes enregistrées, selon les données du MPP pour les communes 2017) et maintenant qu’il existe des formes concrètes d’organisation, participation et protagonisme direct du peuple, il est juste d’élever et de renforcer le Pouvoir Populaire organisé dans ses plus diverses expressions. L’originalité du projet de démocratie des gens réside dans ce qui émane depuis les bases et les appareils qui ne sont pas de l’État; le Pouvoir Communal est une instance de pouvoir authentique qui non seulement gère des politiques publiques, il s’agit aussi d’un espace territorial où des citoyens conscients de leur rôle historique se rencontrent pour construire une nouvelle forme de pouvoir, de démocratie, de nouvelles formes de relations sociales, productives et éthiques.

Ce grand processus d’organisation doit se développer et prendre beaucoup plus de forces, sans tutelle du vieil État qui l’influence avec ses pratiques bureaucratiques; le pouvoir populaire constituant doit être indépendant, créatif, critique et de proposition, pour cela les garanties constitutionnelles concrètes au pouvoir des citoyens représentent sans aucun doute un approfondissement démocratique dans le Venezuela Bolivarien.

  • Favoriser et rendre irréversible la démocratie participative et protagonique comme modèle directeur de notre société dans l’exercice de sa citoyenneté.
  • Approfondir la transformation de l’État et les mécanismes de gestion du gouvernement en fonction du principe de transparence dans la gestion publique, et la dé-bureaucratisation de l’appareil de l’État pour ouvrir des mécanismes de lutte contre la corruption, envisager l’inhabilitation pour l’exercice de charges publiques de personnes impliquées dans des cas de corruption.
  • Pour une gestion et une politique moins discrétionnaire et plus démocratiques et populaires! La démocratie obédientielle est une partie de la démocratie participative et active, le principe de commander en obéissant la renforce, les décisions prises dans les espaces de participation sociale doivent avoir un caractère obligatoire pour la planification et le développement de la gestion publique.
  • Rédaction d’un chapitre destiné à l’État communal, qui envisage les aspects suivants:
  • Donner un rang constitutionnel au pouvoir populaire dans ses formes les plus diverses de concrétisation.
  • Reconnaissance de la commune comme instance d’auto-gouvernement territorial, garantissant la répartition de ressources à travers une place constitutionnelle; qui permette l’élimination de la « paroisse » comme schéma d’organisation, transfert de la propriété coopérativiste aux communes.
  • Reconnaissance du Pouvoir Populaire comme un pouvoir de plus de l’État.
  • Envisager le développement de la culture communal et ses valeurs (éthique, honnêteté, efficacité, coopération, démocratie, participation, respect…) à travers notre système éducatif, à tous les niveaux.
  • Parité de genre avec alternance à tous les postes d’élection populaire et dans toutes les instances de l’État, accompagnée de garanties qui offrent de meilleures conditions pour la participation politique équitable des femmes.

LE SOCIAL:

  • Amplifier et approfondir les droits sociaux conquis à travers des politiques de soins comme le système Missions et Grandes Missions, et leur garantie en cogestion avec le pouvoir populaire.
  • Élargir le principe de souveraineté comme un axe transversal dans un cadre territorial, politique, économique, culturel, et alimentaire, qui garantisse le contrôle populaire sur la majorité des instances sociales.
  • Élargir le droit au logement, en incluant le droit à la ville, le droit à l’habiter, la peupler, la construire.
  • Blinder l’État Bolivarien contre la privatisation des droits et devoirs sociaux fondamentaux.
  • Interdiction des soins médicaux conditionnés au paiement, des cas d’urgence dans les centres de santé privés.
  • Dépatriarcalisation et décolonisation de l’État et de la culture, en reconnaissant notre diversité de savoirs et comme une nécessité primordiale de notre transformation comme peuple.
  • Pour le droit à une société libre de patriarcat et de machisme, basée sur le respect du rôle de la femme.
  • Pour de plus grandes garanties de meilleures conditions pour le libre développement des capacités des femmes, pour le droit à l’accès à un travail de qualité et à une vie sans violence, une meilleure sécurité sociale pour les femmes travaillant au foyer.
  • Approfondissement des droits sexuels et reproductifs:

Une éducation sexuelle pour décider, des contraceptifs pour ne pas avorter, l’avortement légal pour ne pas mourir!

  • Droit à un accouchement humanisé et à la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, en même temps que des garanties sociales pour l’éducation sexuelle pertinente et de qualité à tous les niveaux et l’accès gratuit et égalitaire à des mécanismes contraceptifs.
  • Reconnaissance des droits et de l’union de personnes du même sexe, basée sur le respect et le non-stigmatisation sociale de la diversité sexuelle.
  • Contre la discrimination de la diversité sexuelle à tous les échelons de la vie sociale , que soit considérée la reconnaissance de l’identité transsexuelle et intégration dans l’article 21 de la Constitution, la reconnaissance et la non discrimination de l’identité de genre auto-perçue, l’orientation sexuelle, la couleur de la peau ou l’orientation politique.
  • L’alimentation comme devoir social fondamental:
  • Renforcement du système de distribution populaire des aliments naissant (CLAPs et autres mécanismes populaires de distribution comme les foires agricoles, les systèmes de consommation et de vente planifiée…) pour élargir les garanties d’accès à l’alimentation du peuple travailleur.
  • Envisager une assistance spéciale pour ls secteurs de plus grande vulnérabilité alimentaire, en les priorisant dans le diagnostic, l’assistance, l’assignation de suppléments nutritionnels et ressources pour couvrir pleinement leurs besoins.
  • Favoriser la production d’aliments stratégiques de haute valeur nutritionnelle destinés à couvrir les besoins en énergie et nutriments des secteurs les plus vulnérables ( enfants, adolescents, femmes enceintes, troisième âge, personne avec une diversité fonctionnelle[handicapées]).
  • Droit au soin et à la protection sociales avec corresponsabilité. L’État doit garantir par la corresponsabilité entre les services d’État, l’entreprise privée, la communauté organisée et les familles, le soin et l’assistance aux personnes en situation de vulnérabilité pour l’éradication de toutes les formes de pauvreté.
  • Intégration d’un chapitre sur l’élargissement des droits et les garantie sociales pour la jeunesse comme réserve éthique, culturelle et productive de la société, qui envisage:
  • La promotion et les garanties pour l’accès à la participation dans les instances démocratiques de gouvernement et d’auto-gouvernement populaire ( dans le territoire, le lycée, l’université, etc.), en fonction des valeurs de patriotisme, respect, défense de la paix et la stabilité politique de la Nation.
  • Garantir un droit au travail digne et de qualité pour la jeunesse. En promouvant le travail libérateur à travers l’appui aux entreprises productives dans toute modalité envisagée par l’économie mixte en priorisant celles de la propriété sociale, communale et familiale.
  • Droit à l’accès public à l’information et aux mécanismes technologiques qui permettent la formation et la recherche.
  • L’éducation libératrice pour transformer la société!
  • Pour l’éducation émancipatrice fondée sur une nouvelle praxis, qui encourage la rencontre des savoirs populaires pertinents, reconnaisse et inclue la diversité et soit basée sur la culture de la paix comme valeur indispensable pour la société, ainsi que le respect de la vie sur la planète, l’unité de l’étude et du travail et de la recherche et de l’innovation technologique, artistique, culturelle et sportive en fonction des intérêts nationaux.
  • Pour une approche sociale non sexiste de l’éducation. Nous parions sur une éducation non verticale, à caractère populaire, qui inclue et reconnaisse toutes les identités.
  • Reconnaissance de tous les secteurs et corporations qui constituent les communautés universitaires (étudiants, enseignants de tous les échelons, travailleurs et travailleuses administratifs et ouvriers…), établissement de l’égalité politique pour l’élection démocratique des autorités universitaires et la représentation égalitaire et avec les mêmes droits politiques de tous les secteurs qui constituent la communauté universitaire, dans les instances de co-gouvernement.
  • Un accès juste et planifié à l’éducation, une priorisation d’accès à l’éducation publique des secteurs les plus vulnérables, approfondir la communalisation de l’éducation pour renverser le processus de concentration des centres éducatifs dans les zones urbaines d’accès difficile pour la grande majorité de la population, une planification de l’offre éducative en fonction des potentialités locales et des intérêts productifs de la Nation, qui de plus permette de garantir l’emploi postérieur dans le pays des professionnels et professionnelles.
  • Relation directe du système éducatif avec le système économique productif, intégrer la pertinence éducative comme axe fondamental à tous les niveaux.
  • Communalisation de la sécurité citoyenne, pour qu’elle soit prise en charge et planifiée sur le territoire de façon co-responsable, intégration des aspects du nouveau modèle policier et mesures de contrôle communal pour le fonctionnariat des corps de sécurité de l’État.
  • Démocratisation de la communication: un système public et participatif de communication.
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Source : http://www.chavismobravio.org.ve/?q=node/25

Traduction : Cathie Duval

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Droits culturels: une opportunité pour l’Assemblée Constituante

Note de VenezuelaInfos : le 30 juillet les vénézuéliens éliront une Assemblée Constituante. Un vaste débat citoyen en cours, occulté par les grands médias, suscite de nombreuses propositions comme celles de Giordana Garcia Sojo.

 

Nous devons combattre la culture de l’aliénation par la culture de la libération, le culte de la mort par celui de la joie, celui de la violence par celui de la fraternité et celui de la frivolité par celui de la responsabilité. Substituer à l’école de l’égoïsme l’école de la solidarité, c’est à dire, à celle du monde sénile celle du monde naissant.

Gustavo Pereira, poète vénézuélien

S’il est une lutte qui a marqué significativement le XXI° siècle, surtout en Amérique Latine, c’est la lutte pour les « droits ». Le concept de « droits » occupe une place centrale dans l’arène politique de la région, semblable à celle qu’avait le concept de « liberté » dans les processus de transition vers la démocratie après les dictatures militaires de pays comme l’Argentine, l’Uruguay, le Chili et le Brésil des années 60 et 70. Il y a une proximité avec l’usage du concept de « liberté » par la pensée néolibérale, dont le précepte central défend la « liberté » absolue du marché, souvent caché derrière la notion d' »individu », mais qui signifie en réalité le rétrécissement de certaines compétences de l’État pour aller vers la dérégulation absolue du marché au détriment des droits et du bien-être des personnes.

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L’auteure : Giordana Garcia Sojo, Présidente de la maison d’éditions El Perro y la Rana http://www.elperroylarana.gob.ve/

L’utilisation du langage en politique n’est jamais naïf ni unidimensionnel. Les cas des notions de « liberté » et « droits » sont parmi les plus symptomatiques à ce sujet. Cela est encore plus évident si nous nous ramenons à un concept si on veut fondateur de la civilisation occidentale comme les Droits de l’Homme. Les Droits de l’Homme sont sans soute une réussite de l’humanité pour se reconnaître comme un corps social d’égaux. Cependant, au-delà du nom, dans les faits, les Droits de l’Homme sont la bannière actuelle de beaucoup de pays qui les violent. De même, les Droits de l’Homme font office de principe directeur des ONG et organismes multilatéraux qui peuvent bien veiller ( et encaisser) sur les Droits de l’Homme au Venezuela mais ferment les yeux sur les violations permanentes de ceux-ci au Mexique ou en Colombie, pour ne citer que deux exemples de la région. D’un autre côté, actuellement la conception des droits a élargi la portée de l' »humain » pour protéger la terre, les animaux et l’environnement en général, comme l’expriment certaines constitutions qui sont assez en avance sur le sujet comme celle de Bolivie.

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Bref, les « droits » sont un champ de dispute. Tant dans leur acception plus générale que dans ce qui concerne des luttes particulières (mariage homosexuel, avortement, euthanasie, par exemple) les droits sont devenus le point nodal de la « chose publique » étant donné qu’ils représentent des ancrages identitaires importants de divers sujets que nous pouvons englober dans la notion de « peuple » et de plus qui doivent être protégés et garantis par l’État.

La relation du peuple avec l’État est traversée par la conception, juridiction, lutte et réalisation des droits. Sur le plan juridique, de nombreux droits se trouvent énoncés de façon nominale mais ne sont pas réalisés de fait, de même qu’il y a des droits qui ne sont signalés dans aucun dispositif légal. Par conséquent, la participation permanente du peuple à la construction de dynamiques qui énoncent et disputent des droits est la clé de renforcement de la démocratie. Dans ce sens, il est crucial de penser les droits comme des processus en permanente construction sociale et non comme une chasse gardée qui les transforment en lettre morte.

Droits culturels

La notion gramscienne de culture comme espace de dispute pour les sens nous aide à comprendre l’importance de concevoir la culture comme un champ de bataille fondamental, d’où s’érigent les notions qui légitiment tous les autres champs de la vie. C’est cela l’hégémonie, la conception majoritaire de certains sens qui légitiment un système de façons d’agir sociales, politiques et économiques.

Pour réussir à transcender le sens unique, mal nommé « sens commun », que l’appareil culturel du capitalisme a déployé et affiné à travers les siècles, il faut huiler tous les mécanismes de disruption identitaire que la diversité et la créativité populaire impliquent. Le « bon sens » gramscien, qui surpasse le sens commun imposé, ne s’obtient que si la diversité des êtres et des faires qui nous constitue comme société se manifeste dans un projet commun. C’est cela qu’a proposé et travaille le chavisme : une contre-hégémonie active, qui reste aujourd’hui une bataille difficile.

La lutte pour les droits des majorités, surtout les droits sociaux, a été la base du projet chaviste, sa force principale. La preuve en est que malgré la retentissante chute du prix du baril de pétrole, le siège financier international et le sabotage permanent du patronat national, le gouvernement bolivarien n’a pas cessé de concrétiser des politiques sociales qui permettent un accès à des droits sociaux fondamentaux comme le logement, le travail, les pensions dignes, le droit maternel, parmi beaucoup d’autres.

Le chavisme a réussi à intégrer pour la première fois de son histoire la notion de culture et de droits culturels dans une constitution. Tant dans le préambule, que dans les articles 98, 99, 100 et 101 de la Constitution Bolivarienne, il est stipulé que « la culture est un droit fondamental que l’État développera et garantira (…) ». De plus, dans le préambule de même que dans les articles du Chapitre VI, l’accent est mis sur la pluri-culturalité du peuple vénézuélien, reconnaissant la richesse de la diversité des être et faire qui nous fondent comme nation. Même si on part de l’idée que les droits doivent être garantis de fait au-delà du nominal, le fait qu’ils soient inscrits dans le texte constitutionnel est une réussite inédite et mérite d’être souligné.

La convocation d’une nouvelle Constituante populaire est une opportunité pour repenser ce qui a été constitué dans un processus de reformulation et d’invention de droits. Les droits culturels étant la base de la construction d’une contre-hégémonie, il convient de dépasser la myopie qui les relègue au cadre d’un ministère et d’assumer leur force génératrice d’horizons. Bien que le chavisme ait réussi à intégrer à l’agenda de lutte l’accès aux biens culturels et la protection sociale des travailleurs de la culture, dont deux lois se sont détachées: la Loi organique de la Culture et la Loi de Protection Sociale du Travailleur et de la Travailleuse Culturelle, il reste encore beaucoup à développer en la matière.

Quelques apports à une longue discussion

En ce qui concerne les politiques publiques et le rôle de l’État, il faut concrétiser la transversalité du fait culturel et assumer la nécessaire alliance institutionnelle qui permette de concevoir, d’exécuter et de réviser de façon permanente des politiques qui constituent un élan des valeurs qu’une contre-hégémonie a besoin de renforcer. Il faut développer l’articulation correspondant aux droits culturels dans ce sens et / ou inclure l’importance stratégique de favoriser le culturel depuis d’autres cadres sociaux.

– En plus des artistes et travailleurs culturels, il est nécessaire de donner un rôle aux communautés et collectivités culturelles, qu’elles soient territoriales ou qu’elles utilisent le milieu des médias et le 2.0 pour leurs actions. A ce sujet, la Loi Culture vivante au Brésil est un exemple pour la région en déployant une série de stratégies de reconnaissance, enregistrement, formation et renforcement des diverses pratiques culturelles du pays avec l’intention de les appuyer et de créer des réseaux de travail collaboratif entre elles, avec un clair composant d’autonomie et d’autogestion qui simplifie et débureaucratise la relation entre l’État et la population (2).

– L’économie culturelle ou créative se trouve absente de l’actuelle constitution. Le débat sur le rôle de la culture dans l’économie nationale a beaucoup à apporter à l’horizon de dépassement d’une économie basée sur le rentisme pétrolier. Cuba, l’Argentine, la Colombie ont fait des pas importants dans cette voie; nous pouvons générer une proposition cohérente qui appuie et promeut la productivité économique du champ culturel sans porter atteinte à la démocratisation de l’accès aux biens culturels.

– L’actuel article 98 place comme objet de protection et d’abri la propriété intellectuelle. L’initiative constituante pour ouvrir le débat sur les droits d’auteur, la connaissance libre et la propriété intellectuelle est appropriée. La création d’une œuvre et/ou son interprétation doivent être protégées et mises à l’abri car elles constituent un bien stratégique, en plus d’être réalisées grâce à un travail qui comme tel doit être reconnu et protégé; mais si nous les concevons comme « propriété intellectuelle » nous les confinons dans le cadre du privatif, réduisant le droit à l’accès ouvert et la diffusion libre de la connaissance. A ce sujet il existe un Projet de Loi d’Accès Ouvert et Diffusion Libre de la Connaissance pionner dans la région qui est malheureusement resté en attente de discussion à l’Assemblée. (3)

Les droits culturels sont une garantie que la force identitaire qui nous rattache à un espace peut transcender l’immédiateté temporelle, en faisant remonter le passé historique comme exemple et leçon, et en se projetant vers le futur en tant qu’héritage et patrimoine immatériel pour l’avenir. Ainsi, l’importance des droits culturels réside dans leur puissance historique, en tant qu’elle comprend les êtres humains qui ont été mais qui ne sont plus là et ceux qui ne sont pas encore mais seront.18767174_10154465728707793_1559937006_o-e1495984317110-1132x509

Lutter pour les sens de ce que nous sommes et faisons, comme de ce que nous avons été et serons, est l’arme la plus puissante contre la vacuité hégémonique qui nous dépouille de l’action transformatrice et nous réduit à des récepteurs passifs d’un unique discours.

La participation du peuple à la forge des mécanismes de garantie des droits est un symptôme clair de la démocratie réelle, celle qui réussit à dépasser la vitrine simplement électorale qu’offre la « démocratie » libérale pour ouvrir la voie aux espaces de participation active dans la conception, l’énonciation et la garantie des droits du peuple. L’appel à la Constituante signifie une opportunité de mobilisation populaire autour des droits dans leur diversité. Ne la laissons pas passer.

Giordana García Sojo / @giordanags

Notes :

1: Dans les moments de crise le système néolibéral recourt à l’État pour venir à bout de ses failles, comme c’est arrivé avec la rupture de la bulle immobilière qui a provoqué la faillite des principaux groupes bancaires des États-Unis en 2008; faillite qui a été acquittée par l’État avec l’argent des citoyens.

2: Pour en savoir plus sur la Politique Culture Vivante au Brésil voir: http://ibercultraviva.org/lei-cultura-viva-de-programa-de-governo-a-politica-de-estado/?lang=es

3: Voir sur: https://comunalizarconocimiento.wordpress.com/conocimiento-con-acceso-abierto/propuesta-de-laadlc/

Source : http://laculturanuestra.com/derechos-culturales-una-oportunidad-en-la-constituyente/

Traduction : Cathie Duval

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Les processus progressistes qui n’affrontent pas directement le pouvoir médiatique et l’hégémonie culturelle sont-ils viables ?

L’auteur : Andrés Mora Ramírez est chercheur à l’Institut des Études Latino-américaines (IDELA) et au Centre de Recherches en Enseignement et Éducation (CIDE), Costa Rica. Master en Études Latino-américaines, spécialisation en Culture et Développement; Master en Éducation, spécialisation en Enseignement universitaire de l’Université Nationale du Costa Rica; Licencié en Communication Sociale de l’Université Fédérale du Costa Rica. Co-auteur de « Vendre les bijoux de la grand-mère : identité nationale et politiques culturelles au Costa Rica (1990-2010) ».

« Quelle misère que ces pays, quelle farce, la démocratie, quel système honteux, que celui de l’Amérique Latine ! » C’est par ces mots que l’ex-président du Honduras Manuel Zelaya a rappelé les événements qui ont entouré le coup d’État dont il a été victime en 2009 et qui, d’après lui, a marqué le début de la restauration conservatrice dans notre région.

Dans une interview publiée par le journal Página/12, Zelaya déclare : « Ce retour des droites agressives et réactionnaires de l’Amérique Latine n’est pas conjoncturel. C’est une réponse planifiée depuis Washington par des forces qui ont senti qu’elles perdaient du terrain. »

En plus du Honduras, cette restauration a été mis en œuvre au Paraguay contre Fernando Lugo et au Brésil contre Dilma Rousseff avec des variantes et des prévisions dans d’autres scénarios et d’autres processus politiques.

« La restauration conservatrice amène la conspiration. Elle combine attaques des médias, gros mensonges publicitaires et fraudes électorales. La restauration est violente, elle n’est ni pacifique ni démocratique » explique le président renversé qui dirige actuellement le Parti Liberté et Refondation (LIBRE).

Les événements de ces dernières années en Amérique Centrale et en Amérique du Sud – et en particulier au Brésil, avec un développement accéléré ces dernières semaines – donnent de nouvelles clefs pour interpréter le nouveau moment historique que nous vivons après 15 ans d’avancées du camp du peuple et des forces politiques et des gouvernements qui ont adhéré (plus ou moins) à une idéologie dans laquelle se détachaient, entre autres drapeaux, ceux de l’anti-impérialisme et de l’intégration régionale, de la souveraineté et de l’autodétermination, de l’indépendance et de la recherche d’alternatives pour surmonter le néolibéralisme.

Les coups d’État de nouveau modèle ou coups d’État « soft » perpétrés grâce aux parlements et revêtus de pseudo-légitimité par les instances judiciaires soumises aux pouvoirs factuels et aux intérêts étrangers ainsi que la recrudescence des manœuvres de désinformation et des stratégies de manipulation de l’opinion publique qui grossissent le répertoire de la guerre médiatique dans notre région sont les principales armes de la restauration néolibérale.

Sans chercher plus loin des exemples, le Réseau O’Globo, la chaîne de médias du Brésil la plus influente et la plus puissante augmentée et renforcée sous la protection de la dictature a récemment admis qu’il a utilisé des informations « imprécises » pour couvrir la soi-disant existence de comptes off shore au nom de Lula da Silva et de Dilma Rousseff pour recevoir l’argent de pots-de-vin.

Ni O’Globo ni les procureurs qui ont mené l’enquête n’ont présenté une seule preuve pour soutenir les accusations contre les deux ex-présidents : un mensonge dans toute sa splendeur utilisé comme arme politique reproduit jusqu’à plus soif et dans une mauvaise intention par les médias hégémoniques à l’intérieur et hors du Brésil qui a donné des prétentions et des « arguments » au honteux procès de destitution contre Rousseff. Tel est le modus operandi de l’offensive de restauration.

La coordination mafieuse entre les groupes de médias – ou organisés en cartels – et ce qu’on appelle le parti judiciaire qui n’est rien d’autre que la récupération par la droite de l’un des pouvoirs clefs de la structure républicaine appelé à être le garant du respect des conditions minimales qui rendent viable la coexistence en société se révèle être l’un des principaux dangers pour la construction de démocraties réelles, profondes et pleines et non des artifices fonctionnels des élites et de leurs alliés comme cela a été la triste tradition dans une grande majorité de nos pays. Les risques que nous affrontons ne sont pas rien.

Comme l’explique bien le journaliste Martín Granovsky, « l’itinéraire de la justice et la dénonciation journalistique en tant que pouvoir moral supérieur » font partie du bélier utilisé pour « produire le pire de la démocratie qui est de la laisser à la charge des chefs d’entreprises déguisés en bienfaiteurs publics. »

Comment les gauches affrontent-elles cette alliance ? Quelle sorte de démocraties peut-elle se construire sous la tutelle des partis médiatiques et judiciaires ? Les processus de changement qui ne se proposent pas de disputer l’hégémonie culturelle et d’affronter directement les pouvoirs factuels sont-ils viables ? Un projet émancipateur peut-il coexister avec la présence d’acteurs de ces pouvoirs factuels intégrés au sein des institutions de l’État ?

C’est un débat que nous ne pouvons plus remettre si nous voulons laisser définitivement derrière nous la farce des démocraties contrôlées dans l’ombre : en particulier aujourd’hui, quand augmentent les engrenages d’une offensive de restauration dont la continuité politique s’accompagne de points d’interrogation et qui – comme plusieurs intellectuels l’ont dit – dans le cas du Brésil, pourrait ouvrir des fissures dangereuses pour une nouvelle irruption de l’armée comme élément agissant de la vie politique dans notre Amérique.

(Avec des informations de Prensa Latina)

Traduction : Françoise Lopez pour Bolivar Infos
http://bolivarinfos.over-blog.com/2017/06/amerique-latine-les-armes-de-la-restauration-neoliberale.html

Source en espagnol : http://www.cubadebate.cu/especiales/2017/06/10/las-armas-de-la-restauracion-neoliberal/#.WTz5yjPpMRE

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Portraits d’un peuple

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Photo : Orlando Monteleone

Yeux embués, regards qui défient, commissures tombantes et d’autres qui sourient, lèvres fines ou grosses, moustaches, barbes, traits afros ou indigènes, ongles vernis ou mains endurcies, rides ou cicatrices qui rappellent un acné ancien, enfants, jeunes, adultes. Tous ces visages, toutes ces expressions, toutes ces vies sont dans les portraits d’Orlando Monteleone. Dans ces photographies, il y a un peuple qui a mal, un peuple conscient, un peuple aguerri, un peuple présent.

Lui se définit comme “caraquègne né à Valera” et “italien de nom mais fils d’un chauffeur de taxi et de madame Rosa”; autrement dit, fils d’immigrant et de paysanne. Orlando Monteleone trouve les pourquoi de sa photographie dans l’enfance qui fut la siennee, dans les quatre cent coups commis dans les rues Coromoto et Santa Bárbara, du quartier populaire La Pastora.

Un enfant qui traverse les années 60 avec assez de malice pour se transformer du jour au lendemain en choriste des Tucusitos, à peine sorti de l’École Nationale Crucita Delgado, où il était un “très mauvais étudiant”, se souvient-il. Ainsi s’est-il formé, avec une “bande des douze” gamins, dans ce quartier dont il tire le portrait chaque fois qu’il peut. “La photographie fait partie de l’amour, c’est comme jouer à la toupie, comme si je jouais encore à la balle-pelote, au base-ball de capsules de bouteilles; la rue est restée en moi” explique Monteleone.

L’enfance lui a aussi servi à monter dans la tête ce qu’il désirait. Avec sa bande de voyous il allait au ravin “d’eaux sales, dépotoir des immondices populaires” pour voir ce qu’il y trouvait. “Dans le besoin qui nous obligeait, ou peut-être était-ce les rêves d’enfants, nous imaginions comment nous allions trouver cette bicyclette, comme serait son cadre, si la route de devant allait être plus grande ou plus petite; c’est cela qui est resté, ce doux poison de devoir inventer les choses, les penser, les développer à l’intérieur pour ensuite les situer” raconte l’artiste.

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Orlando Monteleone. Photo : Milángela Galea

Cette créativité l’a aidé à formuler ses projets ultérieurs, un savoir enrichi par une formation académique inachevée: études à l’École Technique des Arts Visuels Cristóbal Rojas, ensuite à l’Institut du Design (IDD) et au Centre d’Enseignement des Arts Graphiques (CEGRA). Il a travaillé au Musée d’Art Contemporain (MAC) et à la Galerie d’Art National (GAN). “J’ai pensé : ici je vais me faire vampire, sucer le sang pour me cultiver” reconnaît Monteleone en évoquant la GAN de cette époque.

Il reste habité par ce ressentiment face à ces gérants qui investissaient beaucoup d’argent dans des artistes internationaux pendant que la population subissait les conséquences du néo-libéralisme. Malgré cela, le photographe reconnaît que ces acquisitions forment une collection importante, “qu’elle existe et qu’il faut la protéger”.

C’est dans ce contexte qu’il a commencé à travailler pour l’entreprise de publicité transnationale  Young & Rubican. “A force de manœuvres je réussis à être envoyé à New York, et c’est là que je me suis réellement spécialisé en portraits photographiques” indique-t-il. Après un an et demi, il rentre au Venezuela où il découvre un nouveau paysage.

Le XXIème venait de commencer. “A mon retour à l’agence de pub, on m’a jeté à coups de pied dès que j’ai commencé à montrer et à rappeler que je venais de lieux très semblables à ceux d’où venait Chávez”.

Ce rejet le poussa à faire son propre chemin, à puiser des forces dans l’acte de créer, dans la malice, dans la nécessité d’inventer, pour créer ses projets, avec de nouveau un renvoi à la rue. Il se rendit compte que la pub n’était pas sa voie. “J’avais une dette avec les miens, avec le temps et avec les espaces où j’ai grandi”.

A travers les images capturées par sa caméra, il retourne au quartier et à ses personnagesss pour retrouver ce que cherche à occulter la vague “Wall Street y Rockefeller”. “La photographie que je tente de faire, je veux qu’elle entretienne cette rébellion […]. C’est une manière de continuer à dire “c’est là”; nous devons rester rebelles, comme aujourd’hui face au décret de ce président des États-Unis qui veut nous spolier de nos ressources” explique Monteleone.

 

Ces jours-ci dans les rues du centre de Caracas de grands panneaux expriment ce qu’a ressenti une grande partie du peuple vénézuélien : un poing levé, des yeux larmoyant, un brassard tricolore au bras, un tee-shirt à l’effigie de Bolívar, quelqu’un qui montre un portrait de Chavez; les personnages varient, le sentiment les réunit.

L’idée naquit dans cette file interminable qui venait rendre un dernier hommage à Hugo Chávez au Paseo Los Ilustres, en mars 2013. (Pendant ce temps à Paris, interrogé dans les studios de BFM TV par un présentateur qu’étonnaient ces files pouvant atteindre trois kilomètres et durant de longues heures, pour un caudillo attaqué sans répit par tous les médias, le journaliste « spécialiste du Venezuela » François-Xavier Freland fit une réponse qui restera dans les annales : « Oh, vous savez, dans cette foule, il y a beaucoup de curieux… »). Installé sur le boulevard des Símbolos, Orlando Monteleone prépara son appareil photographique, ses lumières, son backing, et commença à tirer des portraits. Quelques minutes plus tard, une file de 150 personnes attendaient d’être photographiées.

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Son idée n’était pas de capter la grande masse mais d’entrer dans l’âme des gens, dans les sentiments profonds de chaque être humain. “En outre, je voulais démonter l’idée que les chavistes sont laids. Comme le dit le sociologue et ministre Iturriza: “Le chavisme a été diabolisé”.

Une beauté libérée du joug des défilés de miss, sans figures imposées, beauté haute ou petite, grosse ou maigre; avec ses boucles d’oreille, ses tatouages, ses cheveux bouclés en désordre; mais authentique – dans les yeux brillants, dans un amour maternel, dans une espièglerie d’enfant, dans la fierté de quelqu’un qui participe à une construction collective.

« Au début quand je les ai photographiées, je sentais que les personnes étaient très blessées puis les jours ont passé et tout a cédé la place à un amour collectif : “j’aime Chávez comme un défi, par engagement pour mon fils”, entendait-on, chacun offrait son amour” se souvient l’artiste.

Après avoir travaillé et monté ces images, Monteleone les a fait circuler sur la toile et par les réseaux sociaux, jusqu’à ce qu’elles soient vues et reconnues par le Ministère de la Culture dont les autorités ont décidé de les exposer sur la voie publique pour que les habitants de Caracas puissent les découvrir.

L’exposition qui compte une centaine de photographies, emprunte son titre aux propos d’un d’une des participantes aux longues files d’adieu : “Venez, allons nous faire prendre en photo, nous, les amours de Chávez”. Tout en ajoutant : “Ici personne ne se rend”, “Chávez n’est pas mort, il s’est multiplié”, “Genou à terre” parmi d’autres thèmes populaires entendus.

Je sens que ce sont les pages d’un livre qui s’ouvre. A mesure que nous marchons et regardons, chaque page raconte une histoire. Dans chaque chapitre, nous voyons des personnages différents qui se dénudent pratiquement face au genre d’amour qu’ils voulaient offrir”. 

Une anecdote : un des photographiés — qui dans la photo originale apparaît avec un livre de Lénine — “fut tellement ému de découvrir son portrait dans la rue qu’il s’est fait rephotographier dans la rue, sous le cliché”. Un autre est un historien qui passe son temps au Café Venezuela et “qui bavarde beaucoup de communisme”.

Monteleone dit son bonheur de se voir affiché sur des immeubles, parmi les passants, les voitures et les motos, plutôt que dans un musée. “Maintenant ils sont dans la rue, on a rempli les rues des “amours de Chavez”, on a rempli les rues de peuple”.

Nous montrer

Cette idée de refléter le beau qui n‘est dans aucun concours de Miss mais dans le quotidien est visible dans un autre des projets d’Orlando Monteleone: “Photogéniques”. “Le concept est de décoloniser le portrait, montrer une beauté totalement différente à celle qu’on a voulu nous vendre”.

Ces personnages forment le paysage urbain habituel que Monteleone, en bon “piéton heureux”, a l’habitude de rencontrer tous les jours. Il interagit avec eux, invente des histoires pour pouvoir converser, tout en réfléchissant — comme s’il s’agissait de la bicyclette d’enfance —, plaçant les pièces du puzzle qui s’achèvera dans son studio.

“Si je vais boire un café je finis par parler un bon moment avec le monsieur qui le prépare” résume-t-il pour annoncer d’autres protagonistes : un alcoolique anonyme qui a décidé de ne pas être si anonyme, le vendeur d’oranges du métro Bellas Artes, les personnages du marché de Guaicaipuro, un cireur de chaussures ou un universitaire. Tous se montrent tels qu’ils sont, avec leurs rides, leurs dents de travers, leurs imperfections.

Photo: Orlando Monteleone

Photo: Orlando Monteleone

Autre expérience à laquelle il a participé : la campagne “Nous sommes un peuple digne”, qui visibilise différentes expressions artistiques exprimant les valeurs vivantes au sein du peuple vénézuélien : la lutte pour ce qui est juste, la foi, l’espérance, la solidarité, l’amour, la culture caraïbe, la défense de la patrie, la force collective.

Par exemple, quand des jeunes apprennent à boxer dans le plus haut des quartiers populaires de José Félix Ribas, grâce à l’entraîneur qui a construit un ring au-dessus de sa maison. La majorité de ces jeunes n’étudient pas, malgré les efforts de la révolution bolivarienne pour démocratiser l’enseignement.

“L’entraîneur m’a raconté qu’il a eu un groupe de ce genre il y a deux ans et aujourd’hui plus un seul n’est en vie à cause des affrontements de bandes” explique-t-il. “Après avoir pris ces jeunes en photo, je me suis demandé comment les restituer et j’ai voulu les montrer avec l’expression du défi, il n’y a pas d’autre manière. Ils cherchent comment se frayer un chemin dans la vie”.

Le bonheur est présent parmi les pêcheurs de Naiguatá, qui montrent avec satisfaction leurs réussites collectives : ils ont obtenu un financement pour les moteurs de leurs barques, outils indispensables.

Il y a aussi l’épouse de Jacinto Peña, l’habitant de Maracay à qui, lors du lock-out pétrolier de la droite en 2002, on brûla l’autobus dans lequel il transportait des passagers. Cette femme, “à cause de tout ce que son mari avait subi, angoissée, tomba dans un coma diabétique et perdit les jambes. Le mari est mort il y a peu. Mais elle, avec beaucoup de fierté et d’honnêteté, a voulu se faire tirer le portrait auprès de son autel personnel, près de la photo de son époux”.

Regards de défi, de fierté, de tendresse, d’engagement, de joie, de complicité. Monteleone improvise une analyse sur la prédisposition du vénézuélien à être photogénique: “Le vénézuélien, ce qu’il ne sait pas, il l’invente; et ce qu’il ne peut inventer, il tente de le copier. Il n’a pas de problèmes pour dire qu’il est du peuple, qu’il est pauvre. Peut-être que cela a partie liée avec le pétrole, avec cet excès de confiance intérieure de savoir qu’il y a quelque chose là, sous la terre”.

Démocratiser la photographie

L’ère du visuel — depuis qu’existe l’imprimerie, le téléviseur, et la photographie — a envahi les relations sociales, la manière d’être et de vivre des êtres humains, et le raz-de-marée de la photographie numérique qui s’en est suivi. “On nous drogués de photographie” synthétise le créateur. “De même que le format s’est démocratisé, cette addiction peut nous perturber mais malgré les risques que nous pouvons prendre, je crois qu’elle nous aide”.

Photo: Milángela Galea

Photo: Milángela Galea

Quand la caméra analogique exigeait un laboratoire pour traiter le matériel et que le professionnel devait passer par l’avis d’un expert qui décidait si l’œuvre avait assez de valeur pour “finir sur le mur froid d’un musée”, la photo était pensée selon des normes externes et avec des objectifs commerciaux.

Quand je travaillais au Musée d’Art Contemporain, je gagnais quatre sous et le budget perçu par cette institution était distribué entre photographes et artistes utilisés comme ressources capitalistes pour galeries privées, leurs produits se transformaient en biens de consommation”. 

Lorsque le numérique surgit, la photographie se démocratise : les appareils sont plus accessibles, les portables permettent de prendre des photos et de plus en plus de personnes peuvent prendre en photo ce qu’ils veulent. Ainsi ce qui était un art pour peu s’est converti en amusement pour beaucoup. Surtout au Venezuela où il y a tant de jeunes racontant leur propre histoire.

Comme ceux qui vivaient à la faveur de l’exclusion “n’ont pas compris ce qui se passe, ils se sont retranchés en cénacles dans des librairies de l’Est cossu de Caracas. Cette marée de jeunes qui travaillent dur, qui grandissent avec le processus, ont compris qu’il faut s’emparer de cette technique”, pour rompre avec une photographie que Monteleone considère comme “trompeuse”.

Cette myopie explique pourquoi certains “intellectuels de l’art” continuent à nier, à disqualifier, à refuser ce qui naît du peuple, pour le seul fait d’exister. “Mon travail, les compagnons cultivés n’en veulent pas pour les musées, ils ne l’aiment pas à cause de l’engagement qui l’imprègne” assure-t-il.

Ce risque qu’a assumé la photographie en démocratisant la technique peut conduire à un projet original et intéressant, ou superficiel et inexpressif. Le problème n’est pas l’outil ou la technique — dont il y a beaucoup à apprendre, beaucoup —, mais le fond, le contenu, le pourquoi et le pour qui on photographie.

D’où l’invitation aux jeunes : “Montrons le quartier populaire, montrons nos textures, montrons nos rébellions, montrons que nous existons. Cet élément – il montre l’appareil numérique – a changé la vie de beaucoup de gens. Ce fut un des aspects. Chavez a fait voir à tous qu’ils existent. Cet appareil photographique est le bras armé des quartiers populaires, des communautés. Nous allons montrer l’anniversaire de la cousine, nous allons montrer comment se fait le bouillon collectif, nous allons montrer nos chaussures trouées, nous allons nous montrer. C’est de cela qu’ils ont peur, c’est ce que vomit l’oligarchie. Ce sont des balles visuelles”. Pour remplir de peuple les rues du Venezuela, conclut  Monteleone.

Texte : Laura Farina

Source : http://laculturanuestra.com/?p=560

Traduction : Thierry Deronne

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