Semences de souveraineté

« La semence est comme une bénédiction, on ne peut la refuser à personne« .
Bernabé Torres (Vallée de Gavidia, État de Mérida).

À 3500 mètres au-dessus du niveau de la mer, au-dessus de la vallée silencieuse de Mucuchíes, dans l’État de Mérida, se trouve un endroit très réel, qui semble imaginé. Un lieu aussi extraordinaire que les montagnes, la terre, la végétation et les paysages andins. Dans ce lieu, discrètement et minutieusement, on réinvente la souveraineté alimentaire du Venezuela. Il s’agit du Centre biotechnologique pour la formation à la production de semences Agamiques (Cebisa), dirigé par des paysan(ne)s dans le cadre de la coopération scientifique/paysanne du Ministère de la science, de la technologie et de l’innovation.

Le centre est géré par Proimpa, Productores Integrales del Páramo, une association libre de paysan(ne)s, de producteur(trice)s locaux et de travailleur(se)s de Mérida. Cette association a été fondée en 1999, motivée par l’idée d’Hugo Chávez de travailler à la souveraineté alimentaire. Elle travaille aujourd’hui en étroite collaboration avec des scientifiques de différentes institutions, telles que l’Institut vénézuélien de recherche scientifique (IVIC), l’Institut d’études avancées (IDEA) et l’Institut national de recherche agricole (INIA).

Dans ce petit bâtiment de trois étages, au bord d’une colline, auquel on accède par une route très escarpée, la recherche en laboratoire s’allie à la production sur le terrain, pour créer et reproduire des variétés de semences. Dans un laboratoire soigné, dans des conditions techniques strictes, la biotechnologie permet de produire des plantes conservant leur identité génétique. Des clones, dont naîtront des semences asexuées (agamiques) pour la pomme de terre, l’ail, la fraise, l’igname, la patate douce et d’autres cultures. C’est ici qu’a été initiée, par exemple, la production des semences de pommes de terre autochtones, qui a permis de substituer l’importation. Elle sont aujourd’hui distribuées à des producteurs dans tout le Venezuela.

Ces procédés, dont on pensait jusqu’à récemment qu’ils n’étaient réalisables que dans des laboratoires extérieurs ou dans de grandes entreprises transnationales, sont aujourd’hui pratiqués dans ce petit espace géré principalement par des paysannes, par de jeunes travailleurs et des scientifiques qui ont étudié dans les lycées des montagnes de Mucuchíes et qui sont aujourd’hui des spécialistes des techniques de reproduction génétique, au plus haut niveau. Une science appliquée au droit à l’alimentation. « Une science pour la vie et non pour le marché » comme la définit la vice-présidente des sciences, Gabriela Jiménez.

À Cebisa, nous sommes accueillis par Edith, Moralva, Ingrid, Lalo et Jesús. Une activité intense se déroule dans les laboratoires dont le produit – les plantes génétiquement produites de 80 variétés de pommes de terre et d’autres cultures – ira à un réseau de 12 pépinières pour générer la production de semences qui, à leur tour, iront dans les champs et les cultures de diverses régions du pays.

La plupart des personnes travaillant au Cebisa sont des femmes. Elles parlent avec passion. « Nous unissons les connaissances ancestrales et les connaissances scientifiques pour produire une souveraineté technologique et alimentaire. » Ce sont elles qui dirigent le laboratoire et veillent à la rigueur des procédures scientifiques. Dans les pépinières, les tâches sont réparties pour assurer l’achèvement du cycle, l’évaluation du rendement, des caractéristiques et de la production finale des semences.

Dans la plus moderne de leurs installations, la pépinière aéroponique, les semences sont produites « dans l’air ». Les plants produits en laboratoire ne sont pas enterrés, mais poussent suspendus tout en étant alimentés par le haut grâce à un ingénieux système de micro-tubulures.

Mais l’organisation paysanne va bien au-delà de la production de semences. Plus haut, à Apartaderos, l’Entreprise socialiste de production et de stockage « Hugo Chávez », une entité sociale gérée par les communes (autogouvernements populaires), permet de collecter des pommes de terre et des semences à travers un circuit qui relie les producteurs locaux aux institutions publiques et au marché, en éliminant les coûts des intermédiaires et en faisant baisser les prix. De là, par exemple, plus de 100.000 kilos de pommes de terre sont distribués mensuellement – avec paiement immédiat au producteur et à un prix équitable – par les programmes du ministère de l’alimentation, dans les foires agricoles souveraines et les cantines scolaires. L’alliance entre les connaissances scientifiques et les savoirs ancestraux a permis de remettre la science entre les mains des paysans. Aujourd’hui, les pommes de terre sont produites à basse altitude, ce qui ne serait jamais arrivé si les semences indigènes, paysannes et souveraines n’avaient pas été sauvées.

Dans différentes régions du pays, plus de cinq mille familles utilisent la biotechnologie et s’intègrent à cette innovation qui ouvre peu à peu la voie à une nouvelle économie. Avant la révolution bolivarienne, l’agrobusiness s’était développé au Venezuela à travers l’appropriation de la rente pétrolière et des biens publics par une oligarchie liée aux États-Unis. Le président Chávez a commencé par interdire l’importation de semences OGM. Quelques années plus tard le mouvement social et les députés chavistes ont promulgué la Loi des Semences (2015). En 2024, cette politique d’État se renforce, comme à Mérida, avec la participation directe des organisations populaires, sur le territoire lui-même.

William Castillo Bollé

Photo : la vice-présidente des sciences, de la technologie, de l’éducation et de la santé, Gabriela Jiménez Ramírez, lors d’une livraison de semences de sept variétés de maïs, pour la culture de 30.000 hectares au cours du cycle de plantation 2024.

Source : https://medium.com/@planwac/semillas-de-soberan%C3%ADa-0e6bece6fd12

Traduction de l’espagnol : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/04/12/semences-de-souverainete/

Sans Terre, féministes, communistes, syndicalistes, afrodescendant(e)s : les mouvements populaires brésiliens dénoncent la désinformation sur les élections au Venezuela et appellent à la solidarité de la gauche mondiale

Les mouvements populaires brésiliens lancent un manifeste de solidarité avec le peuple vénézuélien :

« Compte tenu de la polémique autour du processus électoral vénézuélien, nous souhaitons exprimer notre opinion.

  1. Depuis la victoire d’Hugo Chávez aux élections de 1998, jusqu’à aujourd’hui, les États-Unis et ses lobbies pétroliers ont mené une guerre sans fin contre le peuple vénézuélien.
  2. Ils ont décrété le blocus de la vente de son pétrole, gelé ses comptes à l’étranger, volé ses fonds déposés dans plusieurs banques et, le mois dernier, ont même détourné un avion-cargo de la compagnie d’État vénézuélienne, voué aux missions humanitaires anti-blocus, lorsqu’il a fait escale à Buenos Aires. Bien qu’il avait été légalement vendu à une entreprise vénézuélienne, ils l’ont emmené à Miami avec l’aide du gouvernement Milei et l’y ont détruit, craignant qu’un tribunal international n’ordonne sa restitution.
  3. Ils ont imposé un président fantoche, M. Guaidó, qui a commis une série de crimes, en plus de s’approprier plus de 50 millions de dollars. Dénoncé par ses proches alliés d’extrême droite. Il vit aujourd’hui aux États-Unis, protégé par les autorités.
  4. Le Venezuela dispose d’un système électoral démocratique, qui utilise des machines à voter électroniques et des votes imprimés pour vérification. Il a organisé plus de 30 élections au cours de cette période. Le tout audité par les autorités judiciaires électorales internationales, y compris celles du Brésil.
  5. Lors de ces élections, des gouverneurs, des maires et des députés opposés au chavisme ont été élus, sans que personne ne proteste. La campagne contre les machines à voter électroniques est une pratique d’extrême droite dans plusieurs pays, dont le Brésil.
  6. Le pouvoir électoral est indépendant et se situe au même niveau que les pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif. Ses membres sont proposés par la société, les universités et les partis politiques et nommés par l’Assemblée Nationale. Dans le conseil actuel, deux des cinq membres ont été nommés par les partis d’opposition.
  7. María Corina Machado, représentante de l’extrême droite « bolsonariste », a tenté de se présenter aux élections toute en sachant qu’elle avait déjà été déclarée inéligible par la justice, il y a six mois, pour délits de corruption, trahison et tentatives de coup d’État, parrainés par elle et par son mouvement « Vente Venezuela » qu’elle a toujours refusé d’enregistrer comme parti politique. La Cour suprême a examiné son cas et a réaffirmé qu’elle n’était pas éligible, tout comme elle l’a fait ici pour Bolsonaro.
  8. Par pur effet de propagande, sachant qu’elle n’était pas éligible, elle a nommé au dernier moment Mme Corina Yoris qui n’avait le soutien d’aucun parti politique ET n’a même pas présenté les exigences légales de signatures de 5% des électeurs – norme électorale pour s’inscrire conformément aux lois. Le conseil électoral l’a rejetée à l’unanimité. Comme cela est déjà arrivé au Brésil.
  9. 13 candidats sont inscrits, dont 12 de l’opposition, parmi lesquels un gouverneur de l’État du Zulia qui s’était déjà présenté à la présidence contre Hugo Chávez en 2006. Au total, 37 partis politiques ont participé, dont 70 % sont des partis politiques d’opposition au gouvernement.
  10. La liberté de la presse est totale dans le pays, avec plusieurs chaînes de télévision et journaux ouvertement opposés au gouvernement, où les opposants disent ce qu’ils veulent. Contrairement au Brésil où n’ont accès qu’à la télévision que ceux qui défendent les thèses du Capital, même sur les questions internationales.
  11. Le blocus économique des ÉTATS-UNIS, l’impossibilité de disposer de pièces de rechange pour l’industrie pétrolière et la baisse des exportations ont entraîné d’énormes difficultés économiques pour la population et nombre d’entre eux ont décidé d’émigrer pour des raisons économiques. Comme cela est arrivé aux habitant(e)s de tous les pays d’Amérique latine, il suffit de regarder la frontière avec le Mexique. Et comme ici au Brésil avec les milliers de Brésiliens qui ont émigré aux États-Unis et au Portugal.
  12. Ces dernières années, le Venezuela a subi des tentatives d’invasion militaire, par voie maritime et depuis la Colombie, déjouées par les forces publiques avec le soutien de la population.
  13. Le président Maduro a été victime de plusieurs tentatives d’assassinat, notamment par des drones, qui ont également été déjouées et leurs auteurs arrêtés.
  14. Le peuple vénézuélien a besoin de justice internationale pour restituer ses avoirs à l’étranger, tels que ses réserves d’or, volées par l’Angleterre.
  15. Le peuple vénézuélien a besoin de mettre fin au blocus économique et de pouvoir utiliser ses principaux actifs pétroliers pour relancer le développement du pays.
  16. Il est clair qu’une campagne de diffamation organisée par les États-Unis et ses grands groupes économiques à travers les médias privés de tout le continent est en cours pour diffamer le processus électoral vénézuélien et in fine ne pas en reconnaître les résultats. Aucun gouvernement n’a le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures des autres peuples. Et notre constitution défend le droit des peuples à l’autodétermination.
  17. Nous appelons tous les mouvements populaires, syndicats, partis politiques et associations de juges et procureurs brésiliens à se rendre au Venezuela et à suivre le processus électoral sur place.
  18. Nous appelons tous les mouvements populaires et la gauche brésilienne à être solidaires du peuple vénézuélien et dénonçons les actions du gouvernement états-unien et de ses satellites, menées dans le cadre de la guerre hybrides en cours depuis tant d’années.
  19. Nous appelons chacun à être également solidaire avec les pauvres des États-Unis, avec les peuples d’Haïti, de Palestine, de Cuba, de Porto Rico et des pays africains du SAHEL, qui affrontent les mêmes intérêts de l’empire états-unien et de ses alliés européens. L’empire français est chassé d’Afrique après avoir volé tant de richesses naturelles.
  20. Depuis 25 ans, le peuple vénézuélien subit les conséquences de la guerre hybride imposée par le gouvernement des États-Unis et ses compagnies pétrolières. Malgré les défaites et les difficultés, il a toujours gagné et gagnera encore.

Brésil, 2 avril 2024.”

Traduction : Thierry Deronne

Premiers signataires :

  1. Mouvements populaires et partis politiques :
    • Confederación Nacional de los Trabajadores y Trabajadoras de la
      Agricultura Familiar de Brasil – CONTRAF – Brasil
      Central de los Trabajadores y Trabajadoras de Brasil – CTB
      Centro brasileno por la paz – CEBRAPAZ
      Central de Movimientos Populares-CMP
      Centro de estudios de religiones de matriz africana – CENARAB
      Coordinacion nacional de comunidades Quilombolas – CONAQ
      Consejo Pastoral de los/las Pescadores/as – CPP
      Frente Evangélica por el Estado de Derecho
      Levante Popular de la Juventud – LPJ
      Marcha Mundial de Mujeres – MMM
      Movimiento de los Trabajadores Rurales Sin Tierra – MST
      Movimiento de Pescadores y Pescadoras Artesanales – MPP
      Movimiento Brasil Popular – MBP
      Movimiento de Mujeres Campesinas – MMC
      Movimiento de los Afectados por Barragem – MAB
      Movimeinto de los Pequenos Agricultores – MPA
      Movimiento de los Trabajadores Desempleados – MTD
      Movimiento por la Soberania Popular en la Minerania – MAM
      Movimiento de los Trabajadores y Trabajadoras del Campo – MTC
      Partido comunista de Brasil – Pcdob
      Rede de Médicos y Medicas Populares – RMMP
      Union de la juventud socialista – UJS

2. Personnalités et porte-parole de la société brésilienne:

Acilino Ribeiro – dirigente do PSB
Ariovaldo santos, Pastor evangélico
Beto Almeida, Periodista
Breno Altman, Periodista

Celia Gonçalves, makota de los pueblos de terreiro
Cesar Silva Fonseca, Periodista
David Stival, ex-presidente del PT-RS, professor universitário
Eduardo Moreira, empresario y comunicador
Frei Sérgio Gorgen, frade franciscano
Georgina de Queiroz, profesora
Guilherme Estrela, geólogo de la Petrobras
Joao Pedro Stedile, activista de la lucha por la Reforma Agraria.
José Reinaldo Carvalho, Periodista, presidente de Cebrapaz
Júlio Flávio Gameiro Miragaya, economista
Leila Jinkings, Periodista
Luis Sabanay, Pastor presbiterano
Marcelo Barros, Monge Beneditino
Maria luiza Busse, Periodista de ABI
Mario Vitor santos, Periodista
Monica Buckmann, professora universitária
Ney Stronzake – Abogado
Nilza Valeria, Periodista
Oswaldo Maneschy, Periodista
Paulo Miranda, Director de la TV Comunitária de Brasília
Pedro Augusto Pinho, ex-presidente de la AEPET y del Corpo Permanente de la
Escuela Superior de Guerra
Roberto Requião, ex-gobernador , y ex-senador del Estado de Paraná
Rosana Fernandes, Coordinadora General de la Escola Nacional Florestan Fernandes
Sandra de Barreto, socióloga
Socorro Gomes, ex-diputada Federal por el PcdoB y directora de relaciones
internacionales de Cebrapaz
Valter Pomar, miembro del Diretório Nacional del PT
Lucinha Barbosa, Secretaria de Movimientos Populares del PT
Airton Faleiro, Diputado Federal-Para
Dilson Marcom, Diputado Federal – PT-Rio Grande del Sur
Joao daniel, Diputado Federal- PT Sergipe
Marina del MST, Diputada Estadual – PT-Rio de Janeiro
Messias, Diputado Estadual – PT Ceara
Orlando Silva, Diputado Federal- Pcdob São Paulo
Rosa amorim, Diputada Estadual – PE-Pernambuco
Valmir assunção, Diputado Federal- PT-Bahia
Romenio Pereira, Secretario de las Relaciones Internacionales de PT (parti de Lula)

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(Vidéo ST FR) Coopération internationale avec la révolution bolivarienne : des architectes français et vénézuéliens créent un prototype novateur de logement.

Un prototype de logement révolutionnaire au Venezuela (sous-titres en français). Production: TERRA TV

Si « l’espace est politique » comme l’expliquait le philosophe Henri Lefebvre, cette question prend tout son sens dans la révolution bolivarienne, au Venezuela. Depuis plusieurs années le Laboratoire International d’Habitat Populaire (LIHP, Paris/Caracas) dirigé par Jean-François Parent et son équipe y travaille autour de la question du droit à la ville, et plus encore, du droit d’habiter en produisant un espace socialement et politiquement nouveaux. Ce prototype de logement est né du dialogue permanent du LIHP avec les acteurs sociaux, les communes urbaines, les autogouvernements populaires et différents organes gouvernementaux de la Révolution Bolivarienne (1). Avec, parmi les nombreux défis, celui de transformer la figure « centrale » de l’architecte en allié réflexif, créateur, des mouvements populaires.

La question de l’espace de vie allié à la participation populaire est une priorité pour le gouvernement révolutionnaire. En 2023, un total de quatre millions huit cent mille logements ont été construits pour les secteurs populaires dans le cadre de la « Grande Mission Logement » lancée par Hugo Chávez en 2012. Le président Maduro a indiqué que le gouvernement en construira 3 millions de plus entre 2025 et 2030, tout en insistant auprès du Ministre de l’Habitat et du Logement pour que soit renforcée la participation populaire dans ces (auto)constructions.

Le modèle proposé par le LIHP suppose d’industrialiser la filière du bois – une matière très disponible au Venezuela mais peu utilisée sur les chantiers. Avantages : le temps de construction très court (un mois environ), le fait qu’il s’agit d’une architecture sèche (pas besoin d’eau ni de ciment), légère, lumineuse, auto-ventilée, basée sur une structure de panneaux mobiles. L’espace est modifiable à souhait et adaptable aux contextes de vie et de travail les plus divers. Ce modèle arrive à point nommé pour répondre aux besoins de la population à un moment où le pays renoue avec la croissance, malgré la persistance d’un blocus économique occidental qui a réduit la disponibilité de certains matériaux et freiné l’essor de la grande mission logement.

Dans ce reportage réalisé par l’équipe de TERRA TV (sous-titré en français), plusieurs délégué(e)s de mouvements populaires, ainsi que le président du Laboratoire International pour l’Habitat Populaire, expliquent les nombreuses possibilités offertes par ce prototype. « Pour nous, le plus important, explique Jean-François Parent, est que ce prototype génère un débat dans l’ensemble de la société, dans sa diversité et ses contradictions, sur comment, à travers l’espace, transformer la société à laquelle nous appartenons. Produire une architecture populaire qui propose une libération culturelle à l’ensemble du corps social par de nouvelles formes d’habiter qui transforment nos relations à l’environnement, au sens large du terme.»

Thierry Deronne, Caracas, 19 mars 2024

Note :

(1) Le prototype d’unité familiale productive a été réalisé dans le cadre la mission confiée par le Gouvernement de l’État Bolivarien de Miranda au Laboratoire International pour l’Habitat Populaire au travers de l’alliance stratégique définie et signée en 2018 entre le Gouverneur Hector Rodriguez et Jean François Parent architecte. Étude et réalisation du Prototype : Equipe du LIHP – Laboratorio Internacional por el Habitat Popular. 25 rue Jean Jaurès, 93200 Saint-Denis, France. Au Venezuela : Parque Central, Torre Este, Piso 19, A.P. 1010, Caracas. Mail : contact@lihp.info / Site : http://www.lihp.info / @LIHP_FRANCE

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« Faire du neuf avec du vieux » : Lana, jeune communarde dans la révolution au Venezuela

Lana Vielma, organisatrice et formatrice communarde de 21 ans, engagée dans la commune d’El Maizal à l’âge de 15 ans (Venezuelanalysis).

Lana Vielma est une jeune organisatrice de la commune phare d’El Maizal, à la frontière des États de Lara et de Portuguesa, au Venezuela. Fille d’un enseignante de la ville voisine de La Miel, Lana Vielma a commencé à s’engager et à travailler à l’organisation communarde à l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, six ans plus tard, elle est directrice de la communication de la municipalité « communarde » de Simón Planas, qui comprend El Maizal et 12 autres communes. Au-delà de son rôle officiel, Vielma est également artiste et cinéaste.

À 21 ans, tu as déjà travaillé pendant six ans dans la commune d’El Maizal. Pourrais-tu nous raconter comment tu t’es engagée et ce qui t’a attirée dans cette commune ?

Sans la commune, je me serais enfermée chez moi et j’aurais été de plus en plus frustrée par la société… Je pense que je serais même en colère ! Les défis du monde sont nombreux, et plus encore pour ma génération, qui aspire à la liberté mais se heurte à tant d’injustices systémiques. En fait la commune m’a touché comme une baguette magique. Elle m’a offert une nouvelle vision du monde et m’a donné un but dans la vie – et cela n’est rien de moins que de la magie. Dans la commune, nous apprenons les uns des autres et nous résolvons les problèmes collectivement ; nous nous soutenons les uns les autres parce que nous avons une vision commune du monde. En bref, nous créons un espace dans la commune qui place l’être humain au centre.

En tant que jeune femme, la commune est devenue ma bouée de sauvetage et m’a changée à jamais. L’attrait des avantages tape-à-l’œil, mais le plus souvent inaccessibles, que le capitalisme propose aux jeunes n’est pas vraiment le moyen d’une vie épanouie. C’est pourquoi la jeunesse communarde est si importante : la commune est le moyen pour les jeunes d’avoir une existence significative et, en même temps, la commune a besoin d’eux.

Peux-tu nous en dire plus sur cette initiative d’une jeunesse communarde ?

Bien que nous vivions dans un territoire qui abrite la puissante commune d’El Maizal et que les gens l’admirent, l' »aimant » des médias sociaux projette le bonheur comme exclusivement basé sur la possession de certaines choses matérielles et ne laisse pas de place à la communauté. Tout en reconnaissant la nécessité de répondre aux besoins matériels, nous croyons fermement que les dimensions spirituelle et politique de la vie doivent être réintégrées dans la vie de nos jeunes.

La toxicomanie aussi est un problème pour certains jeunes de Simón Planas, ce qui contribue souvent aux problèmes familiaux et à la criminalité. On peut être surpris d’entendre cela et penser que dans un contexte rural, la consommation de drogue n’est pas un problème, mais c’est le cas. D’où l’importance de notre commune comme modèle d’attraction et qui réponde aux besoins de tous, en particulier des jeunes.

Le projet de la jeunesse communarde découle de la nécessité de rapprocher les jeunes générations du projet communal. La commune est un rendez-vous collectif pour l’éducation politique, l’activité culturelle et le débat. Commune d’El Maizal. (@ComunaElMaizal)

Tu joues un double rôle en tant que communarde et comme membre du gouvernement local (la marie). Comment navigues-tu sur ce double terrain ?

C’est complexe. Bien que la commune soit notre objectif stratégique, nous pensons que la construction de communes populaires nécessite une approche créatrice. Notre compagnon communard Ángel [Prado] est devenu maire de Simón Planas avec un objectif : renforcer les communes. Mais comment y parvenir ? En tant que communard, il doit démontrer que son administration est non seulement efficace, mais aussi centrée sur le bien-être quotidien de la population, tout en promouvant l’organisation communarde.

Cependant, les défis sont nombreux. Le vieux système bureaucratique est conçu pour se reproduire tout en négligeant souvent les besoins réels des gens. Pour nous, entrer dans le gouvernement local signifiait perturber son inertie, une tâche qui s’est avérée très difficile. Cependant, nous avons pris des mesures en faveur de ce que nous appelons le « gouvernement communal », qui encourage la participation directe des citoyens aux processus de prise de décision. Petit à petit, nous transformons les institutions et nous avons pu résoudre de nombreux problèmes, qui vont de l’accès à l’eau aux soins de santé. Cependant, les institutions ne sont pas des fins en soi, mais des moyens pour parvenir à des fins. Nous avons encore de nombreux défis à relever, qu’il s’agisse de la logique bureaucratique persistante ou de nos propres limites, mais nous poursuivons le projet de Chávez (la commune) et sa méthode (travailler avec les gens). Nous espérons continuer à ouvrir des chemins communaux où que nous soyons.

La commune d’El Maizal se trouve dans la municipalité de Simón Planas, état de Lara, à l’Ouest du Venezuela.

La commune populaire d’el Maizal est actuellement en plein processus de transformation, pour augmenter la production agricole et pour améliorer les conditions de vie des personnes qui y travaillent. Comment envisages-tu l’avenir de la commune et quels sont les moyens d’y parvenir ?

Créer les conditions réelles et tangibles d’une société prospère signifie créer les conditions économiques pour soutenir la vie quotidienne des communards, tout en projetant une lumière vers l’avenir. Maintenant, vous vous demandez peut-être si c’est vraiment possible ? Oui, nous le croyons ! L’humanité a besoin d’une alternative qui lui apporte la dignité et la paix, mais la transition doit se faire avec un certain confort, voire une touche de magnificence… Sur le plan matériel, cela signifie que les gens doivent disposer de bonnes conditions pour travailler, étudier et profiter de leurs loisirs.

Parallèlement, nous devons favoriser l’engagement politique aux niveaux local, régional, national et même mondial, ce que nous savons faire le mieux. Mais pour bien faire, nous devons disposer d’arguments tangibles et d’expériences concrètes ; nous devons être en mesure de prouver que notre projet fonctionne tant sur le plan politique qu’économique ; nous devons devenir un exemple convaincant que d’autres pourront suivre.

Tu as utilisé la métaphore de la reconstruction d’une maison pour parler de l’avenir de la commune d’El Maizal. Peux-tu développer cette idée ?

C’est une idée philosophique qui m’est chère. Si nous vivons dans une maison mais que nous voulons l’améliorer, nous ne pouvons pas la démolir et la laisser aux intempéries pendant que nous en construisons une nouvelle. Ce serait une mauvaise idée. Notre logement actuel, qu’on le veuille ou non, est capitaliste. Dans ces conditions, nous devrons construire la nouvelle maison de l’intérieur et autour de l’ancienne… jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de l’ancienne maison ! Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Nous devons construire le nouveau modèle progressivement, en forgeant une alternative réellement viable, tout en restant connectés – pour l’instant – au système existant. Ensuite, une fois le nouveau système consolidé, nous démolirons l’ancien. Concrètement, qu’est-ce que cela implique ? Ici, à Simón Planas, c’est un dirigeant communal [Ángel Prado] qui est à la tête de l’administration locale. Dans ces conditions, nous pourrions être tentés de nous concentrer uniquement sur la politique locale, en organisant une administration efficace à partir du bureau du maire. Cependant, cela ne répondrait pas à nos aspirations ; cela reviendrait à « améliorer » la vieille structure capitaliste sous une nouvelle peinture.

Notre idée va bien au-delà de la création d’un groupe de hauts administrateurs associés à la mairie et à la commune qui améliorent progressivement les conditions de vie à Simón Planas. Pour consolider l’hégémonie de la commune, notre projet doit présenter une alternative substantielle, englobant à la fois des dimensions politiques et économiques qui attireront et convaincront réellement les gens. En ce qui concerne la commune d’El Maizal, nous explorons activement de nouvelles approches pour organiser la production de manière à satisfaire les besoins des habitants qui consacrent leur vie, jour après jour, au projet. Le double objectif est clair : offrir une bonne vie aux habitants tout en améliorant la viabilité de notre modèle.

Nous savons qu’il s’agit d’un travail en cours, mais comment envisagez-vous les changements dans l’économie d’El Maizal ?

La commercialisation a toujours été un goulot d’étranglement pour nous, nous devons donc mieux planifier. Nous devons trouver des mécanismes pour que notre production atteigne le marché sans les obstacles dressés par les intermédiaires capitalistes. Ce n’est pas facile, mais c’est indispensable.

Nous pourrions créer une nouvelle EPS de commercialisation [entreprise de production sociale liée à la commune], et il est possible que nous puissions construire un réseau de distribution et de commercialisation avec l’Union Communarde ou en contact avec les Circuits Économiques du Ministère des Communes. Cependant, une chose est évidente : nous devons mieux planifier et rompre la dépendance à l’égard des intermédiaires privés. En outre, comme je l’ai déjà dit, nous pensons que le nouveau modèle économique doit créer les conditions pour que les communards les plus engagés puissent participer plus directement… Toutes ces considérations sont cruciales pour la construction d’une nouvelle hégémonie communale. Si la commune ne produit pas de bénéfices économiques tangibles, quelque chose doit changer. L’échec n’est pas une option pour nous !

Photos : ateliers réalisés en 2023 par l’École de Communication des Mouvements Sociaux « Hugo Chávez » (projet qu’on peut soutenir ici). L’École a aidé la commune d’El Maizal à créer sa propre école, baptisée « Yordanis Rodriguez El Pealo ».

Dans tout cela, la communication est également importante. Peux-tu nous parler de votre travail de reportage et de production de contenu sur la commune d’El Maizal et le gouvernement municipal de Simón Planas ?

Dans la commune d’El Maizal, nous sommes politiquement solides : les habitants de Simón Planas admirent Ángel Prado et la commune d’El Maizal. Néanmoins, il est essentiel de reconnaître que tout le monde ne perçoit pas la commune comme la solution ultime ou comme une alternative viable. Notre capacité à communiquer s’est accrue au fil des ans et nous pouvons aujourd’hui documenter toutes les assemblées qui se tiennent sur le territoire de Simón Planas. Nous sommes également en mesure de faire savoir que, depuis la mairie, nous faisons beaucoup de choses, qu’il s’agisse de réparer l’éclairage public et les routes, de répondre aux préoccupations sanitaires et aux problèmes d’eau, de construire des maisons ou de promouvoir des événements sportifs et culturels. Cependant, si ces efforts nous donnent un cachet politique, ils ne sont pas à la hauteur du projet communal, car ils ne transforment pas la société dans son ensemble.

C’est pourquoi nous avons inauguré il y a trois ans l’école de communication Yordanis Rodríguez « El Pelao » d’El Maizal. Notre objectif est de connecter les jeunes aux processus organisationnels et de leur donner les moyens de faire en sorte que la communication ne soit plus l’apanage des journalistes qui privilégieront toujours les contenus qui méritent d’être cliqués. Il est impératif de souligner l’importance de l’organisation communautaire, qui doit être racontée par ses acteurs. Et dans ce projet, le rôle des jeunes est essentiel.

Interview: Cira Pascual Marquina / Chris Gilbert (Venezuenalysis)

Source : https://venezuelanalysis.com/interviews/building-the-new-with-the-old-still-standing-a-conversation-with-lana-vielma/

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/02/29/faire-du-neuf-avec-du-vieux-lana-jeune-communarde-dans-la-revolution-au-venezuela/

L’aventure de la télévision populaire au Venezuela : entretien avec Thierry Deronne (Venezuelanalysis)

Note : L’interview ci-dessous, réalisée par le site d’information Venezuelanalysis, relate trente ans de travail au Venezuela de notre école de communication, cinéma et théâtre des mouvements sociaux. Vous pouvez soutenir cette école via ce compte. Merci d’avance pour votre solidarité !

Compte Crédit Mutuel 00020487902

Titulaire: LIHP, 25 RUE JEAN JAURÈS, 93200 ST DENIS

Code IBAN: FR76 1027 8061 4100 0204 8790 256

Code BIC: CMCIFR2A

SVP ne mentionner que : « Soutien école communication ».

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Venezuelanalysis : Thierry Deronne est un cinéaste vénézuélien d’origine belge qui accompagne depuis longtemps les luttes de la classe ouvrière et des paysans en Amérique latine. Au milieu des années 1990, au Venezuela, il a encouragé les médias populaires et les projets éducatifs, avant de jouer un rôle clé dans le mouvement de la télévision populaire pendant la révolution bolivarienne. Deronne est actuellement professeur à l’Université Nationale des Arts [créée par Hugo Chávez]. Son dernier documentaire, Nostalgiques du futur, co-réalisé avec Victor Hugo Rivera, est un voyage dans quelques territoires où le féminisme populaire change la vie.

Venezuelanalysis – Tu es arrivé au Venezuela en 1994, en provenance du Nicaragua, où tu avais déjà pris part aux luttes latino-américaines. Une fois au Venezuela, tu as travaillé avec la Escuela de Formación Obrera (École de formation ouvrière) à Maracay, dans l’État d’Aragua. Que peux-tu nous dire de cette expérience ?

Thierry Deronne – C’est grâce aux compagnes féministes vénézuéliennes avec qui je travaillais au Nicaragua dans les années 80, pendant la révolution sandiniste, que j’ai pu, il y a trente ans exactement, parvenir au Venezuela. C’était 5 ans avant la révolution bolivarienne et l’élection d’Hugo Chávez. Notre première base d’opérations fut l’école de formation ouvrière, à Maracay, créée par des avocats spécialisés dans le droit du travail comme Isaias Rodriguez, Priscilla Lopez et d’autres militantes féministes. Un lieu de rencontre, un espace ouvert et parfois clandestin pour tous ceux qui sentaient que quelque chose devait bouger ici, que le pays allait changer. Jan Hol, un Néerlandais qui était un des coordinateurs, faisait vivre chichement cette école avec le financement d’un syndicat des Pays-Bas. C’est dans cet espace que j’ai créé l’École populaire de cinéma et organisé les premiers ateliers audiovisuels pour les activistes de toutes sortes de luttes, travailleur(se)s, mouvements de femmes, paysan(ne)s, étudiant(e)s, etc. Nous nous rendions dans des villages qui luttaient pour la terre ou dans une communauté rurale qui refusait l’imposition d’une décharge industrielle. Nous accompagnions des camarades féministes qui animaient des ateliers contre la violence sexiste et qui voulaient disposer des outils nécessaires pour se représenter sur un film. Ce travail nous a permis de mettre en lumière le rôle des femmes dans la sphère de la reproduction sociale. L’École populaire de cinéma s’est forgée et développée avec ces luttes. Tout en gardant un pied à l’École de formation ouvrière, elle est devenue plus mobile, itinérante : nous sommes allés là où les travailleurs, les militant(e)s féministes ou les paysan(ne)s avaient besoin d’outils pour représenter leurs luttes.

Venezuelanalysis – Peux-tu décrire plus en détail ton travail d’éducateur populaire ?

Thierry Deronne – Il s’agissait par exemple d’organiser un atelier d’écriture de scénarios avec des femmes qui apprenaient à raconter leur propre histoire par le biais de la fiction, en subvertissant le style dominant et normatif des « telenovelas ». Ou travailler sur la récupération de la mémoire historique et documenter les grèves des travailleurs. Nous avons filmé les dernières grèves des travailleurs du textile à Maracay [à la fin des années 90]. Il s’agissait d’un mouvement très important, nous avons aidé les grévistes à le visibiliser. Dans ce documentaire, l’œil de la caméra passe des femmes qui cuisinaient dans les usines occupées aux cortèges de travailleurs, puis aux réunions et aux débats entre grévistes. Nous nous faufilions la nuit dans les usines occupées, toujours en collaboration avec les travailleurs, et nous enregistrions ce qu’ils faisaient. Cette grève a été un tournant pour nous : nous sommes passés de la production de reportages vidéo, à la réalisation d’un véritable documentaire. Par la suite, nous avons fait de la création d’une école vénézuélienne du documentaire l’un de nos objectifs. Un processus révolutionnaire a besoin de documenter ses luttes, ses constructions collectives et ses victoires.

Photos : Teletambores, une des premières chaînes de télévision populaire du Venezuela.

Venezuelanalysis – Vers l’an 2000, tu as fondé Teletambores à Maracay, une des premières chaînes de télévision populaire du pays. Peux-tu nous raconter cette histoire ?

Thierry Deronne – À l’époque, toutes les chaînes de télévision étaient commerciales et, bien entendu, elles ne diffusaient rien sur les luttes des travailleur(se)s. Leur rôle était soit d’occulter, soit de diviser et de démobiliser le mouvement social, en isolant les dirigeants de leur base, en insistant sur la violence, en opposant les grévistes aux usagers, en parlant d’essoufflement de la lutte, etc.. Nous avons installé une antenne de télévision sur le toit de la maison de Maria Santini, dans le barrio Francisco Linares de Alcántara, dans la banlieue de Maracay. Maria était une camarade féministe. Le jeune ingénieur en télécommunications José Ángel Manrique, du projet populaire TV Rubio dans les Andes, nous a donné des conseils techniques. C’est ainsi que nous avons pu commencer à diffuser la télévision dans le quartier. Plus tard, nous avons obtenu un deuxième émetteur, qui a permis d’atteindre plus d’habitant(e)s. Un peu plus tard, vers 1997, Blanca Eekhout et Ricardo Márquez de Catia TVe [une télévision populaire de Caracas] sont venus nous voir. Ils voulaient discuter et voir avec nous comment unir les forces dans la construction de médias d’un type nouveau. C’est ainsi qu’est né le mouvement de la télévision populaire au Venezuela.

Après l’élection d’Hugo Chávez en décembre 1998, et surtout lors de l’assemblée constituante de 1999, quelques amis députés ont défendu l’inclusion du concept de « communication plurielle » dans la nouvelle constitution bolivarienne. C’est ce qui a ouvert la porte au cadre légal et par là, à une multitude de projets de communication non conventionnels au sein de la révolution. Mais le vrai tournant s’est produit lors du coup d’État d’avril 2002 contre Hugo Chávez: les médias populaires ont joué un rôle important dans la résistance et le retour au pouvoir du président élu, alors que les médias privés avaient occulté ce mouvement populaire. La population, et le gouvernement bolivarien, ont compris que les médias privés avaient été un outil majeur du coup d’État contre le processus bolivarien, et qu’une véritable « révolution médiatique » devenait nécessaire. Dans ce contexte post-coup d’État, Chávez est devenu un défenseur des médias populaires. Je me souviens d’une belle histoire : Catia TVe lui a envoyé une lettre l’invitant à inaugurer le nouveau siège, mais la nouvelle réglementation n’avait pas encore été promulguée. Chávez était déterminé à y assister, mais les avocats de la CONATEL [Commission Nationale des Télécommunications] lui ont déconseillé de le faire, à cause du vide juridique. Chávez a répondu: « S’il n’y a pas de loi, faisons-la ! »

Cette prise de conscience a conduit à la rédaction du cadre juridique pour les médias populaires, dans les bureaux de la CONATEL avec la participation de nos médias populaires, dont Catia TVe, Teletambores et TV Rubio. Pour la première fois, des personnes qui ne venaient pas des médias dominants se retrouvaient à la même table que les ingénieurs et les avocats de la CONATEL pour écrire une loi. Ce fut un moment extraordinaire !

Venezuelanalysis – Le mouvement de la télévision communautaire a été très dynamique dans les premières années de la révolution bolivarienne. Quels étaient ses principaux objectifs ?

Thierry Deronne – Chaque télévision communautaire avait son propre style, ses propres méthodes, sa forme et son histoire. Néanmoins, une idée nous rassemblait : le producteur devait être le peuple.
Cela peut paraître simple, mais c’est une véritable révolution ! Nous avons inscrit dans la loi l’obligation pour un média populaire, pour obtenir une concession radio-électrique, de diffuser 70% de productions populaires, et d’organiser une formation permanente pour créer les groupes de producteurs(trices) audiovisuel(le)s. On peut toujours parler en général de participation, mais sans la formation qui permet à chacun(e) de comprendre et manier les outils, idéologiquement et techniquement, cette participation reste lettre morte. Nous rejetions radicalement l’idée du média fait en studio, par des journalistes professionnels, qui se croient le centre du monde, ou tout au moins un centre de pouvoir. Notre télévision populaire Teletambores étant issue d’une école documentaire en rupture avec le code audiovisuel dominant, la participation directe des gens était une évidence. Cela signifie aussi que les processus et les délais de production étaient différents. Nous devions être immergés dans notre milieu populaire, et c’était les habitant(e)s qui menaient les enquêtes, et toutes les étapes de la production.

Autre chose, dans nos ateliers, nous avons toujours critiqué la propagande et la manipulation audiovisuelles. Nous considérons par exemple la relation entre le son et l’image d’une manière créatrice. Contre le pléonasme du son et de l’image, la relation entre un son autonome et une image autonome encourage la création de sens par le public, une lecture plus ouverte. En fait nous réactivions les enseignements de cent ans de pensée marxiste sur les médias et les expériences concrètes de nombreuses révolutions politico-esthétiques. En adaptant cet héritage au Venezuela, nous nous sommes dit : si la force motrice de la révolution bolivarienne est la participation directe du peuple, nous ne pouvons pas tomber dans le cliché simpliste du « imitons les armes de l’ennemi pour les retourner contre lui », car utiliser les codes de Venevisión [grande chaîne de télévision privée du Venezuela] aurait signifié reproduire la télévision de plateau autour d’un présentateur-vedette qui devient vite narcissique, les studios séparés de la vie, une machine à vendre des marchandises télévisuelles à un spectateur passif, bref, une légitimation du capitalisme et une contradiction frontale avec la participation populaire directe.

Photos : images de « Venezuela Adentro », un programme de Vive TV qui racontait les processus vivants d’organisations populaires.

Venezuelanalysis – Fin 2003, tu as rejoint Vive TV, une chaîne publique de télévision. Vive TV était une initiative vraiment extraordinaire à l’époque. De quoi s’agissait-il ?

Thierry Deronne – Vive TV était une chaîne de télévision publique qui se voulait la voix de l’organisation populaire sous toutes ses formes. Le président Chávez décida de la créer pour embrasser la vie du processus et sa réalité populaire, pour sortir de la vieille télévision publique VTV, porte-voix nécessaire du gouvernement mais insuffisante dans le nouveau contexte révolutionnaire. Peu après son inauguration, la jeune militante Blanca Eekhout – venue de la télévision populaire Catia Tve -, nommée présidente de la chaîne, m’a demandé de l’aider à développer un nouveau paradigme de télévision. C’est ainsi que l’école populaire de cinéma a déménagé de Maracay à Caracas. Notre objectif était de créer non pas une nouvelle chaîne, mais un nouveau type de télévision.

Cela n’a pas été facile, car la vitesse de création de Vive Tv, voulue par Chávez, ne nous a pas laissé le temps de former le personnel sur la base de concepts nouveaux, et nous a obligés à faire appel à des compagnes et compagnons qui venaient des médias commerciaux, qui venaient avec des modes de faire « dominants ». Ou à la classe moyenne de l’Université Centrale du Venezuela, qui n’aimait pas trop l’idée que le peuple fasse la télévision, pas plus que les journalistes professionnels engagés à Vive TV, mortifiés à l’idée de ne pas apparaître à l’écran. Différentes idées circulaient sur la manière de faire de la télévision, mais Blanca a finalement soutenu notre proposition de construire quelque chose de nouveau : nous avons pendant six ans pratiqué la formation intégrale d’un(e) travailleur(se) télévisuel(le) organique des organisations populaires : le « producteur ou productrice intégral(e). »

Nous sommes restés fidèles à cette idée marxiste selon laquelle « ce n’est que d’une technique qu’on peut déduire une idéologie ». C’est Augusto Boal qui brise l’espace bourgeois du théâtre où seuls quelques-uns ont le droit d’être acteurs et tous les autres de n’être que spectateurs. D’où son théâtre en rond où les spectateurs qui proposent des modifications de la scène, entrent dans l’espace du jeu et deviennent actrices ou acteurs. C’est Bertolt Brecht qui refuse que la radio fonctionne à sens unique, et propose qu’elle devienne une chose vraiment démocratique, qu’elle passe de la diffusion à l’inter-communication du peuple avec le peuple. C’est Sartre qui dit la même chose à l’heure de fonder un journal : « on croit que la liberté d’information, le droit à la liberté de la presse, c’est un droit du journaliste. Mais pas du tout, c’est un droit du lecteur du journal. C’est-à-dire que c’est les gens, les gens dans la rue, les gens qui achètent le journal, qui ont le droit d’être informé. C’est les gens qui travaillent dans une entreprise, dans un chantier, dans un bureau qui ont le droit de savoir ce qu’il se passe et d’en tirer les conséquences. Naturellement, il en résulte qu’il faut que le journaliste ait la possibilité d’exprimer ses pensées, mais cela signifie seulement qu’il doit faire en sorte que le peuple discute avec le peuple. » C’est Marx, aussi : « Dans une société communiste il n’y a pas de peintres, mais tout au plus des humains, à qui entre autres choses il arrive de peindre » . Tout cela va de pair avec la revendication de récupérer le temps de la vie, de créer un temps de loisir qui ne soit plus voué à « oublier le travail » mais à créer, à aimer, à apprendre. Cela reste plus que jamais un enjeu stratégique pour la prise de pouvoir par le monde du travail, pour l’élévation permanente de ses capacités comme force politique, participative, sociale et culturelle. Toutes ces idées « léninistes » se sont incarnées dans notre formation intégrale à Vive TV, c’est ainsi que nous avons commencé à rompre avec la division sociale du travail. Tout le monde, du cadreur(se) à l’agent(e) de sécurité, des technicien(ne)s aux producteurs(trices) ou aux administrateur(trices), participait à nos ateliers.

Venezuelanalysis – Parle-nous de ces ateliers.

Thierry Deronne – L’objectif était que chacun acquière les outils nécessaires, intellectuels et techniques, pour concevoir et réaliser un programme audiovisuel, non pas dans un espace fermé, une chambre de montage, ou devant un ordinateur pour remplir une case dans la grille de diffusion, mais par exemple en passant une semaine avec un groupe de paysans en lutte pour la terre. L’idée était qu’après avoir vécu plusieurs jours aux côtés des personnes en lutte, les collaborateurs de Vive TV reviendraient avec une idée plus claire des besoins populaires en termes de production audiovisuelle.
Nous invitions aussi les mouvements sociaux à Vive TV. À l’époque, on pouvait entrer dans un studio de Vive Tv et trouver une poignée de travailleurs d’INVEPAL parlant de la prise de contrôle de l’usine de production de papier ou un groupe de paysan(ne)s discutant de leur réalité dans l’État de Barinas. Aujourd’hui, une quinzaine d’années plus tard, quand je voyage à travers le vaste Venezuela, je rencontre des gens qui me disent : « je peux vous aider pour le son ou la caméra, j’ai étudié avec vous à Vive ». L’école de Vive TV a été semée en sol fertile, en plein processus révolutionnaire.

Venezuelanalysis – Tu as encouragé la production non conventionnelle à Vive TV. Peux-tu nous parler des types de programmes qui y étaient produits ?

Thierry Deronne – Nous essayions de réinventer l’ensemble de la télévision, ses relations internes, sa relation au peuple et sa programmation, vue comme un grand « montage » en soi, entre éducation et visibilisation populaire. Nous avions la liberté et les ressources publiques pour le faire. C’était un vieux rêve devenu réalité ! Il y avait un programme qui s’appelait « Venezuela Adentro » [À l’intérieur du Venezuela], dont nous avons produit des milliers d’épisodes. Pour le créer, nous nous sommes inspirés de Santiago Álvarez de l’ICAIC [Institut du cinéma cubain] et de son « Noticiero Latinoamericano » – chronique hebdomadaire de la révolution cubaine. Personne ne mâchait ses mots dans ses reportages : ils traitaient des vrais problèmes auxquels la révolution était confrontée. C’était très instructif et humoristique à la fois. Même si ce « noticiero » exprimait des critiques, la révolution cubaine avait la maturité suffisante pour protéger ce canal. Chaque dimanche, les Cubains s’asseyaient dans la salle de cinéma pour le regarder avec plus d’intérêt que la fiction qui le suivait. Cette expérience a été une source d’inspiration pour notre « Venezuela Adentro », où il était possible d’adopter des positions critiques au sein de la révolution, et où le peuple restait toujours le sujet. Chávez a accueilli et même encouragé la critique au sein de la révolution bolivarienne. Il nous disait : « Occupez les mairies, occupez les gouvernements régionaux ! Changez tout ! » Cela nous a incités à traverser à cheval une rivière, à gravir une montagne, à faire de longues heures de route pour rejoindre, écouter, comprendre des collectifs en lutte un peu partout.

Pour en revenir à la programmation de Vive Tv, je détache trois autres programmes. D’abord le « cours de philosophie » et le « cours de cinéma ». Nous avions souvent des gens souhaitant suivre nos ateliers, mais qui ne pouvaient pas y être physiquement, donc ces cours diffusés par l’écran était une sorte d’ « université en ligne», pour qu’un plus grand nombre puisse les voir. Un autre programme comme « En Proceso » était un plan-séquence qui suivait le travail, par exemple, d’un comité de terres urbain. La caméra suivait les porte-parole du comité qui visitaient les maisons d’un quartier, qui le cartographiaient, qui échangeaient avec les habitant(e)s pour connaître leurs principaux besoins et propositions. L’idée était de présenter la réalité telle qu’elle se vit, sans éliminer les soi-disant « temps morts » où apparemment « il ne se passe rien ».

Venezuelanalysis – Dans les premières années du processus bolivarien, les médias populaires se sont multipliés. Cependant, ce mouvement a décliné au fil des ans. Pourquoi ?

Thierry Deronne – La principale raison est la puissance du modèle de la télévision capitaliste. Les télévisions populaires sont nées comme des îlots dans le vaste océan de la communication capitaliste. Certains n’ont pas reconnu ou compris le potentiel de la télévision participative en tant qu’outil du protagonisme populaire de la révolution bolivarienne. La solution eut consisté à mettre en place une politique publique de communication capable de promouvoir la multiplication des médias populaires à grande échelle (« seule la quantité génère la qualité »…) pour faire émerger un modèle nouveau. Naturellement, cette expansion aurait dû être complétée par une formation et une éducation généralisées et permanentes aux pratiques nouvelles. Des problèmes internes ont également contribué au déclin, notamment le manque de cohésion au sein du mouvement, les conflits « territoriaux », le sectarisme, l’appropriation personnelle ou familiale des médias. Les médias communautaires se heurtaient à un autre obstacle : la technologie coûtait fort cher à l’époque et c’est grâce à l’État révolutionnaire que beaucoup de ces médias ont pu être montés. Mais les organisations avaient du mal à générer des revenus suffisants pour l’entretien ou le remplacement d’équipements obsolètes ou endommagés.

Aujourd’hui, la communication populaire se redéploie dans les smartphones qui offrent une technologie plus abordable et plus légère, qui permet une « écriture » beaucoup plus participative du réel. Sauf que leurs formats ont été pensés par la Silicon Valley, en tant qu’outils de consommation capitaliste. Formats courts, tape-à-l’œil et narcissiques. Avec des répercussions politiques, comme la fragmentation du réel, les tribus étanches du politiquement correct, le sentiment d’impuissance, et sur ce vide politique, la montée en puissance de la peur, de la post-vérité et de personnalités telles que Trump, Bolsonaro ou Milei… Il y a donc deux tâches urgentes à accomplir aujourd’hui. Premièrement, la revitalisation de la communication populaire avec le soutien de l’État pour établir un nouveau modèle. Cela nécessitera des financements, notamment pour la formation. Ensuite, il est impératif de créer un nouveau type de médias sociaux. Nous devons mettre en contact des experts en médias numériques avec les mouvements sociaux pour créer un nouveau réseau qui ne soit pas pensé par le capitalisme mais depuis les besoins de la société, qui laisse par exemple le temps nécessaire pour raconter des histoires d’organisations.

Photos : à Antímano, Caracas, un groupe de femmes construisent elles-mêmes leurs maisons. L’École populaire de cinéma et de théâtre travaille avec elles.

Venezuelanalysis Quel est aujourd’hui l’objectif de cette école de cinéma et de théâtre des mouvements sociaux, née dans les années 90 ?

Thierry Deronne – Créer un grand bataillon de cinéastes documentaires, pour de nombreuses raisons. Les principales sont la préservation de la mémoire historique et la transmission de l’expérience. Mais aussi l’agit/prop, ainsi que l’autocritique. C’est aussi un espace d’étude de la réalité : le cinéma documentaire doit nous donner le temps de comprendre la dialectique fine des processus. Notre école essaie de tenir toutes ces rênes à la fois. Compte tenu du contexte antérieur à la révolution, la télévision commerciale reste une référence écrasante, avec sa publicité, ses telenovelas, ses studios et ses présentateurs(trices)-vedettes. C’est elle qui reste l’école pour de nombreux professionnels des médias. Par conséquent, la production du documentaire révolutionnaire, participatif, reste limitée au sein du processus bolivarien. Plus encore en ce qui concerne la fiction, les récits paraissent souvent écrits dans un pays anachronique, hors révolution, qui oscille entre le monde des telenovelas ou le péplum historique à costumes. La plupart des cinéastes vénézuélien(ne)s restent dans une opposition à la rénovation du cinéma à travers la participation populaire ou font des films thématiquement induits par les grilles des télévisions ou des festivals occidentaux.

Pour affronter cette situation, l’École populaire de cinéma et de théâtre a commencé à organiser des noyaux de production au niveau local. La commune d’El Maizal possède désormais sa propre école de communication populaire, mais il existe également des groupes de travail dans d’autres communes. Comme dans la commune Che Guevara et ailleurs. L’objectif principal est toujours le même : produire à partir de la lutte, de l’organisation, de la vie et de la pensée populaires. Une leçon que je tire de toute cette histoire, c’est qu’à Vive TV, les contraintes de temps, la vélocité de création du média, nous avaient empêché de former la base productive qui aurait pu garantir la programmation permanente du peuple pour le peuple. Notre objectif actuel est de continuer à former les organisations, qui ont beaucoup avancé depuis cette époque pionnière, dans l’espoir que surgissent de nouveaux médias et de nouveaux et nouvelles cinéastes.

Photos : l’école populaire de cinéma et de théâtre forme un noyau audiovisuel dans la commune d’El Maizal.

Venezuelanalysis – L’École populaire de cinéma et de théâtre organise-t-elle également des ateliers de théâtre ?

Thierry Deronne – Bien sûr, notre école s’engage aussi dans la création théâtrale, en s’inspirant de la tradition brésilienne du « théâtre de l’opprimé » et celle du « théâtre épique » de Bertolt Brecht. Deux compagnons du Brésil : Douglas Estevam, du Collectif Culture du MST, et Julian Boal, du Théâtre de l’Opprimé, nous ont aidés en 2023. Douglas a collaboré avec des femmes autoconstructrices à Antímano, pour raconter au pluriel leur incroyable histoire, comme organisation et comme personnes. Parallèlement, Julian a travaillé sur un autre angle, celui de la lutte de ces femmes contre la violence sexiste. Il s’agit là aussi de rompre avec un théâtre encore dominé par la telenovela. Le théâtre de l’opprimé et le théâtre épique de Bertolt Brecht sont des outils extraordinaires pour construire la démocratie participative, raison d’être et moteur de la révolution bolivarienne.
En 2024, le plan implique la formation, la pratique, la réflexion et le suivi. Depuis une collaboration avec des clowns impliqués dans le mouvement des squats au Brésil, puis des exercices à petite échelle de théâtre de l’opprimé, vers des formes plus élaborées de théâtre épique. Pour renforcer notre travail, nous avons également fait appel à un extraordinaire metteur en scène et dramaturge brésilien: Sérgio De Carvalho et sa Compañía do Latão, axée sur le théâtre épique.

Photos : atelier de théâtre épique avec Douglas Estevam au sein du projet d’auto-construction de Jorge Rodríguez Padre à Antímano, Caracas.

Venezuelanalysis – Tu produis ou réalises aussi des documentaires. Comment cela fonctionne-t-il ?

Thierry Deronne
– Certains documentaires sont réalisés en collaboration directe avec des organisations sociales. Prenons l’exemple de « Marcha », centré sur la marche paysanne de 2018. Une grande partie du matériel provenait des paysan(ne)s eux-mêmes. À la fin, nous avons monté le matériel et les paysans nous ont guidés dans ce processus. Il y a aussi des films comme « Nostalgiques du futur » [2023], un documentaire sur le féminisme populaire qui nous a permis de visiter de nombreux territoires où les femmes s’organisent, et de tisser des liens entre les différentes luttes. Nous travaillons actuellement sur un documentaire qui explore les économies communales, celles qui veulent substituer le capitalisme encore majoritaire au Venezuela. Il y a aussi des documentaires réalisés directement par une organisation. Par exemple, notre formatrice Lana Vielma et d’autres communard(e)s d’El Maizal réalisent un documentaire sur les assemblées dans les zones reculées de la commune. L’une des tâches urgentes reste le renforcement de notre école de cinéma documentaire. Comme je te disais, faire les images de notre processus révolutionnaire est vital. La transmission générationnelle est un défi stratégique pour toutes les révolutions; si le fil est rompu, nous savons comment l’Empire en tire parti. Par ailleurs, pour vivre et grandir, les révolutions exigent un processus continu de « révision, rectification et réimpulsion » pour parler comme Chávez… Réduire la communication au marketing est une menace pour l’existence de la révolution et même de la nation.

Propos recueillis par Cira Pascual Marquina

Sources : https://venezuelanalysis.com/interviews/communication-by-and-for-the-people-a-conversation-with-thierry-deronne-part-i/ et https://venezuelanalysis.com/interviews/vicissitudes-of-grassroots-media-a-conversation-with-thierry-deronne-part-ii/

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/02/01/laventure-de-la-television-populaire-au-venezuela-entretien-avec-thierry-deronne-venezuelanalysis/

Comment soutenir une école révolutionnaire de communication pour les mouvements sociaux d’Amérique Latine ?

Photo: Rien qu’en 2023, notre école a offert près d’une quarantaine d’ateliers aux organisations communardes ou autres dans l’ensemble du Venezuela.

L’école itinérante de communication des mouvements sociaux « Hugo Chávez » arrive à ses trente ans de travail au Venezuela et en Amérique latine. Des milliers de compagnes et compagnons des mouvements sociaux ont été formé(e)s pour créer non pas simplement de « nouveaux médias » mais des médias d’un type nouveau. Après ses premiers pas au Nicaragua en 1986, l’école a jeté l’ancre au Venezuela, en 1994. Ce passage d’un pays à l’autre nous le devons aux compagnes féministes vénézuéliennes rencontrées dans les montagnes du Nicaragua, en pleine révolution sandiniste.

Au Venezuela, la vitalité et la capacité de résistance de la révolution, après 24 ans, s’explique par l’Histoire populaire profonde, anticoloniale et antiesclavagiste, ainsi que par la relation créatrice entre organisations populaires et gouvernement bolivarien. Le processus n’est pas parti de la gauche classique – historiquement minoritaire, souvent éloignée des secteurs populaires – mais de la synthèse opérée par Hugo Chávez entre des militaires patriotes de milieu populaire et un peuple capable de s’organiser par lui-même. Aux antipodes de l’image sédimentée par les médias occidentaux, la révolution bolivarienne est une machine à démocratiser en profondeur le champ politique, une démocratie révolutionnaire qui croit dans les autogouvernements populaires. Ce dialogue entre organisations et gouvernement bolivarien est ouvert en permanence. Il revêt une importance toute particulière en 2024, au moment où Nicolas Maduro s’efforce de résorber les énormes dettes sociales, culturelles et existentielles qu’ont généré pour la population dix ans d’un blocus et d’une guerre économique cruelle organisés par l’Occident.

Les 13 et 14 décembre 2023, notre école de communication a été invitée parmi une centaine d’autres organisations à la rencontre nationale « Voces Populares Hablan para la Construcción de una Agenda Común » (« Des voix populaires parlent pour construire un agenda commun »), organisée par le Ministère des Communes et des Mouvements Sociaux. L’objectif du ministère était d’écouter des propositions. « C’est ici que nous allons développer l’agenda. Si nous perdons le pouvoir politique, nous perdons tout. C’est pourquoi nous devons nous articuler. » a expliqué le ministre Jorge Arreaza. Ce type de réunion est organisé dans d’autres pays d’Amérique Latine, là où ont été élus des gouvernements progressistes – comme dans la Colombie de Gustavo Petro ou dans le Brésil de Lula.

A Caracas, les porte-parole des mouvements sociaux ont élaboré leurs propositions au terme de cinq tables de travail. A celle de la Communication populaire – où la compagne féministe Aimee Zambrano du collectif militant de création visuelle UTOPIX était également présente -, Thierry Deronne, au nom de l’École, a tiré le bilan de 24 ans de politiques de communication et fait plusieurs propositions dont :

  • la refonte totale de l’enseignement universitaire de la communication sociale;
  • la création d’une école nationale de communicateurs populaires basée sur un nouveau paradigme;
  • la démocratisation radicale de la propriété des médias (et que le Venezuela appuie le lancement d’une loi internationale en ce sens !);
  • la remise de l’État au service de la communication populaire;
  • la multiplication des concessions légales pour les médias populaires;
  • un projet d’ingénierie numérique pour créer un type de réseaux sociaux libéré du métabolisme narcissique et éphémère de ceux que nous employons par défaut, créés par la « Silicon Valley ».

« Depuis 30 ans, la gauche semble redécouvrir chaque matin la mainmise écrasante du capitalisme sur les médias. Mais elle a bien peu fait pour l’empêcher ou pour penser de nouveaux médias alors que Chomsky, Ramonet, Bourdieu, Sean Mac Bride (UNESCO), Godard, Mattelart, etc… avaient tout expliqué et proposé à partir des années 80. Jusqu’à quand la gauche laissera-t-elle les médias et les réseaux aux mains du Capital et attendra les bras croisés que cet immense pouvoir de facto altère les résultats électoraux (Argentine, Equateur etc…), favorise les coups d’État (Dilma, Lula, Evo, Castillo etc…) ou les prépare (Petro, etc…) ?« 

Ces propositions s’enracinent dans nos trente ans de travail. Au terme d’une enquête que nous avons menée en 2014-2015 sur les 35 télévisions communautaires existantes au Venezuela, une des leçons centrales fut que dans une culture de capitalisme dominant, on ne peut créer un média de but en blanc, mais comme l’aboutissement d’un patient travail de formation collective, intégrale, au sein de l’organisation. Ce processus doit transmettre l’idée fondamentale que « ce n’est que d’une technique qu’on peut déduire une idéologie ». Un média n’est pas révolutionnaire parce que son discours l’est, mais parce que son organisation l’est : ses relations de travail internes, ses processus de formation et de production, sa relation avec le peuple en général. Il n’y a pas de technique neutre, même si le capitalisme a naturalisé celle de « vendre » les programmes à des consommateurs passifs. Pour le directeur du Tricontinental Institute, l’historien indien Vijay Prashad : « Nous ne voulons pas créer un « CNN socialiste ». Nous ne voulons pas copier les médias capitalistes. Nous devons créer des médias socialistes non seulement par leurs contenus mais aussi par leurs formes. Alors les institutions apparaîtraient sous un jour totalement différent. Nous voulons que les paysans soient les médias. Nous voulons que les syndicalistes soient les médias ». Pas de socialisme vivant sans participation populaire directe dans la construction d’une information plurielle, sans émancipation généralisée des consciences et capacité collective de s’orienter dans le monde.

Rien qu’en 2023, notre école a offert près d’une quarantaine d’ateliers aux organisations communardes ou autres dans l’ensemble du Venezuela. Du 16 novembre au 14 décembre, la Cinémathèque Nationale du Venezuela a organisé un atelier sur le thème «Comment et pourquoi faire du film documentaire dans une révolution ? ». Son objectif est résumé par le documentariste et scénariste cubain Julio García Espinoza : «Un cinéma révolutionnaire exige avant tout de montrer le processus des problèmes. C’est-à-dire le contraire d’un cinéma qui se consacre essentiellement à célébrer les résultats. Le contraire d’un cinéma autonome et contemplatif qui « illustre bien » les idées ou concepts que nous possédons déjà. »

L’atelier a permis aux mouvements sociaux de comprendre le rôle du documentaire dans plusieurs contextes révolutionnaires du XXème siècle en analysant de manière participative des documentaires de Dziga Vertov, Camila Freitas, Tatiana Huezo, Marta Rodríguez, Barbara Kopple, Joris Ivens, Marceline Loridan, Patricio Guzman, Carolina Rivas, Agnès Varda, Sara Gomez, Santiago Alvarez, etc… Le documentaire offre de nombreuses fonctions vitales à la révolution : mémoire, agitation/propagande, critique, transmission d’expériences de peuple en peuple, étude approfondie de la réalité, école de création populaire. Il permet aussi inventer aussi un langage libérateur – en permettant la relation égalitaire entre « filmé(e)s » et « filmeur(se)s », jusqu’à la transformation de ces dernier(e)s, ou en créant l’égalité entre les sons, entre les images, et entre le son et l’image. Plus qu’une « description réaliste» on peut le voir à cet égard comme l’essai de nouvelles relations sociales. A la fin de l’atelier sont nés plusieurs projets de documentaires collectifs, notamment à partir du mouvement afrodescendant et du mouvement des autoconstructrices (photos de l’atelier ci-dessous).

Autre type d’atelier offert en 2023 : le théâtre, pour lequel nous avons invité Douglas Estevam et Maria da Silva du Mouvement des Sans Terre. Julian Boal formateur du Théâtre de l’Opprimé a lui aussi apporté ses efforts pour que les femmes autoconstructrices d’Antimano organisent leur groupe de théâtre. Là aussi « ce n’est que d’une technique que l’on peut déduire une idéologie » : la forme du Théâtre de l’Opprimé ou du théâtre épique rompt en pratique avec la forme du théâtre bourgeois où « certains ont le droit d’être en scène, alors que d’autres n’ont que le droit d’être spectateurs » (Julian Boal).

Photo: Douglas Estevam du Mouvement des Sans Terre du Brésil lors de son atelier de théâtre épique avec les autoconstructrices d’Antimano (Caracas)

2024 sera l’occasion de poursuivre dans cette voie avec le Mouvement des Sans Terre du Brésil et d’autres collectifs théâtraux brésiliens. Des étudiants haïtiens formés en agroécologie au Venezuela et qui ont reçu un atelier de notre école en 2022 souhaitent recevoir chez eux, dans l’île, un atelier qui sera organisé dès février. Au Venezuela, 2024 s’annonce aussi comme une étape intense de nouvelles productions – plusieurs documentaires seront produits pour décrire l’émergence d’un monde nouveau, par exemple sur l’économie communarde – et de renforcement du système de communication inter-communal, avec le déplacement des équipes de formation d’une commune à l’autre. Les photos de Rusbeli Palomares, jeune fille de 14 ans et coordinatrice de la communication de la Commune « Che Guevara » dans les Andes, expriment les fruits de la formation visuelle autour du besoin de créer un imaginaire communard (voir ci-dessous).

Comment nous aider ?

Dans ce contexte de demande croissante de formation des organisations populaires, nous voulons faire un saut décisif. Avec plus de matériels, plus d’équipes de formation. Nous voulons aussi acquérir un moyen de transport collectif pour sillonner le pays (dans le style de la photo ci-dessous.)

Vous pouvez nous apporter votre aide via ce compte. Merci d’avance pour votre solidarité.

Compte Crédit Mutuel 00020487902

Titulaire: LIHP, 25 RUE JEAN JAURÈS, 93200 ST DENIS

Code IBAN: FR76 1027 8061 4100 0204 8790 256

Code BIC: CMCIFR2A

SVP ne mentionner que : « Soutien école communication »

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/12/26/comment-soutenir-une-ecole-revolutionnaire-de-communication-pour-les-mouvements-sociaux-damerique-latine/

L’Amérique latine face au génocide du peuple palestinien

Photo: affiche appelant à une mobilisation au Mexique le 5 novembre avec la liste des organisateurs. Ce meeting a réuni environ 10 mille personnes.

Par contraste avec le silence relatif des gouvernements arabes de la région (sauf la Jordanie et l’Algérie) et en rupture totale avec la plupart des gouvernements occidentaux, l’Amérique latine – ses gouvernements et ses peuples -, font preuve d’une solidarité croissante avec le peuple palestinien face au génocide commencé par Israël en 1948 et soutenu par les États-Unis et l’Union Européenne.

Tandis que les (extrêmes) droites latino-américaines – soutenues par les groupes médiatiques liés à la vente d’armes, s’alignent sur l’extrême droite de Netanyahu et gomment 75 ans d’occupation, de colonisation et de nettoyage ethnique, les présidents du Venezuela, de Cuba, du Nicaragua, du Honduras, de Colombie ou du Brésil, entre autres, rejoignent l’avis de la Chine exprimé par l’ambassadeur Zhang Jun au Conseil de Sécurité : « Nous nous opposons au projet de créer un nouveau récit sur la question israélo-palestinienne qui occulte l’occupation du territoire palestinien depuis si longtemps ». Le 25 octobre, le président Lula a résumé l’opinion générale : « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide ». Une position qui lui a valu la vengeance et la pression de Tel Aviv qui, pendant plus d’un mois, a refusé d’autoriser 32 Brésilien(ne)s-Palestinien(ne)s et leurs familles à quitter Gaza. Ce n’est que le 13 novembre que le président Lula a enfin pu les accueillir à Brasilia. Revenant sur le massacre de plus de 4.600 enfants palestiniens par Israël, il a déclaré à cette occasion : « je n’aurais jamais pensé que les enfants puissent devenir les victimes privilégiées d’une guerre« . Ajoutant : « si le Hamas a commis un acte terroriste, alors Israël est un État multi-terroriste.« 

De Sao Paulo à Mexico Ciudad, les mouvements sociaux se mobilisent et font pression pour que les gouvernements rompent avec Israël et prennent des mesures pour stopper le génocide. Non sans succès. Le 31 octobre, le gouvernement bolivien de Lucho Arce a rompu ses relations diplomatiques avec Israël après que l’ex-président bolivien Evo Morales et les militant(e)s de base du MAS le lui ont demandé, ainsi que de déclarer Israël État terroriste. C’est le premier pays d’Amérique latine à rompre ses liens avec Tel Aviv depuis le 7 octobre. Le Venezuela l’avait déjà fait en 2009, lors d’un énième génocide du peuple palestinien. « Quel terrible massacre vient encore de commettre Israël ! Où est l’ONU ? Où est la Cour pénale internationale ? Où est le monde ? » s’était exclamé Hugo Chávez qui déclarait un an plus tard : « Si le monde avait un peu de dignité, les présidents d’Israël ainsi que des USA seraient depuis longtemps traduits devant la Cour pénale internationale. »

Photo : Mars 2013. Des citoyens palestiniens déploient un portrait de Hugo Chávez face à l’occupant israélien.

Autre mouvement social d’envergure, et qui ne se contente pas de mots, le Mouvement des Sans Terre du Brésil (MST) a envoyé le 30 octobre deux tonnes de nourriture de sa production aux habitant(e)s de Gaza. La cargaison de riz, de farine de maïs et de lait en poudre a été transportée par un avion de l’armée de l’air brésilienne. Le Mouvement a envoyé au total 100 tonnes de nourriture, avec le soutien du gouvernement Lula. La dirigeante nationale des Sans Terre Cassia Bechara souligne l’importance de la solidarité avec le peuple palestinien : « Les personnes qui ne meurent pas des bombardements risquent fort de mourir de faim, de manque d’eau potable, de manque de nourriture, ce qui explique l’urgence de cette action. Depuis le 21 octobre, l’aide humanitaire arrive par la frontière égyptienne, mais l’ONU et les organisations travaillant à Gaza font savoir que le volume est devenu nettement insuffisant, ne passe plus qu’au compte-goutte. C’est pourquoi nous devons exiger un cessez-le-feu et garantir les moyens de la solidarité avec le peuple de Gaza. ». Le 3 novembre un autre mouvement social, le Mouvement de Travailleurs de l’économie informelle de Buenos Aires, a collecté 10 tonnes de nourriture pour les envoyer au peuple de Gaza avec l’appui du Ministère des Affaires Étrangères argentin et du Croissant Rouge Égyptien.

Photos : le Mouvement des sans Terre organise la solidarité avec la Palestine, où il a envoyé plusieurs brigades de coopération ces dernières années.

Depuis le Venezuela bolivarien, le président Nicolas Maduro (1) a très vite fait expédier 30 tonnes d’aide d’urgence alimentaire après avoir conversé avec l’Autorité Palestinienne. « Nous montrons une fois de plus au monde que le Venezuela et la Palestine sont des peuples frères, qu’ils cherchent l’inspiration d’un monde nouveau, sans domination et sans empire » a déclaré l’ambassadeur de Palestine au Venezuela, Fadi Alzaben, lors de la mobilisation populaire organisée le 26 octobre dans les rues de Caracas par le #PSUV, principal parti chaviste, pour dénoncer le génocide commis par l’État d’Israël avec la complicité directe de l’Occident. Le 31 octobre, le Venezuela a dénoncé catégoriquement « le génocide perpétré par l’État d’Israël contre le peuple palestinien et le bombardement du camp de réfugiés de Jabalya » et a réitéré son exigence de l’application des résolutions de l’ONU et du Droit International constamment ignorés par Israël. Le 6 novembre, aux côtés de Fadi Alzaben, le président Maduro a dénoncé « 75 ans de racisme, de déshumanisation par les suprémacistes d’Israël. Le monde doit se lever pour mettre fin à temps au génocide du peuple palestinien« .

De son côté, dans son communiqué, le gouvernement nicaraguayen a ajouté sa voix à la dénonciation du génocide. « Nous condamnons fermement, comme toujours, la tragédie qui ne cesse de s’aggraver, face à l’arrogance, à l’aveuglement, à l’incompréhension et à l’inaction de la communauté internationale et en particulier de l’ONU« .

Bien que proche de Washington en politique étrangère, Gabriel Boric, président du Chili – où vit une communauté palestinienne nombreuse-, a rappelé le 31 octobre son ambassadeur à Tel Aviv, sans rompre toutefois les relations diplomatiques. Dans son communiqué, Boric dénonce « les plus de 8000 palestinien(ne)s tués lors d’un châtiment collectif qui viole de manière flagrante le droit international ». Le président colombien Gustavo Petro (qui n’avait pas rompu ses relations avec Israël comme certains l’ont cru) a rappelé, lui aussi, son ambassadrice à Tel Aviv : « si Israël ne cesse pas de massacrer les Palestiniens, nous ne pouvons rester là-bas. » Le mandataire colombien a publié sur son compte Twitter la photo d’un des massacres commis par l’État d’Israël : « C’est ce qu’on appelle un génocide. Ils le font pour faire sortir le peuple palestinien de Gaza et s’en emparer. Le chef d’État qui commet ce génocide est un criminel contre l’humanité. Ses alliés ne peuvent pas parler de démocratie. »

Israël l’a aussitôt accusé « d’appuyer le Hamas » (sic), à quoi Petro a répondu : « La Colombie n’appuie pas les génocides. » Le lendemain, lorsque Israël a bombardé un autre camp de réfugié(e)s, celui d’Al-Bureij, il a réagi: « La bombe que vous voyez dans la vidéo est composée de phosphore blanc. Ce produit chimique colle à la peau et pénètre jusqu’à l’os. Elle tue en provoquant une douleur intense. Elle a été larguée par l’État d’Israël. Le lieu où la bombe est larguée appartient aux Nations Unies, là où ces enfants sont en train de jouer. Le droit international qualifie cela comme crime de guerre. Le droit international ne doit pas être utilisé contre des rivaux, par commodité ; il lie toutes les nations de la terre, tous les peuples du monde. Le criminel de guerre, quelle que soit sa religion, son idéologie ou sa nation, doit être jugé et emprisonné. » (2)

Le 2 novembre 2023, alors que le Ministère de la Santé de Palestine informait que plus de 9000 personnes ont été tuées et 32000 blessées, Cuba a pris la parole à l’Assemblée Générale de l’ONU – où il venait de recevoir pour la 31ème fois un appui quasi unanime pour exiger la levée du blocus cruel des États-Unis. Le délégué cubain a dénoncé la complicité de Washington « avec le crime massif contre l’Humanité commis par Israël à Gaza« .

Le 3 novembre à Caracas, le Ministère des Affaires Étrangères du Venezuela, l’Ambassade de Palestine et l’Institut Simon Bolivar pour la Paix et la Solidarité entre les Peuples ont organisé la conférence pour le droit d’exister de la Palestine, pour le cessez-le-feu, et dénoncé le génocide commis par Israël (photos ci-dessous). Le même jour, le Honduras présidé par Xiomara Castro est devenu le troisième pays d’Amérique latine à rappeler son ambassadeur en Israël pour protester contre le nettoyage ethnique à Gaza. Le 14 novembre le Belize a suivi en rappelant ses diplomates à Tel Aviv et en supprimant l’accord de recevoir un ambassadeur israélien dans son pays (voir déclaration officielle ci-dessous).

Photo: 29 novembre 2023. L’Amérique Latine se mobilise contre le génocide.

Thierry Deronne, Caracas, le 1 novembre 2023.

Notes :

(1) Lire « le premier acte de politique étrangère du gouvernement Maduro : défendre les droits du peuple palestinien » (2013) https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/18/premier-acte-de-politique-etrangere-du-gouvernement-maduro-defendre-les-droits-du-peuple-palestinien/

(2) Tweet du président Gustavo Petro avec la vidéo du bombardement au phosphore d’un camp de réfugié(e)s par Israël le 2 novembre 2023 : https://twitter.com/petrogustavo/status/1720060619032809874

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Photos :

Photo 1 et 2. La #Nakba ou l’exode forcé des Palestiniens en 1948, lors de la création de l’État d’Israël. Comprendre comment la Nakba de 1948 a été planifiée en détail et exécutée, et comment le monde n’a pas réagi, permet de comprendre la Nakba actuelle. A l’époque déjà, Israël disait que le nettoyage ethnique de la Palestine compensait l’Holocauste et des siècles d’antisémitisme en Europe.
Le «oui-mais-condamnez-vous-le-Hamas?» est une injonction médiatique qui vise à culpabiliser, sidérer l’interlocuteur pour l’empêcher de s’exprimer et d’agir. Comme l’explique l’historien israélien Ilan Pappe dans son nouveau texte : « La déhistoricisation aide Israël à poursuivre ses politiques génocidaires à Gaza. »
Photo 3 : la dernière photo de Gaza prise par Roshdi Sarraj, un des journalistes palestiniens assassinés par dizaines lors de ce septième génocide commis par l’État d’Israël depuis 2008.
Photo 4 : Fadia, sa femme Nour et leur bébé Fayrouz, trois rires que l’État d’Israël a fait taire à jamais.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/11/01/lamerique-latine-face-au-genocide-du-peuple-palestinien/

Le Venezuela donne un coup d’accélérateur aux autogouvernements populaires.

La révolution bolivarienne est une machine à démocratiser en profondeur le champ politique, notamment par la mise en place de différents types d’autogouvernements populaires, la plupart du temps sous la forme de communes mais aussi sous d’autres formes d’organisation. Ce mouvement puise ses racines dans l’histoire populaire de résistance au colonialisme et notamment dans la création de cumbes afro-descendants par des ex-esclavisé(e)s fugitif(ve)s, ancêtres d’une grande partie des communes actuelles. Il faut y ajouter les racines du « bien commun » indigène et, bien sûr, la révolution bolivarienne initiée par Hugo Chávez qui a synthétisé ces racines avec le marxisme et la pensée du « gouvernement territorial » (« toparquia« ) de Simon Rodríguez, le tuteur de Simón Bolívar.

Il y a dans ce mouvement une forte vitalité. Cependant ce n’est encore qu’une minorité de la population qui vit dans ces territoires organisés. Il faut beaucoup travailler pour transformer « l’esprit de la commune » (Hugo Chávez) en « sens commun » dans un pays où l’économie privée et les médias commerciaux occupent encore une place dominante : « Il ne faut pas continuer à ouvrir des usines qui sont comme une île entourée par la mer du capitalisme, car la mer les engloutit. Il faut  » implanter l’esprit socialiste tout au long de la chaîne, depuis le travail de la terre jusqu’au système de distribution et de consommation. » (Hugo Chavez, 2012). C’est pourquoi, ces dernières années, les communes les plus avancées ont envoyé des brigades de l’Union Communarde (« Union Comunera« ) dans tout le pays pour rencontrer d’autres groupes en train de s’organiser, encourager les initiatives naissantes et les sortir de leur isolement. Cette aventure démocratique est racontée dans notre documentaire « Nostalgiques du futur » (1). Un des objectifs est de dépasser le capitalisme en créant des circuits économiques intégraux, du producteur au consommateur, autour de produits tels que le café, le cacao, le poisson, etc… Des « routes communales » pour garantir un commerce équitable et direct, sans intermédiaires.

Photo : réunion de travail dans la commune populaire « Cinco Fortalezas » (Cumanacoa, état de Sucre). « Dans le temps et l’espace communal, la part la plus atomisée de l’être humain se brise et commence le moment de l’unité. Ce passage du moi individuel au moi collectif est atteint à partir de toutes les luttes quotidiennes que nous, communardes et communards, vivons au jour le jour pour satisfaire nos besoins. » dit Nacho, membre de la Commune Che Guevara.

Ce 20 octobre 2023 on commémorait au Venezuela les onze ans du « changement de cap », une réunion télévisée de 2012, passée à la postérité, où le président Hugo Chávez avait sévèrement critiqué ses ministres pour leur mollesse dans l’appui à la construction de cette démocratie directe parallèle à la démocratie représentative, et lancé son célèbre « la commune ou rien !« 

Onze ans plus tard donc, Nicolas Maduro et ses ministres ont rencontré les communes – autogouvernements populaires -, lors d’un vaste meeting à Caracas pour dresser la liste des avancées, des problèmes et des propositions des milliers de communard(e)s venu(e)s de tout le Venezuela.

Le président a d’abord demandé au gouvernement d’acheter la production communarde en priorité : « le Conseil des vice-présidents disposera de 72 heures pour établir un mécanisme efficace permettant d’intégrer la production des communes dans le programme national de marchés publics. Il y a des problèmes à résoudre et nous devons les résoudre sur la base des propositions qui viennent de la base, du peuple organisé » a souligné le chef de l’État, qui a par ailleurs ordonné de reprendre l’autoconstruction comme méthode pour faire avancer la Grande Mission Sociale « Logement Venezuela » (2) : « Cette mission doit être planifiée non pas depuis le ministère, mais depuis le territoire avec le peuple organisé. Le projet du pouvoir populaire est vital si nous voulons avancer dans la construction d’une nouvelle société« .

Autres mesures annoncées par le président bolivarien pour soutenir les autogouvernements populaires :

– Transfert de 15 entreprises industrielles au pouvoir populaire.

– Transfert immédiat de 48 locaux de Mercal et PDVAL (magasins d’aliments subventionnés par l’État), qui seront réactivés dans le cadre de la création de la Corporation nationale labellisée « Produit par les Communes ».

– Approbation de 348 millions 665.020 bolivars pour la promotion de 43 circuits économiques communaux (circuits économiques intégraux, du producteur au consommateur, autour de produits tels que le café, le cacao, le poisson, etc… pour garantir un commerce équitable et direct, sans intermédiaires.).

– 130 projets présentés par les communard(e)s liés à l’électricité, l’eau, la santé, l’environnement, le gaz et le logement seront financés.

« A mesure que nous récupérerons le revenu national avec la levée partielle des sanctions par les États-Unis, toute rentrée d’argent dans les caisses de l’État ira directement aux circuits économiques communaux, à ceux qui existent et à ceux que nous allons créer » a expliqué Maduro, qui a enfin demandé aux ministres qu’ils lient directement leurs agendas de travail aux besoins du pouvoir populaire : « Vos agendas de travail doivent prendre en compte prioritairement les plans des communes« . Et de conclure : « La grande contribution du président Chávez à la théorie mondiale du socialisme en tant que courant de changement pour la justice et l’égalité est le socialisme construit au plan territorial, communal, dans les quartiers populaires, dans les communautés populaires. Difficile à construire ? Oui, mais essentiel et nécessaire. Il faut un maximum de pouvoir au peuple !« 

Thierry Deronne, Caracas, le 20 octobre 2023.

Notes :

(1) on peut voir ce documentaire en ligne : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/06/08/nostalgiques-du-futur-en-ligne-les-mutins-de-pangee/

(2) Ce vaste programme gouvernemental créé par Hugo Chávez en 2012 vise pour 2025 l’objectif de 5 millions de logements bon marché remis au familles populaires.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/10/21/le-venezuela-donne-un-coup-daccelerateur-aux-autogouvernements-populaires/

Révolution dans la révolution au Venezuela : le peuple organise la souveraineté alimentaire

Pueblo a Pueblo (De peuple à peuple) est une organisation populaire de production, distribution et consommation d’aliments, qui met en relation les producteurs agricoles et les citadins. Ce faisant, le projet rompt avec le despotisme du marché capitaliste. Dans les parties I, II et III de cet article en quatre parties de la série Communal Resistance, les porte-parole de Pueblo a Pueblo parlent de la méthode et de l’histoire de leur organisation et de la transition vers un modèle souverain et agroécologique. Dans cette dernière partie de la série, nous découvrons l’effort de l’organisation pour distribuer des aliments dans les écoles et ses liens avec la Commune de Chávez et Bolívar.

Photos : Antonio Bracamonte est producteur à Carache et porte-parole de la Commune Chávez et Bolívar | Carmen Marquina est productrice à Carache et porte-parole de la Commune Chávez et Bolívar | Gabriel Gil est membre de l’équipe de coordination de Pueblo a Pueblo | Italo Román est producteur à Carache | Laura Lorenzo est coordinatrice nationale de Pueblo a Pueblo (Voces Urgentes)

Des fruits et légumes pour les écoles

Après une rencontre en 2021 avec le président Maduro, Pueblo a Pueblo est devenu une source de repas frais pour les écoles vénézuéliennes.

Laura Lorenzo : En ce moment même, nous distribuons de la nourriture à près de 300 écoles, leur fournissant ainsi les produits dont elles ont besoin pour préparer des repas équilibrés pour quelque 100 000 enfants. C’est particulièrement important à un moment où le blocus occidental a affecté la nutrition des enfants. Pueblo a Pueblo le fait sans intermédiaire et offre un accompagnement sur place pour diversifier et équilibrer les repas scolaires.

Notre initiative de distribution de nourriture dans les écoles fonctionne actuellement dans sept États [Caracas, Miranda, Lara, Anzoategui, Trujillo, Barinas et Portuguesa]. Bien qu’elle soit gérée en collaboration avec le programme d’alimentation scolaire du gouvernement [connu sous le nom de PAE], notre travail dans ce domaine obéit au principe de base de Pueblo a Pueblo : travailler avec des communautés organisées à la fois sur la production et la consommation d’aliments.
Lorsque nous commençons à travailler avec une nouvelle école, nous ne nous contentons pas de livrer des produits. Nous rencontrons également la communauté, nous l’impliquons dans le processus et nous travaillons avec ceux qui cuisinent, afin que les repas soient équilibrés et sains. Enfin, nous contribuons à la mise en place d’un réseau de livraison de fruits et légumes provenant de producteurs locaux, encourageant ainsi la consommation de produits locaux.

DÉBUTS ET DÉVELOPPEMENT

Laura Lorenzo : La distribution de produits dans les écoles remonte aux débuts de Pueblo a Pueblo. Nous l’avons d’abord fait ici, à Carache [État de Trujillo]. Nous avons commencé par l’école Mesa Arriba et, vers 2017, nous avons étendu notre action à 46 écoles dans le cadre d’un accord avec la Corporation nationale d’alimentation scolaire (CNAE). En d’autres termes, nous avons approvisionné les 35 écoles de Carache plus 11 à Caracas, y compris les écoles des barrios 23 de Enero et San Agustín.

En août 2021, après la publication d’un article sur Pueblo a Pueblo, le président Maduro nous a convoqués à une réunion. Il nous a demandé de fournir de la nourriture à 600 écoles. Plus important encore, le président a demandé que la méthodologie de Pueblo a Pueblo soit « copiée » dans les initiatives de distribution de nourriture promues par le gouvernement. La nouvelle phase a débuté en novembre 2021, après avoir surmonté de nombreux obstacles administratifs et bureaucratiques. En effet, le ministère de l’Alimentation, qui est chargé de la passation des contrats avec les « fournisseurs », ne passe pas de contrat avec des entreprises communales ou d’autres entités non privées.

La demande initiale du Président Maduro était de faire appel à Pueblo a Pueblo pour distribuer 600 tonnes de produits aux écoles. Cependant, la première « commande » du ministère de l’alimentation était inférieure à 300 tonnes, et nous en sommes actuellement à 100 tonnes de produits pour 100 000 enfants. Néanmoins, nous avons la capacité de distribuer 600 tonnes et nous sommes sûrs que nous finirons par distribuer cette quantité. Notre travail avec les écoles permet non seulement de fournir des aliments sains aux enfants tout en bénéficiant aux producteurs, mais il contribue également à renforcer les organisations de base autour des centres éducatifs.

Gabriel Gil : Notre travail dans les écoles n’a pas été facile parce qu’il y a beaucoup d’obstacles bureaucratiques. En outre, une poignée de conglomérats alimentaires contrôle la majeure partie de la distribution des aliments dans les 22 000 écoles réparties sur le territoire national. Quoi qu’il en soit, il en a toujours été ainsi : le mouvement populaire doit se faire de la place pour que les alternatives de base puissent se développer.

Photo : distribution de nourriture à l’école Pueblo a Pueblo (Voces Urgentes)

La commune « Chávez et Bolívar

Située sur les pentes de Carache, dans l’État de Trujillo, siège de De Pueblo a Pueblo, cette commune (autogouvernement populaire) dispose d’un réseau de champs productifs et, surtout, regroupe 788 familles paysannes.

Antonio Bracamonte : La commune est l’héritage le plus important de Chávez, car elle nous rassemble et ravive l’esprit de communauté, de coopération et de solidarité que le capitalisme arrache aux travailleurs. Lorsque le Comandante a commencé à parler de communes, Chávez et Bolívar a été l’une des premières communes à s’organiser, bien que notre enregistrement « formel » ait eu lieu plus tard, en 2013. Bien sûr, la construction d’une commune n’est pas toujours un processus linéaire. Nous avons connu des avancées et des reculs au fil des ans. Plus récemment, en 2019, nous avons reçu un camion du gouvernement, ce qui est fondamental pour acheminer les récoltes hors de la vallée. Cependant, la commune a perdu le contrôle direct du véhicule : un « mauvais acteur » institutionnel a conspiré contre nous. Aujourd’hui, nous travaillons d’arrache-pied pour récupérer le camion, et tout ce problème sera bientôt résolu. La justice l’emportera !
Italo Román : Hugo Chávez et Simón Bolívar ont fait de grands pas vers la souveraineté, et c’est pourquoi notre commune porte leur nom. Pour moi, la commune est la forme la plus élevée de gouvernement, car c’est là que nous, le peuple, décidons de ce qui doit être fait et de la manière de le faire. Dans une commune, c’est la communauté organisée – et non les patrons, les maires ou les gouverneurs – qui est aux commandes et qui fixe les règles du jeu. De plus, notre expérience montre que les communes sont de bons mécanismes pour résoudre les problèmes plus efficacement. Il y a quelque temps, nous avons obtenu des fonds pour réparer la route de Caingó. En nous appuyant sur l’autogestion et l’autoconstruction, nous avons pu réparer deux fois plus de route que prévu. À peu près au même moment, nous avons obtenu des ressources pour construire deux maisons pour des familles vulnérables, et nous avons pu étendre les fonds et en construire quatre à la place. La commune a été bonne pour nous et nous sommes bons pour la commune !

Carmen Marquina : Je suis l’une des fondatrices de la commune et je me souviens que les premières années ont été à la fois difficiles et merveilleuses. Nous étions habitués à prendre des décisions en assemblée, mais il n’était pas facile de s’y retrouver dans les procédures administratives. Avec le temps, nous avons appris les tenants et les aboutissants de ces processus et, entre autres, notre conseil communal a obtenu un tracteur, qui est un moyen de production important pour la communauté. Mais le plus difficile, c’est de garder les gens motivés. Au début, certains ne voulaient pas s’engager dans la commune, mais cela a fini par changer… et puis, lorsque le blocus est venu nous frapper, la commune a ralenti, pour repartir de plus belle ces derniers mois. A la Commune Chávez et Bolívar, quand nous trébuchons, nous nous relevons et nous allons de l’avant !

Antonio Bracamonte : Nous avons récemment procédé à des élections pour choisir les nouveaux porte-parole des conseils communaux.Nous sommes en règle avec la loi [rires]. Le processus n’a pas été facile car la perte du camion a été un coup moral pour la commune, mais nous avons tiré des leçons et je ne doute pas que nous nous relèverons et que nous irons de l’avant à nouveau.

CIRCUIT ÉCONOMIQUE COMMUNAL

Antonio Bracamonte : Les « circuits économiques communaux » sont une initiative relativement récente [2022] du ministère des communes qui encourage la production de biens spécifiques – des produits frais au café et à la farine de maïs – dans les territoires communaux.

Carache est une région très productive. Aujourd’hui, bien que nous fonctionnions à 50 % de notre capacité de production [en raison du blocus occidental], environ 40 tonnes de produits frais quittent notre commune chaque mois. Une partie est destinée au marché par l’intermédiaire de Cecosesola [un réseau de coopératives] ; une autre partie est destinée aux écoles et aux ménages populaires par l’intermédiaire de Pueblo a Pueblo ; le reste est vendu à des intermédiaires. Le circuit est un mécanisme supplémentaire pour promouvoir la production, tout en veillant à ce qu’une partie du surplus revienne à la commune. Lors de nos réunions avec les représentants du ministère, nous avons déterminé que nous pouvions produire 27 cultures stratégiques – des tomates aux oignons et tout ce qui se trouve entre les deux – sur notre territoire. Cependant, nous avons besoin de ressources pour y parvenir, en particulier de semences et d’intrants. Jusqu’à présent, nous avons reçu un petit crédit non remboursable et les producteurs des sept conseils communaux ont reçu une quantité modérée de semences. Cela nous aidera à augmenter la production, bien que lentement.

Le circuit communal ouvrira également de nouvelles voies de distribution. Actuellement, la commune, en tant qu’entité, ne peut pas vendre légalement sa production, car des obstacles administratifs et bureaucratiques l’empêchent de le faire. L’objectif est d’éliminer ces obstacles et de promouvoir ainsi la distribution communale ici et dans tout le pays. L’idée du Circuit Communal est similaire à la philosophie de Pueblo a Pueblo : les deux visent à supprimer la logique du marché et à remettre l’accent sur le monde de la production. En fait, Pueblo a Pueblo fait partie de ce circuit économique. Bien sûr, le Circuit Communal est nouveau ici, et il y a des processus qui doivent être améliorés. Chaque territoire a ses particularités, ses cycles de production et ses besoins. De plus, le financement est faible et n’arrive qu’une fois par an. L’année dernière, nous avons reçu 13 000 dollars en bolivares, mais lorsque nous avons pu y accéder, la somme était tombée à 4 000 dollars en raison de la dévaluation. Nous comprenons les difficultés économiques du gouvernement et nous sommes reconnaissants pour le soutien, mais les processus doivent être rationalisés. Néanmoins, nos espoirs restent grands. Une fois que nous aurons les ressources et les infrastructures nécessaires, nous pourrons augmenter notre production, ce qui sera bénéfique pour la commune et pour le pays.

Tout comme Pueblo a Pueblo, le circuit vise à supprimer les intermédiaires.Une partie de la production ira à d’autres communes par le biais du troc, mais nous voulons aussi approvisionner les écoles et les hôpitaux. Enfin, il y a un obstacle qui découle du blocus économique des USA et de l’UE. Le gouvernement doit répondre à l’urgence suivante : il n’est pas facile d’obtenir du carburant ici. L’une de nos demandes est donc que les petits et moyens producteurs – ceux qui nourrissent réellement le pays – aient accès aux quotas de carburant. Bien entendu, cette demande va au-delà de l’initiative du circuit économique communal et du ministère des communes. Cependant, pour que notre production arrive dans les assiettes des Vénézuéliens, nous avons besoin de carburant.
Dans l’ensemble, le circuit économique communal est une initiative bienvenue. Il permettra de résoudre certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que paysans dans un pays en état de siège, mais il encouragera également l’organisation communale.D’ailleurs, la réactivation actuelle de la Commune de Chávez et Bolívar est liée à l’initiative du Circuit.

Photo : Une assemblée du Circuit économique communal à Carache (Voces Urgentes)

Chávez et les paysans


La loi des terres d’Hugo Chávez [2001] a ouvert la voie à une réforme rurale radicale. Pour conclure cette série d’articles, les porte-parole de Pueblo a Pueblo nous parlent de l’héritage de Chávez dans le campo.
Laura Lorenzo : Chávez a rendu visibles ceux qui étaient invisibles, en particulier les paysans. Le droit à la terre était au cœur de son programme, et il l’a fait alors que tous les pouvoirs politiques et économiques au Venezuela et à l’étranger s’opposaient à une redistribution équitable des terres.

Si vous vous souvenez bien, de nombreux programmes télévisés où Chavez expliquait les politiques publiques, les rouages économiques, les relations internationales, etc…(Aló Presidente) se sont déroulés à la campagne, dans des familles de paysans qui travaillaient dur pour produire. La révolution a donné de nombreux outils aux paysans – de la terre aux semences en passant par les tracteurs et l’enseignement technique – et Chávez lui-même a éduqué les producteurs sur les questions politiques et législatives. En ce qui concerne le campagne, il n’est pas exagéré de dire que Chávez marque un avant et un après.

Antonio Bracamonte : Le « Plan de la Patrie » est notre boussole. Chávez y a tracé une feuille de route pour la souveraineté et le socialisme, et il a répondu avec beaucoup de précision aux besoins des paysans. Il est intéressant de constater que, même si plus de dix ans se sont écoulés depuis la publication du plan – et que de nombreux malheurs sont survenus, comme la mort de Chávez, la guerre économique et le blocus -, lorsqu’on prend le plan et qu’on le lit, on s’aperçoit que le modèle qu’il a développé est toujours d’actualité. Le chemin est long et l’ennemi a fait sa part pour ralentir notre révolution, mais je ne doute pas que nous réussirons tôt ou tard !

Source : enquête de Cira Pascual Marquina et Chris Gilbert publiée sur http://www.venezuelanalysis.com/interviews/15778

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/08/11/revolution-dans-la-revolution-au-venezuela-le-peuple-organise-la-souverainete-alimentaire/

Au Brésil, huit pays latino-américains s’engagent à sauver l’Amazonie (déclaration finale intégrale)

« Avancées limitées » (Le Monde), « Sommet en demi-teinte » (Courrier international), « Un sommet qui n’arrêtera pas la déforestation » (Ouest-France) : les médias du Capital, en soulignant des différences internes, voudraient minimiser la portée historique du sommet qui a réuni les 8 et 9 août à Belém (Brésil) les huit pays du Traité de Coopération Amazonienne (OTCA). Pourtant, les cent objectifs de la déclaration finale témoignent d’avancées concrètes (dont une vingtaine sur la lutte contre la déforestation) qui contrastent avec la lettre morte des COP.

Invitée par le président Lula en compagnie des autres mandataires, la vice-Présidente du Venezuela Delcy Rodríguez a d’emblée proposé plusieurs actions : « déforestation zéro » et cartographie des zones critiques, création d’une banque de semences amazoniennes pour préserver la biodiversité, éradication des activités minières illégales, création du Centre de recherche sur l’Amazonie pour préserver la biodiversité, lancement d’un satellite amazonien permettant la protection de la région. Tout en dénonçant « trois graves menaces que nous ne pouvons pas ignorer : la voracité des transnationales pharmaceutiques et alimentaires, l’externalisation des fonctions de l’État aux mains d’ONGs transnationales et les plans de l’OTAN pour garantir la marchandisation de l’Amazonie. », elle a suggéré aux membres du Traité d’expulser les bases militaires des USA/OTAN/UE qui « surveillent » les richesses naturelles de la région. Le Venezuela est un des rares pays à n’être pas occupé par ces bases (7 en Colombie, 5 au Pérou, 2 au Brésil, 2 en Equateur, etc.). Le président Gustavo Petro a proposé une force militaire commune de protection de la région. Les propositions des peuples autochtones et des mouvements sociaux, formulées lors de la rencontre antérieure au sommet des chefs d’État, ont été prises en compte dans la déclaration finale.

Bien sûr, au sein du camp progressiste latino-américain, le débat sur la politique des ressources naturelles reste ouvert (voir par exemple le point de vue de Rafael Correa sur la position de Gustavo Petro). Mais ces points de vue différenciés renforcent la synthèse commune. Les énergies fossiles sont, comme l’a rappelé le président Petro, le moteur séculaire du capitalisme, et comme pour l’économie de la drogue, c’est au consommateur et principal émetteur de CO2 – l’Occident – de transformer ses pratiques. Par ailleurs l’immense dette sociale des peuples latino-américains – héritée du pillage colonial et du néo-libéralisme -, est une priorité pour les gouvernements de gauche. D’où l’importance de nationaliser les ressources naturelles pour financer des politiques visant à combler les énormes déficits d’éducation, d’alimentation, de santé, de logement, etc.. dont souffrent encore des millions de concitoyen(ne)s. Le débat porte en réalité sur la vitesse de sortie des énergies fossiles. Le sommet d’août 2023 – qui se poursuivra en Colombie en 2025 – montre une compréhension générale de la nécessité de sortir de la dépendance pétrolière entre autres, d’avancer vers les sources alternatives d’énergie, de développer la souveraineté alimentaire, etc.. Cette stratégie se concrétise dans une Amérique Latine où les États reprennent force grâce à des gouvernements capables d’écouter les mouvements sociaux. Les mouvements écologistes occidentaux, immergés dans des sociétés de consommation où les gouvernements ne pèsent plus grand-chose face au capitalisme, ne peuvent pour l’heure rêver de ruptures structurelles.

T. D., Caracas, 10 août 2023

Déclaration finale intégrale

Belém, État du Pará.- Avec la décision de mettre en œuvre les 113 objectifs et principes transversaux de la Déclaration de Belém, s’est achevé ce mercredi le Sommet Amazonien qui a réuni les 8 et 9 août les Présidents et hauts représentants des États parties au Traité de Coopération Amazonienne (OTCA).

Les parties s’engagent à éviter le point de non-retour en Amazonie et ratifient l’engagement de la Région à poursuivre le dialogue, afin de sauver le poumon végétal de 7 millions de kilomètres carrés.

En ce sens, les dirigeants des États parties au Traité de coopération amazonienne (OTCA), réunis dans la ville de Belém do Pará, le 9 août 2023,

Conscients de l’urgence du défi de protéger l’intégralité de l’Amazonie, de lutter contre la pauvreté et les inégalités dans la région amazonienne, et dans le but d’unir leurs efforts pour promouvoir un développement durable, harmonieux, global et inclusif dans la région ;

Gardant à l’esprit les résultats des consultations internes menées par les États parties au niveau gouvernemental et avec la société civile de leurs pays respectifs en vue de ce Sommet ;

Convaincus que la coopération, une vision intégrée et une action collective sont essentielles pour relever les défis politiques, sociaux, économiques et environnementaux de la région amazonienne, notamment ceux liés à la crise climatique, à la perte de biodiversité et à la pollution des eaux, des sols, la déforestation et les incendies de forêt, l’augmentation des inégalités, de la pauvreté et de la faim, dans le but d’empêcher l’Amazonie d’atteindre le point de non-retour ;

Déterminés, par conséquent, à relancer et à actualiser l’agenda commun de coopération entre nos pays, adapté aux nouvelles réalités régionales et mondiales, pour garantir la conservation, la protection et la connectivité écosystémique et socioculturelle de l’Amazonie, le développement durable, le bien-être de leurs populations autochtones, avec une attention particulière aux peuples autochtones et aux communautés locales et traditionnelles en situation de vulnérabilité ;

Soulignant le visage humain de l’Amazonie, la centralité des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles pour la conservation de la biodiversité et des ressources naturelles de la région, la nécessité de garantir le bien-être des populations amazoniennes et la solidarité envers les générations présentes et futures ;

Soulignant l’urgence de convenir d’objectifs communs d’ici 2030 pour lutter contre la déforestation, éradiquer et stopper la progression de l’extraction illégale des ressources naturelles, et promouvoir des approches d’aménagement du territoire et la transition vers des modèles durables avec l’idéal d’atteindre le déboisement zéro dans la Région ;

Réaffirmant les principes de respect de la démocratie, de la dignité des peuples, de l’état de droit, des droits humains, y compris le droit au développement, des droits des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, de la justice sociale, de l’autodétermination des peuples et de la souveraineté territoriale, dans le cadre de l’engagement pour le développement durable en Amazonie ;

Réaffirmant les principes de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et la Déclaration de principes sur les forêts de 1992, de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris, de la Convention sur la diversité biologique (CDB), les protocoles et le Cadre mondial pour la diversité biologique de Kunming-Montréal, la Convention sur la lutte contre la désertification (UNCCD), la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages (CITES), de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, de la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), du document « L’avenir que nous voulons », approuvé par la Conférence des Nations Unies sur le Développement Développement (Rio+20), l’Agenda 2030 et ses Objectifs de Développement Durable, la Convention de Minamata sur le mercure et la Cadre de Sendai pour la réduction des risques et des catastrophes 2015-2030 ;

Prenant note des Lignes directrices pour la protection des peuples autochtones en isolement et en premier contact de la région amazonienne, du Gran Chaco et de la région orientale du Paraguay du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, du rapport sur les peuples autochtones en isolement volontaire et en Contact initial dans les Amériques de la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’OEA, les « Principes et lignes directrices pour les soins de santé des peuples autochtones isolés et en contact initial de l’OTCA et le Cadre stratégique pour la protection des peuples autochtones de l’OTCA en isolement et premier contact ;

Rappelant les Déclarations adoptées lors des précédentes Réunions des Présidents des États parties au Traité de coopération amazonienne tenues en 1989, 1992 et 2009 ;

Soulignant l’importance des réunions des présidents des États parties au Traité de coopération amazonienne en tant que mécanisme politique stratégique pour la prise de décisions et l’adoption de priorités dans le cadre de la coopération amazonienne, et l’opportunité de voir leurs réunions plus régulières, avec une rotation entre les États parties ;

Reconnaissant que des solutions efficaces aux problèmes de la région amazonienne ne peuvent être trouvées qu’avec la participation pleine et effective de ses populations, tant urbaines que rurales, des gouvernements infranationaux, de la société civile, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, avec une attention particulière aux femmes, les jeunes et les autres acteurs sociaux, conformément à la législation nationale et aux spécificités locales ;

Reconnaissant que les femmes et les enfants sont touchées de manière disproportionnée par les effets néfastes du changement climatique et de la dégradation de l’environnement et que leur participation à la prise de décisions est essentielle pour le développement durable, la promotion de sociétés pacifiques justes et inclusives et l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et dimensions;

Reconnaissant la centralité de la richesse naturelle et de la diversité culturelle pour la construction de stratégies de développement à moyen et long terme pour la région, conscient de l’importance de protéger ce patrimoine culturel, économique et environnemental, et notant que le respect de la diversité et de l’identité culturelle de chaque communauté joue un rôle fondamental dans la construction d’un avenir durable et harmonieux pour l’Amazonie ;

Reconnaissant la pertinence de l’eau en tant que source de vie dans la région amazonienne et la nécessité de continuer à promouvoir sa gestion durable, dans le cadre des efforts nationaux et régionaux en Amazonie ;

Reconnaissant les interrelations entre l’Amazonie et les autres biomes et régions des États parties, qui lui sont étroitement liées, et la nécessité de préserver ces interrelations pour garantir l’intégrité et l’équilibre de la région amazonienne ;

Constatant l’importance que les pays andins-amazoniens accordent au cycle de l’eau et aux fleuves qui prennent leur source dans la zone andine et qui composent le bassin amazonien ;

Soulignant que l’éradication de la faim, de la pauvreté et de la violence à l’encontre des populations amazoniennes sous toutes ses formes et dimensions, dans le cadre du respect de l’Agenda 2030 et de ses Objectifs de développement durable, est une exigence essentielle pour le développement de la région amazonienne et que le renforcement du multilatéralisme dans les domaines environnemental, social et économico-commercial est un outil important à ces fins;

Condamnant la multiplication des mesures commerciales unilatérales qui, fondées sur des exigences et des normes environnementales, se traduisent par des barrières commerciales et affectent principalement les petits producteurs des pays en développement, la recherche d’un développement durable, la promotion des produits amazoniens, les efforts d’éradication de la pauvreté et la lutter contre la faim et menacer l’intégrité du système commercial international ;

Exhortant les pays développés à remplir leurs obligations de fournir et de mobiliser un soutien prévisible et adéquat aux pays en développement, y compris le financement du développement, le financement climatique et la protection de la biodiversité avec la portée, l’échelle et la rapidité nécessaires et proportionnelles, ainsi que l’accès à la technologie et à ses marchés, et à la construction et au développement des capacités, comme mesures fondamentales de la coopération internationale pour la mise en œuvre des politiques et programmes nationaux pour le développement durable de l’Amazonie ;

Réitérant la promotion et le respect des buts et principes de la Charte des Nations Unies et du droit international, qui promeut le règlement pacifique des différends et un système international fondé sur des relations respectueuses d’amitié et de coopération, exempt de menaces, d’agressions et de mesures coercitives unilatérales des mesures contraires au droit international, dans un environnement de paix, de stabilité et de justice ;

Réaffirmant les principes d’égalité des États et de respect de la souveraineté des pays sur leurs territoires, ainsi que l’objectif de renforcement de la coopération régionale, exprimé dans le Traité de coopération amazonienne signé le 3 juillet 1978, et qui a motivé la création de l’Organisation du Traitéde Coopération Amazonienne (OTCA);

Considérant que certains pays reconnaissent les droits de la nature ou de la Terre Mère dans le cadre de la promotion du développement durable, et expriment la conviction que, pour parvenir à un juste équilibre entre les besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations présentes et futures, il est nécessaire promouvoir l’harmonie avec la nature pour bien vivre, et noter l’importance pour certains du concept de « justice climatique » lors de l’adoption de mesures pour lutter contre le changement climatique ;

Prenant note des accords promus par certains ministres des finances, du trésor/de l’économie et de la planification des pays amazoniens pour accélérer les efforts conjoints visant à accroître le financement, partager les connaissances et améliorer la coordination régionale pour le développement durable, en répondant aux priorités des États parties à la région amazonienne ;

Reconnaissant l’indépendance des autres pouvoirs publics existants dans les États parties, et les invitant à envisager les actions pertinentes dans le cadre de leurs attributions pour l’application effective de la présente déclaration ;

Reconnaissant que l’OTCA est le seul organe intergouvernemental de coordination des huit pays amazoniens pour le développement conjoint de projets, d’actions qui produisent des résultats équitables et bénéfiques pour les pays amazoniens, en raison de son institutionnalisation, de sa connaissance approfondie de la région et de l’expérience pertinente de ses Secrétariat permanent dans la coordination du dialogue et la mise en œuvre des initiatives de coopération au développement ;

Notant également que, sur la base de cette coordination, les États parties favoriseront le dialogue, l’échange d’expériences et la coopération avec les pays en développement possédant d’importantes superficies de forêts tropicales dans différentes régions du monde ;

Appréciant l’orientation pragmatique et opérationnelle adoptée par l’OTCA, qui se manifeste dans l’expansion et l’exécution des projets et programmes, et dans les efforts visant à donner de la visibilité à l’agenda de coopération amazonienne dans les débats multilatéraux et régionaux sur les questions liées au développement durable ;

ONT DÉCIDÉ CE QUI SUIT :

Objectifs et principes transversaux pour la mise en œuvre de la Déclaration de Belém

  1. Combiner les efforts, au plus haut niveau, de leurs gouvernements pour faire avancer un nouvel agenda commun de coopération en Amazonie qui est mise en œuvre dans le cadre de l’objectif de développement, de conservation et d’utilisation durables gestion durable de la biodiversité, des forêts et des eaux, action urgente pour éviter le point de non-retour en Amazonie, lutter contre la déforestation et les activités illégales dans la région, la développement économique avec inclusion sociale et génération de revenu et d’emploi, fondés sur des mécanismes de participation sociale, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, et le renforcement de l’OTCA. En ce sens, Ils respecteront les principes suivants :
  2. a) Participation active et respect et promotion des droits des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelle, avec une attention particulière aux populations en situation de vulnérabilité;
  3. b) La protection et la promotion des droits humains, l’égalité de toutes les personnes, sans distinction de race ou toute autre nature et la lutte contre toutes les formes de discrimination;
  4. c) Égalité des genres, avec participation active et promotion des droits de toutes les femmes, pour leur autonomisation ;
  5. d) Une approche interculturelle et intergénérationnelle qui favorise reconnaissance, respect de l’identité et de la diversité culturelle en Amazonie;
  6. e) La souveraineté de la États, y compris le respect des lois nationales de chaque pays;

Renforcement institutionnel de l’OTCA

  1.        Soutenir fermement le renforcement institutionnel de l’OTCA et l’élargissement de leurs domaines de coordination, de coopération et des moyens de la mise en œuvre comme instrument de développement durable, harmonieuse et inclusive de l’Amazonie et l’amélioration des capacités ressortissants des États parties, par l’échange de biens pratiques, connaissances et politiques publiques, coopération sud-sud et la mobilisation des ressources de la coopération International;
  2. Confier aux ministres de Affaires étrangères la négociation d’un protocole additionnel au Traité de coopération amazonienne instituant la Réunion des Présidents des États parties au traité de coopération Amazonienne en tant qu’instance de prise de décision et d’adoption de priorités politiques stratégiques dans le cadre de l’OTCA. Instruction à exécuter, dans le cadre du processus préparatoires aux réunions présidentielles, réunions qui inviteront les représentants du gouvernement, de l’académie, de la société civile et peuples autochtones et communautés locales et traditionnels, pour identifier d’éventuelles recommandations à examiner par la Réunion des présidents ;
  3. Réactiver les Commissions Spéciales, au niveau ministériel le cas échéant, dans le domaine de l’OTCA, y compris sur (i) l’environnement, (ii) la science et Technologie, (iii) Santé, (iv) Éducation, (v) Affaires autochtones, (vi) Transports, Infrastructures et Communications et (vii) Tourisme, sans préjudice de la mise en place de nouvelles commissions dédiées à d’autres domaines, comme la sécurité publique;
  4. Réactiver et renforcer la bon fonctionnement des commissions nationales permanentes (CONAPER), dans chacun des pays membres, des instances en charge de la l’application sur leurs territoires respectifs des dispositions de l’OTCA, ainsi que l’exécution des décisions adoptées par le réunions des ministres des affaires étrangères et par le Conseil de Coopération Amazonienne, sans préjudice d’autres activités qui qui leur sont confiées par chaque État ;
  5. Mettre en place le mécanisme amazonien des peuples autochtones, pour renforcer et promouvoir le dialogue entre les gouvernements et les peuples autochtones d’Amazonie pour la gestion et la coordination sur les questions qui concernent les peuples autochtones et contribuer aux objectifs de l’OTCA ;
  6. Établir un groupe de travail pour évaluer un mécanisme financier visant à la coopération amazonienne dans le cadre de l’OTCA, qui permet la captation et la capitalisation de ressources non financières remboursables de diverses sources, y compris les contributions volontaires des États parties, moyens de coopération internationales, banques de développement et autres donateurs soutenus par États parties aux fins de financement de projets, programmes, études et autres initiatives de portée nationale et régional, renforcement des capacités humaines et institutionnelles, ainsi que l’échange permanent d’expériences entre les pays Amazoniens;
  7. Institutionnaliser l’Observatoire de la Région Amazonienne (ORA), dans la structure de l’OTCA, et renforcer ses différents modules sur les thématiques économique, social, environnemental et culturel, en tant qu’instrument de veille permanente, consolidation des informations, données et connaissances, approuvées par les États parties, et demander aux différents secteurs de leurs gouvernements à collaborer à travers la fourniture régulière de données et d’informations qui alimentent différents modules ORA. L’OCTA facilitera l’accès à l’ORA et ses différents modules aux États parties et à leurs établissements;
  8. Établir un groupe de travail pour préparer une proposition de modernisation et de renforcement du Secrétariat Permanent de l’OTCA et un nouveau Règlement du Processus de succession, basé sur les travaux antérieurs, afin de renforcer l’institutionnalisation et la gouvernance des Organisation dans ses diverses instances;
  9. reprendre les négociations mise à jour de l’Agenda Stratégique pour la Coopération Amazonienne (ASCA);
  10. Renforcer la coopération pour le développement à travers la constitution d’un Groupe de travail sur la coopération Sud-Sud dans le cadre de l’OTCA pour coordonner, articuler et mieux rationaliser la coopération pour le développement et les activités des organes responsables de la coopération des États parties, en faveur de la région amazonienne, surtout dans ses zones frontalières ;
  11. Renforcer les canaux de communication et l’échange d’expériences entre les programmes la recherche scientifique et l’innovation technologique et ses mécanismes associés dans le cadre de l’OTCA avec d’autres mécanismes similaire international;
  12. Réaffirmer l’engagement à la mise en œuvre de la projets, programmes, études, négociations et autres initiatives en cours, tels que les programmes forestiers, la diversité biologique et le Projet Biomaz, d’Actions Stratégiques pour la Gestion Ressources en eau intégrales et le projet du bassin amazonien, le Protocole d’entente sur la gestion globale des incendies, le Projets Amazonas, aquifères amazoniens, Bioamazonía, Appui à l’élaboration et à la mise en œuvre des AECA, des Plans de Contingence pour la protection de la santé des peuples autochtones Hautement Vulnérables et en Premier Contact, la Plateforme Régionale Amazone des peuples autochtones, Études sur les inégalités et Écarts sociodémographiques et évaluation rapide de la Diversité Biologique et Services Ecosystémiques, l’ORA et la Chambre de la situation des ressources en eau, le Groupe de travail pour la Préparation d’un règlement pour la navigation commerciale dans le fleuves Amazone et, de même, le plan stratégique de santé, le plan de l’Amazonie intégrale et interculturelle et le Plan Régional de l’Eau, Assainissement et déchets solides ;

Villes amazoniennes

  1. Créer le Forum des Villes Amazoniennes, dans le domaine de l’ACTO, pour renforcer la coopération entre les collectivités locales dans les États parties, en particulier les villes des zones frontières pour la mise en œuvre, au niveau local, de l’Agenda 2030 pour le développement durable et ses objectifs de développement durable, le renforcement du leadership des femmes, des dirigeants autochtones et des communautés locales et traditionnelles et la promotion de l’interculturalité, dans laquelle il sera possible d’identifier des propositions d’action pour les principaux défis zones urbaines de l’Amazonie, comme l’accès des populations amazoniennes aux services publics, ainsi que le développement et la mise en œuvre des politiques publiques ;

Parlement amazonien

  1. Établir un groupe de travail de l’OCTA pour faire avancer examen d’un lien institutionnel entre le Parlement amazonien (PARLAMAZ) et l’Organisation ;

Science, éducation et innovation : savoir et entrepreneuriat en Amazonie

  1. Déterminer la création du Panel Technico-scientifique intergouvernemental de l’Amazonie, dans le domaine de l’OCTA, qui réunira chaque année des représentants des États parties, y compris techniciens, scientifiques et chercheurs spécialisés dans la région amazonienne, avec la participation permanente des organisations de la société civile, des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, afin de promouvoir le partage des connaissances et des discussions approfondies sur les études, les méthodologies, le suivi et les alternatives pour réduire la déforestation, promouvoir le développement durable et prévenir le déséquilibre environnemental en Amazonie alors qu’elle s’approche d’un point de non retour; le panel favorisera la systématisation de l’information et la préparation de rapports périodiques sur ces sujets prioritaires, en plus d’analyser la dynamique sociale et économique de la région, afin de faciliter la planification des actions préventives et d’identifier les goulots d’étranglement et le potentiel de production scientifique et technologique dans la région amazonienne, avec recommandations aux gouvernements des États parties, sur la en fonction de vos priorités et de vos besoins ;
  2. Promouvoir les échanges sur la conception, la mise à jour et l’articulation de Politiques nationales d’éducation à l’environnement qui garantissent l’intégration de la dimension environnementale dans le cursus des éducation pour la formation de citoyens éthiques et responsables, avec des connaissances, des compétences, des attitudes et comportements en matière de gestion durable de l’environnement, préparés pour prendre des décisions éclairées sur la gestion de l’environnement, respectueux d’eux-mêmes, des autres et de leur environnement;
  3. Promouvoir les réseaux de contacts et articuler les institutions de recherche et d’enseignement de la Région Amazon, y compris les universités autochtones, et celles axées sur l’enseignement professionnel et technologique, et créer des programmes d’action pour la mobilité académique et étudiante en Amazonie, y compris des stages et des bourses, afin de contribuer à la réduction des inégalités, à la prévention des déséquilibres socio-environnementaux, au développement scientifique et technologique, à la génération d’opportunités pour développement professionnel des jeunes de la région et de la renforcement et valorisation des pratiques durables de production et consommation, avec une attention particulière à la promotion de l’interculturalité et la protection des savoirs des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles ;
  4. Promouvoir et soutenir les programmes la formation et l’échange d’enseignants et de chercheurs de Amazon, à tous les niveaux d’éducation, pour la reconnaissance d’expériences pédagogiques et scientifiques significatives qui permettre la qualification des éducateurs et des acteurs du secteur académique de manière contextualisée ;
  5. Renouer le dialogue et la coopération entre l’OCTA et l’Association des universités Amazonas (UNAMAZ), un espace privilégié pour la gestion des connaissances et informations scientifiques et technologiques de l’Amazonie;
  6. Promouvoir l’élaboration de stratégies, de programmes et de projets pour le développement et le renforcement de la science, de la technologie et de l’innovation dans le région amazonienne dans le cadre de la recherche et l’innovation axées sur la conservation et la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la biodiversité et son utilisation durable, s’agissant de la faune, de la flore et du territoire ; promotion du droit humain à l’alimentation; à l’accès à l’énergie; à la santé et à la science pour la paix et le développement, entre autres;
  7. Améliorer les capacités techniques et la technologie pour la planification, la conception et la construction, capture, traitement, validation, analyse, diffusion et l’amélioration continue des informations environnementales et celles liées à la gestion durable de l’eau, qui contribue à la mise en place de actions et stratégies prioritaires à court, moyen et long terme atteindre les objectifs de l’OCTA en termes de suivi et évaluation environnementale et hydrique, conformément l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable et autres instruments internationaux ratifiés et en vigueur par les États Partie;
  8. Renforcer les modèles de gouvernance nationale pour la génération et la gestion de l’information, favorisant l’interaction et l’interconnexion des acteurs, ce qui permet l’échange d’informations environnementales et la gestion durable de l’eau; combler les lacunes identifiées dans l’accès à l’information et la participation publique dans les décisions environnementales, et partager les leçons apprises entre les États parties ;
  9. Établir le réseau d’innovation et Diffusion technologique de l’Amazonie, dans le but de stimuler le développement régional durable et l’entrepreneuriat basés sur une technologie durable et faciliter la création de solutions à visée environnementale, économique et sociale dans la région. Le Réseau réunira des acteurs des écosystèmes de l’innovation en Amazonie, y compris les peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles, et favorisera les rencontres entre agents publics, entreprises locales et startups, en plus d’assurer l’échange de bonnes pratiques entre parcs technologique, universités, instituts de recherche, les incubateurs et accélérateurs, et les agences de promotion commerciale, dans le respect des droits humains et les droits des peuples indigènes. En outre, on facilitera la diffusion de l’esprit d’entreprise auprès des jeunes de la région, à travers des stages spécialisé, avec un accent particulier sur les familles à faible revenu revenu, valorisant les savoirs traditionnels associés à la biodiversité, et on travaillera de manière intégrée avec l’Agenda Stratégique de Coopération Amazonienne (AECA) et un agenda stratégique de développement intégral de la production basée sur l’utilisation durable des ressources de la biodiversité dans les pays amazoniens;
  10. Encourager les récupération, extension et consolidation des infrastructures de la recherche scientifique et technologique en Amazonie, ainsi que stimuler les cours de troisième cycle sur les questions amazoniennes et les programmes de formation coopération internationale pour l’intégration et l’utilisation des mêmes par des chercheurs des États parties, ainsi que renforcer les actions de réduction des inégalités socio-économique, numérique et technologique, notamment dans le cadre des frontières;
  11. Soutenir la mise en œuvre de programmes et initiatives d’assistance technique et de vulgarisation rurale destinés à l’agriculture familiale, aux pêcheurs artisanaux et communautés traditionnelles de la région, en se concentrant sur production alimentaire durable et génération de revenus à travers des espaces commerciaux ;
  12. Promouvoir la création d’un Observatoire des femmes rurales pour l’Amazonie en le cadre de l’ACTO, avec une plate-forme de données interactive et d’autres des outils pour éclairer le développement de stratégies, de projets, programmes et politiques publics pour les femmes qui travaillent dans activités agricoles, forestières et aquicoles, et soutenir la organisation de réseaux de connaissances pour l’entrepreneuriat par une partie des femmes;
  13. Promouvoir la mise en place, dans le cadre du Mécanisme Amazonien des peuples autochtones, d’un forum de peuples et de communautés autochtones et locales et traditionnelles pour partager leurs connaissances, données et informations techniques ancestrales et sciences interculturelles pour l’avancement des technologies appropriée à la préservation et à la durabilité de l’Amazonie dans le domaine de la gestion et de la formulation des politiques publiques ;

Surveillance et coopération dans la gestion des ressources en eau

  1. Promouvoir des actions coordonnées pour garantir le droit humain à l’eau potable et à l’assainissement, équilibre et harmonie avec les écosystèmes liés à l’eau et à ses équilibre sain avec les besoins alimentaires et énergétiques Amazone;
  2. Mettre en place le Réseau des autorités de l’eau des États membres de l’OCTA pour la coopération dans la gestion durable des ressources en eau la région, dans le but d’établir des protocoles régionaux pour le suivi, la coopération et l’entraide dans la gestion des ressources en eau de l’Amazonie par les États parties, pour la revitalisation, conservation et protection des sources de l’eau et ses bassins, de critères et paramètres de la qualité d’eau; et soutenir la mise en œuvre de projets et initiatives régionales sur les eaux de surface et souterraines, planification et coopération dans la gestion durable des ressources en eau, y compris transfrontalières, le renforcement progressif des capacités techniques, technologiques et institutions, l’innovation technologique et dialogue interculturel, en fonction des circonstances nationales, y compris les engagements politique, social et culturel de chaque pays ;
  3. Renforcer la coopération et l’harmonisation des systèmes de surveillance intégrés et alerte hydrométéorologique des États parties pour la l’échange d’expériences, d’informations et de connaissances effectives, et l’amélioration des capacités de suivi grâce à renforcement des réseaux nationaux de surveillance; pour la génération d’alertes pour les risques environnementaux, la santé humaine, catastrophes et événements extrêmes de nature hydrométéorologique pour les populations de l’Amazonie ; pour la planification environnementale, l’élaboration de protocoles et d’actions pour la prévention, la prise en charge et l’atténuation des impacts des catastrophes naturelles ; et pour soutenir la gestion de l’eau comme instrument de prévention, adaptation et atténuation des effets du changement climatique, lutter contre la faim, assurer la qualité et la quantité de l’eau potable le bassin amazonien, pour cette génération et les générations futures ;
  4. Promouvoir le renforcement d’actions de surveillance de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine la région, y compris les études techniques et la recherche discussions scientifiques conjointes, axées sur l’exposition au mercure et autres substances dangereuses dérivées de l’exploitation minière/activité minière à petite et à grande échelle, en particulier celle qui touche les peuples les peuples autochtones et les communautés locales et traditionnelles, et mener à bien les activités de prévention et de remédiation et renforcer les coopération régionale et internationale dans la lutte contre exploitation minière illégale, trafic illicite et autres délits connexes ;

Changement climatique

  1. Souhaiter la bienvenue à la candidature brésilienne soutenue par Grulac pour la célébration de la COP-30 de la Convention Cadre des Nations Unies Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) à Belém, en Amazonie, en 2025, exprimant sa volonté d’unir ses efforts pour sa pleine réussite et notant que le processus de la COP-28 à la COP-30 sera critique pour l’avenir de la réponse mondiale au changement climat;
  2. Établir un dialogue entre les États parties sur le traitement approprié qui devrait être accordée à l’Amazonie dans le contexte du changement climatique, en vue de travailler à la construction de positions communes des pays Amazoniens sur le sujet dans des déclarations et autres actions dans des forums les institutions financières internationales et multilatérales ;
  3. Exhorter les pays développés à respecter leurs engagements de mise à disposition et de mobilisation des ressources, dont l’objectif de mobiliser 100 milliards dollars par an en financement climatique, pour soutenir les besoins des pays en développement et reconnaissent la nécessité de faire des progrès substantiels dans les délibérations sur nouvel objectif de financement quantifié collectif pour le climatique, pour s’achever en 2024 compte tenu de l’urgence d’augmenter l’action climatique, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement;
  4. Promouvoir des mécanismes innovants de financement de l’action pour le climat, parmi lesquels pourraient figurer considérer l’échange, par les pays développés, de la dette par l’action climatique ;
  5. Encourager la coordination et échange d’expériences en matière de planification et la mise en œuvre des politiques publiques liées au changement changement climatique, ainsi que la coopération pour canaliser les flux de financement pour la mise en œuvre des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la déforestation et de la dégradation des forêts. On cherchera à intégrer, dans les dites politiques et actions publiques, des opportunités des emplois et des revenus durables pour les populations locales, avec une attention particulière aux familles à faible revenu, aux femmes, aux peuples autochtones, aux communautés traditionnelles et producteurs de l’agriculture familiale paysanne, selon les réalités locales et en synergie avec les plans et initiatives les ressortissants des pays amazoniens ;
  6. Promouvoir la mise en œuvre de les programmes d’adaptation au changement climatique dans les États parties, favoriser l’accès aux financements extérieurs non remboursables pour réduire la vulnérabilité des peuples et des communautés autochtones locales et traditionnelles, selon les réalités et les plans nationaux ;
  7. Renforcer la coopération entre les institutions scientifiques et universitaires des États parties. Approfondir la compréhension des interrelations entre les changement climatique et écosystèmes forestiers et tourbières de la Région Amazonienne, en vue de favoriser les apports à la prise de décision de politiques publiques liées au changement climat, avec adaptation et résilience, avec reprise ou restauration de la végétation indigène dans les zones déboisées, dégradées ou altérées, avec la conservation des forêts, avec la gestion durable des forêts et avec la transition vers de nouvelles formes de production et de consommation durables, suivant la plans nationaux;
  8. Systématiser, échanger et mettre disponibles, dans le cadre de l’action pour le climat, des technologies et des stratégies pour consolider et améliorer les systèmes agroforestiers et d’autres pratiques agricoles liées à la gestion la foresterie durable, y compris l’agriculture familiale ou paysanne, sur la base de plans nationaux;
  9. Renforcer le leadership et la participation de toutes les femmes, des peuples autochtones et les jeunes dans les forums et espaces décisionnels; approfondir et construire des propositions qui les transforment en acteurs des solutions climatiques, et créer un espace de débat discussion intersectionnelle sur le genre, les cultures, l’ethnicité et le climat pour participer au débat sur la construction et la mise en œuvre de politiques publiques d’adaptation dans les États Parties, en coordination avec les plans nationaux ;
  10. Créer un espace de dialogue sur les perspectives communes concernant la mise en œuvre de l’article 6.8 d’approches non fondées sur le marché, y compris la possibilité d’établir un mécanisme conjoint pour la Gestion Intégrale et Durable des Forêts, dans le cadre de la décision 16/CP.21 de la CCNUCC, présentant les expériences concrètes des pays, favorisant la recherche de ressources financières pour la coopération à cette fin;
  11. Renforcer la participation de la perspective amazonienne dans la Plateforme des Communautés Locales et peuples autochtones de la Convention-cadre des Nations Unies sur Changement climatique, en coordination avec le Mécanisme amazonien pour les Peuples indigènes;
  12. Garantir les droits des peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles en accord avec les différentes cadres réglementaires des États parties et notamment à travers l’application, le suivi, la notification et la vérification des garanties sociales et environnementales ;

Protection des forêts, des zones côtières amazoniennes, des écosystèmes vulnérables et de la biodiversité

  1. Créer l’Alliance Amazonienne de lutte contre la déforestation entre les États parties, promouvoir la coopération régionale dans la lutte contre déforestation, afin d’empêcher l’Amazonie d’atteindre le point de non-retour, en reconnaissant et promouvant le respect des objectifs nationaux, y compris ceux de la déforestation zéro, pour l’élimination de l’exploitation forestière illégale, le renforcement de l’application de la législation forestière des États parties, de la gestion durable des forêts, de la gestion intégrée pour la réduction des incendies de forêt, le rétablissement et l’augmentation des réserves de végétation indigène grâce à des incitations et des instruments financiers et non financiers et autres pour la conservation et la gestion durable des forêts, la promotion de la connectivité des écosystèmes, l’échange de technologies, expériences et informations pour faciliter les actions de prévention, suivi et contrôle, y compris la promotion de bureaux régionaux pour l’appui au contrôle forestier, la fourniture de programmes de formation pour les gestionnaires de zone et les gardes des aires protégées et le renforcement des écosystèmes amazoniens faire face aux impacts du changement climatique ;
  2. Assurer et activer conformément aux engagements pris au niveau multilatéral, la protection de nos zones terrestres et de nos eaux continentales et marines et les zones côtières, qui revêtent une importance particulière pour la biodiversité, développer la fourniture de fonctions/services écosystémiques, efficacement conservés et protégés en tant qu’unités de conservation, reconnaître et respecter les droits des peuples peuples autochtones et communautés locales, y compris sur leurs territoires traditionnel;
  3. Garantir les droits de peuples autochtones, communautés locales et traditionnelles, y compris le droit aux territoires et terres habités par les dits peuples, en pleine et effective possession, compte tenu de la connaissance et pratiques de conservation ancestrales, notamment par les processus de définition, de délimitation ou de démarcation, et titrage de leurs territoires et terres, conformément aux différents cadres réglementaires nationaux, ainsi que le développement de politiques autochtones de gestion territoriale et environnementale, condition essentielle pour la conservation de la biodiversité ;
  4. Établir, dans le cadre de l’OCTA, le réseau amazonien des autorités forestières pour renforcer la mise en œuvre du Programme Forêt OCTA et des actions pertinentes dans le cadre de l’agenda de coopération stratégique amazonienne, en vue d’améliorer la gestion des forêts et capacités locales, échanger des avancées technologiques, établir des projets de développement durable et favoriser l’accès au financement des dits projets, entre autres ;
  5. Promouvoir, dans le cadre du Programme des Forêts de l’OCTA, l’échange de bonnes pratiques sur les cadres réglementaires nationaux pour l’environnement liées à la régularisation des usages du sol, renforcer les mécanismes de planification et de gestion du territoire, favoriser la reconnaissance des terres et territoires des peuples autochtones et des communautés locales et traditions, y compris leur contribution aux efforts des conservation;
  6. Approfondir la coopération dans la gestion des risques et des catastrophes, en particulier pour faire face aux inondations, aux sécheresses intenses et aux incendies foresterie, avec une coordination dans les différents domaines de la réponse d’urgence des systèmes nationaux de protection civile et coopération humanitaire conformément à la demande de l’État où se produisent ces phénomènes;
  7. Développer une stratégie commune pour prévenir et atténuer les effets du phénomène du « Niño » en Amazonie, conformément aux lois ressortissants des États parties recommandant à l’OCTA d’explorer l’échange d’informations scientifiques avec des entités organisations internationales telles que la Commission permanente du Pacifique Sud (CPPS) et le Centre international d’investigation du phénomène d’El Niño (CIIFEN);
  8. Approfondir la coopération et les actions conjointes dans le cadre du protocole d’accord de coopération et d’assistance mutuelle pour une gestion globale des incendies entre les États parties, pour faire face aux incendies forestiers, par le développement de politiques, d’instruments, actions techniques, et utilisation de l’innovation et de la technologie, visant à la prévention, la maîtrise des incendies, la promotion d’alternatives à l’utilisation du feu dans les zones rurales, et le renforcement des capacités techniques, scientifiques et institutionnel, ainsi que communautaires;
  9. Renforcer la cartographie et le suivi des les zones dégradées, contaminées ou altérées et identifier les zones prioritaires pour la restauration et/ou la récupération du écosystèmes, en mettant l’accent sur la végétation indigène, avec l’objectif promouvoir des activités économiques durables, favoriser la gestion forestière durable et contribuer à la durabilité, à la productivité et la résilience des systèmes productifs locaux ;
  10. Promouvoir les opportunités d’emploi lié au développement durable et la génération de revenus pour les populations locales programmes et projets, y compris ceux des accords conclus par les États parties et la coopération internationale, visant à protéger les forêts, la biodiversité, la restauration et la récupération des zones dégradées;
  11. Unir les efforts pour créer un fonds destiné à financer des programmes de promotion de la gestion intégrale et durable et la valeur ajoutée des produits de forêts et biodiversité et la reconversion socio-professionnelle pour les acteurs sociaux, paysans et agriculteurs, pour leur participation aux efforts de conservation des écosystèmes, réduire la déforestation et la dégradation des forêts et des sols et les incendies de forêt et la perte de biodiversité, avec participation active des peuples et communautés autochtones locale;
  12. Prise en charge de l’identification, la reconnaissance, le maintien et la pérennité des plans et des gestion conservatrice des zones d’agrobiodiversité et de systèmes agricoles traditionnels de l’Amazonie, sauvant l’expérience du Programme International des Systèmes Importants du Patrimoine agricole mondial (GIAHS), créé par l’Organisation des l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) par l’intermédiaire de l’État et/ou des coopérateurs qui établissent des fonds pour leur maintien et leur pérennité ;
  13. Renforcer la conservation et gestion durable des écosystèmes des eaux intérieures et marines et côtières et leurs ressources, compte tenu de leurs fonctions écologique, les usages multiples et les modes de vie des communautés local et traditionnel, notamment grâce à la synergie entre les initiatives nationales et régionales pour la conservation et l’utilisation biodiversité durable des écosystèmes aquatiques de la Région amazonienne, y compris la mise en œuvre du Plan de Conservation (CMP) des dauphins du fleuve Amazone, adopté par les membres de la Commission baleinière internationale;
  14. Promouvoir la gestion participative et la durabilité de la pêche artisanale, renforçant la coordination des mesures communautaires et collectives de planification, ainsi que le suivi des réserves de pêche et la qualité du poisson, avec une attention particulière à la contamination par les activités économiques et les rejets de déchets, y compris de l’exploitation minière illégale;
  15. Promouvoir des actions pour le conservation et gestion des espèces menacées dans la Région Amazonienne, favoriser la veille et encourager les levées de fonds pour ces initiatives ;
  16. Créer un groupe de travail, dans le cadre de l’OCTA, destiné à l’intégration et à l’harmonisation des Systèmes Nationaux de Accès et partage des avantages (APA) des pays amazoniens, pour une utilisation durable du patrimoine de la génétique et des savoirs traditionnels associés aux processus de recherche, développement et innovation de produits et procédés exploités commercialement en vertu de la Convention sur la diversité biologique, du protocole de Nagoya et de la législation des États parties, ainsi que le dialogue et l’échange de positions sur l’agenda des ressources génétiques et savoirs traditionnels associés (APA) dans différents forums multilatéraux;

Coopération policière, judiciaire et de renseignement dans la lutte contre les activités illégales, y compris les délits environnementaux

  1. Renforcer et étendre la coopération policière et de renseignement pour la prévention, la répression et l’investigation des activités illégales, y compris les crimes environnementaux et les violations des droits des activistes des droits humains, des droits des peuples autochtones et les droits socio-environnementaux, qui affectent la Région Amazonienne, par l’échange d’informations, intelligence, expériences, les recherches et la coordination des opérations et la formation des ressources humaines, entre autres actions, toujours dans le respect de la protection des la biodiversité et les droits des peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles, compte tenu notamment d’accords internationaux applicables; promouvoir, dans le cadre de l’OCTA, des discussions techniques entre représentants gouvernementaux, dans le but d’identifier les domaines prioritaires pour la coopération;
  2. De plus, est nécessaire une coopération efficace des pays concernés pour lutter contre le trafic illicite des espèces et produits amazoniens, y compris les espèces endémiques, les semences et les produits indigènes dérivés de l’exploitation illégale des minerais et des crimes s’y rapportant, conformément à la législation des pays d’origine, afin d’empêcher l’entrée et de décourager la demande de ces produits sur les marchés de consommation ;
  3. Développer la coopération régionale et intersectorielle : entre les acteurs en termes de contrôle administratif des contraventions, enquête et les poursuites judiciaires pour les délits environnementaux et connexes ; y compris l’échange d’informations, le renforcement de capacités de renseignement, l’élaboration de lignes directrices d’action en vue d’harmoniser la législation et d’élaborer des protocoles d’action complets et communs pour prévenir et enquêter et poursuivre les dits crimes qui affectent la déforestation et perte de biodiversité en Amazonie et menacent les droits des générations présentes et futures, les peuples autochtones et les communautés locales et traditionnelles ;
  4. Travailler conjointement à la mise en place d’actions pour éradiquer l’exploitation l’exploitation minière illégale et les crimes connexes, y compris le blanchiment d’argent actifs, notamment ceux liés à l’échange de informations sur le commerce et la contrebande de mercure et autres métaux lourds et l’harmonisation des politiques publiques pour leur réglementation et contrôle;
  5. Accueillir le futur création du Centre de coopération policière internationale de l’Amazonie, dont le siège se trouvera à Manaus, et qui s’articulera avec les instances et autorités de chaque État partie, pour l’échange d’information, le renseignement et le développement des enquêtes, alertes et activités de formation pour renforcer coopération régionale et aider à l’éradication des activités illicites, y compris les crimes environnementaux et connexes ;
  6. Lancer un processus de dialogue pour la création d’un système intégré de contrôle du trafic aérien entre les États parties, à coordonner avec les instances et autorités nationales compétentes, en vue de collaborer à la surveillance du trafic aérien illicite et la lutte contre le trafic de drogue et d’autres crimes connexes, la déforestation et l’exploitation illégale des ressources naturelles dans la région amazonienne ;
  7. Prendre note, avec satisfaction, de la proposition de convocation d’une réunion des ministres et autorités en matière de la sécurité publique des États parties à effectuer en Colombie, afin d’évaluer la situation actuelle des phénomènes des groupes criminels et du crime organisé transnational en Amazonie et promouvoir l’échange d’informations et la coopération policière et renseignement, pour lutter contre les activités illégales et les crimes qui affectent les conditions environnementales de la région amazonienne ;

Infrastructures durables

  1. Renforcer les politiques de relations publiques, coopération et dialogue ouvert sur l’intégration des normes de durabilité dans la planification du territoire et l’exécution de projets d’infrastructure dans la région amazonienne, compte tenu de ses enjeux environnementaux, sociaux et économiques directes et indirectes, en harmonie avec la conservation des écosystèmes, des paysages, des fonctions et services environnementaux et écosystèmes associés, en consultation et en mettant dûment l’accent sur les droits humains en relation des communautés affectées, y compris les peuples autochtones et les communautés locales et traditionnel, dès la phase de planification, conformément aux législations nationales respectives;
  2. Approfondir la coopération, afin de favoriser l’inclusion technologique, la réduction des écarts technologies numériques et formation, le développement durable, l’accompagnement et la surveillance environnementale, y compris en matière réglementaire pour la cartographie conjointe des infrastructures et de la demande de connectivité ; la promotion de nouveaux points d’interconnexion ; la coordination sur l’utilisation des bandes de fréquences ; et la certification/homologation des équipements utilisés pour la la protection du public, pour les secours en cas de catastrophe, pour la sécurité, pour la télédétection et pour les télécommunications par satellite;
  3. Approfondir les initiatives existantes pour intégrer et renforcer les réseaux électriques des communautes isolées dans les États parties, ainsi que d’identifier de nouveaux projets de production et interconnexion d’électricité et nouveaux modèles énergétiques propres, afin de favoriser l’accès à l’énergie, la sécurité l’énergie, le développement durable et l’intégration des région, en vue de tirer pleinement parti des complémentarités des différentes ressources de chaque pays ;

L’économie du développement durable

  1. Promouvoir l’innovation de technologies pour la durabilité, dans les chaînes productives de agriculture, élevage, pêche et aquaculture, foresterie, agroforesterie, agriculture familiale et autres domaines prioritaires, grâce à la gestion intégrée des forêts sur pied et l’utilisation durable des ressources naturelles, la génération de connaissances, la valorisation des zones dégradées, la promotion des pratiques agricoles durables et de l’agroécologie, reconnaître les savoirs et les pratiques de production agriculture traditionnelle, les autres approches innovantes, systèmes agricoles une production aquicole plus durable, la production et l’utilisation de les énergies renouvelables, la promotion de l’économie circulaire, la amélioration des systèmes agroalimentaires et de la sécurité alimentaire des populations amazoniennes, conformément aux lois et les mécanismes de suivi existants dans les territoires amazoniens respectifs ;
  2. Encourager et renforcer les études géochimiques du sol de la région amazonienne et de ses ressources hydrographiques afin de développer les instruments de zonage des risques agroécologiques et climatiques, pour définir les zones propices aux activités productives et leur échelle, profitant de la nécessité de renforcer la durabilité dans la région amazonienne et de récupérer les zones dégradées, contenir la déforestation dans les zones sensibles et renforcer la conservation de la biodiversité ;
  3. Développer, dans lecadre de l’Agenda stratégique de l’OCTA pour la coopération en Amazonie, un agenda stratégique pour le développement intégral de la production basée sur l’utilisation durable des ressources de la biodiversité en Amazonie, promouvoir un modèle de développement économique équitable et éthique, générant des produits, processus et services basés sur l’utilisation durable des ressources biologiques en particulier de la biodiversité, et la connaissance de la science, l’innovation, technologies, les savoirs ancestraux et traditionnels, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, ainsi que des politiques de promotion et de consolidation de la recherche, du développement, de l’innovation et de la production basées sur l’utilisation durable de biodiversité des pays amazoniens et les connaissances traditionnelles associées;
  4. Établir, dans le cadre de cet agenda, un programme de filières productives pour l’utilisation durable de la biodiversité en faveur des peuples et des communautés autochtones locales et traditionnelles fondées, entre autres, sur l’objectif de la la gestion forestière et la récupération des forêts, pour cartographier ces chaînes de production, avec la protection et la reconnaissance des valeur de leurs pratiques et connaissances, avec génération de revenus et promotion de leur qualité de vie et de l’environnement, formation et renforcement des organisations productives desdites communes et les communautés, le développement et le partage de technologies pour donner une plus grande valeur ajoutée, la promotion de stratégies commerciales équitable et reconnaissance des services/fonctions environnementaux et de l’échange de bonnes pratiques de production d’une manière complémentaire aux activités des programmes forestiers et de Diversité Biologique de l’OCTA;
  5. Préparer un programme de promotion conjointe des produits et services d’Amazonie et produits compatibles avec la durabilité des forêts dans le marché international, pour ajouter de la valeur aux produits et promouvoir les initiatives pour améliorer la qualité des produits et la qualification des producteurs des peuples autochtones et de la communautés locales et traditionnelles, collecteurs et organismes communautaires, comme les associations et les coopératives des agriculteurs familiaux et les communautés riveraines, à travers des agences de promotion commerciale et autres organismes et entités des États parties, avec l’appui de la coopération Internationale;
  6. Agir en coordination avec les partenaires et des organisations internationales, en particulier l’Office Mondial des Douanes (OMD), dans le but de faciliter, lorsquec’est nécessaire, l’enregistrement des produits amazoniens dans le système de désignation et de codage harmonisés des marchandises ;
  7. Instaurer un dialogue pour développement d’un cadre de coopération régionale dans les domaines de certification et valorisation des produits amazoniens et d’incitations à la reconnaissance des services/fonctions environnementaux et écosystèmes;
  8. Promouvoir les investissements conjoints dans des activités et des réseaux régionaux de recherche et d’innovation permettre le développement de nouvelles solutions et technologies, le sauvetage des savoirs et savoirs traditionnels, afin d’élargir les possibilités de création de richesses associées à l’utilisation la conservation durable et forestière sur le territoire amazonien ;
  9. Amorcer un dialogue entre États parties sur la durabilité de secteurs tels que l’exploitation minière et des hydrocarbures en Amazonie, dans le cadre de l’Agenda 2030 pour le Développement Durable et ses politiques nationales souverains;
  10. Promouvoir le développement du tourisme durable, et surtout les typologies et morphologies plus associés à la région, tels que le tourisme de nature, culturel, autochtone, régénérateur, communautaire et agro-écotourisme, comme l’un des vecteurs du développement durable de la Région Amazonienne, afin de proposer, entre autres avantages, des alternatives de revenus, y compris par la formation et l’amélioration des services de voyage;
  11. Prendre des mesures urgentes pour concilier les activités économiques dans le but d’éliminer les la pollution de l’air, du sol et de l’eau, en mettant l’accent sur les fleuves amazoniens, en vue de protéger la santé humaine et l’environnement. Accueillir le leadership des pays Amazoniens à la présidence du Comité intergouvernemental de Négociation sur un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, un instrument qui envisage une approche de l’ensemble du cycle de vie des plastiques et qui comprenne des moyens de mise en œuvre suffisants pour les pays en développement, basés sur la science. À cet égard, les États parties s’engagent à contribuer à l’élaboration d’un accord ambitieux, ainsi qu’à l’adoption de politiques publiques qui prennent en compte l’ensemble du cycle de vie des plastiques, en particulier liées à la production durable et au renforcement de la gestion sûre des déchets, la recyclabilité des matériaux et la pérennité des filières de recyclage produits, reconnaissant le rôle important joué par recycleurs et autres travailleurs de ces filières, les systèmes de connaissances traditionnelles indigènes, en plus de promouvoir des solutions durables qui n’aggravent pas les pressions déjà existantes sur l’Amazonie, ni créent de nouveaux impacts négatifs ;
  12. Inviter les banques de développement des États parties qui opèrent dans la région amazonienne à travailler de manière intégrée et concertée dans le développement durable du région par la formation et l’annonce d’une Coalition Verte, qui promeut des solutions financières conformes avec la programmation des États parties, pour, dans le respect des spécificités locales et régionales, créer et améliorer les activités productives locales et promouvoir la viabilité des entreprises socialement, écologiquement et économiquement durable. Accompagnement financier de projets publics et privés qui adhèrent aux objectifs de la Coalition et qui permettront de structurer et soutenir des alternatives économiques durables, inclusives, avec la création locale d’opportunités d’emploi et de revenu, en particulier pour les familles à faible revenu. Les solutions financières proposées doivent utiliser les ressources de catalyseurs publics et privés pour favoriser la réduction des risques et promouvoir la participation du secteur privé, avec l’objectif d’élargir et d’accélérer le développement durable de la région;
  13. Échanger des informations sur les actions menées par les États parties pour obtenir un financement non remboursable bilatéraux ou multilatéraux pour le développement durable et, lorsque c’est nécessaire, articuler les dites actions en faveur des projets groupés en Amazonie à mettre en œuvre par l’OCTA ;

Santé

  1. Promouvoir des systèmes universels de santé avec une approche interculturelle qui garantisse l’accès et réponde aux caractéristiques du territoire et des populations de la région amazonienne, avec un accent particulier sur les besoins des femmes;
  2. Promouvoir des actions et des services pour la connaissance et la détection des changements des déterminants sociaux et environnementaux qui interfèrent avec la santé considérant l’approche d’une Santé Unique, dans le but de recommander et adopter des mesures de promotion de la santé, de prévention et surveillance des facteurs de risque liés à la maladie ou problèmes de santé;
  3. Coopérer pour le développement et la mise en œuvre des plans nationaux de santé pour les peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles, pour éliminer les obstacles persistants à l’accès aux services de santé, respectant le droit à une consultation préalable et éclairée et renforcer la participation sociale dans la construction d’actions, programmes et politiques destinés à ces populations ;
  4. Promouvoir la diffusion auprès des fournisseurs des pays amazoniens d’appels pour acquisitions et achats de technologies et de produits de santé, ainsi que des produits de médecine traditionnelle avec enregistrement sanitaire, dans le respect des cadres réglementaires nationaux, contribuant au développement durable;
  5. Améliorer les performances des programmes et institutions de santé publique environnementale, en donnant la priorité aux communautés et aux villes respectueuses de l’environnement durable et résilient, et promouvoir les études sur la santé épidémiologiques environnementales et générer des programmes d’intervention pour celles qui privilégient l’incidence des déterminants sociaux et de santé environnementale des peuples autochtones;
  6. Renforcer, dans le cadre de l’OCTA, les programmes et plans de contingence pour la protection des la santé des peuples autochtones très vulnérables et en contact initial ou en condition de dispersion géographique, visant à créer un contexte favorable à l’atténuation des menaces des pandémies et des maladies tropicales endémiques et maladies émergentes, réémergentes et associées à des maladies impacts du changement climatique;
  7. Développer la coopération dans le domaine de la santé en Amazonie, avec une attention particulière aux actions de la santé à la frontière et aux populations qui y vivent, à travers des actions communes pour la santé et la nutrition des peuples autochtones et des communautés locales et traditions, en mettant l’accent sur le respect de la culture et des habitudes alimentaires des peuples, avec une attention particulière à la santé des femmes, la lutte contre la malnutrition chronique enfants, la lutte contre le VIH/SIDA, tuberculose, hépatite virale, parasitose, paludisme, dengue, zika, chikungunya, maladies tropicales négligées et autres maladies, en proposant des actions de coopération humanitaire pour la santé et l’élargissement de la couverture vaccinale. Cette coopération comprendra une formation pour les peuples et les communautés autochtones locales et traditionnelles pour le développement de thérapies de réadaptation en cas d’invalidité et la gestion de la douleur, entre autres des mesures;
  8. Engager un processus de dialogue en vue de développer un système régional de surveillance épidémiologique et solliciter l’appui du Secrétariat Permanent de l’OCTA pour la coordination des États parties à cet égard ;
  9. Renforcer les actions de surveillance sanitaire des populations exposées aux produits chimiques notamment le mercure, les déchets dangereux et la pollution par les plastiques et la surveillance de la qualité de l’air face aux polluants atmosphériques en Amazonie, en favorisant l’échange d’expériences pour atténuer les risques et les impacts négatifs sur la santé humaine et la qualité de l’environnement, compte tenu des engagements assumés par les pays amazoniens dans les conventions, traités et accords internationaux sur le mercure, produits chimiques, déchets dangereux, pollution atmosphérique et plastiques;
  10. Promouvoir l’articulation des systèmes de médecine occidentale ou allopathique avec la médecine ancestrale ou traditionnelle, en respectant les connaissances des personnes qui pratiquent et promeuvent une approche globale et holistique basée sur réalité des peuples indigènes de l’Amazonie ;

Sécurité et souveraineté alimentaire et nutritionnelle

  1. Coordonner les actions pour la sécurité et la souveraineté alimentaires et nutritionnelles, conformément à la législation applicable et les accords internationaux, privilégiant les systèmes productifs traditionnels, familiaux et communautés, améliorant le flux et la qualité des produits dérivés des forêts, de la biodiversité et de l’agriculture sur le marché région amazonienne et sa présence internationale, y compris l’accès et la diffusion des technologies;
  2. Lancer un processus de dialogue pour l’élaboration d’une stratégie amazonienne de sécurité et de souveraineté alimentaire et nutritionnelle, avec une attention particulière à la production, disponibilité, approvisionnement et accès aux aliments issus de la biodiversité amazonienne, où la lutte contre la malnutrition chronique infantile soit prioritaire;
  3. Solliciter le soutien du Secrétariat Permanent de l’OCTA pour l’organisation d’événements et d’initiatives visant à promouvoir l’échange d’expériences et la collaboration en matière de sécurité et souveraineté alimentaire et nutritionnelle, assistance technique et vulgarisation rurale, notamment pour promouvoir les systèmes de la production alimentaire basée sur l’agriculture traditionnelle, l’agriculture, l’aquiculture familiale et la pêche artisanale, en mettant l’accent sur les produits et les particularités de la région. Ces actions doivent tenir compte des défis et des solutions spécifiques pour garantir la dignité, la subsistance et le droit à une alimentation adéquate, en particulier pour les peuples autochtones, communautés et populations traditionnelles pauvres dans les centres urbains de la région, en ce qui concerne leurs particularités culturelles, en vue de promouvoir une alimentation adéquate et saine et prévenir de multiples formes de malnutrition;

Protection sociale

  1. Envisager la protection sociale comme une politique comportant une approche interculturelle structurante pour la préservation du bien-être, des manières, des projets de vie et des coexistence sociale de la population amazonienne ;
  2. Coopérer au développement commun de technologies de connectivité et de soutien mutuel, coordonné et programmées, pour faciliter l’accès aux localités isolées par les eaux et les airs, à des fins sociales;
  3. Développer et partager des modalités de service qui identifient et traitent les phénomènes de vulnérabilité de communautés spécifiques, en reconnaissant le besoin de participation pleine et effective de ces populations aux processus de prise de décision, en cherchant la reconnaissance de leurs particularités et éviter les impacts négatifs sur leurs modes de vie ;

Droits de l’homme et participation sociale

  1. Mener des politiques les gouvernements sectoriels, y compris les gouvernements infranationaux, afin de prendre des mesures pour assurer la pleine, efficace, participation des peuples autochtones, des populations urbaines et des communautés locales et traditionnelles de la région amazonienne dans les processus de prise de décision et d’élaboration des politiques publiques, conformément à leur législation nationale, la Convention 169 de l’OIT, la Convention sur la diversité biologique et la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des paysans et des autres personnes qui travaillent dans le zones rurales, notamment des protocoles de consultation gratuite, préalablement informée, pour les peuples autochtones;
  2. Promouvoir des actions pour protéger et garantir les droits humains des peuples autochtones et des droits collectifs sur leurs territoires et les terres situées dans le région amazonienne, en particulier les peuples autochtones en isolement et en premier contact, et renforcer les moyens politiques disponibles et publiques adaptées à cette région ;
  3. Prendre des mesures pour prévenir et éviter les impacts négatifs des projets d’infrastructures sur les terres et territoires autochtones et traditionnels et pour sauver et valoriser la diversité des pratiques, des savoirs traditionnels, ancestrales, et cosmovisions des peuples les communautés autochtones et locales et traditionnelles ;
  4. Renforcer la coopération pour la prévention de la violence basée sur le genre, la misogynie et le racisme dans la Région Amazonienne, sous toutes ses formes et dimensions, et avec l’intégration de la promotion et de la protection des droits des personnes afrodescendantes, des enfants et des femmes, comme thème transversal aux actions de conservation, restauration, gestion et utilisation durable de la biodiversité;
  5. Mettre en place des mesures pour assurer un environnement sûr et favorable dans lequel les personnes, groupes et organisations qui promeuvent et défendent les droits humains, l’environnement, les terres, les territoires et les ressources de les peuples autochtones et les droits culturels, peuvent agir sans subir de racisme, de violence, de discrimination, de menaces et d’insécurité, en promouvant des actions pour garantir le plus haut niveau de santé physique et mentale des défenseurs des droits humains et des victimes de violences sur le territoire où ils exercent leurs activités, sur la base des lois de les États parties ;
  6. Promouvoir, dans le cadre de l’OCTA, la création d’un Observatoire sur la situation des défenseurs des droits humains et des droits des peuples autochtones et questions environnementales en Amazonie, en vue de promouvoir l’échange de expériences et la coopération entre les États parties et d’identifier méthodologies, sources de financement et meilleures pratiques pour les activités de protection ;

Reconnaissance des cultures amazoniennes

  1. Promouvoir la conservation, revitalisation et reconnaissance des expressions culturelles amazoniennes, en particulier les langues et cultures indigènes, notamment dans le cadre de la Décennie internationale des langues des peuples autochtones de l’UNESCO, en encourageant la collaboration entre les États parties et soutenir les initiatives qui favorisent l’échange de connaissances et expériences;
  2. Promouvoir et soutenir, dans le cadre de l’OCTA, les réunions de promoteurs et de gestionnaires de la culture de la région amazonienne, pour stimuler le dialogue entre les agents culturels et institutionnels, en renforçant la compréhension collective des cultures de l’Amazonie en tant que patrimoine commun et avec la possibilité d’organiser des activités culturelles communes, de génération de revenus et d’inclusion sociale;
  3. Coopérer pour la construction de politiques nationales et autorités régionales visant à garantir la protection et l’utilisation respectueuse et digne du savoir des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles habitant la région amazonienne;

Coopération diplomatique

  1. Permettre, à travers le Ministères des Affaires étrangères, que les Ambassades et Missions des États parties accrédités auprès des organisations internationales et des pays donateurs puissent, le cas échéant, échanger des informations et coordonner les actions sur des questions d’intérêt pour les États parties liés à l’OCTA et à la coopération amazonienne Négociations internationales;
  2. Confier à l’OCTA, un suivi régulier et alterné entre les différents États parties, de nouvelles éditions de cours sur la diplomatie amazonienne pour les jeunes diplomates des États membres de l’OCTA, pour promouvoir le dialogue et la coopération dans un domaine d’importance stratégique pour les académies diplomatiques ou équivalentes dans la région, et saluer le première édition, organisée par le Gouvernement du Brésil, dans le cadre de ce Sommet;

Mise en œuvre de la Déclaration de Belém

  1. Charger l’Assemblée de Ministres des affaires étrangères du traité de coopération Amazon (OTCA), d’adopter les mesures correspondant à la mise en œuvre et l’intégration progressive des actions de cette Déclaration, avec un calendrier prévisionnel, des délais et des moyens de mise en œuvre,mettant au point dès que possible les méthodes de travail de l’organisation et la prochaine version de l’Agenda Stratégique ;
  2. Accueillir la Rencontre Techno-Scientifique de l’Amazonie (Leticia, 5 au 8 juillet 2023) et les Dialogues Amazoniens (Belém, 4 au 6 août 2023), auxquels ont participé les représentants de différents secteurs des sociétés des États parties, et prendre note de leurs conclusions, qui seront également examinées par la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTCA pour décider de leur mise en œuvre progressive et de leur incorporation dans les cadres de travail de l’Organisation;
  3. Remercier l’offre du Président de la République de Colombie de convoquer et d’organiser la Vème Réunion des présidents des États parties au traité de coopération amazonienne au mois d’Août 2025.

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