Comment un hôpital cardiologique infantile a réussi à réaliser plus de 300 opérations gratuites cette année au Venezuela malgré le blocus et la pandémie.

Patient et sa mère à l’hôpital latino-américain de cardiologie infantile Gilberto Rodríguez Ochoa à Caracas. Photo Jacobo Méndez

Yanira tient dans ses bras son bébé de sept mois, qui se remet d’une opération du cœur à l’hôpital de cardiologie pour enfants Gilberto Rodríguez Ochoa, à Caracas, et nous raconte le processus. Ce petit garçon qui ne cesse de sourire, est l’un des 305 enfants qui ont été opérés dans ce centre de santé depuis le début de l’année, en pleine pandémie.

Plus de 12.000 opérations ont été réalisées au centre de cardiologie depuis son inauguration le 20 août 2006, sous le gouvernement du président Hugo Chávez. En 2021, l’hôpital prévoit d’en atteindre 400, un chiffre qui prend un sens tout particulier dans le contexte des effets profonds sur la vie quotidienne des gens causés à la fois par la pandémie et par les sanctions états-uniennes et européennes contre le Venezuela.

Dès l’entrée dans cet hôpital, avec ses longs couloirs silencieux et très éclairés, les mesures de biosécurité sont strictes: lavage des mains, distance sociale et masques. Après avoir traversé des espaces très nets où le blanc prédomine, on arrive au bureau de la présidente de l’institution, la Docteure Isabel Iturria.

Comprendre les chiffres

La première chose qui saute aux yeux, ce sont les chiffres, nous explique-t-elle. Cette année, 305 interventions cardiologiques ont été réalisées. Le contexte donne de l’importance aux chiffres, car de 2014 à 2019, le Venezuela a subi une contraction économique brutale causée par la perte de 99% de ses revenus pétroliers suite au blocus sur les exportations décidé par les États-Unis contre la compagnie pétrolière publique PDVSA, en plus des sanctions.

Hôpital latino-américain de cardiologie pour enfants Gilberto Rodríguez Ochoa à Caracas. Photo : Jacobo Méndez

Selon Isabel Iturria, les plus grands hôpitaux du monde réalisent entre 300 et 400 opérations par an, et ceux qui dépassent ce chiffre appartiennent à un « groupe très restreint » d’institutions médicales. Ces chiffres, lorsqu’ils sont comparés à ceux du Venezuela, font paraître incroyables les réalisations du pays sud-américain dans ce domaine, alors qu’il est soumis à un blocus.

Avant la création du centre de cardiologie infantile, moins de 200 opérations par an étaient réalisées dans le pays, vu le coût exorbitant pour les familles populaires pratiqués par la médecine privée. Cependant, depuis l’ouverture de cet hôpital public il y a 15 ans, la moyenne annuelle est de 700 à 800 opérations (moitié chirurgies et moitié cathétérismes). « Le centre cardiologique a transformé les possibilités de traitement des enfants atteints de maladies cardiaques » affirme l’ancienne Ministre de la Santé (2013).

« On vous donne l’impression de faire quelque chose d’illégal ».

Dans un pays sanctionné par un empire, des processus aussi routiniers que l’achat de fournitures médicales passent par des labyrinthes kafkaïens. « On dirait que vous faites quelque chose d’illégal, alors que ceux qui le font sont ceux qui violent le Droit en entravant l’arrivée des moyens de la santé et de la vie au Venezuela » dénonce Iturria.

Il y a quelques années, deux appels d’offres ouverts étaient organisés chaque année pour l’achat de fournitures. Un groupe d’entreprises qui avaient la possibilité de soumissionner a participé à ces appels d’offres. Progressivement, leur présence a diminué.

« C’est extrême, il y a des matériels que le fournisseur n’apporte tout simplement pas pour ne pas s’exposer à des sanctions », bien que l’hôpital cardiologique était un client principal vu que la chirurgie pédiatrique est très peu pratiquée dans les autres institutions du pays.

La Présidente de l’Hôpital de cardiologie infantile d’Amérique latine Gilberto Rodríguez Ochoa, Isabel Iturria. Photo: Jacobo Méndez

Actuellement, la plupart des produits proviennent de Chine, par le biais d’accords bilatéraux, et d’autres pays. Certains intrants sont achetés à un importateur « qui les a achetés à un autre, qui à son tour les a achetés à un autre » et il faut ensuite évaluer lequel peut facturer l’hôpital, lequel ne le peut pas et lequel peut facturer le Ministère de la santé… « Cette procédure empêche la concurrence et génère des coûts plus élevés, car les produits proviennent d’un autre intermédiaire. Cela affecte vraiment notre pays, même si l’État a trouvé des voies alternatives », dit-elle.

En plus des fournitures, la technologie est également nécessaire pour que l’hôpital puisse fonctionner. C’est le cas de la climatisation des salles d’opération, « qui présente des caractéristiques très spécifiques : non seulement il faut générer le froid, mais le purifier de toutes sortes de polluants et de particules ». Cet équipement est importé et ses pièces de rechange ne sont plus vendues au Venezuela à cause du blocus états-unien.

L’entretien de cette technologie subit également les conséquences du blocus. Les fournisseurs habituels refusent de travailler dans l’hôpital ou affirment que leur société-mère les sanctionne et ne leur vend pas de pièces détachées si elles sont destinées à l’État vénézuélien. « C’est incroyable, mais c’est une réalité », dit Iturria.

Combien coûtent les opérations ?

Les opérations sont gratuites pour les patients et l’hôpital couvre les coûts, qui sont beaucoup moins élevés que dans le secteur privé. Partout ailleurs dans le monde, une telle opération peut coûter jusqu’à 40 000 dollars.

À l’extérieur de l’hôpital latino-américain de cardiologie pour enfants Gilberto Rodríguez Ochoa à Caracas. Photo: Jacobo Méndez

La présidente de l’hôpital explique que pour une seule opération dans une clinique privée vénézuélienne, sept ou huit sont réalisées à la clinique cardiologique. L’autre mythe qui s’effondre est celui de l' »inefficacité » du secteur public, qui semble être davantage un cliché qu’un élément rationnel », ajoute-t-elle.

La gratuité couvre même l’alimentation de la mère, et l’hébergement du père à la résidence hospitalière le jour de l’intervention. « Il faudrait que ce soit plus cher ici, mais ce n’est pas le cas. Nous le faisons gratuitement, avec une qualité technique, mais aussi avec affection, avec solidarité, avec chaleur », déclare la médecin, diplômée de l’Université centrale du Venezuela (UCV).

Pour avoir une idée des coûts, une chirurgie cardiaque congénitale pour un seul enfant peut nécessiter 300 choses différentes. Certains matériaux peuvent être restérilisés, mais pas d’autres, car ils sont très chers et la technologie est difficile à reproduire.

Hôpital latino-américain de cardiologie pour enfants Gilberto Rodríguez Ochoa à Caracas. Photo : Jacobo Méndez

Comment se déroule le processus ?

Ce qui frappe quand on entre dans le centre de cardiologie, c’est qu’il n’y a pas de mères avec leurs enfants dans les bras faisant une file sans fin pour attendre leur tour. Comment a-t-il été possible de transformer une telle réalité quotidienne dans un centre de santé publique ?

C’est d’abord le fruit de la planification et de l’utilisation des technologies de l’information. Dans les hôpitaux vénézuéliens où il existe un service de cardiologie, le spécialiste accède au système hospitalier et saisit les données des patients nécessitant une intervention chirurgicale ou un cathétérisme dans le registre national des enfants et adolescents atteints de cardiopathie congénitale (RENAC).

« Chaque jour, nous pouvons avoir en temps réel les patients qui ont été ajoutés à la liste d’attente nationale et nous pouvons les appeler lorsque nous avons les conditions pour pouvoir les opérer, en fonction de leur pathologie », explique Iturria.

Façade principale de l’hôpital latino-américain de cardiologie pour enfants Gilberto Rodríguez Ochoa à Caracas. Photo : Jacobo Méndez

Certain(e)s patient(e)s doivent patienter plusieurs années, quand l’intervention ne peut être réalisée que lorsque l’enfant est plus âgé, tandis que d’autres doivent être opérées dès le premier mois de vie.

« De cette manière, nous optimisons les ressources au sein de l’hôpital et évitons que le patient ne doive être transféré inutilement. Nous le faisons depuis la période d’avant la pandémie », ajoute-t-elle.

Professionnels absents

Dans le quotidien de l’hôpital, il y a d’autres chiffres, moins encourageants, un défi pour ceux qui y travaillent : le service de cardiologie fonctionne avec la moitié ou moins de son personnel, car de nombreux spécialistes ont quitté le pays à la suite du blocus. « C’est un bilan négatif pour la révolution, que nous devons d’une manière ou d’une autre essayer de remonter », dit Iturria.

Les médecins sont très recherchés à l’étranger, explique-t-il, et les Vénézuéliens « rivalisent à des conditions favorables avec ceux du monde entier et sont attirés par d’autres pays sans blocus qui leur offrent de meilleures conditions de vie », bien qu’ils exercent dans certains pays des fonctions bien inférieures à leurs qualifications.

La formation d’un spécialiste peut durer environ 14 ans : sept années d’université, l’année de travail en zone rurale et les études de troisième cycle, qui durent chacune trois ans. « Dans cet hôpital, les médecins ont entre deux et trois diplômes de troisième cycle. Beaucoup d’entre eux sont partis, même si je dirais que beaucoup aimeraient rester au Venezuela.

Médecins de l’hôpital latino-américain de cardiologie pour enfants Gilberto Rodríguez Ochoa à Caracas. Photo: Jacobo Méndez

« C’est un vrai problème que le Venezuela a tenté de résoudre en augmentant le nombre de médecins formés. Aujourd’hui, le nombre de médecins formés est plus élevé que jamais dans l’histoire du Venezuela », dit-elle. Le secteur principal est la médecine communautaire intégrale, avec un accent sur la médecine préventive et la promotion de la santé et de la qualité de vie. « C’est sûrement l’un des éléments fondamentaux qui a permis de contrôler la pandémie, avec les nombreuses autres mesures qui ont été prises », dit-elle.

Comment un hôpital dont la moitié du personnel a disparu peut-il encore tenir debout, telle est la question qui se pose. Le président fait référence à l’expérience accumulée en 15 ans d’existence de l’hôpital cardiologique et à l’engagement des travailleurs envers l’institution, ce qui a facilité les choses. Elle-même confirme qu’elle est revenue aux gardes de 24 heures, comme elle le faisait lorsqu’elle était résidente il y a plusieurs décennies. « Il y a vraiment beaucoup de travail à faire.

La pandémie a également été un défi auquel on a dû s’adapter : la présence des personnes accompagnant les patients a été limitée, tout le personnel a été vacciné et des outils technologiques ont été utilisés pour réaliser les activités d’enseignement et de diffusion des connaissances.

Nathali Gómez

Source : https://actualidad.rt.com/actualidad/402372-hospital-cardiologico-infantil-venezuela-sanciones-pandemia

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/09/07/comment-un-hopital-cardiologique-infantile-a-reussi-a-realiser-plus-de-300-operations-gratuites-cette-annee-au-venezuela-malgre-le-blocus-et-la-pandemie/

Photos: journée intégrale de santé à Curiepe

S’il est une particularité du gouvernement bolivarien, c’est de maintenir tant bien que mal, malgré la chute des cours du pétrole et la guerre économique déclarée en 2013 par les Etats-Unis, les programmes sociaux. Ce n’est pas une tâche facile: départ de personnel parti à la recherche de meilleurs salaires, pénurie de médicaments… Euroclear a gelé plusieurs milliards d’euros avec lesquels le gouvernement vénézuélien veut acheter des vivres et des médicaments, ce qui place cette entreprise dans la figure de complicité de crime contre l’humanité. S’y ajoute le sabotage contre le réseau électrique, entraînant des coupures d’eau, qui se multiplie depuis la nomination par Donald Trump d’un « envoyé spécial sur le Venezuela » ‘Elliot Abrams, condamné pour ses crimes de guerre, concepteur des politiques de terreur contre-insurrectionnelles dans l’Amérique Centrale des années 80, lié à des invasions comme celles de l’Irak.

Mais le Venezuela n’est pas seul. La grande majorité de la communauté internationale reconnaît le président Maduro. Plus : des pays comme le Mexique, la Chine, l’Inde et la Russie ont passé récemment des accords avec Caracas pour livrer mensuellement les tonnes de vivres et de médicaments qui permettent de résister à ces sanctions états-uniennes multiformes.

Exemple de ces politiques sociales systématiquement occultées par les grands médias depuis vingt ans, la Fundación Misión Negra Hipólita organisait il y a quelques jours une journée intégrale de santé et de remise de matériel médical à la population de Curiepe, dans l’Etat de Miranda, avec l’aide de la mission médicale cubaine.

Photos de Jonas Boussifet

T. D.

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Paysage avant la bataille

voto20152Avec l’élection de deux tiers de députés de droite vient de se répéter le scénario médiatique qui accompagna la défaite électorale des sandinistes au Nicaragua en 1990. Le pays semble rentrer dans l’ordre néo-libéral, on reconnaît que la « dictature » est une démocratie, on félicite les perdants pour leur reconnaissance immédiate des résultats.

Mais pourquoi Caracas, au lendemain du scrutin, était-elle si triste ? Pourquoi une telle victoire n’a-t-elle déclenché la moindre liesse dans le métro, dans les rues ? Comment comprendre la mobilisation de collectifs populaires, ou que les syndicats se déclarent en « état d’urgence », alors qu’il y a trois jours une partie de cette même base populaire ne s’est pas mobilisée en faveur des députés bolivariens ?

Dès l’élection de Chavez en décembre 1998, nombre d’institutions révolutionnaires se sont peuplées du « chiripero » – surnom donné à la masse d’employé(e) qui troquèrent en 24 heures la casquette du populisme des années 90 pour une chemise rouge (alors que souvent les révolutionnaires authentiques étaient écartés). L’angoissante guerre économique a rendu insupportables la corruption et la surdité de ce secteur de fonctionnaires face à l’exigence d’une protection forte, d’un État plus efficace, plus participatif, travaillant à écouter les citoyen(ne)s.

Parallèlement, le « changement » promis par la droite a été interprété comme la fin de la guerre économique : les rayons des magasins se rempliraient de nouveau, les files disparaîtraient avec le retour du secteur privé au pouvoir. Or les leaders de l’opposition ont d’ores et déjà annoncé qu’il ne sera pas possible de régler le « problème économique » à court terme et que la priorité sera d’appliquer un programme visant à « modifier » les lois et acquis sociaux. Fedecámaras, organisation des commerçants et des chefs d’entreprises du secteur privé, demande à l’assemblée nationale d’annuler la Loi du Travail (1).

En ligne de mire : les hausses de salaire, la protection des travailleurs contre les licenciements, les conditions trop favorables des congés de maternité, la réduction de la durée du travail, les samedis libres, le paiement des heures sup, les bons d’alimentation. Les syndicats annoncent déjà des mobilisations de rue, réclament la nationalisation de la banque. Menacée et traitée de « cloaque » par le leader de l’opposition Ramos Allup, la chaîne parlementaire ANTV vient d’être remise intégralement à ses travailleurs par le gouvernement, et le président Maduro décrètera une loi pour protéger les travailleurs du service public, en étendant l’interdiction de licenciement de 2016 à 2018.

assemblée populaire en cours á Caracas

Assemblée populaire en cours à Caracas

La droite – elle ne s’en cache pas – veut revenir sur la plupart des acquis de la révolution (loi de contrôle des prix, loi des semences anti-OGM, loi de la réforme agraire, de protection des locataires, éducation gratuite, santé gratuite, construction de logements publics, pensions…), organiser avec les États-Unis la privatisation du pétrole et des autres ressources du pays, annuler les accords de coopération énergétique avec les pays plus pauvres des Caraïbes et tout autre accord qui défie la vision unipolaire de Washington (PetroCaribe, ALBA, etc..), etc… Elle annonce aussi une « amnistie » pour les militants et le leader de “l’Aube Dorée” locale Leopoldo Lopez, organisateurs de violences meurtrières – celles de 2013 ont fait 43 morts, la plupart dans le camp bolivarien, et six membres des forces de l’ordre tués par balles. Ce sont eux que les médias internationaux appellent des “prisonniers d’opinion” au motif qu’ils appartiennent à l’extrême droite. Pour réaliser tout cela au plus vite, la droite cherchera, dans les mois qui viennent, à destituer le président bolivarien par un coup parlementaire comme celui subi par Fernando Lugo au Paraguay.

Faire la révolution n’est pas simple.

On voit la difficulté de construire une révolution socialiste sans démocratiser la propriété des médias, sans s’émanciper de cette prison culturelle de consommation massive, d’invisibilisation du travail, de fragmentation du monde, de passivité du spectateur. Le récent « rapport sur l’imaginaire et la consommation culturelle des vénézuéliens » réalisé par le ministère de la culture est en ce sens une excellente analyse politique. Il montre que la télévision reste le média préféré et que la majorité associe le Venezuela à l’image de Venevision ou Televen : «  jolis paysages/jolies femmes ». Comment mettre en place une production communale à grande échelle, sans la corréler avec un imaginaire nouveau où la terre n’est plus la périphérie de la ville mais le centre et la source de la vie, de la souveraineté alimentaire ? Comment transformer des médias en espaces d’articulation et d’action populaire, de critique, de participation, si le paradigme anglo-saxon de la communication sociale (« vendre un message à un client-cible ») reste la norme ?

En conclusion

Une immense bataille commence, et deux issues sont possibles : soit un repli du camp bolivarien, avec répression des résistances sociales (l’histoire répressive (2) et les liens de la droite vénézuélienne avec le paramilitarisme colombien et la CIA sont bien documentés (3) ), vague de privatisations, retour à l’exploitation et à la misère des années 90, et silence des médias internationaux – comme lors du retour des néo-libéraux au Nicaragua de 1990 à 2006.

Soit les politiques de la droite serviront de fouet à la remobilisation populaire que Nicolas Maduro a appelée de ses vœux en provoquant la démission du gouvernement et en organisant une réunion avec les mouvements sociaux et le Parti Socialiste Uni (PSUV). Malgré l’usure de 16 ans de pouvoir et ces deux dernières années de guerre économique, la révolution bolivarienne conserve un socle remarquable de 42 % des suffrages. Même si les deux tiers des sièges parlementaires donnent à la droite une grande marge d’action, le chavisme dispose pour l’heure du gouvernement et de la présidence, de la majorité des régions et des mairies, et de l’appui d’un réseau citoyen – conseils communaux, communes, mouvements sociaux. Si le président réussit à repartir rapidement sur des bases nouvelles, sans diluer ses décisions dans une négociation interne entre groupes de pouvoir, si toutes ces énergies de transformation se reconnectent et agissent en profondeur, la leçon aura été salutaire.

Thierry Deronne, Caracas, 9 décembre 2015

Juventud Guerrera del 23 de Enero. Foto Milangela Galea

Photos : merci à Orlando Herrera et à Milangea galea

Le mouvemet populaire rencontre le président Maduro (juché sur le camion d'une radio associative) aux abords du palais présidentiel, Caracas, 9 décembre 2015

Le mouvement populaire rencontre le président Maduro (juché sur le camion d’une radio associative) aux abords du palais présidentiel, Caracas, 9 décembre 2015

CV0wQk6WIAA9ie5

arlamentarismo5ht1449693898Notes:

(1) Lire « La nouvelle loi du travail au Venezuela », https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/04/nouvelle-loi-du-travail-au-venezuela-un-pas-de-plus-vers-la-vraie-vie/

(2) Lire « la jeunesse d’aujourd’hui ne sait rien de ce qui s’est passé il y a trente ou quarante ans » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/01/19/la-jeunesse-daujourdhui-ne-sait-encre-rien-de-ce-qui-sest-passe-au-venezuela-il-y-a-trente-ou-quarante-ans/ et « comment la plupart des journalistes occidentaux ont cessé d’appuyer la démocratie en Amérique Latine » https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/03/16/comment-la-plupart-des-journalistes-occidentaux-ont-cesse-dappuyer-la-democratie-en-amerique-latine/

(3) Lire « Venezuela : la presse française lâchée par sa source ? » https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/08/04/venezuela-la-presse-francaise-lachee-par-sa-source/

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Nouvelle baisse du chômage en avril

Caracas, Venezuela, 28/05/14  Le rapport mensuel de l’Institut National de la Statistique indique que le taux de chômage est descendu à 7,1 %. En avril 1999, première année du gouvernement Chavez, le chômage au Venezuela était de 14,6%. Il a donc été diminué de 50 % en quinze ans de révolution bolivarienne. Au total 4 millions de personnes ont trouvé un emploi. Tandis que le travail dans le secteur informel est passé de 51 % en avril 1999 à 40,7% en avril 2014, dans le même temps, le secteur formel de l’économie a crû de 10,3 – passant de 49% en avril 1999 à 59,3% en avril 2014. Le rapport montre aussi qu’entre avril 2013 et avril 2014, 444 mil 313 personnes ont trouvé un emploi dans l’économie formelle.

L’évolution de l’emploi se caractérise par la consolidation des activités économiques qui génèrent la plus grande quantité d’emplois et par une stabilité accrue pour les travailleurs¨ précise le rapport qui souligne l’amélioration des conditions de travail.

Même les travailleurs indépendants installés à leur compte – 3 millions 637 mille 484 personnes – peuvent aujourd’hui cotiser à la sécurité sociale et ont droit aux pensions de vieillesse grâce à la modification de la Loi de l’Institut Vénézuélien de la Sécurité Sociale.

Nicolas Maduro le 24 mai 2014, lors d’une rencontre nationale avec les travailleurs du secteur public et les syndicats qui lui ont remis le projet de contrat collectif 2014-2016. Ce projet sera approuvé dans les 60 jours, a promis le président, qui a par ailleurs approuvé la nouvelle échelle d’augmentation du salaire pour l’administration publique, annoncé le renforcement de la Caisse d’Épargne et la création d’une Banque des Travailleurs où seront déposées toutes les prestations sociales qui leurs sont dues, et relancé la Mission Mercal Obrero qui prolonge le système de distribution des aliments à bas prix en installant ces magasins à proximité des lieux de travail.

Nicolas Maduro le 24 mai 2014, lors d’une rencontre nationale avec les travailleurs du secteur public et les syndicats qui lui ont remis le projet de contrat collectif 2014-2016. Ce projet sera approuvé dans les 60 jours, a promis le président, qui a par ailleurs approuvé la nouvelle échelle d’augmentation du salaire pour l’administration publique, annoncé le renforcement de la Caisse d’Épargne et la création d’une Banque des Travailleurs où seront déposées toutes les prestations sociales qui leurs sont dues, et relancé la Mission Mercal Obrero qui prolonge le système de distribution des aliments à bas prix en installant ces magasins à proximité des lieux de travail.

Notes :

– Voir ¨Nicolas Maduro annonce une nouvelle augmentation de 30 % du salaire minimum et des pensions¨

Maduro annonce une nouvelle augmentation de 30% du salaire minimum et des pensions

– Lire ¨Venezuela : l’augmentation du salaire et la baisse du chômage continuent.¨, https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/01/22/venezuela-laugmentation-du-salaire-et-la-baisse-du-chomage-continuent/

– Pour les détails de la nouvelle loi, lire ¨Nouvelle loi du travail au Venezuela : un pas de plus vers la vraie vie.¨, https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/04/nouvelle-loi-du-travail-au-venezuela-un-pas-de-plus-vers-la-vraie-vie/

Source : AVN

Traduction : T. D.

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Nouvelle baisse du chômage en avril

Quand s’éloigne le bruit de la pluie sur les toits de carton

Le Venezuela est plus bolivarien que jamais (1). Avec 20 états sur 23 –  dont cinq bastions repris à l’opposition de droite, le triomphe des candidats du programme bolivarien aux régionales de ce dimanche 16 décembre 2012 rappelle à ceux qui l’auraient oublié que le Venezuela vit une double révolution.

La première est la transformation d’un peuple en sujet politique. En Europe, pour des raisons sociologiques et médiatiques, ce fait suscite moins d’intérêt que la question «  qui va succéder à Chavez ? ». Mais le Venezuela n’est pas une monarchie : il y a dans ce pays une constitution républicaine, des élections pour choisir ou rejeter les programmes portés par des candidats et surtout, un peuple conscient, mobilisé, capable de critiquer et d’orienter la politique.

Il y a quinze ans, avant la première victoire bolivarienne aux présidentielles, le champ politique se caractérisait par un apartheid de fait. Une partie de la classe moyenne et de l’élite locales, minoritaires, rêvaient (et rêvent encore parfois) d’exterminer une myriade d’insectes grouillant dans les cerros, dans les barrios surplombant Caracas. Cette majorité sociale occupe aujourd’hui le centre de l’espace politique et, vote après vote, accélère le temps historique. Cette intensité génère de nouveaux problèmes à résoudre.

Jesse Chacón, ex-ministre et directeur de la fondation de recherches sociales GISXXI, pointe ainsi le retard de la forme politique sur l’électorat populaire en notant “la fragilité du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV, principal parti bolivarien) qui n’a pas réussi à se muer en “intellectuel collectif » (Gramsci), en parti capable de s’articuler territorialement et socialement avec les gens et de prendre la tête de la mobilisation. Au contraire cette fraction révolutionnaire maintient une trame interne trop complexe pour mener des processus d’organisation solides et permanents. Sa manière répétée de ne s’activer qu’en fonction des élections sans être présent dans la bataille autour des problèmes quotidiens des gens, le cantonne à n’être qu’un espace symbolique que le peuple identifie conme le parti de Chavez et auquel, comme tel, il donne son vote. Reste à penser comment construire un vrai détachement collectif capable de conduire la société vénézuélienne dans une transition difficile et ardue vers le socialisme. » (2)

L’autre révolution, c’est la renaissance de l’Etat et la multiplication de services publics de grande envergure. Il ne s’agit pas d’un simple refinancement, d’une simple « sortie du néo-libéralisme » mais de construire un nouveau type d’État. Prenons l’exemple de la Mission Logement. (3)

Avant la révolution bolivarienne, les quartiers populaires aux toits de carton et de zinc dépeints par la chanson « Techos de cartón » d’Ali Primera en 1974, n’étaient que l’expression la plus visible du drame de la pauvreté et de l’exclusion sociale. En faisant résonner le mot car-tón, Ali Primera disait la condition réelle d’une population sans État, sans défense face aux éléments, livrée à l’exploitation quotidienne. (4)

¡Qué triste, se oye la lluviaen los techos de cartón !

¡Qué triste vive mi gente

en las casas de cartón !

Viene bajando el obrero

casi arrastrando los pasos

por el peso del sufrir

mira que es mucho el sufrir !

¡ mira que pesa el sufrir !

Arriba, deja la mujer preñada

abajo está la ciudad

y se pierde en su maraña

hoy es lo mismo que ayer :

es su vida sin mañana

Recitado

« Ahí cae la lluvia,

viene, viene el sufrimiento

pero si la lluvia pasa

¿ cuándo pasa el sufrimiento ?

¿ cuándo viene la esperanza ? »

Niños color de mi tierra

con sus mismas cicatrices

millonarios de lombrices

Y, por eso :

¡ Qué tristes viven los niños

en las casas de cartón !

¡ Qué alegres viven los perros

en casa del explotador !

Usted no lo va a creer

pero hay escuelas de perros

y les dan educación

pa’ que no muerdan los diarios,

pero el patrón,

hace años, muchos años

que está mordiendo al obrero

oh, oh, uhum, uhum

¡ Qué triste se oye la lluvia

en las casas de cartón !

¡ qué lejos pasa la esperanza

en los techos de cartón !

 

Comme elle est triste la pluie qu’on entendsur les toits de carton !

Comme elle est triste la vie de mon peuple

dans les maisons de carton !

L’ouvrier arrive

d’un pas traînant

sous le poids de sa  souffrance.

Regarde comme il  souffre !

Regarde comme la souffrance lui pèse !

En haut il laisse sa femme enceinte,

en bas il y a la ville

et il se perd dans son maquis

aujourd’hui pareil qu’hier :

c’est sa vie sans lendemain.

Récitatif

Là-bas tombe la pluie,

elle vient, elle vient la souffrance.

Mais, si la pluie cesse,

quand la souffrance cessera-t-elle ?

Quand viendra l’espoir ?

Enfants de la couleur de mon pays,

comme lui, pleins de cicatrices,

millionnaires en parasites.

C’est pourquoi :

Qu’elle est triste la vie des enfants

dans les maisons de carton !

Qu’elle est gaie la vie des chiens

dans la maison de l’exploiteur !

Vous n’allez pas me croire

mais il existe des écoles pour chiens

où on les éduque

pour qu’ils ne mordent pas les journaux.

Mais le patron,

depuis de très longues années,

ne cesse de mordre l’ouvrier.

Oh, oh, mmm, mmm

Qu’elle est triste la pluie qu’on entend

dans les maisons de carton !

L’espoir, comme il passe loin

des toits de carton !

Avec la Grande Mission Logement Venezuela lancée en avril 2011, le gouvernement cherche à restituer un des droits fondamentaux dont furent privés pendant tant d’années ces millions de vénézuéliens contraints de construire des baraques sur des terrain à risques, maintenus à l’écart des centres urbains dont les terrains sûrs étaient aux mains de gros propriétaires et d’agences immobilières.

Pour l’année 2012, cette mission offre un bilan de 311 mille 992 logements construits (soit 89% de l’objectif prévu pour 2012). Ils ont été remis principalement à ceux qui avaient perdu leur foyer lors des graves inondations de 2010, aux familles qui hier encore écoutaient « le triste bruit de la pluie sur les toits de carton ».

Dans des pays comme l’Espagne, la disparition progressive de l’État social a eu pour conséquence durant les quatre dernières années 350.000 saisies hypothécaires. Le bilan pour 2012 est de 18.668 expulsions, soit une hausse de 13,4% par rapport au deuxième trimestre de 2011. 34% des suicides, selon les statistiques officielles, sont dus à des expulsions.

À Caracas, Yana Coelli est formatrice populaire dans le secteur El Recreo. Elle se charge d’organiser les processus de formation et d’organisation communale. Un des problèmes qu’elle affronte avec les quasi 200 personnes des huit conseils comunaux de la commune en construction de sa juridiction, est précisément celui du logement.

« Nous avons commencé le 7 juin 2012 par des réunions d’orientation pour former les assemblées citoyennes techniques sur le logement. Lors des deux premières réunions nous avons utilisé la méthodologie de « l’arbre du problème » pour détecter ensemble les causes profondes du manque de  logements, comprendre pourquoi nous étions obligés de louer ou d’être acculés dans des terrains à haut risque. Le but était que tous voient que ce besoin ne se réduit pas à nous seulement mais qu’il est vécu à l’échelle nationale. Nous avons dû remonter l’histoire du pays, les quarante ans de fausses promesses des gouvernements de la quatrième république, l’éléphant blanc d’Inavi (Institut National du Logement). Les gens ont beaucoup participé, un climat de confiance s’est noué. Après les élections nous avons repris les réunions, à chacune d’elles ont assisté en moyenne une centaine de personnes. »

Pour Yana, la participation est fondamentale, mais plus encore la formation. Pour elle, seuls des conseils comunaux organisés, menant les recensements de logement et proposant des solutions élaborées collectivement, garantissent l’accès à un logement digne, qu’ils soient construits par le biais de la Grande Mission Logement ou en auto-construction avec la collaboration des Comités de Terre Urbaine ou du « Movimiento de Pobladores » qui se chargent de chercher les terrains ou les immeubles abandonnés afin de les destiner au logement.

« Les occupants des refuges sont prioritaires mais il y a beaucoup plus de gens qui ont besoin de logements, et qui doivent s’organiser pour transférer aux institutions gouvernementales l’information exacte sur leurs besoins. La Mission Logement devrait travailler davantage avec les  conseils communaux, et qu’on le voie à la télévision, pour stimuler l’organisation citoyenne. La communauté qui ne s’organise pas n’obtiendra rien. C’est ainsi que va notre processus: essais, erreurs, essais, tout le temps« …

Réunion du « Movimiento de pobladores » avec le président Chavez pour proposer des lois en faveur du logement public. L’objectif de ce mouvement social est de lutter contre la spéculation immobilière, pour la démocratisationde la propriété et la sécurité juridique en faveur des secteurs populaires. Il est formé par diverses organisations de base telles que le campement de pionniers (familles sans logement), Concierges Unis pour le Venezuela, Comité de Locataires, Comités de Terre Urbaine, Front de Locataires et Occupants, provenant de tout le pays.

T.D.

Avec Mariel Carrillo, AVN http://www.avn.info.ve/contenido/vivienda-y-revoluci%C3%B3n-logro-vivo-del-pueblo-venezolano et http://www.ciudadccs.info/?p=363025

Notes:

(1) Résultats définitifs disponibles sur le site du Centre National Électoral vénézuélien: http://www.cne.gob.ve/resultado_regional_2012/r/1/reg_000000.html

(2) Jesse Chacón, “2012 y la intensidad de la trama política nacional” http://www.gisxxi.org/articulos/2012-y-la-intensidad-de-la-trama-politica-nacional-venezolana-jesse-chacon-gisxxi/#.UM51LuQmbld

(3) Infos chiffrées sur la Grande Mission Logement:  http://www.mvh.gob.ve/index.php?option=com_content&view=category&id=45&layout=blog&Itemid=81

(4) La chanson engagée en Amérique du Sud (années 1960 et 1970) : définition, origine et caractéristiques, par Ana Luisa Polania-Denis, Doctorante, Université de Paris 10, thèse présentée en 2010.

URL de cet article: https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/17/quand-seloigne-le-bruit-de-la-pluie-sur-les-toits-de-carton/

La sécurité au Venezuela : la solution depuis l’État et non comme offre électorale, par Jesse Chacón – Fondation GISXXI.

Jesse Chacón

Le thème de la sécurité a été utilisé dans toutes les sociétés capitalistes comme ressource de l’État pour légitimer ses appareillages répressifs et militarisés. Elle est fondamentalement un rituel de contrôle social. La stratégie à l’oeuvre dans ces dispositifs est le traitement violent des conflits qui se convertit, dans le cas des problèmes d’insécurité en un scénario privilégié de violation des droits humains.

Face au défi que signifie conjurer les formes croissantes d’insécurité urbaine, le gouvernement bolivarien a opté pour une politique nationale de sécurité dont la conception et la mise en oeuvre concrète suivent les normes de respect et de garantie des droits humains. Il s’agit de transformer le droit à la sécurité en sécurité des droits comme le propose avec raison le criminologue critique Alexandro Barata.

La gestion antérieure a permis de construire un système national de police, qui compte sur des instruments significatifs tels que la police nationale et les nouveaux standards opérationnels des polices des état et municipales.

Les résultats obtenus dans la diminution du taux de délits contre le patrimoine comme les vols avec violence ou non, ont été importants. C’est le résultat de nouvelles conduites policières ainsi que de l’intégralité  dans la politique sociale et de garantie des droits économiques et sociaux. Le taux national de vols sans violence a baissé de 190 en 2009 à 169 en 2011, celle des vols avec violence de 254 en 2009 à 211 en 2011.

Le taux d’homicides au contraire, bien que contenu, stagne sans montrer de tendance significative à la baisse, qui en 2009 fut de 49 et en 2010 de 50, avec les jeunes comme majorité des victimes et auteurs d’homicides. En ce qui concerne les caractéristiques des homicides,  83,63% ont lieu le plus fréquemment dans les secteurs populaires, 56,52% dans la strate 4 et  27,12%. Dans la strate 5, dans la strate 1 et 2 (secteurs riches) ne se produisent que 3,9% des homicides. 61,57% des assassinats se produisent dans le quartier lui-même et 10,01% dans le même secteur. 71.5 ont lieu le soir et à l’aube.

Sur tout ce qui précède, il existe divers facteurs de la société liés à ce qu’on appelle l’opposition qui ne comprennent pas ce que signifie transformer cette problématique sur la base d’un modèle de sécurité citoyenne centré sur des pratiques démocratiques et sur le respect des droits humains, et ne valorisent pas le processus substantif de construction du système national de police ni la politique nationale de désarmement. Ces secteurs ne peuvent valoriser ces pas fondamentaux de la politique publique parce qu’ils gardent la vision et la conception militarisée de la sécurité citoyenne, qu’ils appliquent selon le schéma typique du “plomb pour les délinquants”. Leur tradition est la violation systématique des droits humains, et leur position en matière criminologique est donnée par la théorie du « droit pénal de l’ennemi » selon laquelle les formes de criminalité juvénile, en tant qu’elles transgressent le pacte social, doivent être classées comme celle d’ennemis publics auxquels il n’est pas légitime d’acccorder les garanties et le respect des droits humains. Il ne faut pas s’étonner de les voir exiger en  permanence que toute mutinerie soit écrasée dans le feu et le sang.

Le Gouvernement bolivarien est conscient de la gravité que représente le problème de l’insécurité pour l’ensemble de la société vénézuélienne et c’est pourquoi il a lancé un appel à assumer publiquement ce problème comme celui de tous, au lieu de le considérer depuis la partialité politique, et recherche la convergence de tous les secteurs de la société pour dégager des solutions alternatives.

Le début de la solution passe par la capacité de tisser État et société sur la base de l’accomplissement des standards des droits humains, par la reconnaissance que la sécurité est un problème politique et citoyen, et non pas en adoptant les postures régressives de la militarisation des mentalités et des dispositifs d’action.

Il est également nécessaire de caractériser correctement les nouveaux types de criminalité transnationale qui s’implantent dans la société vénézuélienne. Considérer le problème de l’insécurité sans visibiliser l’impact que les cartels colombiens et mexicains de la drogue ont dans la reconfiguration de la criminalité  urbaine, exprimée par le micro-trafic de stupéfiants et par l’augmentation des homicides, c’est perdre de vue la connexion structurelle du problème.

Ces phénomènes ne sont pas nationaux mais font partie d’un phénomène qui impacte aujourd’hui à plus ou moins grand degré la totalité des villes d’Amérique. Une compréhension de ce phénomène exige la lecture du narcotrafic non seulement comme problème criminel mais comme expression d’une transnationale d’accumulation de capital, dans laquelle se mêlent autant les néo-bourgeois mafieux aux élégants banquiers de la bourgeoisie traditionnelle.

Le narcotrafic et son impact dans la société vénézuélienne peuvent être mieux compris si on analyse l’évolution du marché des consommateurs. Jusqu’à la fin de la décennie 90, selon les Nations Unies, les États Unis représentaient un marché de 267 tonnes cubiques par an pour  2008 – produit du surgissement d’un segment de consommateurs jeunes tournés vers les drogues synthétiques, tandis que la consommation annuelle de cocaïne s’est réduit à 165 millions de tonnes. Pendant ce temps, l’Europe a subi une augmentation de la consommation, en passant de 63 tonnes annuelles en 1998 à 165 tonnes en 2008.

Cette variation fondamentale dans les marchés a eu pour conséquence la transformation de la cartographie de la distribution et la consolidation et la configuration de nouvelles routes, qui ont converti le Venezuela en un territoire fondamental de transit de la drogue, acheminée au littoral vénézuélien puis aux îles Caraïbes et de là, réexportée directement pour une part vers l’Europe et pour une autre part à travers l’Afrique.

La configuration de circuits criminels au  Venezuela ne s’est pas fait attendre, avec le développement du mercenariat consubstantiel au commerce du narcotrafic, autour de la protection et du transport des chargements depuis la Colombie ainsi qu’autour du microtrafic de drogue urbain qui a impliqué une augmentation de la consommation et de la possession de drogue par les citoyens.

Selon des données du CICPC (Corps d’Investigations Scientifiques, Pénales et Criminelles), alors qu’en 2009 le taux de consommation de drogues au Venezuela était de 0,04, il s’est situé à 7,7 en 2011; le taux de possession de drogue par les citoyens est passé dans la même période de 33 à 39.

Le gouvernement révolutionnaire, conscient de la signification dramatique de ce nouveau phénomène transnational dans la réalité nationale, n’a pas été la proie de réponses spasmodiques à court terme, ni de formules fascistes de contrôle et de répression; au contraire, sans écarter l’augmentation opérationnelle des forces policières, qui a permis d’obtenir des résultats partiels sur plusieurs indicateurs, il a opté pour une transformation structurelle du système national de sécurité.

Récemment le gouvernement a convoqué une moblisation publique autour du problème du désarmement et travaille à des mesures structurelles pour le contrôle de l’armement. Il a également mobilisé des facteurs citoyens pour participer à la mission “A toda Vida Venezuela(1) qui travaillera de manière systématique sur les manifestations de la criminalité, les problèmes d’accidents de la route et le manque de lien social à l’intérieur des communautés.

Tout ceci est la nouvelle manière de tisser le social sur la base de critères socialistes : une stratégie visant à transformer le concept et la pratique de la sécurité, dans le cadre de la construction de liens sociaux, qui est le nouveau nom de la sécurité.

Étudiant(e)s de la nouvelle Police Nationale Bolivarienne, organe formé au respect des droits humains au sein de l’UNES (Université Expérimentale de la Sécurité). Lancement de la Mission « A toda Vida Venezuela », juillet 2012.

Malheureusement, confrontée à sa stagnation dans les sondages, l’opposition a opté pour électoraliser ce problème, avec une proposition qui ne contient aucune action concrète. Que peut en effet proposer le candidat Henrique Capriles aux vénézuéliens en matière de sécurité, alors que l’État dont il est le gouverneur possède les plus hauts indices de criminalité ?

Puissions-nous sortir ce thème de la polémique politicienne et offrir une solution d’État à une société qui le demande. La Mission “A toda vida Venezuela” est la grande occasion de rassembler toutes les volontés autour de cet objectif.

Jesse Chacón, Directeur de la fondation GISXXI

http://www.gisxxi.org

Traduction de l’espagnol: Thierry Deronne

PDF de l’original : LA SEGURIDAD: Su solución desde el estado y no desde la oferta electoral

 
(1) NdT: La mission d’État “A toda vida Venezuela”, lancée officiellement le 10 juillet 2012, a six axes principaux : 
1. La prévention intégrale et la vie en commun solidaire.
2. Le renforcement des organes de sécurité citoyenne.
3. La transformation du système judiciaire, pénal et la création de mécanismes alternatifs de résolution des conflits.
4. La modernisation du système pénitentiaire.
5. La création d’un système national de suivi intégral des victimes de la violence.
6. La création et la socialisation de la connaissance pour le vivre-ensemble et la sécurité.
 
URL de cet article: https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/07/14/la-securite-au-venezuela-la-solution-depuis-letat-et-non-comme-offre-electorale-par-jesse-chacon-fondation-gisxxi/
 

Le droit à la retraite : modèle vénézuélien contre modèle grec, par Jesse Chacon

Dans la première semaine d’avril, une nouvelle a secoué le monde entier. Dimitris Christoulas, pharmacien à la retraite de 77 ans, se suicidait d’un tir dans la tête face à une multitude sur une place d’Athènes. Dans sa poche et chez lui, il laissait une lettre où il disait:

« … Le gouvernement Tsolakoglou a anéanti toutes mes possibilités de survie, qui se basaient sur une pension très honorable que j’ai payée seul pendant 35 ans sans aucune aide de l’Etat. Et comme mon âge avancé ne me permet pas de réagir d’une façon dynamique (quoique si un compatriote grec devait se saisir d’une Kalashnikov, je m’empresserais de le suivre), je ne vois pas d’autre solution que de mettre fin à ma vie dignement, ce qui m’épargne d’avoir à fouiller les poubelles pour assurer ma survie. Je crois que les jeunes sans avenir vont prendre les armes un jour et ils pendront les traîtres de ce pays sur la Place Syntagma, exactement comme les Italiens l’ont fait pour Mussolini en 1945 ».

La mort tragique de Dimitris, plus qu’une attitude d’impuissance et de frustration telle que l’a présentée la presse internationale, représente un fait politique de résistance et de dignité, qui s’ajoute à la mobilisation de milliers de grecs qui aujourd’hui prennent les places d’Athènes pour protester contre le paquet drastique d’ajustements néo-libéraux que le gouvernement impose sous l’exigence du pouvoir financier et technocratique européen.

En Grèce depuis le début des mesures d’austérite gouvernementale prises en 2010 les allocations de retraite ont été diminuées d’environ 15 %  et celles de plus de 1.200 euros ont été réduites de 20 % de plus. Des citoyens qui ont cotisé, épargné toute leur vie, patiemment, pour jouir de la tranquillité dans leur vieillesse, découvrent aujourd’hui que tout s’écroule, que leur argent n’existe pas, que d’autres l’ont dépensé ou mal investi dans les ballets de titres qui se sont évaporés avec la crise financière déclenchée depuis 2008.

La sécurité sociale, et notamment la protection de la vieillesse, est une institution enracinée socialement depuis de nombreux siècles, et a surgi comme une pratique solidaire générée par la préoccupation pour les invalides ou face aux incertitudes du lendemain. Après la deuxième guerre mondiale et la déclaration formelle des droits humains en 1948, la sécurité sociale se déploie dans une structure de normes internationales et nationales qui en fait un droit formel; les états nationaux créent des structures prévisionnelles et de sécurité sociale et, au sein de celles-ci, des fonds de pensions, lesquels garantissaient une retraite pour les travailleurs à travers leur épargne.

Mais dans la décennie des années 70, la voracité néo-libérale a détruit le sens solidaire de cette institution et l’a convertie en un butin, cédant la place à la privatisation des fonds de pension. Ces fonds sont alors gérés non plus par des sécurités sociales publiques mais par des fonds privés de pension.

La bouchée succulente de l’épargne populaire commence à remplir les coffres du capital financier. Celui-ci sans perdre de temps se met à investir ces fonds dans des titres et dans d’autres investissements douteux à l’extérieur. Au Chili par exemple en 2008, selon des données du Centre National de Développement Alternatif (CENDAS), “95,2 % des fonds investis à l’extérieur l’étaient sous rente variable, dans des pays fortement touchés par la crise et dans des instruments à haut risque. Depuis le début de la crise, le 25 juillet  2007 et jusqu’au 30 septembre 2008, les fonds de pensions avaient perdu 20,37 millions de dollars actuels, ce qui équivaut à une perte de 18.97%”. Tout ceci incombe aux Administrations des Fonds de Pensions (AFP) privés, qui jouent et perdent l’argent des personnes âgées, tout en se présentant au monde comme des experts en efficacité.

Le crédo capitaliste néo-libéral qui s’appuie sur le discours de Hayek et de Fridman, détruit la solidarité comme valeur et rend hégémonique une nouvelle anthropologie basée sur l’égoïsme et sur l’utilitarisme; cependant, de manière répétée, son modèle échoue et sa nature apparaît au grand jour : un système de de gangsters voué à la dépossession, au vol déguisé, destiné à augmenter la richesse de ceux qui sont déjà riches, très riches.

Mais il existe une alternative pour construire la société et la vie, il est possible de construire la société à partir d’idées socialistes, il est possible de récupérer la solidarité comme cœur des relations sociales et de construire des politiques qui garantissent le bien-vivre et le bonheur social.

Au Venezuela, après la mise en échec du modéle néo-libéral par l’insurrection populaire, lors de la révolte du caracazo (1989) et les soulèvements civico-militaires de 1992, cette alternative socialiste a été validée par des réalisations tangibles. Les fonds de pensions ont été préservés comme faisant partie du secteur public et l’État national est redevenu le garant de ces droits. Pendant ces 12 ans de gouvernement bolivarien le nombre de pensionnés a augmenté, passant de  211.040 en 1998 à 1.544.856 en 2010 (voir graphique).

L’Europe subit une crise qui est le produit de la dure recette néo-libérale d’austérité et de privatisations;  le Venezuela avance en tissant son futur sur la base de la solidarité et des idées du socialisme.

Jesse Chacón

Director GISXXI

http://www.gisxxi.org

Traduction : Thierry Deronne, pour http://www.venezuelainfos.wordpress.com

Original en espagnol : http://www.gisxxi.org/articulos/la-pension-un-apetecido-bocado-para-el-capital-financiero-jesee-chacon-gisxxi/

Le Venezuela en rupture avec le modèle néolibéral de la santé, par Jesse Chacón

Jesse Chacón, directeur de la fondation GISXXI

Le 23 mars dernier le journaliste colombien Juan Gosain écrivait dans El Tiempo : “Il faut le dire sans anesthésie, le système colombien de santé est mort. (..) A Bogota  un désespéré est monté au dernier étage d’une clinique, menaçant de se jeter dans le vide, parce qu’il demandait depuis huit mois à Saludcoop un rendez-vous avec le médecin. Le même soir à Cartagena, le médecin de garde fut attaqué à coups de poing par un ouvrier qui attendait depuis trois jours à la réception. Il ne supportait plus le mal de tête. Il avait subi une embolie cérébrale”.

Tel est le quotidien de la population dans un pays qui depuis le début des années 90 a déstructuré le système public de santé et l’a fait migrer vers un système dont le centre de gravité se trouve dans les entreprises privées tout en démantelant le système public de cliniques et d’hôpitaux par la privatisation. Les usagers migrent vers ce système qui en plus de recevoir une partie des subventions de l’État – on subventionne les riches – reçoit l’argent issu du paiement mensuel des usagers.

Aujourd’hui, après plus de vingt ans, ce modèle est devenu une immense escroquerie pour le public, puisque les usagers «assurés» par ce  système voient le secteur privé retarder ou supprimer des traitements par souci de maximiser les profits – 19.000 millions de dollars par an – et les exemples dramatiques donnés par le journaliste Juan Gosain ne font qu’illustrer cette situation.

Dans le modèle néolibéral de la gestion de la santé appliqué en profondeur à des sociétés telles que la Colombie ou le Chili, nous pouvons identifier les caractéristiques suivantes:

– Compte tenu de la déréglementation des systèmes de santé nationaux, ceux-ci relèvent désormais du droit commercial et quittent le champ de la santé comme droit humain.

– Compte tenu de la privatisation des systèmes de santé nationaux, on cesse de protéger les fabricants nationaux de médicaments.

– On approfondit la monopolisation du secteur des médicaments par des brevets monopolistiques et la propriété intellectuelle.

– Les entreprises privées créent des sociétés de soins qui capturent les ressources publiques et celles des usagers, tout en dégradant la qualité des soins.

– Sous couvert de l’argument de la décentralisation, les gouvernements nationaux transfèrent leurs responsabilités aux municipalités ou aux régions,  sans tenir compte de la protection des droits exigée par les protocoles internationaux signés par les Etats-nations et qui les responsabilisent comme garants universels.

Alors que ces caractéristiques se sont aggravées dans ces sociétés jusqu’à en faire des sociétés centrées sur le marché, le Venezuela, depuis le cycle de révolution bolivarienne, reprend la construction d’une société centrée sur l’État, où l’État retrouve son rôle d’axe structurant de la société et de l’économie, sans nier le jeu contradictoire et dynamique de sa relation avec le marché et la société civile.

La lutte pour la construction d’un état social de droit fut et reste la référence capable de doter de sens les concepts politiques et la politique elle-même. Sous cet horizon la santé vit une redéfinition structurelle, car au lieu d’être vue comme une marchandise remise au capital privé, elle est récupérée comme un Droit Humain, dont la garantie et la gratuité sont  responsabilités d’État.

Le Venezuela a développé progressivement son système de santé, à travers l’existence d’un immense réseau de prévention et de soins primaires : la Mission Barrio Adentro I (« Au coeur du quartier populaire I« , NdT), ce qui lui a valu la reconnaissance non seulement de la population mais aussi d’organismes internationaux tels que l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation Panaméricaine de Santé (OPS).

Cet effort fait partie de la politique de garanties de l’État, qui suit les orientations contenues dans la Constitution Bolivarienne et dans les normes internationales. Le droit à la santé est prévu dans le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (ONU) et plus spécifiquement dans l’observation générale numéro 14 du Comité du PIDESC. Celle-ci exprime l’obligation de remplir les critères de gratuité et d’universalité et tous les États latino-américains ont signé et ratifié ces protocoles; cependant seuls les gouvernements d’orientation socialiste comme le vénézuélien les respectent pleinement.

Cette politique de garantie, universelle et gratuite, est représentée par une extension de la couverture des soins de santé : en juillet 2010 on comptait 6.711 centres de consultations médicaux populaires, 556 salles de rééducation, 507 Centres de Diagnostic Intégral et 30 centres de haute technologie. Aujourd’hui 81.8% de la population est soignée par le système public de santé, tandis que 18.8% se tournent vers le secteur privé.

A ces réussites s’ajoutent une augmentation du personnel médical qui se consacre aux soins primaires. Selon les chiffres du rapport mondial de la santé de l’OMS, on comptait en 1998 au Venezuela 2 médecins pour 10 mille habitants. A l’heure actuelle on en compte 19,4. Cet indicateur est important pour la comparaison avec des sociétés néolibérales comme la chilienne et la colombienne. Au Chili selon des données de l’OMS, on a 10,9 médecins pour 10 mille habitants; en Colombie 13,5.

De son côté l’opposition vénézuélienne, en tant qu’expression du néo-libéralisme local et des recettes du Fond Monétaire International, présente un programme sous la candidature de Capriles avec la claire intention de revenir en arrière et de démonter ce rôle de garant de l’État national. Son intérêt profond est la capture du secteur de la santé comme secteur commercial, comme on peut le lire dans le programme de l' »Assemblée de l’Unité » :

– « Sera mis en place un Système Public National de Santé (SPNS) qui renforcera la fonction rectrice du Ministère. » Ils ignorent le rôle de garant et de financement du Ministère de Santé, puisqu’il ne s’occupera plus que d’établir des règles et de coordonner un système dont l’axe est constitué par le secteur privé et par les municipalités.

– « Seront garanties les ressources pour couvrir une assurance publique de santé de spectre large et universel, financé par des ressources fiscales, qui garantira à toute la population des services adéquats et de qualité« . Ce qui semble un objectif profondément noble et social. Mais l’idée de “ressources fiscaless” limite le financement du secteur à la collecte d’impôts, faisant obstacle au financement par des ressources propres venant d’entreprises publiques liées au développement national telles que PDVSA (pétrole), CANTV (téléphonie..), etc.

– « Sera transféré le réseau des établissements de soins médicaux de la Mission  Barrio Adentro I et II aux États régionaux. » Ici l’intention est claire : démonter la responsabilité de l’État national, un truc déjà utilisé au Chili et en Colombie pour transférer le poids aux localités et aux régions, lesquelles sous ce poids finissent par transférer les opérations au privé.

– « Sera revu l’Accord de santé Venezuela-Cuba et sera adjoint le réseau d’établissements médicaux de Barrio Adentro I et II au Ministère du Pouvoir Populaire pour la Santé (MPPS). De la même manière seront noués des accords de coopération avec le secteur privé dans le but de contribuer à affronter la crise qui affecte le réseau des hôpitaux publics nationaux. » Quand il est dit « sera revu » , il faut lire « sera supprimé« . ce sont des affirmations contradictoires puisque dans celle qui précède on dit que les établissements doivent être transférés aux états régionaux, pour die ensuite qu’ils doivent être adjoints au Ministère de la Santé. Incohérences propres d’un empressement à réaliser le rêve exprimé à la fin du programme de  “nouer des accords avec le secteur privé”, autrement dit de faire de la santé un commerce lucratif.

Les propositions de Capriles sur le thème de la santé sont une invitation à revenir au passé, à revivre la douloureuse nuit fond-monétariste, à privatiser le système de  santé.

Le 7 octobre 2012 les vénézuéliens décideront s’ils continuent à construire leur système public de santé inclusive ou si recommence au contraire un processus de privatisation de la santé qui ne couvrira que celui qui peut payer.

Jesse Chacón

Director GISXXI

http://www.gisxxi.org

Source : http://www.gisxxi.org/articulos/venezuela-y-la-ruptura-del-modelo-neoliberal-en-salud-jesse-chacon-gisxxi/

Traduction : Thierry Deronne pour www.venezuelainfos.wordpress.com

L’éducation comme sphère d’inclusion : une comparaison entre le Venezuela, le Chili et la Colombie, par Jesse Chacón

Presque tous les discours sociaux sont d’accord sur le rôle de l’éducation comme dépassement de l’inégalité et comme source de développement pour un pays. L’éducation est identifiée comme sphère d’inclusion, de construction et de partage de sens sociaux qui garantissent la survie de l’ensemble de la société.

Investissement public dans l'éducation exprimé en pourcentage du Produit Intérieur Brut (UNESCO)

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, grâce à l’élaboration de cadres internationaux de protection des droits, l’éducation possède un statut de droit humain. Rappelons que les droits humains sont un ensemble de biens primaires ou de revendications protégées juridiquement par la communauté nationale et/ou internationale et qui expriment les aspirations et les exigences de liberté, de dignité et d’équité à chaque époque de l’Histoire.

Le fait de la protection juridique de ces biens par l’État ou par la communauté internationale leur confère le statut de droits. Dans le cas contraire on ne parlerait que d’aspirations morales de la part de l’humanité ou de  la part d’une communauté politique nationale spécifique, mais pas d’un droit universel.

Indice GINI (= niveau de l'inégalité). Source : Banque Mondiale.

En ce qui concerne la protection juridique du droit à l’éducation, une architecture légale internationale établit clairement le caractère obligatoire pour les États signataires de garantir l’éducation sur la base des principes de gratuité et d’universalité.

Á ce sujet l’observation générale numéro 13 du Comité des Droits Humains, Économiques et Sociaux de l’ ONU, par référence à l’article 13 du Pacte international des droits économiques et sociaux, établit que:

… L’éducation doit être à la portée de tous. Cette dimension de l’accessibilité est conditionnée par les différences de rédaction du paragraphe 2 de l’article 13 sur l’enseignement primaire, secondaire et supérieur : alors que l’éducation primaire doit être gratuite pour tous, il est demandé aux États signataires de mettre en place graduellement la gratuité de l’enseignement secondaire et supérieur…

Plus loin, l’observation numéro 13 définit la valeur sociale que revêt aujourd’hui l’éducation tant pour le développement national que pour la satisfaction des besoins et des aspirations humaines :

… L’idée est de plus en plus acceptée selon laquelle l’éducation est un des meilleurs investissements que les États puissent réaliser mais son importance n’est pas seulement pratique : disposer d’un esprit instruit, intelligent et actif, avec une liberté et une ouverture de pensée, est un des plaisirs et des récompenses de l’existence humaine…

En tant que pays engagé dans la construction d’une nouvelle architecture internationale garante des droits humains, l’État vénézuélien a assumé la responsabilité de réaliser les principes d’universalité et de gratuité de l’éducation primaire, secondaire et universitaire.

Pour l’éducation maternelle, primaire et secondaire, l’effort vénézuélien a été reconnu par l’UNESCO dans le cadre de la réalisation des Objectifs du Millénaire. En ce qui concerne l’enseignement universitaire, le Venezuela a été classé par l’ UNESCO au deuxième rang pour le taux brut d’inscriptions d’étudiants à l’université sur le plan latino-américain et au quatrième rang mondial. Le Venezuela a augmenté pendant dix ans de 170% le nombre d’inscrits à l’université : en passant de 785.285 étudiants en 1998 à 2.120.231 en 2009.

Ces résultats ont pour base une augmentation soutenue de l’investissement dans l’éducation, qui a bondi de 107 % pendant ces années de révolution, en passant de 3,38% du Produit Intérieur Brut en 1998 à 7% du PIB en 2008.

L’éducation récupère sa place comme sphère d’inclusion. L’enfance et la jeunesse circulent positivement à travers tout le système éducatif. Les aspirations d’une vie meilleure trouvent leurs corrélats matériels dans une sphère liée à un modèle économique plus humain. Le Venezuela est devenu le pays le moins inégal de l’Amérique Latine avec un indice GINI de 0.39, sur une échelle oú le « zéro » indique la plus grande égalité et le « un » la plus grande inégalité.

Tandis qu’au Venezuela le droit à l’éducation se fortifie, dans des pays d’Amérique Latine sous hégémonie néo-libérale nous voyons ces principes communs convertis en politiques qui font de l’éducation un privilège et un outil d’exclusion générationnelle. Voyons certaines de ces politiques :

– L’État s’est désengagé de son devoir de garant et de financeur de l’éducation, la transférant peu à peu aux municipalités. Des municipalités aux ressources fragiles ont reçu une haute responsabilité.

– On abandonne le principe de la gratuité et de l’universalité de l’éducation à tous les niveaux.

– L’éducation a été remise au marché, l’éducation est devenue une marchandise. Ce processus a visé le transfert au capitaux privés des budgets de l’éducation, que ce soit via le système des subventions éducatives au Chili ou via la sous-traitance en Colombie. Au Chili par exemple pour 1990, l’éducation subventionnée concernait 980.000 élèves alors qu’en 2009 elle a cru à  1.700.000 élèves. De même l’éducation publique municipale comptait en 1990 1.700.000 élèves pour descendre à 1.430.000 élèves en 2009.

– On cherche à installer l’idée des « écoles efficaces ». Ainsi l’éducation privée est présentée comme « de meilleure qualité » et donnant « de meilleurs résultats » alors que l’éducation publique est stigmatisée comme celle qui donne de « moins bons résultats ».

1. Investissement éducatif en pourcentage du PIB (UNESCO).
2. Indice GINI (niveau d'inégalité) (Banque Mondiale).
3. Rang mondial pour le nombre d'étudiants universitaires (UNESCO).
4. Rang latino-américain pour le nombre d'étudiants universitaires (UNESCO).
5. Taux d'analphabétisme (UNESCO)

Ce modèle néo-libéral a fait de l’éducation un commerce, de sorte que les réussites en matière d’extension de la couverture éducative ne s’accompagnent pas de processus d’inclusion sociale ni d’amélioration de la qualité de la vie. Les cas du Chili et de la Colombie sont exemplaires. Ce sont les sociétés les plus inégalitaires d’Amérique Latine. La Colombie possède un indice Gini de 0.58 et le Chili de 0.50. Les taux d’analphabétisme sont de 3.5 pour le Chili et de 6.4 pour la  Colombie. Parallèlement ces pays maintiennent de faibles taux d’inscription universitaire et les jeunes qui accèdent à l’enseignement doivent le faire sous la modalité du crédit éducatif, ce qui hypothèque leurs vies pour près de 15 ans après l’obtention d’un diplôme.

L’option socialiste de construction de la société a amené le Venezuela à faire sortir l’éducation du marché et à la garantir en tant que droit à tous les niveaux, ce qui permet aujourd’hui d’élever le capital culturel de toute la population.

Lors des élections présidentielles du 7 octobre 2012 le choix se fera entre deux modèles : capitalisme néo-libéral ou socialisme bolivarien. Nous ne disons pas cela par spéculation idéologique mais à partir de la compréhension de l’impact négatif que le capitalisme néo-libéral a sur la vie quotidienne des majorités en Amérique Latine.

Le 7 octobre 2012 les vénézuéliens choisiront entre l’éducation comme droit humain et comme principal outil d’inclusion sociale, ou la transformation de l’éducation en marchandise qui marginalise et exclut les grandes majorités.

Jesse Chacón

Directeur de GISXXI

http://www.gisxxi.org

URL de l’original en espagnol : http://www.gisxxi.org/articulos/la-educacion-como-esfera-de-inclusion-una-mirada-comparativa-entre-venezuela-chile-y-colombia-jesse-chacon-gisxxi/

Traduction de Thierry Deronne pour www.venezuelainfos.wordpress.com

Début 2012 : les 3 problèmes principaux de la population vénezuélienne sont : insécurité, chômage, inflation.

La question était: à présent je voudrais savoir quels sont selon vous les trois problèmes principaux du pays ?

Réponse :

Insécurité : 38 % / Chômage : 16 % / Inflation et coût de la vie : 9 % / Service publics : eaux, ordures, voies publiques, zones de récréation : 8 % / Rareté des aliments : 6 % /  Assistance médicale : 6 % / Logement : 5 % / Routes, voies publiques : 3 % / Pauvreté : 3 % / Éducation : 3 % /  Autres : 1 % / Pas de problèmes : 1 %.

Source : Grupo de Investigación Social GIS XXI, http://www.gisxxi.org