(Vidéo ST FR) La brigade «Argelia Laya», école communarde itinérante au Venezuela

En février 2023, à la suite d’une réunion avec la commune « Las Cinco Fortalezas » de Cumanacoa, au Venezuela, la brigade Argelia Laya de l’Union communarde a entamé un travail spécifique pour les vingt foyers alimentaires (« casas de alimentacion ») de la municipalité de Montes, dans l’État de Sucre. L’objectif est de construire des potagers pour améliorer le menu quotidien servi à plus de 5000 personnes par cette mission sociale créée par le gouvernement bolivarien. La brigade – qui comprend notamment les deux communicatrices de la Commune «El Maizal» Dailiz et Eleidys, ainsi que les deux compagnons du Mouvement des Travailleurs Sans Terre de Brésil Jorge et Felipe – est reçue par Vanessa Pérez, porte-parole de « Las Cinco Fortalezas », à l’antenne universitaire de la municipalité de Montes. L’atelier, destiné aux organisations populaires, porte sur la lombriculture et sur la conservation des semences dans les banques de semences des foyers alimentaires. Dans un autre atelier, on apprend à conserver les semences de manière naturelle et saine pour chaque potager, où les chargées de la transformation seront les compagnes cuisinières elles-mêmes. En même temps, des graines de légumes produites par le mouvement social brésilien y sont semées. Ce fut une des demandes du président Chávez lorsqu’il a invité les Sans terre à travailler au Venezuela : produire et reproduire des semences, produire des aliments sains pour le peuple.

Réalisateur et éditeur : Jesús Reyes. Production : Terra TV, République bolivarienne du Venezuela, avril 2023. VO, sous-titres français.

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Venezuela : une armée de femmes construit la révolution du logement

Cette expérience de femmes autodidactes travaillant à construire leurs propres maisons est au cœur du documentaire « Nostalgiques du futur » actuellement en tournée en France, en Suisse et en Belgique. Lors des ciné-débats, vous pourrez rencontrer Ayary Rojas, une des constructrices, et Jenifer Lamus, organisatrice d’une commune rurale. Pour le programme de la tournée : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/03/08/revolution-feministe-dans-la-revolution-bolivarienne-nostalgiques-du-futur-en-tournee-europeenne/


À Caracas, une armée de femmes auto-formées travaille à la construction de leurs propres maisons tout en transformant la réalité qui les entoure.

Le logement marchandisé, les bidonvilles, les expulsions et le sans-abrisme sont des réalités mondiales et, quels que soient les efforts déployés par les médias grand public pour l’ignorer, il s’agit de l’une des horreurs les plus flagrantes du capitalisme.

En revanche, la Grande Mission Logement du Venezuela (GMVV) a construit plus de 4,4 millions de maisons pour les familles de la classe ouvrière depuis 2011, après que le dirigeant révolutionnaire Hugo Chávez a déclaré que l’accès à la terre et à un logement adéquat étaient des droits de l’homme et le fondement d’une vie digne.

L’objectif est d’atteindre 5 millions de logements d’ici à 2024.

En outre, le programme fournit souvent des infrastructures sociales telles que des écoles, des marchés alimentaires subventionnés et des espaces verts et récréatifs, tandis que les maisons sont livrées équipées d’appareils électroménagers de base. En conséquence, l’extrême pauvreté structurelle au Venezuela est passée de 10,8 % en 1998 à 4,3 % en 2018, selon le dernier rapport disponible publié par l’Institut national des statistiques (INE – Instituto Nacional de Estadística).

La portée du GMVV (Gran Misión Vivienda Venezuela) repose sur le pouvoir populaire : plus de 70 % des constructions seraient autogérées par les communautés, avec le soutien financier et logistique des institutions gouvernementales. Cela permet de réduire considérablement les coûts.

Pour comprendre son succès, malgré la crise économique actuelle et les sanctions états-uniennes, nous avons visité un projet de construction dirigé par des femmes, qui est devenu un élément essentiel du programme social et un exemple de féminisme de base.

Photo : La construction de l’AVV Jorge Rodríguez Housing Assembly a débuté en 2017, mais a subi plusieurs revers suite à l’imposition des sanctions américaines. (Andreína Chávez Alava / Venezuelanalysis)

Construire l’avenir

La belle paroisse d’Antímano, dans le sud-ouest de Caracas, compte une armée de femmes autodidactes qui travaillent toute l’année pour construire des maisons pour leurs familles et transformer la réalité qui les entoure. Leur histoire a commencé il y a près de 12 ans, lorsqu’elles se sont réunies pour la première fois pour créer l’Assemblée du logement AVV (« Asociación Viviendo Venezolano ») Jorge Rodríguez Padre.

L’ensemble du projet a pris son envol grâce au leadership des femmes. Ayari Rojas et Ircedia Boada, toutes deux mères et principales porte-parole du projet, ont commencé ce voyage en 2012 et ont été chargées de rassembler les 96 familles qui bénéficieront de cette initiative autogérée.

« Nous sommes ici grâce au président Hugo Chávez. Bien que la Grande Mission Logement ait été créée pour fournir des logements aux familles touchées par les fortes pluies de 2010-2011, M. Chávez a compris qu’il fallait accélérer la révolution du logement et il nous a demandé de nous organiser à cette fin. C’est ce que nous avons fait », nous a expliqué Mme Rojas.

Pour les femmes d’Antímano, la tâche à accomplir était claire. « Nous avons commencé par organiser des réunions pour discuter du caractère participatif de notre projet », poursuit Boada, « et nous avons commencé à nous former à la conception architecturale des bâtiments, aux mesures, aux systèmes ergonomiques et à tout ce qui concerne le travail de préconstruction ».

En 2015, ils ont repéré une belle zone avec une vue imprenable sur les montagnes dans le quartier d’El Algodonal, qui avait été abandonnée par son propriétaire avec des tonnes de déchets métalliques. « Nous ne sommes pas des envahisseurs comme certains l’ont dit, nous avons tout fait légalement », a déclaré Boada, rappelant que les factions de droite se sont toujours opposées à ce que la terre soit utilisée au profit du peuple, et non du capital.

L’obtention du titre foncier collectif a été leur première victoire populaire, mais les travaux de construction se sont avérés beaucoup plus difficiles dans un pays assiégé. Cette phase a débuté en 2017 après avoir nettoyé le terrain, s’être entraîné un peu plus et avoir défini les grandes lignes du projet : deux bâtiments jumeaux de six étages, comprenant chacun 48 appartements de 66 ou 76 mètres carrés (deux ou trois chambres à coucher selon les besoins de chaque famille).

« Ce fut cinq ans d’efforts d’autoconstruction tout en vivant sous des attaques constantes, des pénuries alimentaires induites, qui impliquaient de passer des heures à chercher des produits, aux pannes d’électricité nationales et à une pandémie, mais la pire agression a été les mesures coercitives unilatérales de Washington », se souvient Rojas.

Depuis 2017, le blocus américain a entravé tous les secteurs de l’économie vénézuélienne, en particulier l’industrie pétrolière, ce qui a créé de nombreux obstacles pour le gouvernement afin de financer les programmes sociaux, parmi lesquels la Grande Mission Logement, entraînant des retards et de longues pauses dans la livraison des matériaux de construction.

Mme Rojas est certaine que sans cette agression impériale, qui a frappé les femmes le plus durement, leurs maisons auraient été achevées depuis longtemps. Néanmoins, elles ont continué à avancer en s’appuyant sur la solidarité. « Nous avons contacté d’autres assemblées de logement à proximité et nous avons commencé à échanger des matériaux de construction, comme du ciment contre des tuyaux, en fonction des besoins de chaque organisation. Le pouvoir populaire à son paroxysme ! »

Aujourd’hui, l’un des immeubles devrait être inauguré cette année et faire l’objet d’une célébration nationale. « Il ne s’agit pas seulement de construire des maisons pour nos familles », souligne Claudia Tisoy, mère de famille de 44 ans et plombière autodidacte, « nous construisons aussi l’avenir de notre pays, avec les femmes en tête. C’est cela l’horizon socialiste ».

Photo : Les femmes font une pause déjeuner avant de poursuivre leur travail de construction. Les repas sont préparés par leur propre communauté à partir de produits fournis par chacune des 96 familles. (Andreína Chávez Alava / Venezuelanalysis)

Une révolution féminine

Il est rare de voir des femmes travailler dans la construction, mais il est encore plus rare d’en voir une armée. C’est ce que nous avons trouvé dans le quartier d’El Algodonal. Dès que vous mettez le pied dans le complexe immobilier, les femmes vous saluent tout en effectuant diverses tâches, allant du bétonnage au transport de matériaux, en passant par la menuiserie, la plomberie et bien d’autres encore.

Et ce n’est pas que les hommes manquent à l’appel, mais 80 % des personnes qui ont levé ces murs étaient des femmes, 76 pour être précis, chacune des 96 familles fournissant une personne pour les travaux de construction. En plus de cela, elles se sont formées elles-mêmes à tout.

« Aucun d’entre nous ne connaissait la construction ! Mélanger du ciment et poser des briques ? Pas question ! » nous dit Yusgleidys Ruiz en riant, alors qu’elle se souvient de leurs débuts. « La vérité, poursuit-elle, c’est que la plupart des femmes ici sont des femmes au foyer qui voulaient des maisons dignes pour leurs enfants, alors nous avons appris sur le tas et nous sommes devenues des guerrières par la même occasion.

Mme Ruiz explique que la clé de leur succès réside dans leur éthique et leur engagement. Ils sont divisés en groupes qui se relaient chaque semaine 24 heures sur 24, pour construire le jour et surveiller la zone la nuit, ce qui leur permet de maintenir le projet actif tout au long de l’année.

Pour Ursulina Guaramato, l’expérience a fait d’elle une experte en barres de construction, comme elle l’admet fièrement. « Je suis coupable de tout cela », dit-elle en souriant et en montrant les connexions en acier qui s’étendent à partir de certains piliers inachevés aux étages les plus élevés du bâtiment.

De même, Andreína San Martín est désignée par ses compagnons de travail comme la spécialiste incontestable des machines à treuil, un titre qu’elle a fièrement accepté. « Je suis heureuse parce que j’ai beaucoup appris sur la construction et le plus beau, c’est que je l’ai fait en construisant une maison pour ma famille, pour lui donner une meilleure qualité de vie, une vie digne, comme le disait Chávez.

Pour leur part, les hommes, dont la plupart sont également des constructeurs autodidactes, reconnaissent que c’est un honneur de travailler avec des femmes et d’apprendre à leurs côtés le pouvoir de l’organisation de base.

« Nous prenons toutes nos décisions en tant qu’assemblée, où tout le monde peut s’exprimer. Cette expérience nous a donc permis d’apprendre comment construire le pouvoir populaire et comment il peut conduire à un réel changement. Quand j’aurai des petits-enfants, je leur raconterai l’histoire des femmes qui ont construit tout cela, pas seulement des bâtiments, mais une communauté », a déclaré Carlos Villanoel.

Antonio Rodríguez, charpentier autodidacte, a ajouté que le leadership des femmes a rendu ce projet de logement possible « et c’est pourquoi notre principale devise est : Quand une femme avance, aucun homme ne recule : Quand une femme avance, aucun homme ne recule ! »

Photo : Les décisions sont prises collectivement lors d’assemblées hebdomadaires où chaque représentant de la famille exprime son opinion. (Andreína Chávez Alava / Venezuelanalysis)

Communauté et autosuffisance

Alors que leurs maisons sont sur le point d’être achevées, les hommes et les femmes de l’Assemblée du logement de l’aumônier Jorge Rodríguez veulent devenir les garants de la poursuite de la Grande mission logement du Venezuela en aidant d’autres constructions de logements autogérés à démarrer.

Ils ne vendent pas non plus de la poudre aux yeux. Elles ont été certifiées par des architectes et des ingénieurs qui ont inspecté le site et certaines d’entre elles, dont les dirigeantes Ircedia Boada et Ayari Rojas, ont même obtenu des diplômes dans leurs domaines de spécialisation respectifs.

« Transmettre notre savoir aidera davantage de femmes à s’autonomiser, à construire leur maison et à améliorer leur vie. Avant Chávez, les femmes étaient invisibles, même les héroïnes qui se sont battues pour la liberté de notre pays. Il est temps de libérer les héroïnes que nous portons dans notre sang », a déclaré Boada.

Un autre plan d’avenir est le développement de l’agriculture urbaine, conformément à l’ordre de Chávez selon lequel les organisations du pouvoir populaire doivent être autosuffisantes et posséder les moyens de production. Alors que le Venezuela est soumis à une agression impérialiste constante, ces initiatives de production autogérées ont vu le jour dans tout le pays, mais surtout dans les communes rural.

Source originale: VenezuelaAnalysis

Autrice : Andreína Chávez Alava

Traduit de l’anglais par Bernard Tornare

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« 2023, l’heure d’un monde nouveau » : l’interview de Nicolas Maduro par Ignacio Ramonet

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, avant toute chose je vous remercie de me recevoir à nouveau pour cette entrevue, il est bon de poursuivre cette tradition – c’est déjà la septième occasion où nous rencontrons à la fin d’une année pour aborder la suivante sur la base de vos analyses et du bilan, mis aussi des perspectives sur ce qui aura lieu. Cet entretien va tourner comme d’habitude autour de trois thèmes principaux : d’abord nous allons parler de politique intérieure, de la situation interne du Venezuela. Ensuite nous parlerons d’économie et enfin, de politique internationale. Trois questions pour chaque thème. Commençons par la situation au Venezuela. 2022 a été marqué par une série d’inondations, de tempêtes causées en partie par le phénomène appelé “La Niña”, et qui a provoqué en particulier au Venezuela des catastrophes, comme à Tejerias en octobre dernier, et je voulais vous demander Président comment est la situation sur place, qu’a fait votre gouvernement pour tenter d’aider les victimes de Tejerías? Quelle réflexion vous inspire la situation qu’a vécue le Venezuela?

Nicolás Maduro – Tout d’abord, Ramonet, tu es toujours le bienvenu au Venezuela. C’est en effet la septième fois que nous réalisons cette interview pour commencer l’année, le premier janvier. Bonne année à vous, à vos proches et bonne année à tous ceux qui nous voient et à tous ceux qui nous écoutent.

Oui, en 2022, nous avons connu des situations résultant du changement climatique qui ont douloureusement affecté des milliers de familles au Venezuela, en particulier le cas de Las Tejerías, qui était une avalanche impressionnante où, à partir d’un petit ravin, une débordement gigantesque s’est produit, un glissement de terrain qui a causé la mort de plus de 50 personnes, un groupe a disparu et des centaines de personnes se sont retrouvées sans abri. Nous avons agi immédiatement dans ce cas et dans tous les autres, car nous avons également été touchés dans le centre du pays, dans une région, dans un secteur appelé El Castaño. Nous avons également été touchés dans l’État de La Guaira sur la côte vénézuélienne, à Caracas, dans l’est du pays, dans les Andes, Mérida, Táchira, Trujillo; nous avons été actifs pendant des mois, nous entrons maintenant dans une saison un peu plus calme, mais nous sommes toujours présents directement, en personne, sur le terrain. Ici il n’y a pas de peuple orphelin, Ramonet, ici le peuple a un gouvernement pour le protéger, pour l’accompagner en toutes circonstances, surtout dans les plus difficiles, adverses, douloureuses, comme dans le cas de ces destructions causées par les pluies torrentielles; nous avons garanti à la population une assistance directe, un toit, un accompagnement constant. Puis nous avons commencé un processus de rétablissement de tous les services commerciaux, des services publics pour la vie des gens de Las Tejerías, et la vie de toutes les villes affectées par ces pluies torrentielles, qui a fait des progrès extraordinaires.

Et la garantie la plus importante : la garantie du logement, le droit d’avoir un toit au-dessus de sa tête. J’ai dit aux personnes qui ont perdu leurs maisons à Las Tejerías : vous entrerez dans l’année 2023 avec votre propre maison, et grâce aux efforts de la Grande Mission du Logement Venezuela nous avons tenu notre promesse. Ces personnes qui ont été si horriblement touchées, qui ont perdu leur maison et souvent leurs proches, ont maintenant retrouvé un logement. Le Venezuela est donc prêt à réagir. Cette année 2022 qui s’est écoulée nous a mis à l’épreuve, mais une fois de plus, le pouvoir du peuple, le pouvoir des Forces armées nationales bolivariennes et le pouvoir politique du gouvernement national se sont unis pour répondre aux besoins de la population.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, vous avez lancé cette année une nouvelle façon de gouverner, que vous appelez le système 1×10 de bonne gouvernance, et vous l’avez définie comme une méthode innovante, pouvez-vous nous expliquer en particulier, pour le public international, de quoi il s’agit ?

Et d’autre part, comment évaluez-vous ce système dans les politiques développées par votre gouvernement dans des circonstances particulières, celles imposées par le blocus économique international ?

Nicolás Maduro – Eh bien, nous renouvelons des formes d’action politique directe avec le mouvement populaire, avec le pouvoir populaire. Au Venezuela, il y a un pouvoir puissant, si je peux utiliser l’expression : un pouvoir populaire, un peuple doté de pouvoir et qui exerce son leadership dans les rues, dans les communautés, à la base. Il y a des millions d’hommes et de femmes qui sont les leaders des communautés, il y a plus de 48.000 conseils communaux à la base, qui fonctionnent de manière très démocratique ; et nous avons aussi un peuple mobilisé en permanence à travers des programmes sociaux, des missions éducatives, la mission de santé, avec les Comités d’Approvisionnement et de Production, les CLAP, un peuple qui s’active dans ses communautés. Nous avons donc cherché depuis quelque temps déjà, une méthode par laquelle les gens pourraient communiquer leurs alertes, leurs plaintes, leurs besoins directement au gouvernement national, en coordination avec les gouvernements régionaux et municipaux. Au-delà d’un morceau de papier, au-delà d’autres formes d’expression que les gens peuvent avoir, nous avons conçu plusieurs mécanismes. Tout d’abord, une application, une App qui est un réseau social, Ven-App, et dans l’application Ven-App nous avons placé une fenêtre : la Ligne 58, pour que les gens puissent faire leurs plaintes et que ces plaintes, ces alertes parviennent à un poste de commandement présidentiel central. Nous avons expliqué à la population que nous allions agir par le biais de cette application – qu’on peut activer depuis le téléphone portable, depuis une tablette, un ordinateur, différentes modalités technologiques. Et en effet, les gens ont commencé à l’utiliser.

Et nous nous sommes fixé trois priorités pour commencer : les plaintes concernant les situations dans le service public de l’eau, qui, selon toutes les enquêtes, était l’une des questions les plus prioritaires, les plus préoccupantes pour les gens. L’éducation et la santé. Nous avons commencé avec ces trois-là. Et ça a été fabuleux.

Puis après deux, trois mois, nous avons incorporé les télécommunications, l’électricité et d’autres secteurs. Cela signifie que nous avons traité l’équation des problèmes qui touchent le plus la population, afin que celle-ci puisse formuler ses plaintes. Et le résultat a été merveilleux, car cela nous connecte directement au véritable problème de la communauté, et oblige également l’État, les institutions, les organisations à y répondre et à les résoudre en temps réel. Nous avons atteint une capacité de réponse de 85 % en matière de plaintes, d’alertes, de résolution, par exemple, de la rupture d’une conduite d’eau ou d’un tuyau d’égout.

Après cela j’ai mis en place “le 1×10 de la bonne gouvernance”, nous l’appelons “1×10” parce que nous demandons aux gens de s’organiser en équipes de travail de dix personnes pour recueillir les plaintes, les alertes, faire ce travail communautaire. Et cela a fonctionné, près de 7 millions de personnes se sont inscrites, notamment des citoyens qui sont déjà membres des 1×10 de la bonne gouvernance. Ce système trouve son origine, Ramonet, tu dois le savoir, dans des mécanismes que nous avons historiquement appliqués pour nos mobilisations électorales : un(e) militant(e) cherche dix personnes pour les inciter à voter. Alors j’ai dit, eh bien, si ça marche pour la vie électorale, pour la vie politique, pourquoi cet immense capacité que les gens ont montré dans le 1×10 ne pourrait-il pas marcher pour gouverner, pour résoudre les problèmes des gens ? Et ça a été merveilleux.

Sur cette base du “1×10” de la bonne gouvernance, face aux problèmes de l’éducation et de la santé très affectées par le manque d’investissement en raison des sanctions et du blocus, nous avons créé quelque chose qui s’appelle les Bricomiles, les Brigades communautaires militaires pour l’éducation et la santé, leur mission est la réparation structurelle totale des établissements scolaires, écoles, lycées, des établissements de santé, des cliniques, des centres de diagnostic intégral, etc. Et ça a été merveilleux.

Nous faisons des miracles, nous faisons des choses qui seraient impossibles à planifier en raison du manque de ressources, en raison du blocus, de la persécution criminelle de l’impérialisme ; nous faisons des choses avec les ressources du pouvoir populaire, des forces armées, et avec les ressources fournies par le gouvernement national, nous avons réparé des milliers d’écoles, réparées et rénovées à 100%. Nous avons réparé des centaines de cliniques et nous progressons sur les grands problèmes. Le 1×10 de la bonne gouvernance a donc été une heureuse création de 2022. Et cette année 2023, nous allons approfondir tous les mécanismes qui nous conduisent à une connexion directe avec les gens, leurs besoins, car c’est là que l’on se demande, Ramonet, pourquoi un gouvernement existe ?

Ignacio Ramonet – Révolutionnaire en particulier, parce que c’est une des dimensions, j’imagine, de la révolution bolivarienne, justement.

Nicolás Maduro – Exact.

Ignacio Ramonet – Réaliser une sorte de démocratie directe également, en articulant la société et le gouvernement, comme vous dites.

Nicolás Maduro – La méthode du 1×10 est une expression de la démocratie réelle, de la nouvelle démocratie, de la démocratie populaire, de la démocratie directe. Le 1×10 répond à la question : A quoi sert un gouvernement ? Un gouvernement doit servir le peuple, les citoyens. Et comment va-t-il s’y prendre ? Eh bien, nous créons des moyens technologiques à travers de nouveaux réseaux sociaux, à travers de nouvelles applications, et surtout à travers l’organisation et la responsabilisation du peuple, l’organisation et la responsabilisation du pouvoir populaire.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, parlons de la politique en termes concrets. Fin novembre de l’année dernière, après 15 mois d’interruption, les pourparlers ont repris avec une partie de l’opposition, disons l’opposition extra-parlementaire.

Quelle est votre évaluation du processus de dialogue qui a été relancé ? Et d’autre part, quels obstacles voyez-vous à la poursuite de ce processus de dialogue avec l’opposition ?

Nicolás Maduro – Eh bien, remarquons d’abord que le monde fait une erreur, une erreur induite par les agences de presse et les grands médias hégémoniques du capitalisme mondial : dire que le gouvernement bolivarien que je préside, et les forces bolivariennes, entament un dialogue avec « l’opposition ».

Ignacio Ramonet« L’opposition ».

Nicolás Maduro – Oui, car la première chose à comprendre est qu’il n’y a pas « une » mais plusieurs oppositions, et ce processus de fragmentation, de création et d’atomisation de l’opposition est le résultat des politiques extrémistes qui ont été appliquées pendant quatre ans par le gouvernement de Donald Trump, pour mettre le Venezuela à genoux, pour soumettre le Venezuela ; Suite aux graves dommages causés dans les domaines économique, financier, commercial, énergétique et social, l’opposition a implosé en tentant d’appliquer une politique déconnectée de la réalité, avec des gouvernements parallèles, des pouvoirs parallèles qui n’étaient pas enracinés dans la réalité. L’empire états-unien, certains en Europe, plusieurs gouvernements de droite en Amérique latine, ont cru comme nous disons ici, que « le travail était fait ». Qu’il suffisait de nommer “leur président”, point final.

Mais ils n’ont pas compris le Venezuela, ils n’ont pas compris la force institutionnelle républicaine du Venezuela, ils n’ont pas compris la force populaire de la révolution bolivarienne ; ils ont pensé  » ça y est « , qu’il suffisait de mener une campagne de dénigrement contre Maduro et le destituer. Ils ne comprennent pas que Maduro est le produit d’un processus historique, d’une force, d’une puissante union civile-militaire, avec des racines idéologiques, culturelles et politiques profondes. En ne comprenant pas cela, ils se sont autodétruits, ont volé en éclats. Donc, la première chose que nous devons dire est que nous sommes en dialogue avec toutes les oppositions.

L’opposition la plus connue en Occident, appelée Plate-forme Unie du Venezuela, qui a été dirigée par Guaidó de manière erratique pendant un certain temps, et qui rassemble des gens comme Capriles Radonski, Ramos Allup et d’autres, Manuel Rosales gouverneur de Zulia, eh bien, oui, avec eux nous avons une conversation, un dialogue permanent, nous avons une négociation et nous avons trouvé certains accords. Nous avons signé deux accords, entre le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela et la plate-forme unitaire de l’opposition.

Le dernier accord que nous avons signé est un accord social élaboré dans le détail pour récupérer 3,15 milliards de dollars gelés, séquestrés dans des banques à l’étranger. Cet argent appartient à l’État vénézuélien, à la société vénézuélienne. Le plan est de récupérer cet argent pour l’investir dans les services publics – l’électricité, l’eau, l’éducation, la santé – et pour atténuer certains des dégâts causés par les pluies torrentielles de 2022. Cet accord a été signé, mais il a été difficile d’obtenir du gouvernement états-unien qu’il prenne les mesures nécessaires pour libérer ces ressources. J’ai vraiment confiance dans le pouvoir de la parole donnée par une personne honorable comme Gerardo Blyde, par exemple, qui est le chef de la commission de négociation de ce secteur de l’opposition, ils devront montrer au pays s’ils tiennent ou non leur parole. Espérons-le.

Maintenant, je peux aussi te dire, Ramonet, qu’en 2022, nous avons promu le dialogue avec toute les oppositions. J’ai eu des réunions au palais présidentiel avec l’Alliance démocratique, qui réunit les secrétaires généraux du parti Action démocratique, de Copei (parti social-chrétien), du parti Primero Venezuela, du parti Cambiemos et du parti Avanzada Progresista. Cette alliance est celle qui a obtenu le plus de voix lors des dernières élections de gouverneurs et de maires au Venezuela. J’ai également rencontré le parti Fuerza Vecinal, un mouvement jeune composé d’une quarantaine de maires du pays, j’ai écouté leurs critiques, leurs contributions, leurs propositions, nous nous sommes écoutés, nous avons eu un long dialogue. J’ai également rencontré un jeune dirigeant vénézuélien du parti Lápiz, qui regroupe un ensemble de mouvements éducatifs, culturels et sociaux, avec Antonio Ecarri, nous sommes donc dans un dialogue politique permanent avec tous les secteurs économiques, avec tous les secteurs sociaux et culturels du pays.
Si quelque chose nous caractérise, et me caractérise en tant que président de la République, c’est que j’ai toujours tendu la main, j’ai toujours été disposé à écouter, à dialoguer, à parler avec tous les secteurs, et je pense que c’est l’une des clés qui explique qu’en 2022 nous ayons consolidé ce climat d’harmonie, de paix, de coexistence que le Venezuela a aujourd’hui.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, nous allons passer au deuxième sujet, nous allons parler de l’économie. Et à cet égard, il y a une opinion majoritaire, peut-être en raison de l’atmosphère dont vous parliez, de l’harmonie qui a été créée. Et c’est que la plupart des observateurs considèrent que l’année 2022 a été spectaculairement positive pour l’économie du Venezuela. Votre gouvernement en particulier a remporté une victoire, que beaucoup de gens pensaient impossible, en vainquant l’hyperinflation, par exemple. Et maintenant, la Banque centrale du Venezuela dit que la croissance au Venezuela a été d’environ 19%, alors que la CEPAL (ONU) parle d’une perspective de croissance de 12%.

La question est donc la suivante : que pouvez-vous nous dire sur ce miracle économique vénézuélien, quelle en est la raison, comment l’expliquez-vous ?
Et d’autre part, quelles sont les perspectives économiques du Venezuela en 2023, quels sont les objectifs que vous vous fixez ?

Nicolás Maduro – Les années les plus difficiles ont été celles où tout ce groupe de sanctions criminelles a été activé, plus de 927 sanctions criminelles contre toute la société vénézuélienne, contre l’économie, contre l’appareil productif, contre l’industrie pétrolière – la grande industrie du Venezuela. Pendant plus de 100 ans, le Venezuela a vécu uniquement grâce au pétrodollar, d’une part le flux de dollars, et d’autre part il a dépensé avec un chéquier gigantesque pour importer tout ce qu’il consommait.
Pratiquement 80, 85% de tout ce qui est consommé au Venezuela provient des pétrodollars, et cela a permis au Venezuela d’avoir l’un des niveaux les plus élevés de dépenses publiques et de qualité de vie, surtout à l’époque du commandant Hugo Chávez.

Pendant ces années difficiles où l’industrie pétrolière a été attaquée, je peux te donner un chiffre : le Venezuela a perdu 232 milliards de dollars, et le produit intérieur brut a subi un préjudice économique de plus de 630 milliards de dollars. Ces chiffres sont gigantesques ; pour un pays, passer d’un niveau de revenus de 56 milliards de dollars à 700 millions de dollars en un an, c’est une catastrophe. Néanmoins, grâce à la politique sociale de la révolution, aux missions sociales de la révolution, nous avons réussi à résister à l’impact dévastateur des sanctions, des persécutions et de toute cette guerre de missiles économiques, de missiles lancés contre toute l’économie, contre toute la société.

Nous avons créé les bases d’un processus de redressement structurel : le premier fut l’activation des 18 moteurs de l’agenda économique bolivarien. Le second, l’établissement d’un nouveau système de taux de change. Et puis il y a tout un ensemble de décisions et de mesures qui ont été prises pour protéger le système industriel, le système de production agricole, le système bancaire. Il s’agit d’un ensemble de politiques publiques judicieuses qui ont été accordées avec tous les secteurs économiques, sociaux et politiques du pays et qui sont le fruit de débats, de conversations et de dialogues.

A la fin de 2020, l’année de la pandémie, nous avons commencé à voir les premiers signes de reprise. En 2021, le Venezuela a connu sa première année de croissance modérée, et cette année, en 2022, les forces productives du pays se sont libérées.

Je peux te donner un autre fait : le Venezuela, qui dépendait des importations pour 80, 85% de toute sa nourriture, produit aujourd’hui 94% de la nourriture qui arrive aux foyers vénézuéliens, un record, un miracle agricole. Grâce à quoi ? Au fait que des centaines de producteurs, d’entrepreneurs ruraux, ont commencé à travailler, à produire, et que leur production parvient aux principaux marchés du pays, directement aux foyers.

Il y a une croissance industrielle qui a un grand impact mais qui connaît encore une brèche, nous pouvons croître encore plus. Le Venezuela a une croissance à deux chiffres cette année, la Banque centrale du Venezuela a déjà donné quelques chiffres importants, la CEPAL en a donné d’autres en ce sens. Cette croissance, je peux te le dire, pour la première fois depuis plus de 100 ans, est une croissance de l’économie réelle non pétrolière, c’est une croissance de l’économie qui produit de la nourriture, des biens, des services, de la richesse, qui paie aussi des impôts. Parce que nous battons des records dans la collecte des impôts pour l’année 2022.

Ignacio Ramonet – En d’autres termes, il s’agit également d’une diversification de l’économie vénézuélienne, qui était auparavant trop étroitement liée au pétrole.

Nicolás Maduro – Exact. Et c’est ce que je suis déterminé à dire à tous les secteurs économiques, à tous les secteurs politiques, à tout le Venezuela, notre chemin ne peut pas être de revenir à la dépendance pétrolière, notre chemin doit être de nous libérer de la dépendance pétrolière de manière définitive, de nous libérer du vieux modèle capitaliste rentier dépendant du pétrole. Le Venezuela a ce qu’il faut, le Venezuela a un appareil industriel avec un bon niveau technologique, une bonne capacité productive, et il le prouve.

Dans les pires années : 2018, 2019, je disais cela, et certaines personnes me regardaient comme si j’étais fou, « Maduro est devenu fou ». Mais je savais que ce dont nous disposons, nous l’avons étudié. Je peux te le dire : nous avons une équipe du plus haut niveau, de la plus haute qualité technique, économique et académique, pour formuler les politiques publiques, nous avons une super équipe pour l’économie, qui s’est aussi diversifiée et qui écoute toutes les opinions. Ce qui pourrait faire le plus de dégâts à une économie qui sort du sous-développement, qui sort de la dépendance pétrolière, qui est soumise au harcèlement et à la persécution états-unienne et impérialiste, ce qui pourrait faire le plus de dégâts, c’est que nous tombions dans des dogmes. Non ! Nous sommes anti-dogmatiques, nous avons un projet national, le projet national Simón Bolívar, nous avons des objectifs très clairs dans la construction d’un modèle diversifié, productif, et nous nous adaptons, nous nous mettons d’accord sur des politiques publiques de récupération structurelle.

Le Venezuela, je peux le dire aujourd’hui, vit la première étape d’un long cycle de reprise et de croissance structurelle, d’une nouvelle structure, d’une nouvelle économie, et c’est le chemin que nous allons poursuivre.

Ignacio Ramonet – Président, il y a cependant quelques nuages dans ce panorama très positif, à savoir la question du dollar, la pression du dollar parallèle et aussi la hausse des prix qui a été observée ces derniers mois. Pensez-vous que ces deux questions, la pression du dollar parallèle et la hausse des prix, puissent constituer un danger pour la reprise économique du pays ? Quels outils comptez-vous utiliser pour limiter la pression de la hausse des prix et la pression du dollar parallèle ?

Nicolás Maduro – C’est une grande perturbation, ce sont les blessures qui restent des instruments de la guerre économique, une phase que nous sommes en train de surmonter pas à pas, progressivement. Il y a eu une guerre contre notre monnaie et il y a eu différents instruments pour cela : le Dollar Today, le Dollar Cúcuta, c’était un dollar fictif, pour la guerre économique. Maintenant les mécanismes sont plus sophistiqués, ils passent par les crypto-monnaies, qui régissent le taux de change de manière spéculative avec un objectif politique, ce sont effectivement des perturbations. Je peux te dire que si nous comparons avec les années 2020, 2021 et 2022, nous avons réussi à calmer une bonne partie de cette perturbation, mais au cours des trois derniers mois, elle a eu de nouveau un grand impact sur le nouveau système de taux de change qui existe dans le pays, qui est fondamentalement un système de taux de change lié au marché. Pendant 100 ans, Ramonet, le Venezuela a vécu avec des systèmes de change dépendant du pétrodollar ; aujourd’hui, il n’y a pas de pétrodollar, l’économie doit donc avoir un système de change où elle se nourrit du dollar, de devises dans son propre processus productif, suivant des cercles vertueux qui lui permettent d’avoir un approvisionnement suffisant en devises. Il existe des facteurs objectifs et non-objectifs. Parmi les facteurs objectifs à l’origine des turbulences que nous avons connues au cours des trois derniers mois, il y a la surchauffe du commerce. Les échanges commerciaux ont été multipliés par sept par rapport au reste de l’année ; par exemple, dans le Banco de Venezuela, notre plus grande banque, normalement au cours de l’année dans un bon jour d’activité commerciale on effectue jusqu’à 100 mille transactions par minute, puis en octobre cela a atteint 500 mille transactions, et maintenant en décembre il y a eu des jours où il a atteint 700 mille transactions par minute. Cette surchauffe a nécessité un montant plus important et plus élevé de devises étrangères pour faire bouger le marché. Il s’agit d’une raison économique, mais elle ne justifie en rien les raisons non objectives, à savoir la spéculation pour causer des dommages économiques, pour poignarder la reprise économique. Mais nous allons contrôler cette situation, tous les secteurs économiques et le gouvernement vont construire un système de taux de change stable, pour défendre la monnaie et pour que l’économie fonctionne avec des circuits vertueux à partir de maintenant; nous allons aussi guérir cette perturbation, cette blessure.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, à la fin du mois de novembre, votre gouvernement a annoncé des accords avec la compagnie pétrolière américaine Chevron et, à cet égard, je voudrais vous demander si cet accord avec Chevron signifie que Washington lève certaines des sanctions contre le Venezuela et quel pourrait être l’impact des accords avec Chevron sur l’industrie pétrolière vénézuélienne.

Nicolás Maduro – Eh bien, cela ne signifie pas que les sanctions ont été levées, elles donnent simplement à Chevron, une entreprise états-unienne qui produit au Venezuela depuis 100 ans maintenant en 2023, une licence pour venir travailler, produire, investir. Les relations avec Chevron et les négociations avec eux ont eu lieu dans le cadre de la Constitution, des lois ; le dialogue et les conversations avec eux sont extraordinaires, et j’espère que tous les projets qui ont été signés, tous les contrats qui ont été signés, seront effectivement réalisés.

Et j’envoie un message à toutes les entreprises énergétiques du monde, aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine, en Asie ; ici, au Venezuela, nous avons les plus grandes réserves de pétrole certifiées du monde, ici, au Venezuela, nous sommes en train de certifier les quatrièmes plus grandes réserves de gaz du monde. Le Venezuela est une puissance énergétique, personne ne pourra nous sortir de l’équation énergétique mondiale. Nous sommes fondateurs de l’OPEP, fondateurs et leaders de l’OPEP-Plus, et nous allons poursuivre ce processus. Le Venezuela a donc les portes ouvertes, avec des conditions spéciales pour l’investissement, pour la production, avec la stabilité politique, avec la stabilité sociale. Donc, c’est un bon pas, cette licence Chevron, lorsqu’elle sera mise en pratique va démontrer que nous pouvons travailler ensemble et qu’ils peuvent venir au Venezuela pendant encore 100 ans, s’ils le veulent.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, nous arrivons maintenant à la dernière étape de cette interview, la politique internationale, un sujet que vous connaissez déjà, nul n’oublie que vous avez été ministre des Affaires étrangères de la République pendant au moins huit ans.

En juin dernier, vous avez effectué une tournée internationale réussie, vous avez visité des pays comme la Turquie, l’Iran, l’Algérie, le Koweït, le Qatar, l’Azerbaïdjan, et vous avez montré que vous n’étiez pas isolé, pas plus que le Venezuela. D’autre part, d’importants changements géopolitiques et énergétiques se produisent actuellement dans le monde, notamment en raison du conflit en Ukraine, et de nombreuses capitales – comme vous l’aviez suggéré à l’époque – se rapprochent à nouveau ou pourraient se rapprocher du Venezuela, qui, comme vous l’avez souligné, est l’une des principales réserves d’hydrocarbures au monde.

Dans ce contexte, je voulais vous demander, quelles perspectives voyez-vous à une éventuelle normalisation des relations entre le Venezuela et les États-Unis, et également une normalisation des relations avec l’Union européenne, ou avec d’autres puissances qui, à un moment donné, se sont jointes aux sanctions contre votre gouvernement ?

Nicolás Maduro – Eh bien, avec l’Union européenne, je dirais que les choses avancent bien, il y a un dialogue permanent avec M. Borrell, un dialogue avec l’ambassadeur de l’Union Européenne au Venezuela. Récemment, l’Espagne a nommé un ambassadeur à Caracas, et a donné son approbation à la diplomate vénézuélienne Coromoto Godoy comme nouvelle ambassadrice à Madrid, elle sera à Madrid très bientôt. Je pense qu’en général, pas à pas, avec une patience stratégique, avec de la diplomatie, avec du respect, nous pouvons progresser avec l’Union Européenne.

Avec les États-Unis, ils restent malheureusement piégés par leur politique insensée sur le Venezuela, en soutenant des institutions inexistantes, une présidence intérimaire, une assemblée fictive qu’ils continuent à soutenir, d’une manière ou d’une autre le chantage éléctoral de la Floride, de Miami-Dade, influence fortement la politique étrangère de la Maison Blanche, du Département d’État, c’est regrettable. Le Venezuela est prêt, totalement prêt à aller vers un processus de normalisation et de régularisation des relations diplomatiques, consulaires, politiques, avec ce gouvernement des États-Unis et avec les gouvernements qui pourraient venir ; une chose sont les différences politiques stratégiques, la vision que l’on peut avoir du monde, une autre qu’il n’y ait pas de relations. C’est l’anti-politique qui a été imposée par le modèle Trump. Trump a imposé un modèle au Venezuela, l’anti-politique du coup d’Etat, la menace d’invasions, des sanctions extrémistes, la tentative de briser le pays de l’intérieur, d’imposer un président de l’extérieur. Et toutes ces politiques ont échoué, elles ont été vaincues, d’abord par la réalité et ensuite par notre force. Nous sommes une réalité au Venezuela : le chavisme, le bolivarianisme, sont une réalité puissante au Venezuela, au-delà de Nicolás Maduro. Ils ressassent leur petite musique, la même qu’ils ont appliquée au Comandante Chávez, “le régime Chávez”, “le régime Chávez”. Il n’y a jamais eu de régime Chávez, il y a eu un régime constitutionnel, un état de droit social et démocratique, de justice ; et donc maintenant ils répètent la même formule : Le “régime de Maduro”. Moi, Maduro, je voudrais construire un régime pour moi ? S’il vous plaît ! un peu de considération, un peu d’intelligence.

Nous sommes prêts pour un dialogue au plus haut niveau, pour des relations respectueuses, et j’espère, j’espère, qu’un halo de lumière éclairera les États-Unis d’Amérique, qu’ils tourneront la page et laisseront de côté cette politique extrémiste, et arriveront à des politiques plus pragmatiques par rapport au Venezuela, nous sommes prêts, j’espère que cela arrivera.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, en Amérique latine, il y a eu de nombreux changements relativement positifs du point de vue, je pense, de Caracas ; ce premier janvier 2023, votre ami Lula da Silva va reprendre la présidence du Brésil, c’est une immense victoire, et il y a eu aussi la récente victoire de Gustavo Petro en Colombie. Nous pourrions dire que malgré la situation actuelle au Pérou, nous sommes globalement face à une nouvelle Amérique latine avec une majorité de gauche. La question est la suivante : quelle est votre analyse de cette nouvelle Amérique latine, et quelles perspectives lui voyez-vous ? Et en particulier, comment voyez-vous l’évolution des relations entre le Venezuela et la Colombie, lorsque ce premier janvier, en principe, la continuité et la liaison routière entre la Colombie et le Venezuela seront rétablies ?

Nicolás Maduro – En 2022, il y a eu de bonnes nouvelles, dans le contexte d’une Amérique latine caribéenne en conflit – le projet impérial de domination, de recolonisation, d’assujettissement de nos pays est en conflit avec les différents projets d’indépendance, de démocratisation, d’amélioration de la vie de nos peuples ; Il s’agit d’une lutte historique, une lutte historique entre les projets latino-américains et caribéens, avec leur propre empreinte et leur propre signe national, et les projets oligarchiques liés, malheureusement, et soumis, aux intérêts impériaux ; dans cette lutte, on a dit qu’une deuxième vague se lève, on l’a beaucoup dit. Par rapport à la première vague, nous savions tout ce qui découlait du triomphe du Commandant Chávez et des triomphes de Lula da Silva, Néstor Kirchner, Tabaré Vázquez, Evo Morales, Rafael Correa, le Front Sandiniste, Daniel Ortega, la force de Cuba…

Ignacio Ramonet – Fernando Lugo…

Nicolás Maduro – … Mel Zelaya, toute cette vague.

Ignacio Ramonet – Lugo au Paraguay.

Nicolás Maduro – Cette vague qui a surgi sur le continent avait beaucoup de cohésion, beaucoup de cohérence, beaucoup de force, beaucoup d’impact. Puis vint la contre-offensive de l’extrême droite et maintenant une nouvelle vague libératrice, démocratisante, avancée et progressiste semble se lever avec force. Le triomphe de Gustavo Petro en Colombie a signifié d’importants changements pour la vie et la recherche de la paix pour le peuple colombien ; le triomphe et l’accession à la présidence de la République par Lula da Silva signifie, enfin, une formidable avancée géopolitique pour les projets régionalistes, pour la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes, pour la reprise des projets du Sud, de l’UNASUR, de la Banque du Sud, pour la reprise des projets d’intégration dans nos pays. C’est donc une bonne nouvelle. Avec la Colombie, cette année nous avons fait beaucoup de progrès, comme l’ouverture libre et totale des passages frontaliers, maintenant l’ouverture du pont Antonio Ricaurte à Tienditas, sur la frontière entre notre état du Táchira et le nord de Santander en Colombie. Nous avons également pris des mesures importantes dans le domaine du commerce. On estime que la balance commerciale des premiers mois est passée à plus de 600 millions d’euros. La balance commerciale entre la Colombie et le Venezuela commence tout juste à atteindre 600 millions, ce qui représente un grand potentiel.

De même, au Venezuela, des pourparlers de paix ont été mis en place avec le projet de paix totale du président Petro, et nous soutenons pleinement toutes les initiatives de paix, y compris celle qui a été mise en place au Venezuela, dans les pourparlers de paix avec l’Armée de libération nationale. Je crois que dans ce sens, le Venezuela et la Colombie sont en train d’embrasser la réunion des frères, et c’est une bonne nouvelle pour les deux pays et pour toute l’Amérique latine.

Ignacio Ramonet – Monsieur le Président, une dernière question. Vous vous êtes récemment rendu en Égypte notamment pour participer au Sommet sur le Climat et vous avez pu y développer votre propre vision des solutions à apporter au changement climatique, ainsi que votre analyse de la situation géopolitique internationale, mais vous avez également profité de cette rencontre internationale pour établir des contacts directs avec des dirigeants internationaux. Pour conclure cette interview, j’aimerais vous demander quelle est votre vision du nouveau scénario international conflictuel, et quels sont, selon vous, les atouts et les espoirs d’un nouveau monde multipolaire ?

Nicolás Maduro – Au sommet sur le changement climatique, la COP-27 en Égypte, nous avons pu rencontrer pendant trois jours les délégations de plus de 190 pays. Je peux vous dire que j’ai serré la main de la grande majorité des chefs d’État, des chefs de gouvernement, des chefs de presque toutes les délégations ; nous avons eu de longues réunions, des conversations avec tous ces présidents et premiers ministres. Qu’ai-je ressenti, Ramonet ? Du respect. De l’admiration pour les actions du peuple vénézuélien. La reconnaissance des dirigeants du monde pour le Venezuela debout, pour le Venezuela victorieux, pour le Venezuela qui donne l’exemple et qui ne s’est pas laissé écraser, ni mettre à genoux par les empires du monde. Et c’est ainsi que les gens du monde entier m’ont dit en privé, dans des conversations, dans le couloir, dans la salle de réunion, dans des conversations bilatérales : admiration, respect, reconnaissance pour la révolution bolivarienne, pour le peuple du Venezuela, pour toute la trajectoire démocratique que nous avons accomplie pendant toutes ces années.

Nous avons porté la voix du Venezuela : véritablement les ravages causés par le modèle capitaliste en 200 ans nous ont conduit à une urgence climatique, nous vivons déjà une urgence climatique. Nous y avons rencontré le président Petro, le président du Suriname, et nous avons fait une proposition que le président Lula a acceptée, celle d’organiser très prochainement au Brésil un sommet de l’Organisation du traité de l’Amazonie, qui réunira tous les pays amazoniens d’Amérique du Sud ; Nous y porterons la voix du Venezuela pour réactiver l’Organisation du Traité de l’Amazone, et aussi pour parvenir à un plan d’urgence pour récupérer l’Amazonie, pour défendre l’Amazonie comme le grand poumon du monde ; c’est l’un des grands accords que nous avons conclus avec le président Petro, avec le président du Suriname et maintenant avec le président Lula da Silva du Brésil.

Le monde est sans aucun doute dans une situation très difficile, nous vivons les douleurs de l’accouchement d’un monde différent. Nous avons toujours prôné la construction d’un monde pluripolaire, multicentrique, de divers pôles de développement, de pouvoir, de centres qui accompagnent toutes les régions du monde. Le vieux monde des 15ème, 16ème, 17ème, 18ème, 19ème siècles, du colonialisme, puis du néo-colonialisme du 20ème siècle, doit être abandonné pour de bon. Personne ne peut croire qu’à partir de deux ou trois métropoles, on peut gouverner le monde, on peut soumettre les peuples. Il y a déjà des régions très fortes, comme l’Asie, le Pacifique, l’Afrique elle-même, l’Amérique latine et les Caraïbes, nous sommes des blocs de pays qui sont en train de devenir des pôles de la puissance mondiale. Devons-nous renoncer à nos droits à la paix, au développement, au progrès scientifique et technologique, à nos propres modèles culturels, à nos propres modèles politiques ? Devons-nous y renoncer ? Non. Devrions-nous assumer la domination unipolaire d’une métropole qui prétend dicter sa loi au monde ? Non. C’est l’heure d’un monde nouveau, d’une nouvelle géopolitique qui redistribue le pouvoir dans le monde. La guerre en Ukraine fait partie des douleurs de l’accouchement d’un monde qui va émerger.

Nous ne doutons pas que nous en serons, nous avons voulu être l’avant-garde, fermement, courageusement, depuis la diplomatie bolivarienne, depuis la diplomatie chaviste, de la construction de ce nouveau monde. Nous apportons notre contribution de manière humble mais significative, depuis les idées de Bolivar, depuis les idées de Hugo Chávez, dans la construction d’un autre monde où nous pouvons tous nous intégrer, où nous pouvons vivre ensemble en paix et où les peuples peuvent surmonter les séquelles de siècles de colonialisme et de néocolonialisme. Nous croyons en ce monde et ce monde va émerger, n’en doute pas, Ramonet.

Ignacio Ramonet – Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour cette interview. Je profite de l’occasion pour vous souhaiter, ainsi qu’à votre famille, votre pays, votre peuple et la révolution bolivarienne, de bonnes fêtes de fin d’année et une nouvelle année prospère.

Nicolás Maduro – Bien, et mes salutations à tous ceux qui nous regardent et nous écoutent à la télévision, sur YouTube, sur Instagram, sur Facebook, sur Periscope, sur Twitter, de toutes les manières dont vous pouvez nous voir et nous entendre, mes salutations du Venezuela à tous nos amis du monde entier. Merci Ramonet.

Ignacio Ramonet – Merci, Monsieur le Président.

Entretien réalisé à Caracas et diffusé le 1er janvier 2023

Source : https://t.co/JFsB2jU18Z

Traduction : Thierry Deronne pour Venezuelainfos

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/01/01/2023-lheure-dun-monde-nouveau-linterview-de-nicolas-maduro-par-ignacio-ramonet/

Alex Saab : Trump en a rêvé, Biden l’a fait

par Maurice Lemoine

France Culture (« l’esprit d’ouverture »), journal du 17 octobre 2021 au matin : « Extradition aux Etats-Unis d’Alex Saab, un proche de Maduro accusé d’avoir détourné l’aide alimentaire destinée au Venezuela. » Pour Libération (« CheckNews » à tous les étages), « l’opposition vénézuélienne et de nombreux journalistes qui ont enquêté sur le personnage affirment qu’il sait tout sur la corruption du régime de Nicolas Maduro ». Ce que confirme La Croix : « Soupçonné d’avoir profité de sa proximité avec Caracas pour détourner 350 millions de dollars, il pourrait détenir des informations compromettantes pour Maduro. » D’autant que, à en croire Le Monde (le quotidien « de référence »), reprenant l’Agence France Presse (AFP), l’opposant vénézuélien Julio Borges déclare qu’avec l’extradition commence « le passage devant la justice de quelqu’un qui a volé des millions de dollars aux Vénézuéliens, qui est responsable direct de la faim et de la crise humanitaire » dans ce pays. Bref, résume France Inter (« écoutez la différence »), « le président Maduro a de quoi être inquiet. Un homme qui sait tout de sa fortune, du financement de son régime, de la corruption vénézuélienne, est aujourd’hui entre les mains des Etats-Unis, son pire ennemi [1]. »

Amis de l’information objective, bonjour et bienvenidos.

Version quelque peu différente de l’histoire : envoyé spécial du gouvernement vénézuélien, avec rang d’ambassadeur, Saab effectuait une mission pour le compte de celui-ci, volant de Caracas vers l’Iran, le 12 juin 2020, afin d’acquérir de la nourriture et de l’essence dont manquent cruellement les habitants de la République bolivarienne du fait du blocus économique et financier imposé par les Etats-Unis. A la requête de Washington, Saab a été arbitrairement arrêté lors d’une escale technique au Cap-Vert. Depuis, Caracas s’est battu becs et ongles pour empêcher cette « séquestration » d’aller à son terme par le biais d’une extradition vers un cul-de-basse fosse étatsunien.

Né dans une famille colombienne d’ascendance libanaise, mais également citoyen vénézuélien, Alex Saab (49 ans), n’est pas entré subrepticement dans le sillage de la révolution bolivarienne. En novembre 2011, cet homme d’affaires inconnu du grand public participe à une rencontre entre les présidents vénézuélien Hugo Chávez et colombien Juan Manuel Santos. Les relations sont alors au beau fixe. Chávez s’implique personnellement pour persuader la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) de négocier une sortie du conflit armé avec le pouvoir de son pays. Lors de cette rencontre, donc, et en présence du ministre des Affaires étrangères vénézuélien Nicolás Maduro, le jeune Saab monte à la tribune et signe une « alliance stratégique » : Fondo Global de Construcción, une de ses entreprises, fournira au Venezuela des maisons préfabriquées destinées au programme naissant de la Mission logement (« Misión Vivienda »).

Deux années plus tard, en mars 2013, Chávez disparaît. Maduro accède démocratiquement au pouvoir (50,61 % des voix). L’estimant moins solide que le défunt « comandante », l’opposition radicale se lance dans sa déstabilisation. Le 8 mars 2015, le président des Etats-Unis Barack Obama apporte sa pierre à l’édifice et prépare l’avenir en signant l’Ordre exécutif 13692 qui fait du Venezuela « une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis ». Chef du Southern Command (le commandement sud de l’armée américaine), le général John Kelly déclare le 28 octobre suivant que les Etats-Unis interviendront en cas de crise humanitaire au Venezuela. Ne reste plus qu’à provoquer celle-ci. La doctrine a été développée par le politologue américain Gene Sharp, le « Machiavel de la lutte non violente » (camouflage moderne des « révolutions de couleur ») [2] : « Les piliers économiques sont des cibles bien plus faciles que les bases militaires ou les palais présidentiels ; secouez-les et le tyran finira par tomber. » En avril 2016, le blocus financier commence. Il n’a qu’un objectif : affamer la population vénézuélienne pour qu’elle se retourne contre le pouvoir bolivarien.

L’économie se détraque. Le chœur médiatique et le troupeau des pseudo érudits vont bientôt s’en donner à cœur joie : « Au Venezuela, Nicolás Maduro fait face à un effondrement économique sans précédent, avec des conséquences dramatiques pour les habitants (…), une crise liée à la gabegie gouvernementale, à l’incurie de la gestion pétrolière » et (pour paraître objectif) « aggravée par les sanctions de l’administration Trump [3 » Aggravée ? Dès le 9 janvier 2018, une déclaration d’un haut fonctionnaire du Département d’Etat interrogé par María Molina de Radio Colombia a implicitement taillé en pièces cette niaiserie : « La campagne de pression contre le Venezuela fonctionne. Les sanctions financières que nous avons imposées (…) ont obligé le gouvernement à commencer à tomber en défaut [de paiement], tant pour la dette souveraine que pour la dette de PDVSA, sa compagnie pétrolière. Et ce que nous voyons (…) est un effondrement économique total au Venezuela. Donc notre politique fonctionne, notre stratégie fonctionne et nous la maintiendrons. »

Le 12 février 2021, la rapporteuse spéciale des Nations unies, Alena Douhan, dénoncera, depuis Caracas, les « effets dévastateurs » pour la population des sanctions décrétées par Washington contre le Venezuela. Soulignant les difficultés rencontrées par ce pays pour vendre son pétrole et obtenir du carburant sur le marché international, la rapporteuse demandera la levée des sanctions et l’accès du gouvernement vénézuélien aux fonds lui appartenant, mais gelés, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Portugal – quelque 6 milliards de dollars – pour acheter des médicaments, des vaccins et du matériel médical. « Les entraves aux importations de denrées alimentaires, précisera-t-elle, qui représentent plus de 50 % de la consommation, ont conduit à la croissance soutenue de la malnutrition au cours des six dernières années. » Même le Government Accountability Office (Bureau de la responsabilité gouvernementale ; GAO), agence d’audit travaillant pour le Congrès des Etats-Unis, affirmera sans détours, quasiment au même moment, que l’économie vénézuélienne s’est brusquement effondrée du fait des 450 mesures coercitives unilatérales prises à son encontre, tout en précisant : « Quelle que soit la position de chacun sur les sanctions, nous devrions convenir qu’elles ne doivent pas être imposées à la légère et qu’elles ne doivent pas faire obstacle à une aide qui sauve des vies [4]. »
Dès la fin 2015, les pénuries de toutes sortes accablent la population vénézuélienne. Les étals se vident des produits de première nécessité. Pour empêcher ses citoyens de mourir de faim du fait de cette « guerre économique », le pouvoir invente les Comités locaux d’approvisionnement et de production (CLAP). Un plan de distribution d’aliments à prix subventionnés. Fin 2016, à travers son Group Grand Limited, entreprise enregistrée à Hong Kong en 2013, puis au Mexique, Saab signe ses premiers contrats pour fournir dix millions de colis alimentaires destinés aux CLAP. « Il a fallu chercher des solutions pour créer de nouvelles chaînes d’approvisionnement, de logistique, de financement et de relations commerciales, souvent avec des entreprises et des pays qui, historiquement, auraient été laissés à l’écart du marché vénézuélien, en raison de la présence des entreprises américaines », expliquera-t-il ultérieurement [5].
L’homme n’a rien d’un philanthrope. En homme d’affaire avisé, il n’ignore rien de la notion de profit. Il prend son bénéfice au passage. Il vit sur un grand train – hôtels de luxe et jet privé. Mais si, fondamentalement, il dérange, c’est parce qu’il participe très activement à la politique destinée à protéger les Vénézuéliens, et en particulier les plus modestes, de la famine organisée par l’anti-chavisme local et international.

La première flèche est tirée par une transfuge, l’ex-procureure générale vénézuélienne Luisa Ortega Díaz. Ayant pris ses distances avec le pouvoir après les « guarimbas » (émeutes insurrectionnelles) de 2017, mais surtout soupçonnée de corruption, elle a rejoint la Colombie et s’est ralliée à une opposition dont, la veille encore, elle poursuivait certains éléments. Elle a beaucoup à se faire pardonner par ses nouveaux amis. En cette année 2017, elle pointe du doigt Saab. Mais pas que lui. Elle déclare en effet que les enquêtes qu’elle a menées au sein du ministère public l’ont amenée à présumer que le président Maduro est en réalité le propriétaire de Group Gran Limited – alors que les documents mentionnent comme propriétaires Saab et son associé colombien Álvaro Pulido.
Journaliste aux antipodes du chavisme, directeur de l’équipe d’investigation de la chaîne télévisée Univisión, aux Etats-Unis, Gerardo Reyes a interviewé Ortega pour son livre « à charge » Alex Saab : la verdad sobre el empresario que se hizo multimillonario a la sombra de Nicolás Maduro (Alex Saab : la vérité sur l’homme d’affaires devenu multimillionnaire dans l’ombre de Nicolás Maduro) [6]. « Quand elle était au Venezuela, explique-t-il néanmoins, elle n’a pas dit grand-chose à ce sujet, mais elle est sortie et a dit qu’elle en savait beaucoup et a appelé Saab l’homme de paille de Maduro. Lorsque je l’ai interrogée pour lui demander la preuve qu’il était l’homme de paille de Maduro, elle ne me l’a jamais donnée, alors que c’est elle qui a inventé ce terme [7]. »

Saab se retrouve dans le collimateur. Les CLAP, qui assistent six millions de familles, également. En 2018 le site d’opposition vénézuélienne Armando Info, dont les journalistes vivent à Miami et Bogotá, déclenche une violente campagne contre les entreprises mexicaines qui approvisionnent les CLAP en question. Leurs produits seraient de mauvaise qualité, sans valeur nutritive et de surcroît surfacturés. Avec un pouvoir éditorial concentré dans quelques mains, le cirque médiatique emboîte le pas. Le Département du Trésor américain sanctionne les entreprises mexicaines (El Sardinero, Rice&Beans et La Cosmopolitana), huit autres firmes et deux navires. La justice mexicaine – pays alors gouverné par la droite en la personne de Enrique Peña Nieto – « démantèle le réseau » ! Partout dans le monde, firmes et entreprises enregistrent le danger qu’il y a à commercer avec le Venezuela.

Devenu un élément clé dans la lutte contre le blocus, Saab est inclus dans la « Liste Clinton » par le Département du trésor. Toute personne intégrant cette liste, voit ses biens aux Etats-Unis confisqués, ses comptes bancaires gelés, la déchéance de ses visas et donc de la possibilité d’entrer dans le pays, ainsi que l’interdiction de toute relation avec des personnes physiques ou morales américaines. Pour le protéger, Caracas nomme Saab « envoyé spécial », avec rang d’ambassadeur, toujours en 2018. Privé de la voie mexicaine pour acheter aliments et médicaments, Saab se tourne entre autres vers la Turquie et les Emirats arabes unis. Grâce à ces tours de passe-passe discrets, les Vénézuéliens modestes survivent. Et Washington enrage, forcément.
 
Quand Washington enrage, la Colombie d’Iván Duque rugit. Saab possède dans ce pays l’entreprise Shatex. La Direction d’investigation criminelle et Interpol (Dijin), la Direction des impôts et des douanes nationales (DIAN), l’Unité d’information et d’analyse financière (UIAF) lancent des meutes de limiers aux trousses de Saab. En arrière plan se tiennent la Drug Enforcement administration (DEA, les « stups » américains) et le FBI. Pour incriminer Saab, ces deux organismes s’appuient sur le « témoignage » de Jorge Luís Hernández Villazón, alias « Boliche », ex-paramilitaire colombien, proche du leader Salvatore Mancuso, et qui, depuis deux décennies, est « témoin protégé » du gouvernement américain. Dépendant des autorités pour sa liberté et sa sécurité, ce type de repenti n’a rien à leur refuser. D’ailleurs, pour faire d’une pierre deux coups, il met également en cause l’ex-sénatrice colombienne d’opposition Piedad Córdoba, dont la carrière politique aurait été financée par… Saab, évidemment.
 
Début septembre 2018, mandat d’arrestation en main pour « blanchiment d’argent » et « terrorisme », un groupe d’enquêteurs colombiens se présente afin d’arrêter Saab à Barranquilla. Sans doute averti par son avocat Abelardo De La Espriella – grand admirateur d’Álvaro Uribe ! – l’oiseau a quitté le nid. Mais sa « légende noire » prend de l’ampleur. Elle ne faiblira plus, bien que, en mai 2019, un juge de Barranquilla, Néstor Segundo Primera Ramírez, ait annulé, faute de preuves, l’ordre d’arrestation le concernant [8]. Ni même quand en Suisse, en mars 2021, les procureurs de Genève décideront, après trois années d’investigation, de clôturer l’enquête lancée contre lui pour vingt-deux comptes supposés suspects dans la banque UBS, faute de trouver là encore une quelconque irrégularité.
 
Entretemps, en 2019, le justice américaine a inculpé l’homme d’affaires pour « blanchiment d’argent » et l’accuse d’être à la tête d’un vaste réseau ayant permis au président vénézuélien et son gouvernement de… détourner de l’aide humanitaire destinée aux habitants.
L’absurdité de l’accusation saute tellement aux yeux que, même au sein de l’opposition vénézuélienne, on observe des réactions. Après un début de « Cirque Juan Guaido » (président autoproclamé) tonitruant, les manifestations anti-Maduro peinent à rassembler et des fissures commencent à apparaître au sein de l’antichavisme. Conscients des souffrances d’une population sacrifiée par les tenants de la déstabilisation économique, neuf députés des partis Primero Justicia, Voluntad Popular, Un Nuevo Tiempo, Cambiemos et de la fraction 16 de Julio (dont ils seront ultérieurement expulsés) se rendent en Europe, en Colombie et aux Etats-Unis où ils mènent des négociations informelles en défense des entreprises de Saab [9]. Sans résultat, bien entendu.

Plus d’exportations pétrolières permettant financer les achats vitaux pour la population, en pleine pandémie. Souterraines, les transactions s’effectuent en particulier grâce à l’or extrait de l’Arc minier de l’Orenoque [10] – que, volant au secours de Washington, certains inconscients d’extrême gauche et écologistes ignorants dénoncent vigoureusement, au nom de la défense de l’environnement.
Le 12 juin 2020, en route pour l’Iran en quête de nourriture, Saab fait escale à l’aéroport international Amílcar-Cabral de l’île de Sal, au Cap-Vert – un archipel composé d’îles volcaniques situé au large du Sénégal – pour procéder à une opération de ravitaillement. Bien que muni de son passeport diplomatique – le Venezuela l’ayant également nommé ambassadeur auprès de l’Union africaine –, il est arrêté par les autorités cap-verdiennes. « On ne m’a jamais montré de notice rouge [d’Interpol] ou de mandat d’arrêt, racontera-t-il ; on m’a poussé hors de l’avion sans chaussures et on a ensuite dit au pilote de quitter l’île immédiatement [11]. » En cas de non reconnaissance de son immunité diplomatique, le respect du droit internationalimpliquerait pourtant que, au pire, Saab soit déclaré persona non grata et qu’il puisse poursuivre son voyage. Pour justifier cette incarcération arbitraire, un mandat d’Interpol ne surgira que le lendemain de l’arrestation. Le mandat d’arrêt américain, qui réclame l’extradition, n’arrivera qu’au bout de vingt-cinq jours de détention préventive.

Il est désormais possible d’examiner de plus près l’acte d’accusation rédigé en juillet 2019. En fait, la Cour du District de Floride fait référence à une somme de 350 millions de dollars ayant circulé entre 2011 et 2015 à travers le système bancaire américain – et, entre autres, la Bank of America, la Citibank et la Deutsche Bank. Tous établissements supervisés par le Département de services financiers de New York et la Réserve fédérale (FED) – qui, pendant cette période, n’ont pas levé un sourcil. Aucune preuve n’accompagne l’accusation – juste des insinuations et de demi-vérités recueillies auprès de témoins « repentis » qui ont obtenu en échange la nationalité étatsunienne.
La prison préventive se prolonge au-delà des délais permis par la loi. Bientôt, l’ex-juge espagnol Baltasar Garzón, qui dirige l’équipe de défense, devra faire remarquer que « la durée maximale de privation de liberté dans le cadre d’un processus d’extradition, en vertu de la législation cap-verdienne, est de 80 jours ». Délai allégrement dépassé, malgré des demandes d’habeas corpus répétées.

Saab dénonce : « Dès le premier jour de mon enlèvement, j’ai été torturé et soumis à des pressions pour signer des déclarations d’extradition volontaire et faire un faux témoignage contre mon gouvernement. Par la suite, le Cap-Vert m’a torturé physiquement trois autres fois en prison, en plus d’une torture psychologique constante. Demandez à n’importe lequel des autres prisonniers qui étaient là. Ils peuvent le confirmer [12]. » Malgré une détérioration de sa santé et une intervention rapide du Tribunal de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), il faudra attendre le 21 janvier 2021, soit sept mois, pour que le détenu soit transféré dans une résidence touristique abandonnée. Une bien piètre amélioration. « Je suis surveillé par cinquante gardes armés, mes avocats sont fouillés quand ils viennent et quand ils partent, mes flacons de médicaments sont vidés, même quand ils sont neufs et scellés, confie-t-il le 3 mars à l’agence de presse espagnole EFE. Si je sors dans le jardin, la police suit tous mes mouvements avec des drones. Je n’ai pas le droit d’accéder à l’internet et si je veux parler à ma famille, je dois le faire sur un téléphone fourni et surveillé par la police. Le Cap-Vert refuse de me laisser accéder aux médecins spécialistes de mon choix, même à mes propres frais. Avec autant de gardes armés autour de moi, je suis très stressé. Le jeu de la torture psychologique, commencé en prison, se poursuit sous cette fausse assignation à résidence. »

Le 1er mars 2021, Hannibal Uwaifo, président de l’Association des avocats d’Afrique (AFBA), lance un appel public pour que le gouvernement du Cap-vert libère immédiatement « le diplomate vénézuélien Alex Saab ». Le 15 mars, puis à nouveau le 24 juin, c’est la Cour de justice de la Cedeao qui juge la détention « illégale », ordonne une « libération immédiate », « l’arrêt de l’exécution de la procédure d’extradition vers les Etats-Unis » et le versement à l’intéressé d’une indemnité de 200 000 dollars « pour les dommages moraux résultant de sa détention illégale ». Bien que parti prenante de cet organisme régional et membre de plein droit de son Tribunal, le Cap-Vert décide de ne pas appliquer la décision. Il ne réagit pas plus quand, le 8 juin, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU demande à Praia (la capitale) de suspendre la procédure d’extradition pendant qu’il examine les allégations de torture physique et psychologique.

Approuvée dès le 31 juillet 2020, suspendue par les appels et les recours de l’équipe de l’avocat Garzón, l’extradition de Saab est confirmée le 7 septembre 2021 par le Tribunal constitutionnel cap-verdien, une sentence de 194 pages attestant, contre toute évidence, de la « légalité » du processus. Confronté au danger imminent de sa déportation, le pouvoir vénézuélien nomme Saab membre de la délégation gouvernementale qui, au Mexique, a entamé des négociations avec la droite radicale, ramenée à la raison par l’échec spectaculaire de la stratégie de « changement de régime » qu’a incarné le président imaginaire Juan Guaido.
Le Cap-Vert, pour sa part, se prépare à une élection présidentielle. Des rumeurs courent, audibles de Praia à Washington. Candidat de gauche pour le compte de l’historique Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV), José Maria Neves, envisagerait de libérer Saab, pour « raisons humanitaires », s’il était élu. En toute hâte, le chef d’Etat sortant, Jorge Carlos Fonseca, colle Saab dans un avion, à destination des Etats-Unis, le 17 octobre, veille du scrutin. Détail qui fait mal : l’aéroport porte le nom d’Amilcar Cabral, le héros de l’indépendance du pays (ex-colonie portugaise), l’homme qui en son temps déclara : « Notre lutte n’est pas seulement contre le colonialisme portugais ; nous voulons, dans le cadre de notre lutte, contribuer de manière plus efficace à mettre définitivement fin à la domination étrangère sur notre continent. »
Le lendemain du « vol de l’infamie », José Maria Neves, l’éventuel libérateur, a été élu avec 51,5% des voix.
 
Ce 18 octobre, Saab a été présenté devant un juge de la Cour de Miami. La porte-parole du Département de la justice, Nicole Navas Oxfam, a exprimé sa gratitude et son admiration pour le gouvernement du Cap-vert en raison de « son professionnalisme et de sa persévérance dans ce cas complexe ». Comme toujours, les mouches du coche et les larbins ont tenu à se faire remarquer. « L’extradition d’Alex Saab est un triomphe dans la lutte contre le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et la corruption qui ont conduit à la dictature de Nicolás Maduro, a tweeté l’imprésentable président colombien Iván Duque. La Colombie a soutenu et continuera de soutenir les Etats-Unis dans l’enquête contre le réseau criminel transnational dirigé par Saab. » Traité comme un « criminel » parce qu’il a contribué à contourner les sanctions américaines illégales destinées à asphyxier l’économie vénézuélienne, Saab risque vingt années de prison.
 
Le captif sera jugé en Floride, nid des puissants lobbys anti-castristes et anti-bolivariens dressés vent debout contre les négociations en cours à Mexico. A son corps défendant, il rejoint ainsi le cercle des emblématiques otages de l’Empire. Les Cinq Cubains de Miami – René González, Fernando González, Gerardo Hernández, Ramón Labañino et Antonio Guerrero – iniquement jugés et incarcérés, de treize à seize années, entre 1998 et 2014, pour avoir infiltré les réseaux criminels qui, depuis la Floride, menaient des actes terroristes contre Cuba. Ou encore Ricardo Palmera (alias Simón Trinidad), dirigeant guérillero et négociateur des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), extradé en 2005 et depuis enterré, au sens propre du mot, dans un « Alcatraz » inhumain, à Florence (Colorado) [13]. Incapable de le faire condamner, faute de preuves, pour narcotrafic, comme elle l’avait prévu, la justice américaine l’a finalement déclaré coupable de « conspiration », avec d’autres membres des FARC, lorsque, dans le cadre du conflit armé, furent capturés en 2003 trois mercenaires américains (finalement libérés en 2008). On n’oubliera pas Julian Assange. Bien qu’incarcéré en Angleterre, il est avant tout l’otage du gouvernement américain. Mais lui, il s’agit de le réduire au silence ; en ce qui concerne Saab, il faut le faire parler !

Pour les Etats-Unis, il s’agit de pénétrer le système de défense économique et financier du gouvernement bolivarien ainsi que les méthodes utilisées pour tourner l’embargo. But ultime : neutraliser et démanteler les réseaux d’approvisionnement, mais aussi de vente de l’or et du pétrole vénézuéliens, tordre dans le mauvais sens une situation qui, pour le gros de la population, tend à s’améliorer. Il s’agit aussi, sur la base de « confessions » réelles ou inventées dans l’objectif d’obtenir une réduction de peine, de bombarder l’opinion publique des « turpitudes » de Maduro et de son entourage.
Pris dans un piège de cette nature, certains flanchent, d’autres résistent. Dans une lettre écrite avant d’être extradé et lue par son épouse Camilla Fabri lors d’un rassemblement public à Caracas, Saab a fait savoir que jamais ilne fournira volontairement « des informations classifiées sur le gouvernement du président Maduro et les relations diplomatiques et commerciales » de la République bolivarienne : « J’affronterai mon procès avec une dignité totale (…) Je veux être clair  : je n’ai pas à collaborer avec les Etats-Unis. Je n’ai commis aucun crime, ni aux Etats-Unis ni dans aucun autre pays et je n’ai pas l’intention de mentir pour favoriser les Etats-Unis contre un pays qui subit un blocus inhumain. »
Pour lui, le calvaire commence, à n’en pas douter.

Quand bien même le Département de la justice aurait mené l’opération, c’est en toute connaissance de cause que l’administration de Joe Biden s’est livré à cette opération. Le locataire de la Maison-Blanche n’a pas modifié d’un iota les mesures particulièrement agressives mises en œuvre par son prédécesseur Donald Trump contre la « Troîka de la tyrannie » – Cuba, le Nicaragua et le Venezuela. Les « midterm elections » (élections de mi-mandat) de novembre 2022, seront, pour les démocrates une épreuve redoutable. Il s’agit, dans cette perspective, de ne pas décevoir la Floride, un Etat clé. Mais il s’agit aussi, incontestablement, d’une torpille lancée contre le processus de dialogue entrepris par les chavistes et les anti-chavistes au Venezuela. D’ores et déjà, Caracas a suspendu sa participation aux conversations, qui devaient reprendre le 18 octobre. L’extradition de Saab, a déclaré Jorge Rodríguez, président de l’Assemblée nationale et chef de la délégation gouvernementale, « est une agression inacceptable qui viole les principes juridiques internationaux et contredit l’esprit constructif qui devrait prévaloir dans toute négociation politique. » Très cyniquement, le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price a immédiatement réagi : « Par sa suspension du dialogue avec l’opposition, le président vénézuélien Nicolás Maduro fait passer le cas de l’homme d’affaires Alex Saab avant les intérêts de millions de Vénézuéliens. »

C’est dans le cadre de ces conversations que les secteurs durs de l’opposition, mettant un terme à leur stratégie de boycott des élections, ont annoncée leur participation au méga-scrutin (pour les maires et les gouverneurs) du 21 novembre prochain. Malgré les réticences clairement exprimées de Washington, l’Union européenne a prévu l’envoi d’une Mission de plusieurs dizaines d’observateurs. Que feront les uns et les autres ? Caracas veut avant tout une suppression des sanctions imposées par les Etats-Unis. En ce sens, l’extradition de Saab relève à l’évidence de la provocation et du refus. La perspective de normalisation politique qui se dessinait en interne risque-t-elle, de ce fait, et d’une évidente volonté de Washington, d’être réduite à néant ?


[1https://www.franceinter.fr/emissions/le-monde-d-apres/le-monde-d-apres-de-jean-marc-four-du-lundi-18-octobre-2021

[2] Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet (précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation), Don Quichotte, Paris, 2015.

[3] Thomas Posado, Michel Rogasky, Pierre Salama, « L’Amérique latine en bascule », Recherches internationales, n° 115, Paris, juillet-septembre 2019.

[4https://www.gao.gov/assets/720/712253.pdf

[5https://misionverdad.com/venezuela/alex-saab-denuncia-extralimitacion-judicial-de-eeuu-en-su-contra

[6] Planeta, Bogotá, 2021.

[7https://www.diariolasamericas.com/america-latina/las-claves-del-caso-alex-saab-un-proceso-dinamitado-el-chavismo-n4234534

[8] Le 9 juin 2020, après qu’eussent été lancés de nouveaux chefs d’accusation, ses luxueux biens immobiliers de Barranquilla ont été saisis.

[9] Parmi ces députés d’opposition figurent Luis Eduardo Parra (futur président de l’Assemblée nationale de janvier 2020 à janvier 2021), Conrado Pérez, Richard Arteaga, José Brito, Chaim Bucaran, José Luis Pirela et Adolfo Superlano.

[10https://www.medelu.org/L-Arc-minier-de-l-Orenoque-les

[11https://www.elespectador.com/noticias/judicial/desde-el-primer-dia-me-torturaron-y-me-presionaron-para-que-firmara-mi-extradicion-alex-saab/?cx_testId=20&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=0#cxrecs_s

[12https://www.elespectador.com/noticias/judicial/desde-el-primer-dia-me-torturaron-y-me-presionaron-para-que-firmara-mi-extradicion-alex-saab/?cx_testId=20&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=0#cxrecs_s

[13] Trinidad a été capturé en 2004 en Equateur où il établissait des contacts avec des diplomates européens afin de parvenir à des accords d’échanges humanitaires de prisonniers.

Maurice Lemoine

Source de cet article : https://www.medelu.org/Trump-en-a-reve-Biden-l-a-fait

« Construire sa maison sans dépendre d’une entreprise privée » : l’École du Constructeur Populaire au Venezuela

« Le plus beau, pour ces jeunes qui viennent des milieux populaires, c’est de pouvoir réaliser leur rêve, construire leur propre maison sans dépendre d’une entreprise privée. Les projets collectifs de nos apprenti(e)s naissent de la collaboration avec les habitant(e)s, ils ou elles vont dans la communauté, cherchent le problème et proposent des solutions, grâce à leur formation technique, à partir d’une vision sociale« , raconte fièrement l’ingénieur Eskell Romero, directeur de l’école du Constructeur Populaire « Aristobulo Isturiz ». » « Dans chaque lotissement de la Grande Mission Logement Venezuela se trouve un noyau de notre école« .

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« Communardes, architectes du Droit à la Santé », le nouveau documentaire sur les autogouvernements populaires du Venezuela

Pour sortir du champ médiatique, abonnez-vous à la chaîne Youtube de Terra TV ! La télévision des mouvements sociaux transmet, depuis le Venezuela, des reportages sur les éternels invisibles des médias depuis 21 ans de révolution bolivarienne, tou(te)s ces citoyen(ne)s qui construisent une démocratie participative aux mille visages. Cette semaine : l’épopée des « Communardes, architectes du Droit à la Santé« . Quand on considère les trois ans d’autogouvernement populaire mis en place par la Commune Socialiste d’Altos de Lidice, organisée dans les quartiers populaires de l’Ouest de Caracas, on voit combien est crucial le rôle des femmes des équipes de santé. En plein blocus états-unien et ses conséquences terribles sur l’accès aux médicaments et aux matériels sanitaires, elles sont devenues ces « architectes » :

Ce sont aussi des femmes, responsables du Conseil Communal « Coromoto de Dios » qui ont réussi à peindre l’entrée principale de la Commune socialiste « Altos de Lidice » (Caracas) avec l’aide de la brigade de nettoyage « Che Guevara » :

Grâce au salaire collecté de porte à porte, et aujourd’hui aux cotisations des habitant.e.s à la banque communale, cette brigade d’entretien « Ernesto Che Guevara » composée de de sept habitant.e.s, autogérée et dirigée par deux femmes, entretient les rues des conseils communaux et prépare un projet de recyclage intégral.

Réalisation des reportages et photographies : Jesus Reyes. Production: TERRA TV. VO ESP Sous-titres français. République Bolivarienne du Venezuela 2021.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/05/31/communardes-architectes-du-droit-a-la-sante-le-nouveau-documentaire-sur-les-autogouvernements-populaires-du-venezuela/

Loi des Cités communales: « révolution dans la révolution » au Venezuela

Au Venezuela une « Loi Organique des Cités Communales »  est en cours de discussion publique. Elle vise à ce que «le peuple organisé amplifie sa capacité de décider des politiques publiques depuis ses territoires ». Journaux, radios, télévisions, sites d’«actu» ne vous en parleront pas : plus le Venezuela approfondit sa démocratie, plus il faut le totalitariser dans les médias.

D’où vient cette loi ? De vingt ans de travail. Et d’abord de l’entêtement d’Hugo Chávez pour qui un processus révolutionnaire ne pouvait se résumer aux élections, et ne saurait durer sans construire une démocratie participative puissante et permanente : « Nous ne sommes pas une révolution démocratique, nous sommes une démocratie révolutionnaire » expliquait-il, comptant sur la rébellion populaire contre le colonialisme et l’exclusion comme moteur de la transformation de l’État.

Peu à peu, l’Assemblée Nationale a donné corps à cette transformation « du bas vers le haut ». En 2006, avec la Loi des Conseil Communaux –  ces comités de délégué.e.s élu.e.s par les habitant.e.s pour réaliser des projets (infrastructure, logement, etc..) en réponse aux besoins du quartier et recevant pour cela les ressources de l’État. En 2010, tout un arsenal législatif a renforcé le pouvoir populaire, dont la Loi Organique des Communes, fédérations de conseils communaux dotés d’un parlement pour mener à bien des projets sur un plus vaste territoire défini par les activités et les besoins de la population et articuler les nombreux programmes sociaux du gouvernement bolivarien. Ce tissu d’organisations joue aujourd’hui un rôle non négligeable dans la résistance à la guerre économique (comités d’approvisionnement) ou à la pandémie (comités de santé notamment). Le 13 avril 2021, l’Assemblée Nationale a approuvé l’avant-projet de Loi du Parlement Communal. Ce projet est lui aussi soumis au débat public comme la Loi Organique des Cités Communales, qu’on peut lire ici en espagnol et en anglais, et qui vise à créer 200 villes communales sur le territoire national. Il s’agit d’intégrer les communes en construction pour que leurs habitant.e.s passent à une nouvelle forme politico-administrative basée sur l’autonomie, pour la gestion des politiques publiques, les services publics et le renforcement de nouvelles relations économiques basées sur la solidarité dans la production, la distribution et la consommation de biens et de services. Les communes recevront des subventions en Petro, la cryptomonnaie mise en place par l’État vénézuélien comme mécanisme anti-dévaluation, pour financer les activités liées à une économie réelle et alternative.

Le canal Terra TV continue à écrire la chronique de cette construction d’une démocratie participative. Son nouveau reportage nous met au cœur de la vie quotidienne d’un parlement communal parmi tant d’autres écoles de pouvoir citoyen au Venezuela (VO sous-titrée en français) :

Pour Nicolas Maduro, à qui Hugo Chávez avait demandé de poursuivre cette construction de l’État communal, la nouvelle loi marquera un tournant radical dans la révolution bolivarienne : « L’avenir de la Révolution et du Venezuela est lié à la construction des nouveaux organes du pouvoir populaire, à la démocratie directe du Pouvoir Communal, comme les Cités Communales contenues dans la Loi que l’Assemblée Nationale est en train de discuter avec le peuple. Créer, créer le pouvoir populaire ! Je crois que les Cités Communales seront une révolution dans la révolution ; cette Loi, Organique, nous permettra de construire directement l’autogouvernement. Le Venezuela entrera dans une nouvelle ère politique, avec la construction d’une démocratie inclusive, participative, dont le citoyen sera l’acteur direct, où l’Exécutif National, les Pouvoirs Publics régionaux et municipaux devront articuler un véritable Gouvernement, celui des majorités, ce Gouvernement que j’ai baptisé « de solutions ».

« Car la loi donne le pouvoir au peuple, à la communauté, aux voisins, pour gérer leurs budgets et leurs ressources, assumer la solution directe des problèmes, exigeant des mandataires locaux et régionaux qu’ils sortent de leurs bureaux et du confort de la climatisation pour effectuer un véritable gouvernement de travail commun avec les Conseils communaux, avec les Communes, avec la base populaire. Celui qui ne tolère pas les critiques populaires ne peut pas être ministre ou gouverneur. Nous devons apprendre à écouter le peuple. Il faut créer le monde nouveau à partir du pouvoir populaire, depuis l’État communard, nous devons tout transformer, tel est notre engagement. Je le dis avec mes sept ans d’expérience comme député, mes sept ans comme ministre des affaires étrangères aux côtés du président Chávez, et huit ans comme président venu du monde du travail« .

« Celui qui ne tolère pas les critiques populaires ne peut pas être ministre ou gouverneur. Nous devons apprendre à écouter le peuple » (Nicolas Maduro)

Le débat sur l’avant-projet de loi est lancé. Voici la contribution de Jose Roberto Duque, écrivain et chroniqueur passionné de culture populaire vénézuélienne. Il rappelle à sa manière la nécessité de séparer le processus communal de la bureaucratie étatique et de ses « planifications d’objectifs » qui poussent parfois à fabriquer des « communes » de papier, sans base réelle.

« Si la cité communale que nous, révolutionnaires, voulons et/ou proposons se veut vraiment une construction anticapitaliste :

– Elle doit se débarrasser, progressivement ou rapidement, du modèle de logement et de communauté qui a servi au capitalisme, et qui a même semblé un jour pouvoir fonctionner ;

– Elle doit tourner, graviter et fonctionner autour d’une ou plusieurs activités productives qui rendent possible son autonomie ;

– Elle doit être habitée et animée par des communards (communard : sujet qui donne à la Commune la majeure partie de son temps, de son énergie, de son amour et de sa créativité) ;

– Elle doit être conçue collectivement en fonction de la réalité géographique, du climat, de l’histoire, de ses caractéristiques sociales, des besoins actuels et des projets futurs de chaque commune ou communauté ;

– Elle doit commencer avec une conscience révolutionnaire le travail de démolition des pratiques et des concepts qui soutiennent la ville actuelle (propriété privée, substrat religieux et médiéval contenu dans les notions de « paroisse », de mairie, etc ;)

– Elle doit tenir compte du fait que la coexistence de la nouvelle forme d’exercice de la citoyenneté avec la forme actuelle est transitoire. Qu’il est nécessaire d’abandonner les pratiques qui soutiennent le capitalisme pendant que nous concevons et exécutons les prochaines ;

– Elle doit concevoir l’avenir sans rejeter ni oublier les modèles, les dispositifs, les technologies et les pratiques culturelles de la ville précapitaliste : ce qui fonctionnait avant l’irruption du modèle nord-américain (capitalisme industriel, extractivisme et mercantilisme) et pourrait fonctionner à nouveau.

Presque tout ce qui précède est formulé ou proposé dans le projet de loi soumis à la discussion de l’Assemblée nationale. Disons que l’essentiel, qui est le processus de démantèlement d’un modèle et de construction d’un autre, avec les critères d’audace de Simon Rodriguez, s’y incarne.

Comme il arrive souvent, parce que nous sommes le produit d’une société qui palpite encore et que nous avons été modelés par elle, une certaine langue s’est  « invitée » dans certaines parties du projet. Par exemple, à propos des banques communales, des expressions comme celle-ci : « Renforcer le système de microfinance communal par l’application de politiques publiques démocratiques et participatives dans la gestion financière ». Autant le mot « communal » s’y présente comme signe de la nouvelle époque, autant son pendant est trop puissant pour ne pas voir qu’il est en train de gagner le combat : le duo « banque » et « financier ». Nous voulons construire des communes, mais nous continuons à invoquer le concept des banques ; ni plus, ni moins, dans les éléments qui ont permis au capitalisme financier d’exploser et de se répandre dans le monde entier depuis les 14ème et 15ème siècles.

L’heure étant à la discussion et à la construction collective, il ne convient pas de se laisser emporter par le pessimisme naturel des puristes et perfectionnistes. Mais il faut être prudent et vigilant, et surtout faire chauffer les moteurs vers la nouvelle réalité : pour avancer vers la construction physique de la société à venir. Le monde post-pandémique n’est pas un discours mais une nécessité. Et, dans le cas du Venezuela, un projet de pays. »

Thierry Deronne, Caracas, le 13 avril 2021

Vidéo : Jesus Reyes, Terra TV

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/04/14/loi-des-cites-communales-revolution-dans-la-revolution-au-venezuela/

Le Venezuela que les médias ne vous montrent pas

Au-delà des formes politiques classiques (personnalités, partis..) peu de médias parlent de ce qui fait depuis 20 ans la singularité, l’or du chavisme : l’organisation communale, le pouvoir de décider collectivement, le vaste tissu féminin qui soutient la révolution. C’est pour empêcher les citoyens du monde entier de s’identifier avec ceux du Venezuela qu’on occulte la plus grande démocratie participative du monde. Les équipes de TERRA TV vivent sur place et vont vous la montrer.

URL de cet article: https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/02/14/le-venezuela-que-les-medias-ne-vous-montrent-pas/

Révolution bolivarienne, révolution latino-américaine: l’interview intégrale de Nicolas Maduro par Ignacio Ramonet

Si effrayante pour tous, l’année 2020 a été relativement clémente pour le Venezuela. Bien sûr, le blocus et les attaques de l’extérieur n’ont pas cessé, et se sont même parfois intensifiés. Mais la révolution bolivarienne, qui vient d’avoir 22 ans, est déjà affermie par ces batailles. Ce qui est remarquable, c’est qu’ici, contrairement à ce qui s’est passé dans presque toute l’Amérique latine et en particulier dans les pays voisins (Colombie, Brésil), la pandémie de Covid-19 a été maîtrisée. Peu d’infections, faible mortalité (voir les chiffres de l’OMS). Entre-temps, l’économie, dans des circonstances très difficiles, a connu une reprise spectaculaire. Avec une augmentation sans précédent de la production agricole et des activités commerciales. En outre, la nouvelle législation encourage un afflux important d’investissements étrangers. Ces nouveaux airs et ces nouvelles grâces, après plusieurs années de difficultés, se sont traduits politiquement par une victoire éclatante du Chavisme, le 6 décembre dernier, aux élections législatives.

Attaqué férocement depuis des années, le président Nicolas Maduro savoure l’heure où, par ailleurs, deux de ses principaux adversaires mordent successivement la poussière. Sur la scène nationale : l’opposition extrémiste dirigée par Juan Guaidó, battue le 6 décembre et expulsée démocratiquement de l’Assemblée nationale. Sur la scène étrangère : le chef de la conspiration internationale, Donald Trump,a été mis KO aux Etats-Unis le 3 novembre et sera hors-jeu à dater du 20 janvier.

Pour parler de ces questions, dans les magnifiques jardins de La Casona  qui était autrefois la résidence officielle des présidents du Venezuela et qui est aujourd’hui un centre culturel ouvert au public , nous nous sommes entretenus avec Nicolás Maduro. 

Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour la gentillesse dont vous avez fait preuve en nous accordant cette interview. Il est devenu une tradition pour nous de nous rencontrer chaque premier janvier pour faire le bilan de l’année écoulée et aussi pour que vous nous disiez comment vous envisagez les perspectives pour l’année à venir.

Cet entretien s’articulera autour de neuf questions : trois sur la politique intérieure, trois sur l’économie et trois sur la politique internationale.

Je voudrais commencer par la politique intérieure. L’année 2020, qui vient de se terminer, restera dans l’histoire comme « l’année de la pandémie Covid-19 » avec un bilan terrifiant à l’échelle planétaire, en termes de contagion et de victimes…. Dans ce panorama effrayant, les chiffres présentés par le Venezuela sont très encourageants, très positifs, et sont parmi les meilleurs du monde… Comment expliquez-vous ces bons résultats malgré les blocus et les mesures coercitives unilatérales imposées à votre pays par les autorités étasuniennes et européennes ? Existe-t-il peut-être un « modèle vénézuélien » pour la lutte contre le Covid ?

Nicolás Maduro : Tout d’abord, je vous remercie pour cette opportunité, cette fenêtre que vous nous ouvrez pour communiquer avec de nombreuses personnes honnêtes dans le monde, en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine, dans les Caraïbes, en Afrique… En effet, ces entretiens s’inscrivent déjà dans une tradition publiée le 1er janvier et qui marquera le début de la nouvelle année 2021. En effet, nous avons fait un grand effort pour traiter le coronavirus. Je pourrais vous dire qu’il existe un modèle vénézuélien. Je le dis humblement, parce qu’au Venezuela il y a un système de santé publique gratuit et de qualité construit en révolution. Et parce que, malgré les persécutions et les sanctions pénales qui nous empêchent d’acheter du matériel médical dans le monde ; et qui nous empêchent d’acquérir, de manière naturelle, les médicaments dont le pays a besoin, nous avons réussi à maintenir, à augmenter et à perfectionner le système de santé publique fondé par le commandant Chavez. La « Mission Barrio Adentro » a été la première étape de la construction de notre système primaire de médecine familiale avec plus de 14.000 cliniques externes, avec le médecin de famille, etc. Tout cela avec le soutien de Fidel Castro, de Cuba et, depuis seize ans, de milliers de médecins et du personnel de santé cubains… Entre-temps, nous avons également formé des milliers de médecins, d’infirmiers et d’infirmières…

Quand, en mars dernier, le Venezuela a commencé à faire face à Covid, je me souviens des articles du Miami Herald, des journaux espagnols El País et ABC, du New York Times, etc. qui « prédisaient », comme toujours avec le Venezuela, l’ »effondrement » de la société vénézuélienne, l’ »effondrement » de notre système de santé, donnaient des chiffres vraiment terrifiants, tragiques…

Entretien réalisé par Ignacio Ramonet à Caracas, le 30 décembre 2020

Cette guerre psychologique a un effet… Parce que vous lisez ces chiffres et vous vous dites : « Mon Dieu, que va-t-il se passer… » En mars, quand on a su que c’était une pandémie, eh bien, on a activé tous les mécanismes de la médecine préventive… Nous avons mobilisé environ 16.000 brigades médicales — qui sont toujours actives… — pour aller chercher les cas avec les tests PCR, les tests rapides, pour aller de maison en maison, dans les quartiers, dans les communautés…

Nous avons décidé d’offrir un traitement complet à tous les patients atteints de Covid… Tous ! Et les faire hospitaliser dans le système de santé publique… Et un petit pourcentage dans les cliniques privées, le système privé avec lequel nous avons établi une parfaite coordination, pour leur donner un traitement et une hospitalisation à 100 % des cas…

Aujourd’hui, je peux vous dire que 95 % des cas de Covid que nous avons eus — cent mille et demi cas d’infection — au Venezuela, ont été détectés à temps, ont reçu un traitement médical à l’hôpital et ont eu tous leurs médicaments.

Nous avons identifié un groupe des meilleurs médicaments nationaux et internationaux et nous avons effectivement fourni un traitement complet garanti à tous les patients : à ceux qui sont asymptomatiques, à ceux qui sont légèrement infectés, à ceux qui sont modérément infectés et, naturellement, à ceux qui sont gravement infectés dans leurs différentes modalités.

De plus, la science vénézuélienne a réussi à créer deux médicaments : un appelé DR10, et un autre que j’appelle les « gouttes miracles José Gregorio Hernández », qui sont deux thérapies permettant d’attaquer et de neutraliser le coronavirus à 100 %. C’est notre petite contribution…

Ces deux médicaments, nous les certifions auprès de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)… Et très bientôt, le pays entrera dans la phase de production de masse, pour la consommation nationale, de ces deux médicaments, qui sont vraiment encourageants.

Lorsque nous parlons du « modèle vénézuélien », nous devons également mentionner une formule que nous avons créée après les longues quarantaines volontaires pendant les mois de mars, avril, mai, juin et juillet. Parce que, ensuite, nous avons essayé une méthode, qui est notre méthode, que nous appelons « 7 + 7 » : sept jours de quarantaine radicale profonde, toujours volontaire ; et sept jours de flexibilisation. Cela nous a permis de combiner la protection indispensable avec l’activité économique… La nécessaire reprise économique s’est combinée à une quarantaine stricte et volontaire pour couper les cycles de contagion. C’est ainsi que nous avons construit notre méthode.

Où l’avons nous trouvé, Ramonet ? De l’étude des expériences dans le monde. De l’étude des expériences positives, comme il y en a eu en Chine, au Vietnam, à Cuba, au Nicaragua, en Nouvelle-Zélande, dans une étape en Corée du Sud… De ces expériences et de l’étude des expériences néfastes comme celle des États-Unis, du Brésil, de la Colombie, qui ont rempli ces pays frères de coronavirus, de maladies et de décès. Nous avons donc atteint un équilibre entre la quarantaine nécessaire, les soins nécessaires, la discipline nécessaire, et la flexibilité.

IR : Il faut dire aussi que le Venezuela a été le premier pays des Amériques, sur l’ensemble du continent, à prendre des mesures de quarantaine. Si je me souviens bien, l’OMS a déclaré la pandémie le 11 mars, et ici, la quarantaine a été décrétée le 13 mars… C’est-à-dire bien avant tout autre pays de la région.

Nicolás Maduro : Oui, et nous avons eu beaucoup de succès avec très peu de cas au cours des trois premiers mois. Puis il y a eu un phénomène : le retour massif de milliers de migrants vénézuéliens de Colombie, d’Equateur, du Pérou… Fuyant le coronavirus, la violence, la famine… Certains sont venus à pied de l’Équateur, du Pérou, de Cali, de Medellin, de Bogota jusqu’à la frontière.

Nous avons reçu plus de 270.000 Vénézuéliens, dont près de 250.000 de Colombie… Une « vague » qui est arrivée en juin, juillet… La frontière est très poreuse, très longue aussi. Et une grande partie de ces migrants sont arrivés par des moyens illégaux, par les « trochas » (Une « trocha » est un chemin souvent utilisé par les narcotrafiquants et qui permet de traverser la jungle ou les sous-bois.)… C’est pourquoi on parle de « trochismo »… Beaucoup d’entre eux sont venus de Colombie, d’Equateur, du Pérou et sont arrivés directement dans leurs communautés…  Ce qui a augmenté le nombre de cas de Covid. Actuellement, cela est contrôlé. Aujourd’hui, je peux dire que, malgré le fait que nous ayons fait une flexibilisation totale au mois de décembre 2020 — nécessaire pour la famille, pour l’économie — nous avons un bon niveau de contrôle.

Et maintenant, nous avons signé un accord avec la Russie pour acheter 10 millions de doses du vaccin Spoutnik V. Nous terminons les études de phase 3 de ce vaccin contre le Spoutnik V, qui sont très favorables. Et nous allons commencer la phase de vaccination. Mais il ne faut pas se leurrer : les vaccins aideront, mais ils ne protégeront que durant six mois à deux ans… Ce n’est pas pour toujours… Les gens doivent le savoir. De nombreuses personnes qui se font vacciner maintenant dans le monde, se font vacciner en espérant que c’est la fin définitive de tout danger de contracter le Covid. Non, c’est une expérience. La vaccination de masse est encore une expérience qui sera évaluée…

IR : Monsieur le Président, tout au long de l’année dernière, les attaques et le sabotage  en particulier contre l’industrie électrique et l’industrie pétrolière  dirigés et financés de l’étranger contre la révolution bolivarienne se sont également poursuivis.  En ce sens, la défaite de l’incursion armée appelée « Opération Gédéon« , en mai 2020, a démontré une fois de plus la force de l’union civile-militaire. Quelles sont les clés de cette union qui semble résister à toutes les épreuves ? Quelles nouvelles menaces armées craignez-vous contre le Venezuela et contre vous-même ?

Nicolás Maduro : Eh bien, nous travaillons beaucoup. En premier lieu, nous travaillons avec notre parole, avec des exemples, avec des actions du gouvernement permanent. Nous travaillons sur l’idéologie, la politique, les valeurs dans toute la société… Le Venezuela a montré, en cette année 2020, une fois de plus, la grande force de ses nouvelles institutions, des valeurs constitutionnelles. Et elle a démontré une grande force de conscience de l’ »union civique, militaire et policière », comme je l’appelle.

Le Venezuela est attaqué par une guerre permanente. Il ne faut laisser planer aucun doute sur le fait que l’empire étasunien, en tant qu’empire, a décidé de reconquérir, de recoloniser le Venezuela, de détruire notre révolution, de détruire nos institutions.

Durant ces quatre années de présidence de Donald Trump, nous avons connu une version extrémiste de la politique impériale contre le Venezuela. Un extrémisme total… Trump a autorisé à plusieurs reprises — on le saura en temps voulu, Ramonet — mon assassinat. Trump a pris goût pour le sang, pour la mort… Il a fait tuer Soleimani (Le 3 janvier 2020, le général iranien Qasem Soleimani, chef de la Force Quds, a été tué à Bagdad, en Irak, par une attaque de drones étasuniens) et bien d’autres. Et à plusieurs reprises, il a autorisé des plans, coordonnés avec le président colombien Iván Duque, pour m’assassiner. Ces plans sont toujours en vigueur aujourd’hui. De temps en temps, nous découvrons des éléments et prenons des mesures pour la protection, non seulement de ma vie, de la vie de ma famille, de la vie du haut commandement politico-militaire, de la vie des dirigeants du pays, de la vie des institutions…

Récemment, nous venons de démanteler un plan qui avait été conçu à Riohacha, sur la côte atlantique de la Colombie. C’est là qu’a eu lieu, le 21 décembre 2020, une réunion dirigée par trois agents des services secrets colombiens étroitement liés à Álvaro Uribe Vélez [ex-Président Colombien], envoyés par Iván Duque pour organiser un plan d’attaque de notre centrale hydroélectrique de Guri, pour attaquer nos raffineries, pour tenter de détruire, avec des explosifs, le siège de l’Assemblée nationale ? Ce plan s’appelait « Boycott de l’Assemblée nationale ».

Nous sommes en train de le démanteler en ce moment même, avec des preuves à l’appui, avec les témoignages des personnes qui ont participé à cette réunion à Riohacha. Le gouvernement colombien a gardé le silence, parce que nous avons découvert le plan secret qu’ils avaient pour ces jours de décembre et janvier. Nous sommes attaqués en permanence, menacés en permanence…

Mais la clé, c’est la prise de conscience. Sans aucun doute, si on nous demandait : quelle est la clé pour maintenir la révolution bolivarienne ? La réponse est : la vérité ; une parole engagée ; une action permanente ; avoir l’initiative politique… Et la conscience supérieure du peuple, la conscience supérieure de notre Force armée nationale bolivarienne.

Cette année, une loi a été adoptée — la loi constitutionnelle qui régit la Force armée nationale bolivarienne — et dans cette loi ont été exposés les éléments doctrinaux avec lesquels le soldat vénézuélien se meut. L’anti-impérialisme, le bolivarisme, l’américanisme latin s’expriment… La Force armée s’est déclarée comme une force armée anti-oligarchique.

Il y a des principes, des éléments clés : travailler la conscience, travailler les valeurs avec la vérité… C’est une clé fondamentale de l’union civile-militaire-policière qui soutient, en combat permanent, notre révolution.

IR : Monsieur le Président, les élections législatives du 6 décembre ont donné une nouvelle et éclatante victoire au Chavisme et à ses alliés. Le 5 janvier, le mandat de la précédente Assemblée, qui était dominée par l’opposition, prendra fin. Et le Chavisme va reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale. Cependant, une partie de l’opposition a refusé de participer à ces élections et ne reconnaît pas les résultats. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour convaincre cette opposition de participer à un nouveau dialogue pour aller vers la pacification définitive de la vie politique ?

Nicolás Maduro : Eh bien, en effet, une partie importante de l’opposition a adopté la vision extrémiste imposée par Washington en cette période de Trump. Mais l’ère de Trump se termine, et nous allons voir comment cette partie de l’opposition réagit maintenant. Nous avons toujours mené des dialogues et des négociations avec toute l’opposition, y compris celle qui s’est exclue du système politique démocratique du pays. Nous leur avons même parlé, en les invitant à occuper leurs espaces. L’opposition vénézuélienne a des partisans, des militants ; elle a des électeurs. Et bien, ils ont le droit d’occuper leurs espaces politiques.

J’espère qu’avec l’installation de la nouvelle Assemblée nationale le 5 janvier pour la période 2021-2025… Le mandat constitutionnel est de cinq ans, du 5 janvier 2021 au 5 janvier 2026, et ici les mandats constitutionnels sont de cinq ans pour le pouvoir législatif, pas un jour de plus, pas un jour de moins. Je souhaite que cette Assemblée nationale qui se met en place appelle à un grand dialogue, inclusif, large, très large. Je propose de participer à ce dialogue comme une personne de plus, assis sur une chaise comme une personne de plus ; j’enlève mes épaulettes présidentielles et je m’assieds là pour contribuer à la rencontre et à la réconciliation des Vénézuéliens. Et j’espère que ce dialogue convoqué par l’Assemblée nationale donnera de bons résultats. Et qu’elle devienne un épicentre politique de dialogue, de retrouvailles, de réconciliation.

Nous espérons que toute l’opposition participera aux élections de 2021 pour les gouverneurs que nous avons et qui sont très importantes… Ils sont mandatés par la Constitution… Il y a 23 gouvernorats dans le pays.

La dernière fois, Ramonet, que nous avons lutté contre toute l’opposition unie contre les forces bolivariennes, c’était lors d’une élection de gouverneurs, le 15 octobre 2017. Et sur 23 gouvernorats, nous en avons gagné 19, bien mérités. Nous avons obtenu 54 % des votes nationaux. Une formidable victoire. C’est la dernière fois que nous avons pu nous mesurer. De plus, je peux ajouter que nous voulons nous mesurer à toute l’opposition dans tous les États du pays, au bras de fer, ou comme ils le veulent, en taekwondo, en boxe… comme ils le souhaitent, mais aux élections, aux élections… Si seulement. Puis, en 2022, vient l’élection des maires de 335 municipalités, très importante pour le gouvernement local. Et en 2022, je dois rappeler que le 10 janvier 2022, je serai président depuis trois ans…

IR : Il y a une possibilité de révocation…

Nicolás Maduro : Oui, il y a le droit à un référendum révocatoire. Si quelqu’un de l’opposition voudrait recueillir les signatures, et s’il les recueillait, en respectant les exigences constitutionnelles et légales, nous aurions, en 2022, un référendum révocatoire, nous irions nous mesurer aussi.

Et puis, en 2024, qu’il fasse beau temps ou mauvais temps, il y aura des élections présidentielles au Venezuela. Nous avons donc un grand programme électoral, un programme politique, et au-delà du programme électoral, au-delà du programme politique, il y a un programme économique de relance, il y a un programme social, il y a un programme moral de lutte contre la corruption. J’aimerais parler de toutes ces questions avec toute l’opposition, et être capable de parvenir à un consensus.

Maintenant je peux vous dire sincèrement Ramonet, vous êtes un citoyen franco-espagnol, vous connaissez très bien l’Europe. La responsabilité de l’extrémisme de l’opposition, de l’exclusion de l’opposition de la vie politique du pays, de l’abandon de ses espaces naturels et de ses électeurs, incombe en grande partie à l’Union européenne et aux gouvernements européens. Pas seulement Donald Trump, parce que ceux qui ont suivi Donald Trump c’est l’Union européenne, soutenant toutes les politiques barbares, d’extrémisme de droite, toutes les politiques insensées, imprésentables… Le seul endroit au monde où l’Union européenne soutient ces politiques est le Venezuela. Il faudra voir pourquoi. Une grande partie du fait que la droite vénézuélienne, l’opposition, s’engage dans une politique de bon sens, de participation et de dialogue, est liée à l’Union européenne, qui a une telle influence sur l’esprit de ces dirigeants politiques dans ce secteur de l’opposition. Espérons que l’Union européenne leur parlera de dialogue et les aidera à réfléchir et à rectifier le tir.

IR : Nous allons maintenant parler de l’économie, je voulais vous demander la chose suivante : votre gouvernement a choisi, depuis un an, de permettre une dollarisation partielle de l’économie, plutôt que du commerce. Pourriez-vous faire un bilan de cette dollarisation ? Pourquoi cette mesure a-t-elle été prise ? Quels avantages a-t-elle apportés ? Quels inconvénients ? Jusqu’à quand va-t-elle être maintenue ? Et une autre question que certains analystes se posent : Révolution et dollarisation, n’y a-t-il pas là une contradiction ?

Nicolás Maduro : Tout d’abord, le Venezuela est soumis à une situation très particulière. Nous sommes poursuivis par toutes les sources de financement. Je pourrais vous dire, Ramonet, que pratiquement l’empire étasunien a interdit l’utilisation de la monnaie dollar par l’État vénézuélien. Donc, vous voyez… Je vais couper court à votre question en vous disant cette grande vérité : le Venezuela n’a pas le droit de vendre du pétrole au monde et d’encaisser en dollars. Le Venezuela n’a pas le droit, en tant qu’État, de gérer des comptes pour acheter les médicaments, la nourriture dans le monde… Elle n’en a pas le droit.

Nous avons nos propres façons de faire bouger les ressources, mais elles doivent toutes être atypiques, parallèles au monde du dollar. Tout cela montre comment le dollar, comment le système bancaire étasunien est utilisé pour tenter d’imposer un modèle économique, un modèle politique, un changement de régime au Venezuela. C’est la vraie vérité.

Nous sommes au milieu d’une économie de résistance, d’une économie de guerre. Nous avons dû passer de 56 milliards de dollars de revenus en 2013 à moins de 500 millions de dollars de revenus pétroliers en 2020. Que chacun tire ses propres conclusions. Et pourtant, nous avons maintenu l’État-providence social tel que dicté par notre Constitution. Ici, l’éducation publique gratuite et de qualité a été maintenue pour notre peuple. Ici, la santé publique gratuite et de qualité a été maintenue et même augmentée. Ici, nous avons maintenu le droit au logement… Nous avons un record mondial dans la construction et la livraison de logements… Je viens de livrer 3.400.000 logements… Nous construisons 1.095 logements sociaux par jour… Un record, un vrai record du monde. Et ici, les niveaux d’emploi ont été maintenus.

Qu’est-ce qui s’est effondré ? Le revenu national et le revenu des travailleurs. Le revenu des travailleurs a été attaqué en raison de la chute à 99 % du revenu national en devises étrangères.

Et au milieu de tout cela, que s’est-il passé ? Une économie autrefois subreptice a émergé, désormais ouverte et publique, où le dollar est géré, notamment au niveau commercial. J’ai quelques chiffres que, pour la première fois, je vais vous donner officiellement. Au niveau du commerce, et au niveau de certaines activités, le dollar a fonctionné comme une soupape de sécurité pour les revenus, pour le commerce et pour la satisfaction des besoins de secteurs importants de la vie vénézuélienne… Il s’agit d’une soupape de sécurité.

Mais je peux vous donner des données à partir de cette année 2020, vous voyez ? Toute l’activité commerciale est collectée dans ces chiffres. En 2020, je peux vous dire, en particulier au cours des deux derniers mois de novembre et décembre, que l’activité commerciale dans le pays a été multipliée par cinq par rapport à l’année dernière. Quintuplé en bolivars et en dollars.

Maintenant, je peux vous dire qu’en dollars — ces données sont récentes —, l’importance relative des dépenses faites par les ménages, selon les moyens de paiement utilisés, je peux vous dire que 77,3 % des transactions commerciales dans le pays, en 2020, ont été faites en Bolivar par des moyens de paiement numériques. Vous pouvez donc encore voir le poids de la monnaie nationale, et nous allons la récupérer. Seuls 18,6 % ont été réalisés en espèces en devises convertibles, principalement en dollars… Vous pouvez voir ici, par exemple, qu’au mois de juin, juillet les paiements en devises étrangères sont passés à plus de vingt pour cent, mais le résultat annuel est déjà de 18,6 pour cent de paiements en espèces en dollars, dans de nombreuses activités des centres commerciaux, y compris le commerce de rue, le commerce informel… Et 3,4 % en bolivars physiques, dont vous savez qu’ils nous font la guerre contre la monnaie physique. Nous allons, cette année 2021, vers une économie numérique plus profonde et plus étendue… J’ai fixé l’objectif : une économie 100 % numérique, que chacun ait ses moyens de paiement en carte de débit, carte de crédit…

IR : L’argent physique disparaît, donc dans une certaine mesure ….

Nicolas Maduro : Il disparaît. Pour le Venezuela, c’est un grand avantage. Nous allons même créer quelques formats de paiement en monnaie numérique, avec un compte d’épargne en devises étrangères dans la banque vénézuélienne. Les comptes d’épargne et les comptes courants en devises étrangères sont autorisés, et les gens pourront payer au prix de la monnaie en bolivars sur le marché général du pays. Cela signifie que le dollar est une soupape de sécurité. Vous ne pouvez pas dire que le Venezuela est, comme l’Équateur par exemple, une économie dollarisée. Il ne dépend pas du département du Trésor étasunien comme le Panama. Non. Le Venezuela a sa monnaie, le bolivar, et nous allons la défendre en 2021 en améliorant les revenus. Nous devons améliorer la qualité de la monnaie vénézuélienne. Nous devons continuer à faire baisser l’inflation, qui est encore très élevée, même si nous l’avons contrôlée progressivement. Mais c’est difficile, en raison de la situation globale du revenu national… On ne peut donc pas parler d’une dollarisation de l’ensemble de l’économie. Alors à la question : Y a-t-il une contradiction entre dollarisation et révolution ? La réponse est, pour autant qu’on puisse le voir : non. Il y a plutôt une complémentarité.

IR : Monsieur le Président, le Venezuela a été victime d’un vol spectaculaire de biens à l’étranger. Vous avez notamment été dépouillé de la société Citgo aux Etats-Unis, ainsi que des réserves d’or déposées à Londres. Quelles initiatives votre gouvernement a-t-il prises pour récupérer ces avoirs ? Quelle est la situation actuelle ? Quels espoirs avez-vous de les récupérer ?

Nicolás Maduro : Nous avons toujours de l’espoir, parce que nous avons la raison juridique, nous avons la raison nationale, républicaine. Ce sont des biens de la République. L’or de Londres appartient à la République, gérée par sa Banque centrale du Venezuela. Les comptes bancaires gelés au Portugal, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis, sont des comptes bancaires de près de 30 milliards de dollars qui, s’ils étaient activés et récupérés, constitueraient une injection immédiate de reprise et de relance économique du Venezuela, uniquement avec la récupération de cet argent.

Ils nous ont volé l’entreprise Citgo, une société qui possède huit mille stations d’essence aux États-Unis. Elle est gelée, volée par le clan Trump, ils la guettaient depuis que Donald Trump est devenu président avec son groupe d’affaires pour nous voler Citgo… Avec la complicité de ces bandits sournois, des voleurs, issus de l’extrême droite vénézuélienne, dirigés par Juan Guaidó… Ils ont volé Citgo. Il y a un espoir de récupération.

Nous avons eu du mal à défendre le Venezuela et ses intérêts car, même pour payer les cabinets d’avocats internationaux, on nous en empêche. Parce que, je le répète, ils nous ont gelés et ont volé nos comptes.

Mais au Venezuela, nous trouvons toujours un moyen de trouver de bons cabinets d’avocats, de trouver des avocats courageux, compétents et bien informés… Et pour défendre nos intérêts, une nouvelle Assemblée nationale arrive… Et l’Assemblée nationale, qui a été l’épicentre du pillage, de la dépossession, du vol du Venezuela, s’en va… Cela va beaucoup changer la situation parce qu’une nouvelle Assemblée nationale dotée de pleins pouvoirs législatifs va arriver, et je crois que cela va nous aider à avancer dans l’objectif de récupérer ce qui appartient à la République. Elle n’appartient pas à Maduro, elle n’appartient pas à un groupe, elle est l’héritage de la République, elle est l’argent et l’héritage de tous les Vénézuéliens, de toutes les femmes vénézuéliennes.

IR : Monsieur le Président, dans la difficile situation économique nationale et internationale actuelle, marquée par les conséquences, comme vous le soulignez, du blocus et de la pandémie, quelles seraient les principales questions à résoudre pour relancer la croissance économique de votre pays ? Dans quelle mesure le récent vote d’une loi « anti-blocus » peut-il y contribuer ?

Nicolás Maduro : Eh bien, nous nous sommes formés aux difficultés. Le Libérateur Simon Bolivar se disait « l’homme des difficultés ». Et nous appelons notre peuple le « peuple des difficultés ». Nous avons déjà indiqué et guidé un plan de relance qui a eu pour axe, cette semaine, la loi anti-blocus.

La loi anti-blocus joue le rôle d’un grand axe matriciel dans le processus de recouvrement du revenu national. Et avec le redressement du revenu national, nous devons progressivement retrouver les facteurs et les équilibres de la macroéconomie. Recouvrer les revenus des travailleurs et maintenir un processus de redressement du marché intérieur national.

Je peux vous donner une information importante sur la façon dont, en 2020, nous avons progressé dans le processus d’installation d’une économie alternative, d’une économie post-rentière, d’une économie productive… Nous avons augmenté de 400.000 tonnes, par exemple, la production alimentaire, et nous avons dépassé les niveaux de pénurie de produits et de nourriture qui existaient il y a trois, quatre ou cinq ans. Avec une production nationale.

Je tiens à féliciter les hommes d’affaires et les producteurs, l’industrie agro-alimentaire… Nous sommes en train d’élaborer le plan du CLAP 2021… Aujourd’hui, j’ai approuvé le plan pour le CLAP 2021, qui signifie le marché alimentaire mensuel pour 7 millions de ménages…

Pour me faire bien comprendre : les CLAP sont les Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production qui constituent un instrument fondamental du marché alimentaire. Qu’il s’agit sans doute d’améliorer, d’augmenter… Nous en parlerons en janvier, avec le ministère de l’alimentation, le vice-président exécutif… J’ai déjà approuvé les lignes de travail pour la production nationale de tous les CLAP, de toute la nourriture distribuée aux 7 millions de ménages nationaux. Avant, nous importions 60 ou 70 % de cette nourriture… Ainsi, à partir de 2021, avec la loi anti-blocus, nous allons récupérer le revenu national, rétablir l’équilibre macroéconomique, contenir encore plus l’inflation l’année prochaine et reprendre la croissance économique réelle, de l’économie réelle.

L’année 2021 marque le début d’une nouvelle croissance progressive, soutenue, réelle, je vous le dis, de l’économie réelle, de l’économie productive. Pas de l’économie des papiers, de la spéculation, du mensonge, de la farce, non, c’est la croissance de l’économie qui produit des céréales, du lait, de la viande, du maïs, des arépas (spécialité Vénézuélienne et Colombienne) des vêtements, du pétrole, de l’or, etc. De l’économie réelle.

Je pense que toute cette cruauté qui a été appliquée contre le Venezuela nous a laissé de grandes leçons, et nous nous sommes mis sur la voie du développement de notre propre économie, une véritable économie, qui va être très forte, très puissante, vous verrez, et d’ailleurs, nous en donnons un exemple au monde. On peut nous interdire le dollar, on peut nous interdire le financement et le refinancement dans le système bancaire occidental, on peut nous persécuter et nous retirer nos comptes, mais on ne nous a pas arrêtés et on ne nous arrêtera jamais. Et ce qui émerge ici va donner au monde un exemple qu’un autre monde est possible, qu’il n’y a plus de chantage au dollar et au système financier par le Fonds monétaire international… Au Venezuela, nous démontrons, dans la résistance, dans une résistance très dure, qu’un autre monde est possible. Nous allons aller de l’avant, vous allez le voir.

IR : Monsieur le Président, nous allons maintenant parler de politique internationale et nous allons commencer par parler de l’Amérique latine. Quelque chose est en train de changer en Amérique latine. Aux gouvernements progressistes du Mexique et de l’Argentine se sont ajoutés la récente victoire du MAS en Bolivie, le succès du plébiscite au Chili, la défaite de Bolsonaro aux élections municipales au Brésil, la révolte populaire au Pérou, les protestations au Guatemala et en Colombie, les perspectives raisonnables de victoire du candidat Araúz aux prochaines élections présidentielles en Équateur et la victoire retentissante du Chavisme aux élections législatives du 6 décembre au Venezuela… Tout cela crée une atmosphère très différente de celle qui existait récemment lorsque certains parlaient de la « fin du cycle progressif »… Comment voyez-vous la situation géopolitique en Amérique latine pour cette année 2021 qui commence ?

Nicolás Maduro : Eh bien, je peux dire que les mouvements populaires radicaux de lutte, les mouvements dits progressistes, les mouvements de gauche, les mouvements révolutionnaires sont une réalité en Amérique latine et dans les Caraïbes. Nous sommes l’alternative de nos peuples, chacun avec son profil, sa caractéristique, son discours, son leadership… On ne peut pas, par exemple, comparer la direction des mouvements populaires en Colombie avec celle de l’Equateur, ou du Venezuela, ou du Brésil… Chacun a son profil, sa texture, son esthétique, son discours, son courage, ses opportunités mais, sans aucun doute, du Mexique à la Patagonie et dans toute la Caraïbe, il existe un puissant mouvement populaire, radical, rebelle. Il existe un puissant mouvement progressiste et un puissant mouvement de gauche. Il y a une direction révolutionnaire puissante. À l’avant-garde se trouve l’ALBA, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique. La victoire en Bolivie a été une grande victoire pour l’ALBA et, eh bien, elle recompose ce qui est une grande alliance pour la paix, le développement social, la vie de nos peuples. A l’avant-garde est sans aucun doute Cuba, le Nicaragua, le Venezuela, la Bolivie, les Caraïbes avec nos dirigeants des Caraïbes, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et-Barbuda, la Dominique, la Grenade…   La grande alliance profonde et véritable qui a été maintenue face aux menaces, face à toutes les circonstances.

L’ALBA a toujours tenu bon. L’ALBA est née et est le produit de la première vague révolutionnaire menée par Hugo Chávez à cette époque, la première vague qui a conduit à la rencontre historique de Chávez et Fidel, au moment du retour au pouvoir du Sandinisme, de la victoire d’Evo Morales, de Rafael Correa, la victoire de Kirchner… Eh bien, de cette première vague est née l’ALBA, et là, elle est ferme, forte… Et maintenant, sans aucun doute, je vois arriver une deuxième vague. La deuxième vague de gouvernements progressistes, populaires, nationalistes, latino-américains… Une deuxième vague arrive qui est en plein développement, et pourquoi cette deuxième vague arrive-t-elle ? parce que le capitalisme néolibéral est épuisé… Le capitalisme néolibéral génère la pauvreté, l’exclusion, la répression… Observons le Chili, le Pérou, l’Équateur, la Colombie, toute la partie Pacifique : répression, misère, chômage… Colombie cette année plus de 90 massacres… Plus de 250 anciens combattants des FARC ont été tués… Et que disent les médias, que dit le monde ? Ils se taisent… Le modèle répressif, antipopulaire, excluant et générateur de misère du capitalisme néolibéral n’a pas de réponse pour le peuple… C’est un épuisement très profond, et il est naturel que de nouveaux leaderships émergent qui surprendront non seulement l’Amérique latine et les Caraïbes, mais aussi le monde entier.

Passons à une deuxième vague, je ne le dis pas simplement par optimisme, par foi — bien que je suis un homme optimiste, de foi, de foi dans les peuples, de foi dans la lutte, de foi dans l’histoire de nos pays —  je le dis par observation directe de la réalité et avec les données que vous, même, avez apportées dans votre question.

IR : Monsieur le Président, ces dernières années, alors que l’hostilité de Washington et de nombreuses capitales européennes envers le Venezuela s’est accrue, votre gouvernement a renforcé ses liens avec plusieurs puissances telles que la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie, l’Inde et d’autres qui ont défendu la souveraineté du Venezuela. Pouvez-vous nous dire quelles sont les perspectives de projets de coopération et de développement avec ces puissances ?

Nicolás Maduro : Nous sommes ouverts sur le monde. Sans aucun doute, nos relations sont particulières avec la Fédération de Russie, avec la République populaire de Chine, avec la République islamique d’Iran, avec Cuba… Nous avons aussi des liens privilégiés avec l’Inde, il y a une grande identité avec l’Inde, avec sa spiritualité, avec son peuple… Et avec de nombreux autres pays. Avec la Turquie… Et avec l’Afrique, avec de nombreux pays dans le monde, nous avons de grandes et excellentes relations.

Nous voulons que ces relations soient consolidées, nous continuerons à travailler. Grâce à la loi anti-blocus, de nouvelles alliances ont déjà fait des progrès spectaculaires dans divers domaines de l’investissement dans l’économie… Je ne peux pas en dire d’avantage, c’est la caractéristique de la loi anti-blocus, de faire sans dire, et de dire quand cela a été fait. C’est le principe : faire, faire, faire, avancer sans rien dire, pour éviter la guerre impérialiste, pour la neutraliser, et dire plus tard, quand tout sera fait, quand j’aurai l’accomplissement ici entre mes mains. Maintenant, dans cette même ligne de la loi anti-blocus, j’invite aussi les investisseurs d’Amérique latine, du Mexique, du Panama, nos frères d’investissement de Colombie, du Brésil, d’Argentine, de toute l’Amérique latine et des Caraïbes, des États-Unis : venez, voilà un monde pour investir avec des conditions spéciales. Si quelqu’un a porté préjudice aux investisseurs de toutes sortes, aux détenteurs de la dette des États-Unis, c’est bien Donald Trump et sa politique obstinée et extrémiste contre le Venezuela.

Parce que les investisseurs étasuniens ont les portes ouvertes ici pour investir dans le pétrole, le gaz, la pétrochimie, les télécommunications, le tourisme, la finance, tout ce qu’ils veulent. Trump a fait beaucoup de dégâts aux détenteurs de dettes… Et je peux également vous dire, pour la première fois, que nous avons versé aux détenteurs de la dette, par engagement de la République, plus de 76 milliards de dollars sur la période 2014-17. Et avec le commandant Chavez, sur la période 2010-2013, nous avons versé jusqu’à 56 milliards de dollars… Faites le calcul, comme le dit un de mes amis, faites le calcul : 76 milliards plus 56 milliards, c’est 132 milliards de dollars que nous avons payés de 2010 à 2017 jusqu’à l’arrivée de Trump…

C’étaient les profits des investisseurs financiers… Les détenteurs de la dette ont tout perdu quand ils ont gelé nos comptes, quand ils ont attaqué nos revenus pétroliers… J’ai affirmé à tous les détenteurs de dettes, à tous les investisseurs américains, notre volonté de négocier et de renégocier, et d’honorer tous nos engagements à l’avenir. Pour parvenir à des accords… Nous avons les meilleures relations… Ils savent que nous sommes bien payés, que nous sommes des gens de parole, fiables pour l’activité financière, économique, ils le savent, et ils savent que Trump a fait beaucoup de mal à leurs investissements, ils le savent parfaitement.

Il y a des investisseurs, Ramonet, qui représentent même des groupes, des syndicats de retraités américains, des groupes sociaux aux États-Unis qui ont acheté, pour leur fiabilité, des obligations de la dette vénézuélienne et maintenant, regardez, Trump les a brisées, Trump les a détruites. Un autre monde est possible, même à cet égard.

Je profite donc de votre question pour envoyer un message à tous les investisseurs du monde : nous sommes prêts, préparés, nous avons la loi anti-blocus, il y a la nouvelle Assemblée nationale qui va élaborer un ensemble de lois pour rendre plus flexible tout ce qui est investissement dans l’activité économique vénézuélienne, le Venezuela est ouvert au monde pour l’investissement.

IR : Monsieur le Président, c’est précisément la récente défaite électorale de Donald Trump aux États-Unis et l’arrivée imminente de la nouvelle administration démocratique du président Joe Biden qui constituent un moment particulier de changement dans la vie politique internationale. Qu’attendez-vous de cette nouvelle administration américaine ? Quel message de bienvenue adressez-vous à Joe Biden ?

Nicolas Maduro : À ce sujet, je suis obligé d’être prudent… Cela ne veut pas dire que je n’ai pas une pensée claire, j’en ai une, sur les changements aux États-Unis, sur la défaite retentissante de Donald Trump. Trump s’en va… Voyons si avec le départ de Trump, sa politique néfaste et extrémiste contre le Venezuela va partir aussi… Voyons voir… Il y a beaucoup de lobbying en cours. J’ai reçu hier des informations sur ce voleur et meurtrier nommé Leopoldo López : il vient d’engager, à Washington, deux sociétés de lobbying proches du Parti démocrate pour commencer à faire pression en faveur de l’extrémisme de droite au Venezuela face au nouveau gouvernement Biden. Vous savez que la politique américaine est basée sur le lobbying. C’est même légal… Maintenant, ils embauchent de nouveaux lobbyistes liés à Biden, liés au nouveau secrétaire d’État [Anthony Blinken] nommé par Biden, alors, eh bien, espérons que le 20 janvier arrive, que le président Joe Biden soit assermenté et que nous puissions suivre notre chemin.

J’ai toujours dit qu’avec le départ de Trump, puisse sa politique extrémiste et cruelle contre le Venezuela disparaître, espérons-le, et que le dialogue sera rétabli avec Biden et les États-Unis sur un programme constructif. Espérons, espérons. En attendant, nous sommes entre les mains de Dieu, toujours en fonction de nos propres efforts… Je dis toujours au peuple vénézuélien et aux peuples du monde : ne dépendons de personne, dépendons toujours de nos propres efforts, dépendons de nos propres pensées, de nos propres mots, le reste est du profit, comme disent nos peuples. Espérons que c’est pour le bien, le changement aux États-Unis, pour l’humanité, et espérons que c’est aussi pour le bien du Venezuela. C’est ce que je souhaite.

IR : Merci beaucoup, Monsieur le Président, nous sommes arrivés au terme de cette interview, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter, à votre famille et, bien sûr, au Venezuela et à tout son peuple, une bonne année.

Nicolás Maduro : Merci beaucoup pour cette opportunité. Face à l’avalanche de mensonges, de manipulations, d’attaques qu’il y a dans la presse mondiale… Je vois tout le temps, dans la presse et à la télévision à Madrid, des attaques et des attaques… Madrid est devenu l’épicentre de l’attaque d’extrême droite contre le Venezuela, on lit le « New York Times« , le « Miami Herald« , la presse colombienne et le monde en général : des attaques sans pitié, incessantes, incessantes… Mais, eh bien, voici notre vérité et pour notre vérité nous donnons nos vies ; et avec notre vérité nous prenons les chemins du futur.

L’année 2021, sera une année emblématique car c’est le bicentenaire de la bataille de Carabobo (Le 24 juin 1821, la victoire des forces patriotiques de Simon Bolivar contre les troupes royalistes dans la bataille de Carabobo a été décisive dans la guerre d’indépendance du Venezuela.). Elle a été fixée par le commandant Chavez lui-même : « En 2021, 200 ans après Carabobo, Chavez a dit, nous devons arriver à être libres, indépendants et souverains ». Et c’est ainsi que nous sommes arrivés : libres, indépendants, souverains dans la résistance, mais aussi dans la victoire. Bonne année.

IR : Merci Monsieur le Président, prenons rendez-vous pour le 1er janvier 2022.

Nicolás Maduro : d’accord, approuvé !

(Caracas, 30 décembre 2020.)

Source : Cubadebate / Traduit par Venesol

Le gouvernement Maduro inaugure 100 bases de missions socialistes

« Aujourd’hui, nous inaugurons 100 bases de missions socialistes dans 100 localités où vivent les familles populaires, pour servir des milliers d’entre elles, afin que la population sache qu’elle est protégée. Malgré le blocus états-unien nous avons réorganisé ce réseau avec le soutien de la communauté » a expliqué le président Maduro lors d’une évaluation générale avec l’ensemble des ministres concernés, le 10 novembre 2020. « Nous devons gouverner avec le peuple, par le peuple, pour le peuple, c’est ainsi que Chávez l’a conçu« .

Pour accélérer le mouvement face à la détérioration des conditions socio-économiques sous la pression, depuis plusieurs années, de la guerre économique états-unienne, Maduro a également approuvé le budget qui permettra de mener à bien de nouveaux chantiers avec les conseils communaux et les communes avant le 31 décembre. « Nous allons inaugurer 100 autres bases de missions socialistes pour 150000 communautés populaires, nous le ferons malgré le blocus, car c’est comme ça que nous attaquons vraiment la pauvreté. Les grandes missions sociales sont le mécanisme permettant d’atteindre l’égalité, d’éliminer la pauvreté et de maintenir la communication permanente avec la population« , a-t-il précisé.

La base de missions socialistes « Marisela Mendoza de Brito » a été l’une des premières à être inaugurée dans l’État de Miranda : 13 communautés de la municipalité de Charallave en bénéficieront, soit 2026 familles. Dans ce lieu opérera la Mission Barrio Nuevo Barrio Tricolor dont l’objectif est de réparer les maisons ou d’en construire, le Programme de l’accouchement humanisé, les missions sociales éducatives Ribas, Robinson, Foyers de la Patrie et le Mouvement Somos Venezuela.

À San Carlos, dans le secteur de San Ramón, sept nouvelles bases de mission ont été inaugurées, où les patients seront également soignés par la médecine naturelle. Sur place, 1527 familles bénéficieront des services de cette base. De même, la base de missions socialistes « Rosa Inés » a été inaugurée dans le secteur de San Simón, de la municipalité de Maturín (région orientale du pays), pour s’occuper de plus de 3300 familles. La base de mission « Darío Vivas » dans le secteur de Las Majaguas de la municipalité de Juan Germán Roscio activera les espaces éducatifs, la clinique de médecine générale, ainsi que le système « point et cercle » avec un terrain de sport, l’espace préscolaire et Simoncito.

Ces « bases de missions socialistes » sont composées de trois modules à partir desquels sont gérées les missions sociales, programmes publics de protection créés par la Révolution bolivarienne.

En général le premier des modules internes de chaque base sert de logement aux médecins déjà installés dans ces communautés pour y dispenser des soins permanents. Le second est l’espace prévu pour les programmes de formation et les programmes culturels, notamment le Simoncito (enseignement initial), Misión Robinson (alphabétisation), Misión Ribas (enseignement secondaire) et Misión Sucre (enseignement universitaire). Il y a également un espace pour des activités culturelles, des cours, des ateliers, des lectures de groupe, etc. Le troisième module est une clinique de soins primaires dont le personnel est composé de médecins qui vivent dans la communauté. C’est là qu’opèrent les missions Barrio Adentro, le programme de santé de l’État. En bref, il y a trois espaces : le module résidentiel, le module de services et le module éducatif.

Cette campagne de construction de bases a été relancée par le président Nicolas Maduro le 7 juin 2014, après une enquête qui a déterminé qu’il y avait encore 1 500 communautés dans 255 paroisses avec une pauvreté extrême dans le pays.

Plan de relance de la Gran Misión Barrio Nuevo Tricolor

Le président a également ordonné d’accélérer la Grande Mission Barrio Nuevo, Barrio Tricolor (GMBNBT), dont l’objectif est de construire et/ou transformer l’habitat des secteurs populaires au niveau national (cette mission a déjà remis plus de trois millions de logements à très bas prix aux secteurs populaires).

« Je veux un plan spécial pour donner une forte impulsion à cette mission« , a-t-il déclaré depuis le Palais présidentiel, rappelant que « cette mission est un mécanisme pour vaincre la pauvreté et assurer une meilleure qualité de vie » dans le cadre de la lutte gouvernementale contre l’inégalité produite par les sévères restrictions économiques, financières et commerciales imposées depuis 2014 par l’Occident.

Source : https://ultimasnoticias.com.ve/noticias/mas-vida/gobierno-entrego-100-nuevas-bases-de-misiones-socialistas/

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/11/11/le-gouvernement-maduro-inaugure-100-bases-de-missions-socialistes/