Venezuela : candidats et enquêtes, réalité et spéculations d’une campagne massivement suivie, par Jesse Chacón (GISXXI)

Ces derniers jours, différentes enquêtes sur les intentions de vote menées par de nombreuses  firmes (notamment privées comme Hinterlaces ou l’états-unienne International Consulting Services) s’accordent sur la différence croissante entre la candidature de l’aspirant à la présidence Capriles Radonski et celle du président Hugo Chávez Frías. L’étude qu’a réalisée récemment le Groupe d’Enquête Sociale XXI (GIS XXI) conclut à une différence de plus de 36 points en faveur du candidat socialiste (57% contre 21%). Cette différence augmente sensiblement dans les secteurs populaires D et E.

« Si les élections avaient lieu aujourd’hui, voteriez-vous pour Capriles Radonski (21 %) ou pour Hugo Chávez ? (57 %) ». Sans opinion : 20%

Les résultats recueillis sont d’autant plus significatifs que, loin se produire dans un contexte d’apathie ou de désaffection, ils se déploient dans un contexte marqué par l’intérêt généralisé pour la campagne électorale et par une volonté massive de participer aux élections (plus de 80%).

« Suivez-vous les informations sur la santé du président avec un intérêt grand/moyen (67 %), avec peu d’intérêt (22 %), ou sans intérêt (10 %)? »

Telle est la dynamique à prendre en compte pour comprendre l’augmentation des demandes faites aux entreprises de sondage d’inclure dans leurs questionnaires les intentions de vote pour d’autres hypothétiques candidats bolivariens qui substitueraient Chávez. Ces demandes, répétées par les médias privés, ne doivent rien au hasard mais elles sont très révélatrices.

« Avez-vous l’impression que le Président guérira totalement de sa maladie (70 %), guérira mais pas totalement (14 %), ne guérira pas du tout ? (11 %), sans opinion (5 %) ? »

D’une part cette demande est peu scientifique et se méprend sur la répartition des fonctions dans le système politique vénézuélien, oubliant que les candidats aux élections sont nommés par les partis ou les mouvements électoraux et non par les firmes d’enquêtes ou de sondages dont l’objectif est de mesurer des tendances et des perceptions sociales. Du point de vue empirique la demande d’inclure d’autres candidats du chavisme se base exclusivement sur des spéculations qui pourraient aussi, par exemple, justifier l’inclusion dans ces questionnaires d’autres possibles candidats de l’opposition, vu la faiblesse de la position de Capriles Radonski dans les enquêtes et la stagnation de sa candidature.

« Croyez-vous que le président sera en mesure d’assumer les activités de la campagne électorale du 7 octobre » (oui : 72 % / non : 16 % / sans opinion : 12 %).

Cependant ces demandes sont intéressantes car elles révèlent la complexité de la situation politique dans laquelle se trouve l’opposition. La candidature de la droite vénézuélienne s’est volontairement située sur un terrain instable et difficilement praticable. Elle a appris que la primauté politique de Chávez n’est pas une succession de victoires électorales mais qu’elle a modifié les conditions d’affrontement : par la construction d’une hégémonie prolongée d’un nouveau « sens commun de l’époque » pour user de termes gramsciens, qui naturalise la centralité des secteurs populaires dans la conduite du pays et dans la réception des bénéfices de la richesse sociale.

Par conséquent la droite a renoncé à affronter de manière frontale et visible le changement en cours et tente de ne pas se distancer d’un processus dont les réussites sont indiscutables (en particulier en termes d’amélioration de la vie des majorités sociales).

Le problème est que dans cette tentative de batailler avec le chavisme depuis l’intérieur de ses cadres discursifs, la droite dilue son identité. Ce qui peut marcher dans des pays moins vigoureux en termes de culture politique citoyenne, ne peut pas fonctionner dans des pays où la politique est de nouveau assumée comme activité permanente d’autodétermination collective. C’est peut-être ce qui a échappé aux conseillers en marketing électoral du candidat de l’opposition qui évolue dans la marge étroite de prétendre qu’il n’est pas qui il est, sans pouvoir revendiquer ses références idéologiques originales, et de devoir se limiter à une suite de clins d’oeil publicitaires. Dans cet équilibre difficile, l’opposition et son candidat diluent leur offre et semblent ne pas avoir de modèle de pays à proposer ni aux leurs ni aux autres.

La persistance de l’opposition à imaginer des scénarios alternatifs aux élections du 7 octobre (violence, etc..) révèle son angoisse face au seul scénario réel : devoir affronter dans les urnes d’un scrutin présidentiel un leader qui génère une crédibilité généralisée, dispose d’une légitimité d’origine et d’exercice au sein de la majorité de la communauté politique vénézuélienne; devoir affronter dans les urnes un sens institué de construction progressiste et solidaire; devoir affronter la vitalité d’un mouvement qui génère la vie, et qui n’est donc pas obligé dans son désespoir de parier sur les maladies de quiconque pour mener à bien ses objectifs propres, qui sont les objectifs de l’immense majorité populaire.

Jesse Chacón

Directeur de GISXXI, www.gisxxi.org

Traduction : Thierry Deronne, pour www.venezuelainfos.wordpress.com

Source (en espagnol: ) http://www.gisxxi.org/articulos/candidatos-y-encuestas-realidad-y-especulaciones-jesse-chacon-gisxxi/

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/13/venezuela-candidats-et-enquetes-realite-et-speculations-dune-campagne-massivement-suivie-par-jesse-chacon-gisxxi/