Au Venezuela, les communes restent à construire.

Pour des raisons historiques, urbanistiques, parce qu’elle reste un haut-lieu de la consommation de masse, Caracas reste un terrain difficile à l’heure de concrétiser les  différents degrés de la démocratie participative. L’article qui suit montre le quotidien sans fard de cette construction en juin 2012. Nous le devons à la journaliste Tibisay Pérez qui l’a publié le 26/06/2012 dans le journal « Ciudad Caracas » sous le titre « Les communes restent à construire ».

« Les communes restent à construire »

26 juin 2012.- “Nous allons vraiment mettre le coeur à l’ouvrage pour créer ces communes et pour donner le pouvoir au peuple dans les territoires socialistes” a déclaré le président Chavez. Mais le flou sur l’objectif de ces communes, une certaine apathie freinant l’organisation, le fait que l’un ou l’autre conseil communal ne se reconnaît pas dans le processus révolutionnaire, l’absence d’accompagnement et d’orientation, sont quelques uns des obstacles mentionnés pour justifier le fait de ne pas s’être encore inscrit auprès du Ministère du Pouvoir populaire pour les Communes et pour la Protection Sociale, pour y acquérir la personnalité juridique (1).

Selon Ana Blanco, promotrice qui aide les usagers de ce guichet unique d’enregistrement, seules deux comunes en construction ont réalisé les premières démarches – les communes Juan 23 et Panal 2021, du secteur « 23 de Enero ». Ce registre a été ouvert en décembre 2011.

Que signifie ce premier pas ? Une fois la commune établie on peut passer à l’étape de la formation de l’État comunal, nouvelle forme d’organisation politico-sociale prévue par la Constitution bolivarienne. Le pouvoir y est exercé directement par le peuple, par le biais des auto-gouvernements communaux. C’est sur ce point qu’insiste le premier mandataire national.

Référendum

Nelson Solórzano, porte-parole de la Commune Juan 23, explique que “Fundacomunal a reconnu nos commissions promotrice et électorale. A présent nous avons 30 jours pour organiser le référendum approbatoire de l’acte fondateur, démarche que nous espérons commencer cette semaine.”

Cependant, Solórzano a des remarques à faire. “Nous travaillons depuis près de quatre ans pour former la commune et c’est maintenant qu’on insiste pour que nous fassions les élections, alors que la priorité devrait être les élections présidentielles car la formation de communes ne sera possible que si Chávez est réélu”. Il évoque certains obstacles : « Il y a des conseils communaux qui ne sont pas d’accord avec la formation des communes et nous avons dû dialoguer directement avec l’ensemble des habitants. Nous avons des problèmes et nous avons besoin de temps pour conscientiser les gens, parce qu’il y a des conseils communaux qui ne sont pas d’accord avec le processus révolutionnaire, d’autres qui ne recherchent que le vedettariat et d’autres qui ne comprennent pas clairement ce qu’est une commune. Il y a des habitants qui ne veulent pas rompre avec l’idée que leur seul lien est avec le quartier san Juan, et qui ne comprennent pas la nécessité de s’articuler avec d’autres quartiers. Cependant nous avons pas mal avancé. Nous avons presque organisé la commune.”

Parmi les dernières réussites, la mise en circulation d’une monnaie communale qui sert de ticket pour les étudiants – et qui facilite leurs déplacements en transport public – pour un montant d’1 bolívar (photo).

La Commune en construction « 17 Voix d’Ezequiel Zamora », du secteur d’Antimano, entame la troisième démarche, nous dit Henry Rodríguez, porte-parole de la commission d’économie communale. Il explique que chaque conseil comunal doit réaliser une assemblée de citoyens dans sa propre communauté pour sélectionner ses représentants et ensuite nommer les commissions promotrice et électorale. Il assure que les voisins de son secteur comprennent clairement le processus et que cette forme d’organisation populaire requiert d’avoir un objectif “par exemple, dans la partie économique il s’agit de créer des entreprises de propriété sociale administrée par les conseils communaux. En ce qui concerne les problèmes plus vastes ils peuvent être résolus collectivement entre les différents secteurs d’Antímano et de El Junquito, qui font partie de cette commune. Nous nous étendons de Matapalos jusqu’au kilomètre 11 de Monte Sinaí”.

Cet effort de création de la commune s’appuie sur des ateliers de formation socio-politique, d’économie communale, de santé, de connaissance du système électoral, donnés par le ministère. Actuellement chacun des modules des cours suivis a une durée d’une heure, selon Rodríguez.

APATHIE

Magaly Marrero, de la commission de contrôle social du conseil Communal Araguaney, affirme que la Commune “Éxito Comunitario” (Succès communautaire”) « est presque désintégrée ». La raison en est que la participation aux dix conseils communaux qui en font partie est très faible. “Nous avons eu des problèmes d’intégration au sens où les assemblées de travail des conseils communaux ne sont pas organisées”.

Face à tant d’apathie on a demandé l’aide du Front « Francisco de Miranda » afin de réactiver la salle de bataille sociale et à travers elle, la commune mais « nous n’avons pas reçu de réponse ». Cependant Magaly affirme que le plan communal est en préparation.

Nelsi Turizo, de la Commune “Bolívar Vive” dans la partie haute de La Vega, explique : “nous avons remis tous les papiers à Fundacomunal. Le problème est que la représentante de Fondemi qui nous conseillait n’est pas revenue, ce qui nous a retardés, il y a quelques mois. A présent nous avons repris le processus avec une conseillère de Fundacomunal et nous nous réunissons, un jeudi sur deux”.

René Andrade, de la Commune “Comandante Mirabal”, du secteur Santa Rosalía, explique que n’ayant pas reçu la visite du Ministère de la Commune, ils ignoraient qu’ils pouvaient déjà enregistrer légalement la commune. “Nous avons tous les documents en main, dont la carte de la commune, certifiés par chaque conseil comunal. Mais on ne nous a rien dit. Mais je vais vérifier comment sont les choses”.

Il ajoute qu’on travaille à la mise en place de la “Grande Mission Logement” (ci-contre graphique des étapes d’inscription pour les citoyens en recherche de logement), qu’ils ont déjà effectué un recensement des personnes qui ne possèdent pas de logement en propre, qu’ils ont déjà situé les espaces où peuvent être construits les complexes résidentiels et qu’ils ont formé des commissions de projet, de reconstruction et de crédit.

Pour informer la communauté sur ce thème une réunion a été organisée ce 30 juin, à partir de 14 heures, dans l’école Manuel Díaz Rodríguez.

Francisco Guerrero, de la commune Amalivaca, du secteur El Recreo, confirme qu’ils disposent bien des informations concernant l’enregistrement légal de la commune mais “nous n’avons pas encore réalisé cette démarche parce que nous sommes en pleine restructuration”. « Comme certains conseils communaux ont reçu les financements de l’État, certains compagnons se sont éloignés du travail de la commune pour se plonger, comme nous disons, dans le ciment armé, délaissant la dimension politique,  c’est sur cet aspect qu’il faut travailler, il faut ramener le politique au coeur du travail”. Les réunions ont lieu chaque samedi dans l’Unité Éducative « Simón Rodríguez ».

Pour Wilfredo Figueroa, de la Commune “Indio de Caricuao”, la pierre d’achoppement est l’adaptation des conseils communaux. “Nous attendons qu’on nous informe de quand on va faire l’adaptation, si c’est maintenant ou si ce sera l’an prochain. On ne nous a pas donné d’informations et nous avons posé la question à Fundacomunal”. Le travail se poursuit en attendant de former la commune.

Commentaire de la lectrice Blanca Araujo: “La grande faiblesse des Conseils communaux et des Communes est que l’activité retombe sur les épaules de quelques uns. La majorité, une fois élus, on ne les voit plus. Nous n’avons pas de culture de participation, ni celle de valoriser notre cadre de vie. Dans certaines entreprises de Propriété sociale il y en a qui vont voter pour Capriles (NDT: candidat de la droite pour les élections présidentielles du 7 octobre 2012) en croyant qu’il va poursuivre les politiques sociales du président Chávez. L’absence de conscience de classe est un problème grave que nous devons surmonter.”

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(1)     ÉTAPES. L’enregistrement légal des communes s’effectue au guichet unique d’enregistrement du pouvoir populaire, située dans le quartier du Guarataro. La première étape à franchir est que chacun des conseils communaux réalise des assemblées pour élire ses représentants à la commune (organe majeur de décision de la population sur son développement social, économique, culturel, etc..). A partir de là seront élues les commissions de promotion et électorales pour élaborer l’Acte de Fondation qui doit contenir: la situation, la zone géographique, la dénomination de la commune, la déclaration de principes, le recensement de la population au moment de sa constitution, le diagnostic participatif des problèmes et des besoins principaux, l’inventaire des potentiels économiques, sociaux, culturels, environnementaux, les options de développement, le programme politique stratégique communal avec ses lignes d’action à court, moyen et longt terme, pour surmonter les problèmes et satisfaire les besoins de la population. Ce document fondateur doit être ensuite soumis au référendum.

Traduction : Thierry Deronne

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