Les gens de San Joaquin et la « Misión Vivienda »

A deux semaines des élections présidentielles du 7 octobre 2012 au Venezuela, les sondages confirment l’avance du programme socialiste de Hugo Chavez Frías sur celui, privatisateur, de son concurrent de droite Henrique Capriles Radonsky. Selon la dernière étude de International Consulting Services (ICS), firme privée de sondages états-unienne, le candidat Hugo Chávez rassemble 63% d’intentions de vote tandis que le candidat de droite, Henrique Capriles n’obtiendrait que 36,4% des suffrages. Datanalisis, firme vénézuélienne proche de l’opposition, donne 43,1 % de votes à Chavez contre 30 % à Capriles. Cette avance confirmée depuis des mois par la plupart des agences, ainsi que les avis positifs sur le système électoral vénézuélien de la part de l’UNASUR, du Centre Carter, etc.. rendent plus difficile la campagne médiatique habituelle sur la « vaste fraude organisée par Chavez ».

Tentons de comprendre les raisons (occultées par les grands médias) qui poussent en 2012 une majorité de vénézuéliens à vouloir voter pour le programme bolivarien. Prenons l’exemple du logement populaire. En 18 mois d’action, la nouvelle « Grande Mission Logement Venezuela » lancée par le gouvernement pour construire trois millions de maisons jusqu’en 2019, a déjà remis 252 mille 767 logements neufs aux familles les plus pauvres.

Ce volontarisme social concrétisé par de nombreux investissements publics a dopé la croissance qui selon la Banque Centrale du Venezuela atteindra 6 % à la fin de 2012. L’inflation chute depuis huit mois consécutifs (de 27,6% à 19,4%) notamment grâce à une politique de contrôle des prix et à l’offre croissante de produits bon marché par les entreprises nationalisées. Le chômage lui aussi a baissé (de 15% à 7,4% entre 1999 et 2012) et le salaire minimum est actuellement le plus élevé de l’Amérique Latine.

(Axis of Logic)

Les photos de ce reportage ont été prises à San Joaquin, un secteur populaire de Valencia, au Venezuela. Elles ne sont qu’un échantillon des centaines de milliers de logements construits dans tout le Venezuela pour ceux qui vivaient dans des « ranchos » (taudis) ou dans des refuges à la suite des grandes inondations de la fin de 2010. La première moitié des photos montre quelques uns des « ranchos » où vivent encore certains des habitants de San Joaquin. La seconde moitié montre les nouvelles maisons construites pour eux par le gouvernement à travers la Grande Mission Logement.

Ceux qui vivent encore dans les conditions anciennes sont, c’est palpable, émus à l’idée d’emménager dans leurs nouveaux logements. Jusqu’à présent près de 56 nouvelles maisons ont été achevées et occupées dans cette petite communauté. D’autres sont en cours de construction pour loger l’ensemble des habitants. Je les ai visitées et je puis attester de leur qualité, avec leurs cuisines modernes, salles de bain et salons. Les personnes vivant dans les ranchos peuvent acheter une nouvelle maison pour une faible fraction de leur coût actuel et les payer sur le long terme, grâce à un taux très bas garanti par le système de la banque publique. Le reste du coût des constructions est assumé par PDVSA, la compagnie pétrolière nationalisée.

Les gens de San Joaquin travaillent dur dans des entreprises (parfois cogérées par les travailleurs), dans l’agriculture, la construction, les écoles publiques et les universités, l’administration et certains dans des entreprises privées.

Histoire d’un « rancho » incendié

Le mardi soir on m’apprit que le rancho de bois de mon ami Hamilton venait de brûler. Hamilton y vivait avec deux de ses enfants, âgés de 4 et 6 ans. Il avait réussi à les sauver de l’incendie et par bonheur aucun des trois n’était blessé. Le gagne-pain de Hamilton est son taxi et sa vielle toyota Sedan, parquée près de sa maison, avait été détruite. Ils avaient tout perdu : vêtements, jouets, uniformes et livres scolaires, meubles, électro-ménager, voiture et outils, bibelots – tout. A mon arrivée le samedi, les cendres étaient froides et les garçons fouillaient avidement les décombres, souriant en exhibant comme un trophée les pièces de métal ayant survécu au désastre.

Le samedi trois des oncles de Hamilton firent le voyage de deux heures depuis Caracas pour lui venir en aide. Lorsque je les rejoignis, eux et sa mère Carmen, à San Joaquin, un groupe d’une trentaine de voisins et d’amis s’étaient rassemblés pour construire pour Hamilton et ses fils une structure simple faite de plywood. Pendant ce temps les plus proches voisins les logeaient chez eux. Une pièce supplémentaire ou deux et des toilettes seront ajoutées plus tard au rancho.

Le samedi, tandis qu’on s’affairait à construire la nouvelle maison de Hamilton, les femmes du voisinage pelaient un grand tas de légumes – pommes de terre, ocumos (tubercules), apio (potiron) et yucca (manioc) pour une soupe accompagnée de maïs, choux, épices, le tout cuisiné avec le boeuf dans la grande marmite collective montée sur un feu de bois. Ces gens sont pour la plupart chavistes et beaucoup de conversations tournaient autour du thème du scrutin du 7 octobre. Le rire contagieux de la fête attirait les voisins les plus éloignés.

 
« Majunche » joue son rôle, frappant du doigt le Président Chávez, nous faisant la confidence que Capriles Radonski (le candidat de la droite) sera vainqueur le 7 octobre.

Dans la plupart des discussions politiques, certaines sérieuses et d’autres moins, les gens n’avaient guère d’opposant sous la main. Alors, José, un des oncles de Hamilton a joué le rôle du « majunche » (prononcer : ma-houn-tché), terme que les chavistes utilisent pour les leaders de l’opposition. Ce terme désigne un gars plutôt malchanceux qui suscite plus la pitié et la tolérance, assez  faible en neurones, sans grandes idées nouvelles. Toute la journée, José « le majunche » ne s’est jamais départi de son rôle, discutant avec tous, et tous avec lui, dans ce petit théâtre à l’air libre. Finalement les gens lui dirent que son héros plierait sans doute bagages pour aller vivre à Miami, peut-être même avant le 7 octobre. Le jour tombé, les frères repartirent pour Caracas et José, toujours dans son rôle, porta un toast à Capriles Radonski depuis la fenêtre de la voiture alors que les voisins saluaient le trio.

Hamilton et ses voisins sont économiquement pauvres et vivent actuellement dans des conditions difficiles mais il y a beaucoup de loyauté et d’amour entre les personnes qui vivent dans cette communauté. Tous ceux qui habitent actuellement dans les « ranchos » de la première série de photos attendent de recevoir leur nouveau logement tel que ceux photographiés dans la seconde série.

 

Rancho d’un voisin, en face de celui, incendié, de Hamilton. Photo : Axis of Logic.

 

Rancho typique, construit avec de la tôle ondulée.
Photo : Axis of Logic.

 

Beaucoup des ranchos de San Joaquin ont des murs de tôle ondulée qui séparent leur cour de la rue. Photo : Axis of Logic.

 

Elizabet Liendo vit avec sa famille dans un rancho de San Joaquin. Son neveu Alejandro a deux mois. Photo : Axis of Logic.

 

Une des rues de San Joaquin.
Photo : Axis of Logic.

 

Le rancho incendié de Hamilton.
Photo : Axis of Logic.

 

Hamilton et sa mère Carmen qui a fait un trajet en bus de 90 minutes pour le secourir après l’incendie.
Photo : Axis of Logic.

 

Maison typique de San Joaquin, bois, contre-plaqué, métal et tôles. Photo : Axis of Logic.

 
La plupart de ceux qui vivent dans les ranchos de San Joaquin n’ont pas de voiture mais quand ils en ont ce sont de vieux modèles comme celui-ci. Photo : Axis of Logic.
 
Il est fréquent de voir des poulets et des canards dans les cours, source d’approvisionnement en oeufs et en viande. Photo : Axis of Logic.
 

Cette voisine et son fils m’ont autorisé à les prendre en photo devant leur maison. Photo : Axis of Logic.

 

Maison nouvelle de la Misión Vivienda, presque achevée.
Photo : Axis of Logic.

 

Les nouveaux propriétaires peuvent choisir les couleurs de leur logement.
Photo : Axis of Logic.

 

Deux garçonnets jouant devant leur nouveau logement. Photo : Axis of Logic.

 

Une maison de la Misión Vivienda récemment achevée, attend sa famille. Photo : Axis of Logic.

 

Beaucoup de nouveaux propriétaires collent l’affiche de la campagne présidentielle de Chavez sur leur porte. Photo : Axis of Logic.

 

Logement de la Misión Vivienda en cours d’achèvement.
Photo : Axis of Logic.

 

Une rangée de maisons de la Misión Vivienda en construction, à un pâté de la maison incendiée de Hamilton. Photo : Axis of Logic.

 

Hamilton et son cousin conversent avec un voisin à propos de son nouveau logement. Photo : Axis of Logic.

 

Une rue bordée de nouvelles maisons de la Misión Vivienda, habitées par les bénéficiaires 
Photo : Axis of Logic.

 

Jeune fille et sa soeur face à la nouvelle maison en cours de construction. Photo : Axis of Logic.

 
Une mère et sa fille m’ont autorisé à les prendre en photo devant leur nouveau logement. Les nouveaux occupants choisissent la couleur de la maison. Photo : Axis of Logic.
 

Ces quatre enfants dégustent leur pastèque. Leurs parents attendent d’emménager dans de nouveaux logements. 
Photo : Axis of Logic.

 

Graffitis électoraux des partisans de Chavez à San Joaquin. Photo : Axis of Logic

Auteur : Les Blough, Axis of Logic, 21 septembre 2012 / http://venezuelanalysis.com/analysis/7267

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/09/22/les-gens-de-san-joaquin-et-la-mision-vivienda/

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