Les surprises des sondages privés au Venezuela (avril 2017)

Caracas, 13 Avril 2017 – Selon un nouvelle étude publiée par l’institut privé de sondages vénézuélien Hinterlaces le soutien au Parti Socialiste Unifié (bolivarien) et à son allié de gauche le Pôle Patriotique est remonté à 35% – après avoir baissé à 27% en janvier. Cette étude indique que pour les vénézuéliens les partis chavistes restent la première option électorale malgré l’épuisement social dû à quatre ans de guerre économique.

Le soutien total aux six partis de la droite vénézuélienne atteint 29% : dont notamment 7% pour Accion Democratica (AD), 7% pour Voluntad Popular, 6% pour Primero Justicia (PJ), et 6% pour la plate-forme nationale de la droite Mesa de Unidad Democratica (MUD).

Cependant, un nombre significatif (36%) des vénézuéliens sondés déclarent ne se reconnaitre dans aucun parti, ce qui confirme la dépolitisation d’une bonne partie de la population.

Dans ses conclusions, la firme Hinterlaces explique que le PSUV “continue à être la principale force politique, sociale et culturelle du pays” alors qu’Accion Democratica et Voluntad Popular ont réussi « à se renforcer comme les principaux partis d’opposition, déplaçant Primero Justicia » (PJ).

A noter cependant que le soutien à Voluntad Popular est tombé à 8,6% en janvier, alors que celui d’Accion Democratica a augmenté d’1%.

Les analystes de Hinterlaces attribuent l’augmentation du score des deux partis d’opposition dans la MUD à la baisse de popularité du leader de Primero Justicia Henrique Capriles Radonski, à la suite de ses échecs répétés dans la stratégie suivie par l’opposition depuis 2013 (NdT : selon Hinterlaces, dès 2014, les destructions et la violence étaient majoritairement rejetées par les habitants des quartiers riches) et par sa croissante impopularité liée à sa gestion comme gouverneur de l’état de Miranda” (NdT : le Tribunal Suprême de Justice vient de rendre son verdict sur des faits de corruption qui entraînent l’inéligibilité de Capriles Radonsky pour 15 ans).

1580 personnes ont été interviewées dans le cadre de cette étude, avec une marge d’erreur de 2,5%.

Une autre étude menée par le think tank de centre-droit Datanalysis en mars 2017 indique une remontée de la popularité du président Nicolas Maduro à 24.1%, selon une information diffuséee par Torino Capital. Ce chiffre représente une augmentation de 6% par rapport à novembre 2016, et place Nicolas Maduro au-dessus d’autres présidents régionaux tels que le mexicain Enrique Peña Nieto (21%), le président brésilien de facto Michel Temer (10%), et la chilienne Michelle Bachelet (23%).

Par ailleurs, selon d’autres études récentes d’Hinterlaces, 76 % des vénézuéliens désapprouvent le principe d’une intervention externe pour faire partir le président Maduro. 87 % rejettent toute intervention militaire au Venezuela, tandis que 9 sur 10 des personnes interrogées rejettent les protestations violentes et les « guarimbas » (manifestations violentes contre le gouvernement avec blocage de routes). En outre, deux vénézuéliens sur trois ont une opinion défavorable de l’Organisation des États Américains basée à Washington (OAS).

De fait, les études de Hinterlaces révèlent que 84 % des vénézuéliens sont d’accord avec une médiation internationale qui puisse promouvoir le dialogue entre le gouvernement bolivarien et l’opposition.

83 % des vénézuéliens se prononcent en faveur du dialogue et 67 % pensent que la priorité de ce dialogue doit être la résolution des problèmes économiques.

Clairement la tendance générale des sondés s’inscrit dans l’espoir de la paix, de la stabilité et du progrès, la majorité souhaitant que s’instaure un climat de compromis, d’équilibre, et de conciliation.

Oscar Schemel président de l’Institut Hinterlaces (Venezuela)

Pour le président d’Hinterlaces Oscar Schemel, l’erreur de l’opposition est de persister à vouloir mener une politique insurrectionnelle (« la salida », « la sortie », politique visant à forcer le président Maduro à démissionner), avec appels à des organismes internationaux ou à d’autres pays à intervenir et à appliquer des sanctions contre le Venezuela, à vouloir faire pression pour que s’opère une rupture institutionnelle, à continuer à générer des violences dans la rue, à encourager un soulèvement militaire, à saboter la situation économique,  à rejeter un dialogue attendu par la population et à vouloir créer les conditions du renversement du gouvernement bolivarien.

Alors que l’ensemble de la population attend des réponses et des solutions, l’opposition ne propose d’autre projet que celui de « se débarrasser de Maduro ». Une erreur qui répète celle de l’époque de la présidence de Hugo Chavez. Il semble que pour l’extrême droite nationale et internationale la coexistence ou l’alternance politique n’entrent pas en ligne de compte, encore moins le consensus. Au contraire la stratégie privilégiée est de générer un chaos et une névrose dans la société vénézuélienne, détruire le chavisme, reconfigurer la culture nationale et populaire et imposer une désespérance. Et Schemel de conclure que l’opposition radicale échoue à comprendre que si elle peut affaiblir, éroder et délégitimer le gouvernement bolivarien dans des forums internationaux et dans les médias internationaux, elle ne pourra réussir par contre à créer les conditions nécessaires pour une (bonne) gouvernance et une stabilité.

Par Rachael Boothroyd-Rojas et Ryan Mallett-Outtrim pour Venezuelanalysis.com

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

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