Du sommet de l’ALBA au Groupe de Puebla, la gauche en mouvement

L’intégration et la coopération pour surmonter la pandémie, le renforcement des économies figurent parmi les conclusions du 19e sommet de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Alba-TCP). La réunion a rassemblé des représentants des neuf pays membres de l’alliance à Caracas le 24 juin. Le sommet a également célébré le 200ème anniversaire de la bataille de Carabobo – une bataille décisive qui permit aux armées de Simon Bolivar de porter un coup fatal au colonialisme espagnol et de sceller l’indépendance du Venezuela, de l’Équateur, de la Colombie, de la Bolivie et du Pérou. Comme l’explique le politologue vénézuélien William Serafino : « Quelles leçons devons-nous tirer de Carabobo aujourd’hui ? D’abord que l’unité politique/programmatique est la clé de la victoire et que le champ de bataille éthique/idéologique est aussi essentiel que le champ de bataille militaire. Ce jour-là, sur le champ de bataille, les idées de l’ancien ordre impérial européen et les prémisses d’une nouvelle géopolitique des nations souveraines se sont affrontées. »

En accueillant les leaders des pays membres de l’ALBA, le président Maduro a souligné : « Malgré tous ceux qui conspirent pour que nous empêcher de constituer une unité plurinationale qui a trouvé ses racines, nous sommes ici, présents. Nous sommes très émus que, malgré toute la campagne de démoralisation contre le Venezuela, vous soyez ici pour accompagner le peuple vénézuélien. L’autre jour j’interrogeai notre peuple. Pourquoi Bolivar victorieux ne s’est-il pas arrêté après avoir libéré le Venezuela ? Pourquoi ne s’est-il pas installé pour vivre à Caracas ou à Bogota ? Parce que pour lui et les Libertadores, les idées et la vision dépassaient la mesure d’une vie, la Patrie était la Grande Patrie comme pour nous aujourd’hui : la Patrie, c’est l’Amérique. Ou nous nous libérons tous ou nul ne sera libre »

Avec la confirmation de l’efficacité de 92 % du vaccin cubain Abdala – une formule qui sera utilisée pour la banque d’immunisation de l’Alliance – l’une des questions centrales du débat était le début d’une campagne de vaccination massive. Le président bolivien Luis Arce a proposé de former une brigade internationale de diplômés de l’École latino-américaine de médecine (ELAM) pour commencer la vaccination dans les pays du bloc, en commençant par les plus vulnérables. « Ils doivent atteindre chaque coin de rue, chaque communauté et chaque quartier populaire, afin que personne ne soit laissé de côté, que les droits de chacun soient garantis » a déclaré Luis Arce.

Outre la crise sanitaire mondiale, les présidents présents ont également célébré la victoire de Cuba aux Nations Unies. Pour la 29e fois, l’Assemblée générale des Nations unies – c-a-d la véritable communauté internationale, a approuvé une résolution exigeant la levée immédiate du blocus économique imposé il y a près de 60 ans par les États-Unis et maintenu par le gouvernement Biden. 184 pays sur 189 ont voté contre le blocus. Seuls à voter pour : les USA et Israël.

Selon le gouvernement cubain, l’embargo a causé des pertes de 147,8 milliards de dollars américains depuis 1962. Malgré le blocus, l’île des Caraïbes est le premier pays de la région à créer son propre vaccin contre le virus sars-cov2 et a également envoyé des missions médicales dans 39 pays pendant la pandémie. « Nous remercions tous les États membres de l’Alba-TCP pour leur soutien inconditionnel et leur appui à la résolution contre le blocus » a déclaré le ministre cubain des affaires étrangères, Bruno Rodríguez.

Au cours du sommet, les présidents ont convenu de créer de nouveaux programmes de financement par le biais de la banque ALBA-TCP / ALBA-TCP.

L’Alliance a également célébré les dernières élections au Chili, au Pérou et au Mexique, qui indiquent une nouvelle montée du progressisme en Amérique latine.

Le secrétaire exécutif d’Alba-TCP, Sacha Llorenti, a également déclaré « nous condamnons les attaques et les tentatives de déstabilisation du gouvernement légitime du Nicaragua par les États-Unis. Nous ratifions notre soutien inconditionnel au gouvernement sandiniste du président Daniel Ortega. » Le président Ortega a rappelé depuis Managua que contrairement à ce que disent les médias internationaux la vingtaine de personnes arrêtées ne le sont pas en tant qu’ « opposants » mais pour avoir sciemment violé les lois nicaraguayennes sur le financement étranger d’ONGs. Il s’agit en fait de désarticuler le réseau médiatico-politique de l’USAID/NED, un outil de déstabilisation mis en place par les États-Unis contre des gouvernements progressistes et qu’ont déjà dénoncé des pays comme la Bolivie, Cuba, le Venezuela et plus récemment le Salvador de Bukele ou le Mexique de Lopez Obrador. « Les Etats-Unis font pression sur nous, pour ces vingt personnes, alors je leur dis : « libérez immédiatement les quatre cents personnes que vous avez arrêtées et maintenez en prison pour avoir pris d’assaut le Capitole » a ironisé le président du Nicaragua.

Le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ralph Goncalves, a quant à lui réaffirmé l’importance de l’ALBA pour s’opposer aux actions de la droite régionale, qui a pris le contrôle d’organismes internationaux tels que l’Organisation des États américains (OEA). « Ils ont réussi à inventer un coup d’État à travers les missions électorales. L’Alba-TCP est un tout, il est plus que la somme de ses parties. Nous devons nous défendre mutuellement afin qu’ils ne nous détournent pas de notre chemin » a souligné le premier ministre Ralph Goncalves. Pour sa part le Premier Ministre de la Dominique, Roosevelt Skerrit (photo) a expliqué comment « les Etats-Unis et l’OEA ont tenté de s’ingérer dans les élections qui ont eu lieu dans son pays mais qu’ils ont été mis en échec, comme en Bolivie. Nous ferons toujours partie de cette institution de l’ALBA, nous continuerons à travailler infatigablement parce que nous n’avons pas peur de d’élever nos voix. La solidarité avec le Venezuela doit être conditionnelle »

Le Président bolivien Luis Arce a profité de l’occasion pour présenter ses excuses aux missions diplomatiques du Venezuela et de Cuba qui ont été harcelées et persécutées en Bolivie à la suite du coup d’État du gouvernement d’extrême droite de Jeanine Áñez. « Nous menons la bataille judiciaire, nous nous battons pour la mémoire, la vérité et la justice, afin que ce type de coup d’État du XXIe siècle ne se répète pas » a-t-il souligné.

Rafael Correa, Evo Morales et Piedad Córdoba, ex-sénatrice colombienne et défenseuse des droits humains, étaient les invités spéciaux du sommet ALBA-TCP / ALBA-TCP, ainsi que les délégué(e)s du Congrès Bicentenaire des Peuples qui s’est déroulé à Caracas du 21 au 24 juin. Cordoba a dénoncé le massacre quotidien, les tortures et les disparitions de citoyen(ne)s et en particulier de jeunes par le gouvernement colombien et ses réseaux paramilitaires. « Et le monde se tait » a dénoncé le président vénézuélien.

Adriana Salvatierra, ex-présidente du Sénat de Bolivie, a lu les conclusions du Congrès Bicentenaire des peuples en défense des processus d’autodétermination des peuples, non seulement d’Amérique Latine mais aussi de Palestine et de la république Sahraoui. Ce Congrès autonome a réuni plus d’une centaine de militant(e)s de mouvements sociaux, partis, leaders (photos, ici de Haïti et Bolivie) qui ont élaboré des stratégies pour un monde libéré du capitalisme. Réunions sur les mouvements indigènes, les droits des femmes, des afrodescendants, de la diversité sexuelle, les droits des travailleur(se)s, des personnes âgées, l’écologie, la communication sociale, le monde multipolaire, etc… Leur déclaration finale, comme celle de l’ALBA, a été votée à main levée, comme feuille de route issue des mouvements sociaux, par les chefs d’Etat.

Soucieux d’intensifier l’intégration régionale, les présidents, ministres des affaires étrangères et premiers ministres ont également déclaré que l’un des objectifs était de réactiver l’Union des nations du Sud (UNASUR) et la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC). Rappelons que l’Alba-TCP a été fondé, en 2004, à l’initiative des présidents Hugo Chávez (Venezuela) et Fidel Castro (Cuba), peu après la défaite de la ZLEA – Zone de libre-échange des Amériques – défendue à l’époque par les États-Unis et ses satellites ultra-libéraux. Aujourd’hui, la plateforme anti-impérialiste rassemble le Venezuela, Cuba, la Bolivie, Grenade, la Dominique, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et-Barbuda, le Nicaragua et Saint-Kitts-et-Nevis.

Par ailleurs, dans une initiative inédite, le Groupe de Puebla réagit aux menaces de déstabilisation de l’extrême droite réunie autour de Keiko Fujimori, et rencontrera le président élu du Pérou, Pedro Castillo, dans le cadre de la conférence « Défendre la démocratie, la souveraineté populaire au Pérou et le triomphe électoral du maître Pedro Castillo », qui sera animée par Marco Enríquez-Ominami, ex-candidat à la présidence du Chili et co-fondateur du Groupe de Puebla avec Lula da Silva, Dilma Roussef ou Evo Morales. Cette conférence comptera sur la participation exceptionnelle de l’ancien Premier ministre espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero ; Jairo Carrillo, de la Conférence des partis politiques d’Amérique latine (COPPPAL) ; Maite Mola, du Parti de la gauche européenne ; Manu Pineda, député européen du groupe parlementaire de la gauche ; et Monica Valente, du Forum de Sao Paulo ; entre autres et d’autres personnalités du progressisme mondial.

L’événement, qui sera diffusé par le biais de Facebook Live du Groupe de Puebla, du Forum de Sao Paulo et de la chaîne Youtube du Parti des travailleurs brésiliens, entre autres, verra également la participation de l’ancien ministre des affaires étrangères de l’Équateur, Guillaume Long, de la sénatrice du Mexique, Beatriz Paredes, de l’ancien ministre du Brésil et fondateur du Groupe, Aloizio Mercadante, du sénateur argentin Jorge Taiana et de représentants de l’Internationale progressiste, du Groupe de la Fraternité et de la Coordination socialiste latino-américaine, entre autres.

La session est prévue pour ce samedi 26 juin aux horaires suivants :

  • 09:00 El Salvador, Guatemala, Honduras
  • 10h00 Colombie, Équateur, Mexique, Pérou et Panama.
  • 11h00 Bolivie, Chili, Paraguay et République dominicaine.
  • 12h00 Argentine, Brésil et Uruguay
  • 17:00 Espagne

Texte : Thierry Deronne, Caracas, le 25 juin 2021.

Source (entre autres) : https://www.brasildefato.com.br/2021/06/25/presidente-boliviano-propoe-criar-brigada-medica-da-alba-tcp-para-vacinacao-massiva de Michelle de Melo, correspondante de Brasil de Fato à Caracas / Groupe de Puebla ; https://www.grupodepuebla.org/el-grupo-de-puebla-y-otras-nueve-fuerzas-progresistas-se-reuniran-con-el-presidente-electo-del-peru-pedro-castillo/ .

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/06/26/du-sommet-de-lalba-au-groupe-de-puebla-la-gauche-en-mouvement/