La capacité du Venezuela à lutter contre les effets sociaux du blocus états-unien reste entravée par le vol de 31 tonnes d’or de son trésor

Par Vijay PrashadCarmen Navas Reyes

Bien qu’ayant réussi à aplatir la courbe du Covid et à maintenir les décès à un des taux les plus bas du monde selon les chiffres de l’OMS, le combat du Venezuela contre la pandémie reste affecté par le vol de 31 tonnes d’or par la Banque d’Angleterre. Le 5 octobre 2020, la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles a annulé une décision d’un tribunal inférieur de juillet qui refusait au gouvernement vénézuélien l’accès à 31 tonnes d’or stockées dans la Banque d’Angleterre. Personne ne nie que l’or appartient au gouvernement vénézuélien. Cependant, la banque a refusé de le rendre au gouvernement du président vénézuélien Nicolás Maduro. Cet or d’une valeur de 1,95 milliard de dollars devrait servir à l’achat d’équipements et de fournitures médicales essentiels.

Au départ, suivant l’exemple du ministère britannique des affaires étrangères, la banque a déclaré que le véritable président du Venezuela était Juan Guaidó. Mais Mr. Guaidó, contrairement au président Maduro, n’a ni participé ni remporté d’élection à la présidence, et n’est pas en voie de devenir président, sous quelque éventualité que ce soit. L’onction de M. Guaidó est venue du gouvernement des États-Unis, et non du peuple vénézuélien; le ministère britannique des affaires étrangères et les tribunaux inférieurs ont donné raison à Washington mais la cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles s’est appuyée pour sa décision finale sur les faits et la logique.

En effet, la principale conclusion de la Cour d’appel est que, bien que le ministère britannique des affaires étrangères a déclaré qu’il ne reconnaissait pas le gouvernement du président Maduro, il continue en réalité à traiter diplomatiquement avec les représentants de ce gouvernement. L’ambassadrice Rocío Del Valle Maneiro González a présenté ses lettres de créance à la reine d’Angleterre en 2015 et représente depuis cinq ans le gouvernement du président Maduro au Royaume-Uni. L’actuel ambassadeur britannique au Venezuela – Andrew Soper – a présenté ses lettres de créance au président Maduro le 5 février 2018; il reste en poste à Caracas. Ces relations diplomatiques de base ont donc amené la Cour d’appel à conclure que le président Maduro – aux yeux du gouvernement britannique – « exerce en fait une partie ou la totalité des pouvoirs du président du Venezuela ».

L’avocat de M. Guaidó – Vanessa Neumann – a déclaré que le gouvernement vénézuélien voulait les 1,95 milliard de dollars (selon le prix actuel de l’or) pour pouvoir « se financer illégalement » (sic). Mais l’avocat du gouvernement vénézuélien – Sarosh Zaiwalla – a fait valoir que ces fonds seraient utilisés par le gouvernement pour briser la chaîne d’infection de COVID-19 et apporter un soulagement à une population frappée par les sanctions unilatérales des États-Unis et par les perturbations causées par la pandémie. La Banque centrale du Venezuela (BCV) a déclaré qu’elle voulait vendre l’or, faire verser les fonds au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et permettre à ce dernier d’aider le gouvernement à faire face à la pandémie. Ce canal via le PNUD a été rejeté par M. Guaidó, par le gouvernement britannique et par Washington ; il n’y a aucune raison probable qu’ils changent de politique en dehors d’une volonté de punir le peuple vénézuélien en pleine pandémie.

De l’argent pour les médicaments

L’Institut Tricontinental de recherche sociale et l’Instituto Simón Bolívar étudient l’impact social de ces sanctions très sévères imposées par l’administration états-unienne depuis 2017. Ils ont constaté que les sanctions primaires et secondaires ont privé le peuple vénézuélien des moyens de faire du commerce de base : vendre son pétrole et acheter de la nourriture, des médicaments et du matériel éducatif (les sanctions primaires empêchent directement les citoyens et les entreprises du pays sanctionné d’avoir des relations avec le pays sanctionné ; les sanctions secondaires empêchent un tiers – pays ou entreprise – de traiter avec le pays sanctionné). Des dizaines de milliers de Vénézuéliens sont morts inutilement à cause du refus de faire le commerce de médicaments et de matériel médical, ce qui a mis à mal un système déjà fragile pendant la pandémie. Il est choquant de voir que ces sanctions unilatérales des États-Unis, et leur poursuite du changement de régime au Venezuela, définissent la manière dont le Venezuela peut combattre le virus et la maladie. « Les sanctions collectives », dit la quatrième Convention de Genève (1949), « sont interdites ».

La vice-présidente Delcy Rodriguez en réunion à Caracas avec les divers organismes de l’ONU présents sur place (notamment l’OMPS/OPS, la FAO et le PNUD)

Que souhaite acheter le gouvernement vénézuélien avec les 1,95 milliard de dollars qui seraient remis au PNUD ? Selon une étude de l’Institut Tricontinental de recherche sociale et de l’Institut Simón Bolívar, la majeure partie de ces fonds – 600 millions de dollars – devrait servir à l’achat de médicaments pour 400 000 personnes dans les hôpitaux, de médicaments obstétriques pour 550 000 femmes enceintes et de médicaments pour les 243 pharmacies communautaires. Ensuite, 450 millions de dollars sont prévus pour l’achat de fournitures médicales jetables pour 400 000 opérations chirurgicales, pour 245 centres de santé et pour 3 000 stimulateurs cardiaques. Enfin, 250 000 dollars ont été prévus pour la fourniture de réactifs pour les laboratoires (pour l’hématologie et la sérologie) et de pièces de rechange pour divers types d’équipements médicaux (y compris les équipements de radiothérapie). C’est ainsi que le gouvernement vénézuélien – en collaboration étroite avec le PNUD – voudrait « se financer illégalement« .

En mai, trois rapporteurs spéciaux des Nations unies ont écrit qu’au Venezuela, « les hôpitaux signalent une pénurie de fournitures médicales, d’équipements de protection et de médicaments ». Ce sont exactement les matériaux qui figurent sur la liste du gouvernement vénézuélien à acheter avec le produit de la vente des 31 tonnes d’or. Ces experts-Olivier De Schutter (extrême pauvreté et droits de l’homme), Léo Heller (eau et assainissement), et Kombou Boly Barry (éducation) – a déclaré que « à la lumière de la pandémie de coronavirus, les États-Unis devraient immédiatement lever les sanctions générales, qui ont un impact sévère sur les droits humains du peuple vénézuélien ».

Les recherches indépendantes de l’Institut Tricontinental de Recherche Sociale et de l’Institut Simón Bolívar sont en accord avec les opinions de ces experts des Nations unies ; les sanctions états-uniennes ont eu un impact négatif sur la capacité du peuple vénézuélien à s’épanouir et à exercer ses droits humains. Les sanctions unilatérales doivent être levées. À défaut, nous estimons que les 31 tonnes d’or du Venezuela détenues par la Banque de Londres doivent être vendues, que le produit de la vente doit être remis au PNUD et que les fournitures médicales doivent être expédiées d’urgence au Venezuela. Toute autre mesure est un crime contre le peuple vénézuélien.

Cet article a été produit par Globetrotter.

Vijay Prashad est un historien, rédacteur et journaliste indien. Il est collaborateur de rédaction et correspondant en chef de Globetrotter. Il est le rédacteur en chef de LeftWord Books et le directeur de Tricontinental : Institute for Social Research. Il est chercheur principal non résident à l’Institut d’études financières de Chongyang, Université de Renmin en Chine. Il a écrit plus de 20 livres, dont The Darker Nations et The Poorer Nations. Son dernier livre s’intitule Washington Bullets, avec une introduction d’Evo Morales Ayma.

Carmen Navas Reyes, politologue vénézuélienne, est la Directrice exécutive de l’Instituto Simón Bolívar à Caracas.

Traduction de l’anglais par Thierry Deronne

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ONU : le Venezuela reste le pays le moins inégalitaire de la région

Le Venezuela reste le pays présentant le moins d’inégalités, au vu de sa position dans le coefficient de GINI, annonce la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), commission régionale de l’ONU, dans son rapport intitulé « Panorama Social de l’Amérique Latine 2016« , publié récemment.

Le coefficient de GINI est une méthode qui sert à mesure la répartition des revenus des ménages. Plus la note se rapproche de 0, plus la distribution des revenus est équitable, tandis qu’une notation proche de 1 signale qu’elle devient très inégalitaire.

Dans le graphique publié par l’organisme multilatéral, on constate qu’en 2015 le Venezuela avait un coefficient proche de 0,380, suivi par l’Uruguay qui frôlait les 0,4 points. Cette valeur est inférieure à celle de 2012, qui était d’environ 0,390 points.

La condition ethnico-raciale est facteur d’inégalité en Amérique Latine

La condition ethnique et raciale est un autre facteur d’inégalité structurelle en Amérique Latine, affirme la CEPAL dans ce rapport. Environ 130 millions de personnes afrodescendantes vivent dans la région, soit à peu près 21% de la population. Même si le Brésil et Cuba concentrent 91% du total régional, cette population est également présente dans les autres pays d’Amérique Latine. Dans quatorze d’entre eux, des institutions et des dispositifs gouvernementaux de lutte contre le racisme et pour la promotion de l’égalité raciale ont été mis en place et la législation de protection de leurs droits s’y est renforcée. Ce groupe de population est sur-représenté dans la tranche socio-économique des revenus les plus faibles et souffre d’inégalités profondes à tous les niveaux de développement social, se traduisant par exemple par les taux les plus élevés de mortalité infantile et maternelle, de grossesses d’adolescentes et de chômage, ainsi que des salaires les plus bas (par rapport à ceux des non afrodescendants), révèle le rapport.

Dans le cas de l’Uruguay, l’indice a diminué en 2015, celui de 2012 étant inférieur à 0,40 points. Toutefois, le rapport reconnaît que la grande majorité des pays latino-américains a présenté une diminution de l’inégalité de la répartition des revenus des particuliers entre 2002 et 2014.

Un héritage qui perdure

Ces résultats concernant le Venezuela (plus faible inégalité de la région) sont la conséquence des politiques appliquées par le président Hugo Chavez entre 1999 et 2013 et poursuivies par le Président Nicolas Maduro. Le Venezuela a un Indice de Développement Humain (IDH) moyen/élevé de 0,748. Cet indice a été fixé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et s’échelonne de 0 à 1. La mise en œuvre des missions sociales associée à une politique fiscale qui affecte ses recettes budgétaires à des investissements dans le secteur social a contribué à améliorer la qualité de vie de la population , malgré la chute brutale des revenus pétroliers depuis 2014.

Les politiques sociales menées par le gouvernement bolivarien ont eu pour résultat de relever le taux de scolarisation dans l’éducation de base des 10% de la population la plus pauvre, qui est passé de 38,8% en 1998 à 65,6% en 2014. Dans l’enseignement primaire, le taux de scolarisation de ces mêmes 10% est passé de 93,6% en 1998 à 97,3% en 2014. Le nombre moyen d’années de scolarité des 25 ans et plus, toujours parmi les foyers les plus démunis, est passé de 5,2 ans en 1998 à 7,3 ans en 2014. Le taux de fréquentation scolaire des enfants de 3 à 6 ans est passée de 84,4% en 1997/1998 à 91,3% en 2013/2014, tandis celui des universités s’est accru de 862 862 étudiants en 2000 à 2 629 312 en 2013. Il ressort d’un rapport publié par le Ministère du Pouvoir Populaire pour la Planification que le taux d’emploi chez les 10% les plus pauvres est passé de 68,5% en 1998 à 74,6% en 2014. La couverture du système national de santé atteint 82% et que l’indice de malnutrition est actuellement inférieur à 5%.Alors que de 1998 à 2000, il se situait à 21%, souligne cette étude.

Caractéristiques historiques

La distribution des revenus ne représente qu’une dimension parmi d’autres des inégalités analysées par le rapport annuel « Panorama Social de l’Amérique Latine 2016« , présenté lors d’une conférence de presse par Alicia Barcena, Secrétaire exécutive de la CEPAL à Santiago du Chili, selon un communiqué de cette institution rattachée à l’ONU. L’enquête analyse aussi les inégalités dans la répartition du temps de travail entre les hommes et les femmes, celles résultant de la condition ethnico-raciale et celles qui apparaissent aux différents stades d’un cycle de vie . « L’inégalité est une caractéristique historique et structurelle des sociétés d’Amérique Latine et des Caraïbes et se manifeste par le biais de multiples cercles vicieux. Œuvrer à une réduction significative de cette inégalité représente l’un des objectifs de l’Agenda 2030 pour le Développement Durable souscrit par tous les pays de la région en 2015. Cet agenda recommande que personne n’y soit plus laissé pour compte » affirme Alicia Barcena.

La malnutrition des enfants de moins de 5 ans a diminué : de 5,3%, il est passé à 3,4% en 2013, ce qui signifie que le Venezuela est le 4ème pays présentant le taux de malnutrition infantile le plus bas. D’autres indices comme celui de l’accès à l’eau potable est passé de 80% en 1998 à 95% en 2014, réalisant l’objectif du Développement pour le Millénaire sur ce point. Le rapport du Ministère de la Planification indique que le pourcentage de ménages vivant dans des conditions de promiscuité critique est passé de 14,6% en 1998 à 9,1% en 2014 ; celui de l’accès au service d’évacuation des eaux usées est passé de 62% en 1998 à 84% en 2014. La politique de construction de logement et d’amélioration de l’habitat a également eu un impact direct sur les conditions de vie. A ce jour (2017), l’Exécutif a fourni 1,8 millions d’habitations à la population.

Le rôle du salaire

L’étude du Ministère de la Planification expose les politiques qui ont contribué à réduire l’inégalité , comme les augmentations régulières de salaire permettant de maintenir le pouvoir d’achat. « Il est intéressant d’analyser l’évolution de la participation salariale dans le PIB (Produit Intérieur Brut) en parallèle avec celle de l’inégalité des revenus personnels, telle que déterminée par le coefficient de GINI« , explique l’étude de la CEPAL après évaluation des résultats de l’indicateur.

Le rapport aboutit à la conclusion que des 13 pays qui ont fourni des données actualisées, 5 seulement (le Brésil, le Honduras, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela) présentent une augmentation de la contribution des salaires au PIB. Ce qui montre que les améliorations distributives obtenues durant cette période ne sont pas fondamentalement liées à une répartition plus équitable des rémunérations entre capital et travail. Ces avancées découlent de l’amélioration relative des revenus du travail grâce à des politiques actives comme la légalisation de l’emploi et l’augmentation effective des salaires minimum dans différents pays, explique la CEPAL, selon laquelle ces résultats sont encourageants. En Amérique Latine, l’inégalité de la distribution des revenus s’est maintenue en 2015 à des niveaux similaires à ceux de 2014. Néanmoins, si l’on prend en considération la période antérieure à la crise financière internationale, une réduction de l’inégalité dans la répartition des revenus est à noter entre 2008 et 2015 dans la plupart des pays.

Moyenne régionale

Le coefficient de GINI, qui comprend des valeurs de 0 (équivalant à l’absence d’inégalité) à 1 (correspondant à une inégalité maximale), indique une valeur moyenne de 0,469 pour l’Amérique Latine, selon les données disponibles pour 2015, et n’a pratiquement pas varié par rapport à celle de 2014 qui était de 0,473. Dans la plupart des pays, la diminution du coefficient de GINI s’est principalement produite entre 2008 et 2012, tandis qu’entre 2012 et 2015, des variations de moindre amplitude ont été enregistrées, selon l’analyse de la CEPAL. Quant à la moyenne régionale, le taux de chute du coefficient de GINI lors de la période plus récente de 2012 à 2015 a diminué de moitié (-0,6% sur l’année) comparativement à celui enregistré entre 2008 et 2012 (-1,2% sur l’année), précise le rapport. Entre 2008 et 2015, l’inégalité dans la répartition des revenus personnels a diminué en Amérique Latine avec la priorité donnée aux objectifs de développement social, mais son taux de diminution a baissé entre 2012 et 2015, les valeurs actuelles restant néanmoins très élevées afin d’atteindre un niveau de développement durable, conclut la CEPAL.

Source : Correo del Orinoco du 5 juin 2017, Manuel López, http://www.correodelorinoco.gob.ve/venezuela-se-mantiene-como-el-pais-con-menor-desigualdad-en-la-region/

Traduction : Frédérique Buhl

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Les bolivariens en campagne ne croient pas aux larmes (II)

Le Chancelier uruguayen Almagro et le Président vénézuélien Maduro à Caracas, le 26 mars 2013.

Le Chancelier uruguayen Almagro et le Président vénézuélien Maduro à Caracas, le 26 mars 2013.

Parallèlement à la mobilisation populaire pour l’élection présidentielle du 14 avril 2013, le gouvernement bolivarien poursuit la réalisation de la politique extérieure lancée par le président Chavez.

Le 24 mars 2013 le président par interim Maduro a ratifié un mécanisme d’échange et de complémentarité économique entre les pays membres de l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (Alba-TCP) et le Marché Commun du Sud (Mercosur), accord qui laissse la porte ouverte à l’adhésion de nouveaux pays. Maduro, qui fut ministre des affaires étrangères de Chavez durant plus de six ans (2006-2013) explique qu’il s’agit d’une «grande alliance économique, financière, technologique et commerciale entre ce puissant moteur qu’est le MERCOSUR duquel le Venezuela est déjà membre à part entière, et les nouvelles zones économiques de l’ALBA et de Petrocaribe. Il faut également accélérer la mise en fonctionnement de la Banque du Sud».

Tout en conversant avec l’ex-président Lula pour organiser les prochans rendez-vous de l’agenda politique latino-américain, le vénézuélien a également fait l’éloge de la création d’une Banque de Soutien au Développement par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui permet aux pays émergents de se libérer de la tutelle d’organismes néo-libéraux tels que le FMI. Les nations signataires représentent à elles seules 25% de l’économie mondiale et 40 % de la population. Le 28 juin prochain le Venezuela assumera la présidence pro tempore du Mercosur, troisième marché mondial.

Le même jour à Caracas, le chancelier uruguayen Luis Almagro a signé de nouveaux accords de coopération avec le Président Maduro, ainsi que l’adhésion de son pays à la nouvelle unité monétaire latino-américaine – le SUCRE. Ce «Système Unitaire de Compensation gionale», créé à l’initiative du Venezuela, a été adopté en novembre 2008 par les pays membres de l’ALBA pour remplacer le dollar US dans le commerce inter-régional. En février le Nicaragua et le Venezuela ont effectué leurs premières transactions via ce système de paiement pour un montant de 25 milliards de Sucres, équivalents à 31.2 millions de dollars (1). Pour l’uruguayen Luis Almagro, «ces accords permettront de faire croître le commerce entre le Venezuela et l’Uruguay de 30%. Nous sortons des fonds baptismaux du Mercosur, de l’ALBA, du Pacte Andin, nous devenons chaque jour un peu plus latino-américains». (2)

« La paix en Colombie était le rêve de Chavez. Que n’a-t-il fait pour la Colombie, combien d’infamies n’a-t-il subies pour son amour et son respect de la Colombie. Nous renouvelons au président Juan Manuel Santos, aux FARC, notre engagement, en privé ou en public, en faveur du processus de paix en Colombie, car cette paix est celle de notre patrie» : c’est ce que le président Maduro a répondu à un paysan des montagnes du Chocó (Colombie) invité à la Xème Rencontre d’intellectuels, artistes et mouvements sociaux en Défense de l’Humanité organisée à Caracas du 25 au 26 mars 2013.

Pour ce militant colombien, « l’héritage de Chavez, c’est la paix, l’amour pour la terre-mère, pour nous qui l’habitons. Chavez a toujours insisté sur l’harmonie qui doit exister entre l’homme, la femme et la nature. C’est pourquoi nous sommes venus à cette rencontre, pour vous dire que nous sommes en lutte, en résistance, que nous aimons la révolution bolivarienne et que nous voulons la liberté des peuples ».

Autre invité de l’assemblée de Caracas, l’anthropologue et sociologue mexicain Héctor Díaz Polanco, qui estime que «Chávez est le centre de l’innovation politique des deux dernières décennes. Même sur un plan mondial, il y a longtemps que nous n’avions eu un leader de cette envergure. Il avait pris de l’avance sur beaucoup d’intellectuels avec sa vision adéquate du thème de l’environnement qu’il développe dans son programme de gouvernement, le Plan Patria 2013-2019 (3) : protéger la vie, la biodiversité, garantir la nature et ses ressources pour les générations futures : une éthique trans-temporelle qui ne nous engage pas seulement pour la génération contemporaine mais pour celles à venir».

Pour le vice-président bolivien Álvaro García Linera, présent lui aussi à la Xème Rencontre, Hugo Chávez “fut un parapluie pour que s’éveille le continent, un mur de contention pour que puisse affleurer l’impulsion bolivarienne dans la région. Il a surgi comme une force, un tourbillon, un ouragan qui a fait bouger l’histoire, a fait émerger les potentiels de lutte nichés dans les peuples, chacun d’eux apportant sa particularité tout en recueillant la force révolutionnaire de Chávez. Nous vivons une géopolitique continentale inédite : l’Amérique Latine est la région du monde qui possède le plus de gouvernements progressistes. Nous n’avions jamais vécu cela. Les vénézuéliens se sont tournés vers le monde pour améliorer la vie de tous. Aujourd’hui nous ne percevons qu’une partie de l’héritage de Chavez : sa vérité est dans le futur”.

«Chávez nous a appris que les processus d’intégration ne se basent pas seulement sur des principes financiers mais aussi sur la construction de mécanismes sociaux».

Patricia Rodas, Secretaria de Estado en el despacho de Relaciones Exteriores de Honduras, interviene en el acto de clausura de la Cumbre de la Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América (ALBA), en el Palacio de Convenciones, en La Habana, Cuba, el 14 de diciembre de 2009. AIN FOTO/Marcelino VAZQUEZ HERNANDEZ

Patricia Rodas, Ex-Ministre des Affaires Étrangères du Honduras

Après les élections du 14 avril 2013, se tiendra à Caracas une réunion spéciale des pays membres de l’ALBA et de Petrocaribe (4) pour sceller l’accord de collaboration entre les deux mécanismes de solidarité et de complémentarité, et créer «une grande zone pour le développement économique, la croissance authentique de notre industrie, la capacité de produire des aliments » (Maduro).

Présente à Caracas, Patricia Rodas, ex-Ministre des Affaires Étrangères du président Zelaya déchu par un coup d’État militaire en 2009, a déclaré : «Chávez nous a appris que les processus d’intégration ne se basent pas seulement sur des principes financiers mais aussi sur la construction de mécanismes sociaux».

Le cas du Honduras est exemplaire. En août 2008, las de ne pas recevoir d’aide états-unienne, le président Zelaya (centre-droit) avait adhéré à l’ALBA pour affronter l’énorme pauvreté régnant dans la population. Il fut renversé en juin 2009 par des militaires soutenus par des États-Unis soucieux de défendre leur arrière-cour (dans le même sens Wikileaks a révélé les efforts de Washington pour contrer l’aide du Venezuela et de PetroCaribe à Haïti). La presse française fit preuve de complaisance envers ce coup d’État qui remit le Honduras à l’heure des privatisations, des transnationales et des «assassinats sélectifs» de journalistes et de militants de mouvements sociaux. Dans le journal «Libération», Gérard Thomas alla jusqu’à mettre en doute l’existence du coup d’État et à critiquer le président Zelaya pour « avoir joué avec le feu » en adhérant à l’ALBA. (5)

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« Nous allons revenir dans l’ALBA, nous tourner vers la CELAC, le Brésil, vers le Vénézuéla » Manuel Zelaya, ex-président du Honduras.

Quatre ans plus tard, en mars 2013, le parti hondurien LIBRE (Liberté et Refondation), né de la résistance populaire au coup d’État, annonce qu’en cas de victoire aux prochaines présidentielles, le Honduras redeviendra membre de l’Alliance Bolivarienne des Peuples de l’Amérique (ALBA) : « La situation économique du pays a atteint une gravité sans précédent dans notre histoire. Nous n’avons jamais atteint un tel degré de détérioration des finances publiques, d’augmentation de la pauvreté et de manque de production et d’emploi au Honduras » a déclaré l’ex-président Zelaya. « La population ne mange pas de ciment mais des haricots, du maïs. Elle exige que soient résolus les problèmes de famine, de pauvreté et de manque de travail. La position de notre candidate Xiomara Castro est claire : nous allons revenir vers le Brésil, vers le Venezuela, vers des mécanismes de solidarité latino-américaine come l’ALBA, la CELAC, Petrocaribe et d’autres instances d’intégration continentale. Nous allons récupérer ce que nous avons perdu depuis le coup d’État » (6)

Après les récents rapports d’organismes de l’ONU – comme la CEPAL (commission d’études économiques et sociales en Amérique Latine) ou de la FAO (agriculture et alimentation mondiales) – faisant l’éloge du gouvernement bolivarien pour la réduction des inégalités, la croissance économique, la souveraineté alimentaire, c’est un autre organisme des Nations-Unies, le PNUD (développement mondial) qui vient de saluer le travail accompli par Hugo Chavez. Le 18 mars 2013, le représentant du PNUD au Venezuela Niky Fabiancic a remis au président Maduro le rapport intitulé «l’ascension du Sud» selon lequel le Venezuela est devenu «un des pays du monde possédant les plus hauts coefficients de développement humain, au-dessus du Brésil, de la Colombie et de l’Équateur» (7). Niky Fabiancic a déclaré à cette occasion : « Ce thème était très cher au Président Hugo Chávez, il a lutté pour cet objectif toute sa vie, pour le progrès humain. Il a lutté infatigablement pour le bien-être de son peuple, pour protéger les pauvres et pour promouvoir la cause de l’unité des peuples de l’Amérique Latine et des Caraïbes ». (8)

Thierry Deronne, Caracas, 26 mars 2013

avec AVN, Ciudad Caracas, Correo del Orinoco. pnud1

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Notes :

  1. Outre l’Uruguay ont déjà souscrit au S.U.C.R.E. : le Venezuela, Cuba, Antigua et Barbuda, la Bolivie, la Dominique, le Nicaragua, San Vicente et les Granadines, et l’Équateur.
  2. L’unité de l’Amérique Latine s’exprime également ce 26 mars 2013 dans la rencontre du Ministre des Affaires Étrangères argentin Héctor Timerman avec le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et avec le président du Comité de Décolonisation de l’ONU, Diego Morejón (Equateur). Au menu, le retour des île Malouïnes sous la souveraineté argentine. Pour cette réunion le chancelier argentin est accompagné par les Ministres des Affaires Étrangères Bruno Rodríguez (Cuba), Luis Almagro (Uruguay), et José Beraún Aranibar (vice-ministre, Pérou), respectivement représentants de la Communauté des États d’Amérique Latine et des Caraïbes (Celac), du Marché Commun du Sud (Mercosur) et de l’Union des Nations Sud-Américaines (Unasur). Jusqu’ici le Royaume-Uni colonise et occupe miltairement ce territoire pour ses ressources, notamment pétrolières, et fait la sourde oreille aux résolutions de l’ONU qui l’invitent à négocier avec l’Argentine.
  3. Hugo Chávez Frías, « Plan Patria 2013-2019 » : programme repris et soumis aux électeurs par le candidat bolivarien Nicolas Maduro pour les présidentielles du 14 avril 2013. Texte complet : https://venezuelainfos.files.wordpress.com/2012/10/programme-de-chavez-2013-2019-texte-integral1.pdf
  4. Créée par le président Chavez, l’alliance Petrocaribe bénéficie à 22 pays de toute la zone caraïbe et centraméricaine – certains très pauvres comme Haïti ou le Honduras – en leur permettant d’acquérir du pétrole à un prix préférentiel. Petrocaribe a reçu de nouvelles demandes d’adhésion du Salvador, du Panamá et du Costa Rica. Le dernier pays en date à adhérer fut le Guatemala.
  5. Signe de la dérive des médias français : alors qu’en 1973 la presse parisienne défendait la démocratie face au coup d’État de Pinochet, en 2009 elle trouve des arguments pour justifier un coup d’État militaire. Voir l’analyse d’ACRIMED, par Henri Maler : http://www.acrimed.org/article3178.html
  6. Source : le Blog de Giorgio Trucchi http://nicaraguaymasespanol.blogspot.com/2013/03/honduras-partido-libre-ataca-politica.html
  7. Voir le site du PNUD – Venezuela : http://www.pnud.org.ve/
  8. Par comparaison, de 1995 à 2012, dans le même rapport du PNUD, la France a perdu 18 places au sein du classement mondial du Développement Humain, ce qui représente quasiment un recul d’un rang tous les ans. Lire « La France en route vers le tiers monde »  http://www.legrandsoir.info/la-france-en-route-vers-le-tiers-monde.html

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/26/les-bolivariens-en-campagne-ne-croient-pas-aux-larmes-ii/