« S’éloigner de l’Occident, se concentrer sur l’Asie » : l’Amérique Latine et la nouvelle économie mondiale.

Interview par Kawsachun News de l’économiste équatorien Juan Fernando Terán* à propos des sanctions occidentales et de la manière dont l’Amérique latine peut protéger son économie.

Kawsachun News L’industrie bananière équatorienne s’est effondrée quand lui a été fermé le marché russe. Qui paie le prix des sanctions occidentales contre la Russie ?

Juan F. Terán : Les pays qui exportent des denrées alimentaires et des produits agricoles sont aujourd’hui dans une position très difficile. L’Équateur, la Colombie, le Brésil et l’Argentine sont parmi les plus touchés. Ces pays importent presque toutes les fournitures dont ils ont besoin pour la production agricole : engrais, produits agrochimiques et même semences dans certains cas. Les sanctions ont interrompu ces approvisionnements. Nous aurions pu éviter cette situation.

L’Amérique Latine a connu un âge d’or de développement et d’intégration à l’époque de dirigeants tels que Hugo Chavez, Rafael Correa, Evo Morales, Ignacio Lula da Silva et d’autres. Au cours de ces années, de nombreux travaux ont été consacrés à la question de savoir comment la région pouvait commencer à produire ses propres approvisionnements agricoles. Il s’agissait même d’un projet phare de l’UNASUR. L’objectif était de garantir la sécurité alimentaire face aux fluctuations des marchés internationaux. Il y avait également la proposition d’une banque à l’échelle de l’Amérique latine et d’une monnaie commune. Cela aurait pu aider l’économie de la région à survivre à la crise monétaire actuelle.

Or que se passe-t-il aujourd’hui ? Prenons le cas de l’Équateur : nous avons deux sources principales de revenus dans les exportations. La première est le pétrole, et logiquement, les conséquences de la guerre en Ukraine auraient dû être, à travers l’augmentation de son prix, une croissance des revenus pour l’Équateur. Cependant, le président conservateur Guillermo Lasso a promis au FMI de le payer au moyen des futures ventes de pétrole. Donc même si le prix du pétrole passe à 300 dollars, cela ne profitera aux citoyens ordinaires.

Et qu’en est-il de l’agriculture ?

Le pays gagne aussi beaucoup en exportant des produits comme les bananes, le café, les crevettes et les fleurs. Le principal marché pour la production de fleurs équatoriennes est la Russie. Aujourd’hui, ces producteurs sont confrontés à une crise dramatique car les sanctions les ont coupés de leurs clients. C’est une industrie énorme pour l’Équateur, dans les provinces de Pichincha et Cotopaxi, il y a des régions entières consacrées presque entièrement à la production de fleurs. Ils ont même des aéroports là-bas car ces fleurs sont exportées dans le monde entier par avion. Une petite partie de leur production va aux États-Unis et en Europe, mais la grande majorité va en Russie. La Russie est l’un des rares pays où les gens achètent des fleurs toute l’année et pas seulement pour certaines dates comme la Saint-Valentin. Hé bien, qu’en est-il de nos exportations de crevettes, de café ou de cacao ? Elles nécessitent des engrais et d’autres fournitures agricoles importés. Il y a maintenant une pénurie mondiale, la Russie était le premier producteur mondial et la voilà sanctionnée.

Quelle a été la réponse du gouvernement ?

Les pays peuvent survivre à cette tempête s’ils ont un parapluie d’État, mais l’Équateur est soumis à un gouvernement néolibéral. Notre économie n’a plus de parapluie maintenant. Quelle a été la réponse néolibérale à cette crise actuelle ? Les producteurs de fleurs ont été les premiers à demander de l’aide. Ils ont demandé des prêts afin de pouvoir subvenir temporairement à leurs besoins. Le président Lasso a répondu en disant que prendre ce genre de mesures suppose d’assumer un risque et que l’État n’a aucune obligation de renflouer qui que ce soit. Cette idée de ne renflouer personne est une excellente idée…. si elle est appliquée uniformément. Nous ne devrions pas avoir à renflouer les banquiers quand ils ont une « crise », mais bien sûr, le banquier Guillermo Lasso n’abandonnera jamais « son » peuple… Il abandonne seulement les petits agriculteurs. L’élection de gouvernements progressistes en Amérique latine n’est pas seulement une question d’idéologie ; il s’agit aussi pour les citoyens de défendre leur économie et leur niveau de vie. Si un banquier gagne une élection, ne soyons pas surpris du résultat.

De nombreux pays considèrent désormais Washington comme un allié peu fiable et cherchent à commercer dans d’autres monnaies. Pensez-vous que le dollar états-unien va perdre son hégémonie internationale ? Et qu’est-ce que cela signifierait pour l’Amérique latine ?

Lorsque les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) commenceront à commercer entièrement en Yuan, ou dans toute autre monnaie autre que le dollar, le monde changera vraiment. Je pense que nous pouvons nous attendre à voir cette transformation dans les cinq prochaines années. Cela représentera la défaite définitive de l’empire états-unien. L’histoire nous montre que la puissance militaire d’un pays est liée à la puissance de sa monnaie.

Lorsque la Grande-Bretagne régnait sur le monde, la livre sterling dominait le commerce international. Même la dette extérieure de l’Équateur était calculée en livres sterling. Les réserves de notre banque centrale s’exprimaient en livres sterling. Cette situation a changé après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, car les États-Unis sont devenus la nouvelle puissance dominante et ont créé les institutions financières et monétaires du monde à leurs propres fins, puis ont supprimé l’étalon-or du dollar. La guerre actuelle en Ukraine est également une question de monnaie. Les États-Unis participent à ce conflit contre la Russie parce qu’ils ont besoin de défendre à tout prix la puissance du dollar-papier alors que la Russie ou l’Inde amarrent leurs monnaies à la valeur de matières premières.

Que peut faire la région ?

L’Amérique latine doit lentement se désolidariser du dollar états-unien. Nous devons diversifier nos réserves monétaires internationales. Rafael Correa avait commencé à le faire en Équateur en investissant dans des réserves d’or, ce qui avait été critiqué par la droite. Cependant, cette diversification ne peut se faire que si nous apportons les changements nécessaires à nos relations commerciales. Si nous devons commencer à constituer des réserves en yuan chinois, nous devons approfondir nos relations commerciales avec la Chine pour y parvenir.

Carte 1 : bien qu’ils totalisent 14% de la population mondiale, les pays qui sanctionnent la Russie incarnent encore la « communauté internationale » pour la plupart des journalistes occidentaux.
Carte 2 : la vraie taille de l’Amérique Latine. Merci à Ollie Vargas.

Je pense que nous devrions revenir à la proposition de l’UNASUR de créer une monnaie commune latino-américaine avec sa propre banque centrale. Nous avons également besoin d’un système de paiement latino-américain. Regardez comment les États-Unis utilisent SWIFT pour exclure de l’économie mondiale tout pays qui ne leur plaît pas. La Russie et la Chine créent leurs propres systèmes de paiement. Il y a des années que le Venezuela est sorti du SWIFT. Nous devrions également avoir notre propre système.

Il ne sert à rien de se plaindre de l’agression états-unienne. C’est dans leur nature d’envahir et d’attaquer des pays dans le monde entier. Le vrai problème est que l’Amérique latine est exposée et incapable de faire face à ce type de guerre économique. En réponse, nous devons nous tourner vers l’Asie de manière sérieuse. Pourquoi le gouvernement équatorien n’assure-t-il pas de nouveaux marchés, par exemple pour nos crevettes et nos bananes, en Chine ? Il y a une énorme demande là-bas. La Bolivie et l’Équateur possèdent tous deux de vastes richesses minérales. Nous devons contourner l’Occident et nous concentrer sur l’Asie en matière de commerce et d’investissement dans les produits de base.

Les médias états-uniens ont attaqué des pays comme le Mexique, le Brésil ou l’Argentine pour ne pas avoir imposé de sanctions économiques à la Russie. Pensez-vous que cette demande des États-Unis va, à terme, briser leur sphère d’influence ici et dans le monde non-occidental ?

Ces sanctions provoquent une crise d’inflation pour les gens partout dans le monde. Les Européens paient déjà 8-9 euros pour un gallon d’essence. Aux États-Unis, il est à 4,75 dollars, voire 6 dollars dans des endroits comme la Californie et Miami. C’est choquant. Les sanctions ont un effet boomerang sur les États-Unis et leurs citoyens. Bien que tout le monde ne souffre pas : les fabricants d’armes ne souffrent pas. Des gens comme le fils de Biden, qui a des relations douteuses dans le secteur du gaz, ne vont pas souffrir. Des rapports d’analyse financière ont été publiés cette semaine, indiquant que si le prix de l’essence reste à 4,75 dollars en moyenne nationale aux États-Unis, l’économie entrera en récession à la fin de l’année. Rien de ce qu’ils font n’est lié aux intérêts des citoyens ordinaires.

  • * Économiste, coordinateur de recherches à l’Instituto de la Ciudad del Distrito de Quito (Équateur), Juan Fernando Terán enseigne actuellement les « Politiques économiques appliquées en Amérique latine » et les « Économie et politique des ressources naturelles et de l’énergie » à l’Université Andine Simón Bolívar. Parmi ses publications : « Las quimeras y sus caminos : la gobernanza del agua y sus dispositivos para la producción de pobreza rural en los Andes Ecuatorianos » (Buenos Aires : CLACSO), « La sequedad del ajuste : implicaciones de la gobernanza global del agua para la seguridad humana en Ecuador » (Quito : CEN) et « La ecología del agua : una introducción a sus temas y problemas en Ecuador » (Quito : Camaren).

Source : https://kawsachunnews.com/interview-latin-america-in-the-new-global-economy

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2022/04/04/seloigner-de-loccident-se-concentrer-sur-lasie-lamerique-latine-et-la-nouvelle-economie-mondiale/

Leçons bolivariennes pour l’Afrique, par Said Bouamama

2012_10_19_saidSaïd Bouamama, sociologue, auteur notamment de “Figures de la révolution africaine”, De Kenyatta à Sankara, La Découverte, 2014, développe une analyse des dominations prenant pour objets les questions liées aux quartiers populaires et ouvriers, à l’immigration et la place des personnes issues de l’immigration dans la société française, les jeunesses et la citoyenneté, les différentes formes et expressions des discriminations de sexe, de « race » et de classe, etc.. Parmi ses autres ouvrages : “Femmes des quartiers populaires, en résistance contre les discriminations”, des femmes de Blanc-Mesnil avec Zouina Meddour, Le Temps des Cerises, 2013, “Les discriminations racistes : une arme de division massive”, Préface de Christine Delphy, Paris, L’Harmattan, 2010 et « La manipulation de l’identité nationale – Du bouc émissaire à l’ennemi intérieur », (Cygne, 2011).

 

Le 14 décembre 2014, l’«Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique-Traité de commerce des Peuples » (ALBA) fêtait ses dix ans avec ses onze pays membres. Bâtie sur les « principes de solidarité, de simple coopération et de complémentarité », l’Alliance se donne pour buts « l’éradication totale de la pauvreté, de l’ exclusion sociale et de la dépendance externe».

cumbre_albaLa jeune Alliance a déjà à son actif de nombreuses réalisations qui attirent vers elle l’attention et la solidarité des peuples africains. Surtout, l’ALBA éveille l’espoir de tous les combattants anti-impérialistes par l’exemple de souveraineté qu’elle donne face aux puissances impérialistes et par ses prises de positions révolutionnaires au niveau international. L’œuvre déjà accomplie est riche d’enseignements pour les peuples africains sur lesquels s’abattent les rapacités de toutes les puissances impérialistes qui se déchirent pour piller les richesses pétro-gazières et les minerais stratégiques du continent.

La solidarité régionale pour desserrer l’étau du marché capitaliste mondial 

L’Afrique ne manque pas d’expériences révolutionnaires. A chaque fois, les gouvernements progressistes mis en place par les luttes populaires sont confrontés au système capitaliste mondial, à son échange inégal, aux stratagèmes mafieux qu’il met en place pour faire pression à la baisse sur les prix des matières premières et à la dette internationale étranglant progressivement les Etats. Le leader panafricaniste Kwame Nkrumah a, dès 1963, mis en évidence la nécessité d’une solidarité au moins régionale pour résister aux pressions néocoloniales (1). Dans son livre « L’Afrique doit s’unir », il développe les différentes raisons matérielles rendant nécessaire une dynamique de convergence au moins régionale, si ce n’est continentale : «Sur le plan économique, l’auteur considère qu’il est impossible pour chaque pays de sortir seul de la situation de dépendance ; Les capitaux nécessaires pour une croissance consistante ne sont pas disponibles à l’échelle de chaque Etat ; L’existence de plusieurs monnaies, dont certaines dépendent directement des puissances impérialistes, est une entrave aux échanges ; Des politiques économiques non coordonnées engendrent une concurrence entre les pays, ce qui ne peut que profiter aux centres impérialistes qui se réjouissent de l’émiettement du continent ; Les projets industriels ou sociaux de grande ampleur nécessaires à l’amélioration des conditions de vie de la population et à l’indépendance économique ne sont possibles qu’à l’échelle du continent.»

         L’ALBA est une mise en œuvre concrète de ce programme de déconnection progressive avec le marché capitaliste mondial. Les réalisations sont d’ores et déjà conséquentes en à peine une décennie : les programmes communs de santé et d’éducation  ont fait passé l’indice de développement humain de 0,658 en 2005 à 0, 721 en 2012 ; la nouvelle banque de coopération (Banco del Alba) finance 42 projets pour un montant de 345 millions de dollars (dans des domaines aussi divers que l’infrastructure ou les communications, l’alimentation ou l’environnement, etc.) ; pour mener à bien certains de ces projets, des entreprises communes ont été créées dites Grannationales (Grand-nationales) ; une monnaie virtuelle commune, le Sucre, a été créée pour servir d’unité de compte intra-Alba  et permet des échanges régionaux sans utiliser le dollar ;  etc.

La nouvelle dynamique régionale basée sur le principe de complémentarité (l’exact inverse du principe de concurrence du FMI et de la Banque Mondiale) met les acquis de chacun au service de tous : le savoir médical cubain  a permis à des millions de personnes de tous les pays de l’ALBA d’accéder aux soins, l’analphabétisme est entièrement éliminé du Venezuela, de la Bolivie,  de l’Equateur et du Nicaragua grâce à la diffusion d’une méthode cubaine d’alphabétisation populaire de masse ;  le pétrole vénézuélien est mis au service de l’ensemble des pays membres par le plan Pétrocaribe, la chaîne Télésur assure une information libérée des manipulations des puissances impérialistes,  etc.

       Au moment où l’Union Européenne impose aux pays africains des « Accords de Partenariats Economiques » (APE), c’est-à-dire l’ouverture complète des frontières à la concurrence des multinationales (c’est-à-dire encore la plongée dans la misère de millions de paysans et d’artisans), l’exemple bolivarien d’une intégration de complémentarité sans concurrence montre une autre voie pour l’Afrique.   

S’appuyer sur les puissances émergentes pour diminuer la dépendance des impérialismes

Le colonialisme dans sa forme la plus pure est concrétisé  par le pacte colonial, c’est-à-dire un régime d’échanges imposé par le colonisateur, selon lequel la colonie ne peut importer que des produits provenant de la métropole. Au moment des indépendances, les puissances coloniales ont imposé (par le chantage, par les assassinats des leaders africains de la libération nationale, par des coups d’état, etc.) des « accords de coopération » qui reproduisent le « pacte colonial », réduisant ainsi les indépendances à des indépendances formelles.

Initier un développement indépendant suppose de desserrer l’étau que constitue ce pacte colonial. L’existence de puissances émergentes est à cet égard un atout majeur de notre époque.  Les pays d’Afrique ont un intérêt objectif à développer leurs échanges avec la Chine, l’Inde, le Brésil, etc., pour restreindre les possibilités de rétorsion des pays impérialistes et ainsi sauvegarder leur souveraineté nationale. Sur cet aspect également l’ALBA est un exemple. Le développement des échanges des différents pays de l’ALBA avec les économies émergentes donne une base matérielle à sa politique d’indépendance nationale. Dès sa naissance, l’ALBA affiche son choix politique en la matière : s’appuyer sur le nouveau paysage multipolaire mondial pour se libérer du système impérialiste. Le 29 septembre 2014, le président vénézuélien réclame ainsi une réforme de l’ONU  pour que celle-ci reflète réellement le monde tel qu’il est :

    « Les Nations Unies doivent s’adapter à un monde multipolaire et multicentrique, avec de nouveaux acteurs, des pays et des régions émergents, qui ont une voix et leurs propres pensées et qui veulent être respectés. [ …] Un autre monde est possible et nous le démontrons dans Notre Amérique (2). »

   C’est cette politique de refus du pacte colonial qui est la véritable base matérielle des positions anti-impérialistes de l’ALBA admirée par tous les peuples africains : soutien au peuple palestinien, condamnation de l’agression contre la Syrie, la Libye ou l’Iran, soutien à la revendication argentine sur les Malouines, plainte contre les USA pour crime contre l’humanité, etc.

         Les économies africaines sont aujourd’hui étranglées par des accords scandaleux avec les puissances impérialistes. L’exemple bolivarien de développement des échanges avec les puissances émergentes et de développement de la coopération Sud-Sud est aussi pertinent pour notre continent.

La diversité ethnique et culturelle est une richesse

images

Amilcar Cabral (1924-1973), agronome, écrivain, combattant, père de l’indépendance des républiques de Guinée Bissau et du Cap-Vert

Amilcar Cabral (3) et Ruben Um Nyobe (4) (tous eux assassinés par les puissances coloniales) nous ont légué une leçon qui a trop vite été oubliée : Le développement des États africains doit se baser sur la réalité de leurs peuples c’est-à-dire sur leurs diversités. Faute de cela, cette diversité peut être instrumentalisée par l’impérialisme pour diviser et justifier des interventions impérialistes. « Nous ne sommes pas des « détribalisateurs » [ …] Nous reconnaissons la valeur historique des ethnies de notre peuple. C’est la source même d’où jaillira la modernisation de la culture nationale» proclamait Um Nyobe en ajoutant « mais nous n’avons pas le droit de nous servir des ethnies comme moyens de luttes politiques (5)».

La seule manière de s’opposer à l’instrumentalisation impérialiste de la diversité culturelle est le traitement égalitaire de toutes les nations, de toutes les cultures, de toutes les ethnies. Dans ce domaine également, l’ALBA est porteuse d’espoir pour l’ensemble du monde et en particulier pour l’Afrique. Elle démontre que la construction d’Etats ne suppose pas l’uniformisation, l’assimilation forcée, la négation culturelle, etc. Au contraire, l’unité politique durable doit se baser et s’ancrer dans la richesse culturelle héritée de l’histoire. L’insistance de l’ALBA sur la fierté d’être afro-descendant et indien n’est pas un effet de mode mais une conviction politique profonde. Le nom même qu’a choisi l’Etat bolivien résume cette conviction : Etat plurinational de Bolivie.

Ce n’est qu’en s’appuyant sur les cultures populaires réelles que l’émancipation peut mobiliser les peuples. Chaque peuple ne peut progresser vers sa libération du capitalisme qu’en mobilisant et en mettant en mouvement  ses masses populaires. La socialisation des moyens de production s’incarne ici dans le mot « nationalisation » et ailleurs dans l’expression «  droit de la Pacha Mama » (Terre mère). Le président Evo Morales résume cette leçon de l’ALBA de la manière suivante : « la défense de la mère Terre, que nous les Indiens appelons Pachamama, est la meilleure bannière de lutte contre le capitalisme irresponsable et l’industrialisation irrationnelle (6)».

L’Afrique qui a tant de fois été victime d’interventions impérialistes basées sur une instrumentalisation de la diversité ethnique,  culturelle, linguistique ou religieuse doit à l’évidence se mettre à l’écoute de l’expérience bolivarienne.

S’appuyer sur les mouvements sociaux

Le président Thomas Sankara (1949-1987), leader de la révolution burkinabé . "Je peux entendre le rugissement du silence des femmes".

Le président Thomas Sankara (1949-1987), leader de la révolution du Burkina Faso. « Je peux entendre le rugissement du silence des femmes ».

Thomas Sankara n’a pas cessé au cours de l’expérience révolutionnaire burkinabé d’insister sur la nécessaire mobilisation des masses. Seules les masses organisées à la base et par en bas peuvent garantir une émancipation réelle. Thomas Sankara nous rappelait ainsi sans cesse que : « La révolution a pour premier objectif de faire passer le pouvoir des mains de la bourgeoisie voltaïque alliée à l’impérialisme aux mains de l’alliance des classes populaires constituant le peuple. Ce qui veut dire qu’à la dictature anti-démocratique et anti-populaire de l’alliance réactionnaire des classes sociales favorables à l’impérialisme, le peuple au pouvoir devra désormais opposer son pouvoir démocratique et populaire (7). » 

L’expérience bolivarienne est dans ce domaine également éclairante. Le cinquième sommet de l’ALBA en 2007 ratifie le principe de la création d’un Conseil des mouvements sociaux en son sein. Il invite chaque pays membre à faire de même. Ce conseil est désormais un des quatre (à côté du Conseil social, du Conseil économique et du Conseil politique) qui déterminent les décisions de l’alliance. Il regroupe les mouvements sociaux (syndicats, organisations de luttes, mouvements féministes et mouvements de femmes, organisations des peuples indigènes, etc.) des pays membres mais aussi ceux des pays non membres qui s’identifient à la démarche de l’ALBA (comme le mouvement des sans-terres au Brésil, par exemple). Il a pour objectif d’associer les mouvements sociaux à toutes les décisions de l’alliance.

L’assemblée des mouvements sociaux des Amériques a adhéré à cette démarche de l’ALBA. Sa lettre du 2 avril 2009 « Pour construire l’intégration à partir des peuples, pour promouvoir et impulser l’ALBA et la solidarité des peuples, face au projet impérialiste » démontre que les peuples de l’ensemble du continent se reconnaissent dans l’expérience bolivarienne. Cette lettre précise : « Le capitalisme central est secoué par une crise structurelle. [ …] C’est une crise du système, celui qui génère la surproduction de marchandises et la suraccumulation de capitaux et dont la « volte-face est l’augmentation brutale de la pauvreté, les inégalités, l’exploitation et l’exclusion des peuples, tout comme le pillage, les pollutions et la destruction de la nature ; [ …] Depuis Belém, où nous nous sommes réunis, nous, des centaines de mouvements sociaux de tous les pays des Amériques qui nous identifions avec le processus de construction de l’ALBA,  appelons et nous engageons à  réaliser des plénières nationales dans chaque pays pour générer des collectifs unitaires de construction de l’ALBA (8)

Un des points faibles, et qui s’est révélé important, des expériences révolutionnaires en Afrique a justement été un appui insuffisant sur les mouvements sociaux. Dans ce domaine également, l’expérience de l’ALBA est riche pour l’Afrique.

Il est fréquent en Afrique d’en appeler au combat pour une « deuxième indépendance » qui ne se contenterait pas d’être formelle. C’est justement cette indépendance que l’ALBA a commencé à construire. Elle est définie ainsi par le président équatorien Rafael  Correa : «Il y a 200 ans, nos libérateurs nous ont donné l’indépendance politique. Aujourd’hui, nous, les nations du continent, devons gagner notre indépendance économique, culturelle, sociale, scientifique, technologique»(9). Prenons le même chemin.

Notes:

  1. Kwame Nkrumah, L’Afrique doit s’unir, Éditions Présence Africaine, Paris,‎ 2001 et Le néo-colonialisme : Dernier stade de l’impérialisme, Éditions Présence Africaine, Paris,‎2009.
  2. Nicolas Maduro, Assemblée générale des Nations Unies, 29 septembre 2014,http://vivavenezuela.over-blog.com/2014/09/l-onu-doit-s-adapter-a-un-monde-multipolaire-nicolas-maduro.html, consulté le 3 février 2015 à 16 heures.
  3. Amilcar Cabral, Unité et Lutte, La Découverte, Paris, 1980.
  4. Ruben Um Nyobe, Ecrits sous maquis, L’Harmattan, Paris, 1989.
  5. Ruben Um Nyobe, Extrait de la lettre à André-Marie M’bida, 13 juillet 1957, in Achille M’Bembe, Ruben Uml Nyobe, Le problème national Kamerunais, L’Harmattan, Paris, 1984.
  6. Evo Morales, 9ème sommet de l’ALBA, http://www.editoweb.eu/vive_cuba/attachment/200466/, consulté le 3 février 2015 à 17 h 04.
  7. Thomas Sankara, Discours d’orientation politique, 2 octobre 1983, « Oser inventer l’avenir » – La parole de Sankara, Pathfinder, New York, 1988, p. 46.
  8. Pour construire l’intégration à partir des peuples, pour promouvoir et impulser l’ALBA et la solidarité des peuples, face au projet impérialiste, lettre des mouvements sociaux des Amériques, 2 avril 2009,http://franceameriquelatine.org/IMG/pdf/Lettre_MS_Belem_2009-2.pdf, consulté le «  février 2015 à 18 heures 15.
  9.  Rafael Vicente Correa Delgado , 9ème sommet de l’ALBA, http://www.editoweb.eu/vive_cuba/attachment/200466/

Source de cet article : https://bouamamas.wordpress.com/2015/02/16/lecons-bolivariennes-pour-lafrique/

Sur ce thème on peut lire également : « Crime contre l’humanité : L’UE veut les richesses de l’Afrique, mais pas les personnes« , http://www.legrandsoir.info/crime-contre-l-humanite-l-ue-veut-les-richesses-de-l-afrique-mais-pas-les-personnes.html« Lettre à l’Afrique de Hugo Chavez »https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/02/24/lettre-dhugo-chavez-a-lafrique-21-fevrier-2013-formons-un-seul-peuple-un-seul-continent-nous-ne-pouvons-rien-attendre-sinon-de-nous-memes/, « L’Afrique dans la vision de Malcolm X et Hugo Chavez »https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/03/04/lafrique-dans-la-vision-de-malcom-x-et-hugo-chavez/ et « Pourquoi l’Afrique doit s’inspirer de Hugo Chavez » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/23/pourquoi-lafrique-doit-imperativement-sinspirer-dhugo-chavez-libre-opinion/

 

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1Tf

Comment le Sommet des Amériques a écrit l’Histoire (tout ce que ne vous a pas dit « Courrier International »)

Démontez la désinformation de Courrier International (1) et la “chargée de l’Amérique Latine” Sabine Grandadam vous répondra qu’il n’y a pas de désinformation puisque ses sources sont “pluralistes”. Tout comme Thomas Cluzel (France-Culture), auteur d’un record de mensonges en cinq minutes (2) : “Je ne fais qu’une revue de presse internationale”. Tout le monde sait pourtant que l’information est passée sous le contrôle de grands groupes privés et que sous l’apparente “diversité” il y a peu de chances de trouver une dissonance avec la doxa. Ainsi, l’internationale médiatique fait campagne contre des États souverains comme l’Équateur, le Venezuela ou l’Argentine parce qu’ils font ce que toute démocratie doit faire : équilibrer la propriété des médias, desserrer l’étau du monopole privé en permettant aux secteurs public et associatif d’exister à parts égales (3). Une évidence difficile à comprendre pour Cluzel ou Grandadam puisque leur survie dépend sans doute du fait qu’ils ne la “comprennent” pas.

Pour nous parler du récent Sommet des Amériques en tout “pluralisme” (5), Courrier International a choisi cinq sources :

1 – El Nuevo Herald (États-Unis, droite souvent extrême, en pointe contre la gauche latino, propriété de la McClatchy Company, groupe propriétaire de 31 autres publications)

2 – El Universal (Venezuela, droite, propriété de l’entreprise privée espagnole Torreangulo Arte Gráfico et de Industrias Gráficas Bohe).

3 – El País (Espagne, autre fer de lance des campagnes contre la gauche latino, propriété du groupe PRISA. Impliqué dans le coup d’État d’avril 2002 contre le président Chavez (4), ce groupe est actionnaire à 12% du Monde et propriétaire de dizaines de télévisions, radios, revues, journaux dans 22 pays d’Amérique Latine et d’Europe).

4 – Daniel Lansberg-Rodriguez, politologue étasunien connu pour sa critique du “totalitarisme constitutionnel” de la gauche latino-américaine.

5 – Foreign Policy (États-Unis, droite, propriété de Graham Holdings Company, conglomérat propriétaire de The Washington Post, Newsweek., Slate, Graham Media Group, chaînes de télévisions, entreprises privées de santé, etc..)

Aucun média de gauche. Aucun média public. Aucun média associatif. Aucun gouvernement progressiste. Aucun des mouvements sociaux organisateurs du Sommet des Peuples qui ont travaillé parallèlement au Sommet des chefs d’État, sur des thèmes aussi anodins que la lutte pour l’emploi, le travail et un salaire digne, la sécurité sociale, les retraites, les négociations collectives, la syndicalisation, le droit de grève, la santé au travail, les droits économiques et sociaux, le respect des migrants et des afro-descendants, l’éradication du travail des enfants et de l’esclavage, l’égalité de genre, et dont les porte-paroles étaient pourtant accessibles à tout instant. Cumbre de Los Pueblos. Foto: Ismael Francisco/Cubadebate. Cumbre de los Pueblos. Foto: Ismael Francisco/Cubadebate.

Le “pluralisme” de Courrier International sur ce Sommet des Amériques, ce sont les médias conservateurs, privés, de préférence étasuniens.

L’article qui en résulte (5), c’est un peu le “plan média” de Washington : il fallait tout miser sur la photo de la poignée de main Obama-Castro pour redonner un look actif à la fin de mandat plutôt frustrante de l’occupant de la Maison Blanche. En réalité, ce n‘est pas grâce à Barack Obama que Cuba était présent pour la première fois depuis 1962 à un sommet de l’OEA mais à la pression constante, unitaire, des gouvernements latino-américains. Dans son intervention, Cristina Fernández a rappelé : « Cuba est aujourd’hui parmi nous parce qu’il a lutté pendant 60 ans avec une dignité sans précédents ». Obama, lui, n’avait rien apporté de neuf : dans les “mois qui viennent” il devrait en principe étudier la levée de l’embargo toujours en vigueur et fermer Guantanamo, base militaire et centre de tortures installée sur le territoire cubain.

CCVEyu9W4AAucu3Face au rejet unitaire par la CELAC, l’UNASUR, l’ALBA, PetroCaribe, le Groupe des 77 + la Chine et le Mouvement des Non-Alignés du décret traitant le Venezuela de “menace pour la sécurité des États-Unis”, Obama avait tenté in extremis de limiter les dégâts en divisant les latino-américains. La veille du Sommet, il découvrait que tout compte fait, “le Venezuela n’est pas une menace”. Mais les latino-américains pensent aussi. Pendant le Sommet, Barack Obama a dû écouter la dénonciation unanime de la violation du droit international que représente son décret. Il finira par abandonner l’assemblée plénière avant que Cristina Fernández n’intervienne : « La première chose que j’ai faite en apprenant l’existence de ce décret, ce fut de rire. Une menace ? C’est incroyable. C’est ridicule. Le général Perón disait qu’on revient de partout, sauf du ridicule ».

Dès l’extinction des feux médiatiques, la sous-secrétaire d’État Roberta Jacobson a rappelé que Washington ne reviendra pas sur le décret contre le Venezuela. Démentant les propos d’Obama sur la fin des ingérences, le Pentagone renforce sa présence en Colombie, au Honduras et au Pérou, déploie la IVème flotte, multiplie les opérations secrètes et l’espionnage des télécommunications.

Mais puisqu’il faut à tout prix “sauver le soldat Obama”, Courrier International martèle la vulgate : les militaires et civils arrêtés au Venezuela parce qu’ils préparaient un coup d’État l’ont été pour leurs “opinions”. Nul doute que si Salvador Allende et d’autres président élus démocratiquement avaient réussi à empêcher les coups d’État planifiés par Washington en faisant arrêter les Pinochet et consorts, Courrier International aurait lancé une campagne pour la libération de ces “prisonniers politiques”. (6)

Bref, oublions cet hebdomadaire qui n’a de valeur que comme témoin d’une nord-américanisation médiatique en France, et revenons au réel latino-américain, plus que copieux.

Un mouvement irréversible

Le véritable événement du Sommet des Amériques 2015, ce n’est bien sûr pas une photo, fût-elle celle d’Obama-et-Castro. C’est l’irréversibilité du mouvement de fond entamé en 2001 sous l’impulsion de Chavez, Kirchner et Lula, lorsque fut enterré le Traité de Libre Commerce que voulaient imposer les États-Unis, le Mexique et le Canada. »Qu’il est loin ce décembre 1994, note la journaliste argentine Telma Luzzani, quand Bill Clinton annonçait que les pays du continent américain devraient tous faire partie de l’ALCA, un seul marché sans barrières ! » (7).

21 ans plus tard, une CELAC indépendante remplace une OEA sous influence de Washington; l’UNASUR demande aux États-Unis de retirer leurs bases militaires (8); l’Amérique Latine signe d’importants accords de coopération avec la Chine et les BRICS; la Banque du Sud est sur le point d’être inaugurée. Pour le politologue argentin Juan Manuel Karg, le fait que les États-Unis et le Canada refusent de signer le document approuvé à l’unanimité par les 33 chanceliers d’Amérique Latine et des Caraïbes souligne cette distance croissante entre Nord isolé et Sud unifié de l’Amérique (9).CCVbrl0WIAAHOHn.jpglarge-632x356

Même la tentative d’Obama d’affaiblir PetroCaribe en profitant de la baisse des cours du pétrole n’a pas fonctionné : c’est d’une voix pratiquement unanime que les États des Caraïbes ont salué les bienfaits économiques et sociaux du programme de solidarité énergétique lancé en 2005 par Hugo Chavez.

La propagande peut-elle arrêter l’Histoire ? C’est ce que que croit encore Paulo Paranagua qui avait promis aux lecteurs du “Monde” qu’”Obama arrivait en position de force face à une Amérique Latine divisée” (sic). La même obsession du contrepied lui avait fait écrire à la mort de Hugo Chavez que “celui-ci avait nui à l’unité latino-américaine” au moment précis où l’ensemble des gouvernements, y compris de droite, ainsi que des organismes d’intégration et des mouvements sociaux du continent saluaient “l’œuvre du principal artisan de l’unité latino-américaine”…(10)

Une dimension populaire invisible pour les médias

Il y a eu, aussi, cet immense contraste dont aucun média occidental n’a rendu compte : d’un côté la dialectique entre peuples et leaders progressistes d’Amérique Latine; de l’autre, la solitude des pouvoirs du Nord. Pendant qu’Eduardo Galeano accomplissait son dernier geste public en signant l’appel à abroger le décret d’Obama, à Caracas Evo Morales le signait aux côtés de Nicolas Maduro, face à des milliers de vénézuéliens.ag_8678142862650311-632x752pueblo en Caracas para apoyar la entrega de 10 millones de firmas contra el decreto Obama

Dès son arrivée à Panama, le président bolivarien est allé à la rencontre d’autres invisibles des médias: les familles des milliers de victimes massacrées par les soldats étasuniens lors de l’invasion de Panama le 20 décembre 1989. Dans le quartier martyr de El Chorrillo, Maduro a reçu du « même peuple » qu’à Caracas 2000 signatures de plus contre le décret Obama et une lettre des familles des victimes de l’invasion, qu’il a remise au président Obama.

Invasion de Panama en décembre 1989. Bilan : près de 5000 morts.

Invasion de Panama en décembre 1989. Bilan : près de 5000 morts.

Nicolas Maduro

CCPoaroUkAAeItEAu Sommet des Peuples organisé en parallèle à l’officiel, Maduro, Morales et Correa ont poursuivi leur dialogue avec les mouvements sociaux. “L’important n’est pas de voter tous les cinq ans, mais d’être tous les acteurs actifs des décisions politiques” a rappelé le président vénézuélien. Pendant ce temps, dans un couloir du Sommet des États, le président mexicain, qui mène dans son pays – avec l’appui en armement des États-Unis – une destruction systématique des mouvements sociaux (dont le massacre de Ayotzinapa n’est que la pointe émergée) s’offrait un selfie avec l’empereur de la transnationale Facebook.

11presidentes-632x430

L’Équateur.

Le président de l’Équateur, Rafael Correa, a été le premier à s’exprimer avec force, exigeant l’abrogation du décret Obama : « le décret pris par le président Obama contre le Venezuela, viole de manière flagrante le droit international, et plus précisément, la teneur de l’article 3 de la Charte de l’OEA. En réponse, les pays de la région ont massivement rejeté ce décret et ont également demandé son abrogation. Désormais, nos peuples n’acceptent plus les mises sous tutelle, les ingérences et les interventions dans leurs affaires intérieures ». Rappelant les morts du quartier El Chorrillo (1989) lors de l’intervention des USA destinée à chasser du pouvoir le dictateur Manuel Noriega – qu’ils avaient dans un premier temps imposé – Rafael Correa a relevé que « la mémoire collective des peuples de ce continent est saturée des abus et des ingérences».

Le Brésil.

La présidente en exercice Dilma Roussef a signalé  : « la dynamique en cours, des relations au sein de l’hémisphère, n’admet plus les mesures unilatérales et les décisions politiques qui sont prises sous le sceau du secret. Parce qu’en général, elles s’avèrent être contre-productives et inefficaces. Par conséquent, nous rejetons l’adoption de sanctions contre le Venezuela. Le contexte dans lequel ce pays frère évolue, requiert la modération, mais aussi le rapprochement des positions de toutes les parties concernées. C’est dans ce but, que l’Unasur travaille, afin d’appuyer le dialogue politique entre le gouvernement et l’opposition vénézuelienne. Nous nous employons également à faire en sorte que toutes les parties respectent les règles démocratiques inhérentes à l’État de droit. »

 

Cuba.

Raul Castro, président de Cuba a dit sous les applaudissements que « le Venezuela n’est pas et ne peut représenter une menace pour la sécurité nationale d’une super-puissance comme les USA. Il est bon que le président nord-américain l’ait reconnu. Je réaffirme notre soutien résolu et loyal à la République Bolivarienne sœur, du Venezuela, à son gouvernement légitime, à l’union civico-militaire dirigée par Nicolas Maduro. Mais aussi au peuple bolivarien et chaviste qui lutte, tout en suivant sa propre voie ; qui fait face aux tentatives de déstabilisations, aux sanctions unilatérales dont nous réclamons la levée. »

Raul Castro a conclu en demandant «l’abrogation du décret – même si c’est difficile légalement – que notre communauté interprèterait comme une contribution au dialogue et à la compréhension mutuelle au sein de notre hémisphère. Nous savons ce qui se passe…il est également probable que de tous les pays réunis ici, c’est nous qui comprenions le mieux le processus en cours au Venezuela. Il en est ainsi, non pas parce que nous cherchons à nous immiscer, non pas parce que nous nous efforçons d’exercer notre influence, sur le cours des choses. Il en est ainsi non pas parce qu’on nous rapporte tout ce qui se déroule là-bas. Nous savons tout cela, car nous sommes passés par les mêmes épreuves que le Venezuela en ce moment. Et il est en train de subir des agressions identiques à celles dont nous avons eu à souffrir ! En tout cas une bonne part d’entre elles.»

 

L’Argentine.

Pour sa part, la présidente de l’Argentine, Cristina Fernandez de Kirchner, s’est prononcée d’une manière forte contre les sanctions prononcées par Obama : « Il est honteux que le déroulement de ce Sommet soit entaché par cette décision. Nous demandons de conserve avec les autres pays frères, que ce décret soit écarté. Toutefois, je n’en appellerai pas à la souveraineté, et ne verserai pas non plus de larmes. Je m’appuierai sur le bon sens. Le général Perón disait que l’on peut revenir de tout, sauf du ridicule. Et il est absolument ridicule de considérer que l’un d’entre nous, constituerait une menace. Je suis par ailleurs satisfaite de participer en ma qualité de présidente à la dernière réunion de ce sommet, car il s’agit d’un événement historique. Pour la première fois en effet, le Sommet des Amériques reçoit Cuba »

Il faut préciser que lors de cette intervention, Obama avait déjà quitté la séance plénière.

« Nous en étions là, quand survint soudainement la nouvelle de la signature de ce décret, déclarant que la République Bolivarienne sœur du Venezuela, représentait une menace pour la sécurité des USA. Je dois vous avouer qu’à l’écoute de cette annonce, je me suis dit : il y a une erreur. Ils doivent vouloir dire qu’ils ne sont pas d’accord avec la politique menée ; qu’ils condamnent cette politique. Mais non. On m’a remis le document. Une menace pour la sécurité des États-Unis. La première réponse qui me soit venue à l’esprit, n’a pas été une flamboyante répartie anti-impérialiste. J’ai éclaté de rire. Il est hautement improbable -cela frise le ridicule- que le Venezuela ou l’un des pays de notre continent puisse représenter une menace pour la première puissance du monde ».

« Au-delà de l’idée que nous nous faisons des USA, on ne peut manquer de reconnaître que ce pays est la plus grande puissance sur les plans militaire, économique, financier et scientifique. Il est pourvu d’un budget militaire s’élevant à 640 milliards de dollars. Dans ces conditions, les États-Unis devraient combattre d’une manière effective le narcotrafic et l’immigration illégale ». La présidente a comparé ce budget militaire à celui du Venezuela qui y consacre quant à lui, « 1 ou 2 milliards de dollars, voire un peu plus ». Cristina Fernandez de Kirchner a questionné : « comment concevoir que le Venezuela représente une menace pour la plus grande puissance du monde ? ».

Elle a également rappelé, qu’Obama lui-même se vantait devant ses compatriotes que son pays était le plus puissant de la planète ; que son budget militaire dépasse de 20 fois celui de l’Iran.

« Personne ne peut croire à cette menace du Venezuela. Tout comme personne ne peut envisager que l’Argentine représenterait une menace pour le Royaume-Uni ». Elle se référait ici à cette revendication historique de l’Argentine qui réclame la souveraineté sur les Iles Malouines (enjeu d’un affrontement militaire entre les deux pays en 1982). « J’ai été frappé par la similitude et la simultanéité de ces deux prises de position », a-t-elle conclu.

 

Trinidad et Tobago.

De même, Madame Kamla Persad-Bissessar, le premier ministre de Trinidad y Tobago a fait observer que la célébration de l’accueil de Cuba à ce Sommet des Amériques, coïncide avec la signature du décret visant le Venezuela.

« Président Maduro, je demande qu’une fois encore, nous élevions collectivement et individuellement notre voix. En tant que nations de la région, nous nous devons d’élever notre voix contre ce décret, dont vous nous avez rappelé qu’il existe un précédent, qui a été suivi d’une invasion. Bien que ce décret n’a pas été accompagné d’une déclaration de guerre, ou de tout acte du même genre, cette initiative nous inquiète au plus haut point ».

« Je souhaite ajouter que lorsque les  »éléphants » se mettent à jouer et à danser, c’est l’herbe qu’ils foulent qui en pâtit. Nous autres au Caricom, sommes nous cette « herbe menue ?» Nous sommes de petits pays, très soucieux de leur indépendance, et très en faveur de la démocratie et de la primauté du droit. Il en résulte que nous croyons à la souveraineté des nations, c’est pourquoi nous sommes avec vous, Président Maduro. En défense de votre souveraineté, de votre droit à l’autodétermination. Mais aussi pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Par ailleurs, je demande que tout le monde autour de cette table, en parle et croit en cela. Il faut faire ce que nous avons à faire, dès maintenant, et agir de notre mieux, afin d’aboutir à l’élimination de ce décret ».

Kamla Persad-Bissessar a également souligné que tous les pays membres de la Celac (Communauté d’États latino-américains et caraïbes) ont signé la demande d’abrogation de ce décret ; que la Caricom (Communauté caribéenne) est constituée de 14 des 33 nations faisant partie de cette organisation. Le Sommet des Amériques réunit quant à lui, 35 nations, à quoi il convient d’ajouter les USA et le Canada : « 33 d’entre elles ont déclaré que le décret était inutile et qu’il devait être retiré. Nous travaillons dans ce sens. Caricom a du poids: presque la moitié des pays constituant la Celac et le Sommet des Amériques. Ainsi donc, bien qu’étant de petits pays, nous nous faisons entendre parce qu’en la matière, nous sommes unis ».

 

La Bolivie.

Le président bolivien, Evo Morales a prononcé un discours fortement anti-impérialiste. A trois reprises, il a soulevé la question du décret de Barack Obama visant le Venezuela. « Aujourd’hui, ce sont nos peuples qui écrivent l’histoire. Sur le plan politique, économique et militaire, notre Amérique latine et les Caraïbes, ont longtemps été prises en otage par l’Empire, en vertu de la doctrine Monroe nord-américaine :  »L’Amérique aux Nord-américains ». Nous ne voulons plus de Monroe sur notre continent. Nous ne voulons plus de doctrine Truman, plus de doctrine Reagan, plus de doctrine Bush. Nous ne voulons plus de décrets présidentiels, plus d’ordres de l’exécutif, qui déclarent que nos pays représentent une menace. Nous ne souhaitons plus être mis sous surveillance, que nos téléphones soient piratés, que l’on séquestre des avions présidentiels. Nous voulons vivre en paix. Laissez-nous vivre en paix ! »

« De quelle démocratie parle-t-on, lorsque l’on transforme un peuple révolutionnaire tel que celui du Venezuela, en une menace pour la sécurité nationale ? Le peuple vénézuelien, tout comme ceux de l’Amérique latine et des Caraïbes, ne représentent une menace pour quiconque. La solidarité, la justice, l’égalité, les idées, sont nos seules armes. Nous luttons pour que nos concitoyens puissent jouir d’une vie décente, digne d’un être humain. Selon cette logique, tous les gouvernements d’Amérique latine représentent une menace évidente pour la sécurité des USA ! La menace qui pèse sur les USA, ne provient d’aucun des peuples de l’Amérique latine. Elle est le résultat de leurs propres erreurs, de leur condition d’empire et de leur capacité à déclencher partout des guerres, là où la paix devrait régner ».

Evo Morales a également dénoncé le fait « qu’il n’est pas possible pour eux (les USA) d’expulser du Sommet, l’ensemble de nos mouvements sociaux. 33 pays appuient le Venezuela, et qu’un ou deux pays appuient le décret qui menace non seulement le Venezuela, mais aussi toute l’Amérique latine et les Caraïbes. Sœurs et frères : puisque les USA sont l’une des plus grandes puissances du monde, alors je prie le Président Obama de faire en sorte que l’Amérique soit un continent de paix et de justice sociale. Président Obama, si vous considérez être le dirigeant d’une puissance planétaire, je vous demande de protéger la Terre Mère, pour que l’Humanité puisse être sauvée ».

 

L’Uruguay.

Le président uruguayen Tabaré Vasquez a condamné la menace latente que les USA font planer sur le droit à l’auto-détermination des peuples de l’Amérique latine et des Caraïbes. Il a également prôné le respect des principes garantissant la pleine expression du droit international, tout en exigeant la non ingérence dans les affaires intérieures des pays. Il a aussi émis le vœu que l’on travaille au règlement pacifique des différends.

Tabaré Vasquez a par ailleurs précisé qu’il était impossible de ne pas inclure à l’ordre du jour de cette assemblée plénière, l’agression commise contre la souveraineté du Venezuela, faisant suite à la signature du décret pris par le président des USA, Barack Obama, le 9 mars dernier. « Pour le dire brièvement et clairement : comme nous l’avons d’ores et déjà exprimé à l’occasion de rencontres bilatérales ou multilatérales -UNASUR et OEA- nous rejetons le décret du Gouvernement des États-Unis, ce qui illustre bien notre engagement en faveur du plein respect du droit international, du règlement pacifique des différends, mais aussi du principe de non ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays ».

Tout en soulignant qu’en absence de discussion, il n’y aura pas d’issue possible, le président Vasquez a précisé : « Pour le Venezuela, nous appelons au dialogue, toutes les parties en présence ». Le président uruguayen a réitéré son appel à ce que les gouvernements s’abstiennent d’appliquer des mesures coercitives et unilatérales, qui contreviennent au droit international. Il a aussi rendu hommage au rétablissement des relations entre Cuba et les USA, la participation de l’île à ce Sommet en étant l’une des manifestations : « Il convient également de le garder à l’esprit. Nous saluons la présence de Cuba à ce Sommet, dont elle n’aurait jamais dû être absente ». Vasquez s’est également félicité de l’ouverture d’un dialogue de paix entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Des conversations qui se déroulent depuis 2012, à la Havane.

Le Salvador.

Le président salvadorien, Salvador Sanchez Ceren, a réclamé l’abrogation du décret signé par le président Obama, le 9 mars dernier. « Je ne peux manquer de noter » a-t-il dit, « que les récentes mesures récemment prises par les USA contre le Venezuela, ont aggravé les tensions entre les deux nations. Ces mesures ont également un impact sur le climat de paix et de concorde, que nous promouvons en Amérique latine. Il est important de se rappeler que tout au long de notre histoire, aucune des mesures unilatérales prises par un État contre un autre n’a résolu quoi que ce soit. Bien au contraire, les problèmes se sont approfondis. Par conséquent, en vertu de ce constat, et invoquant le principe de l’auto-détermination des peuples, nous considérons que le décret récemment pris contre le Venezuela devrait être annulé ». Le président a par ailleurs fait ressortir la participation de Cuba à ce Sommet, pour la première fois depuis son exclusion de l’OEA en 1962.

« Pour la première fois, tous les pays de l’Hémisphère sont réunis, pour atteindre un objectif commun, et travailler conjointement pour le bien-être de nos peuples ». Le président a également salué les progrès accomplis par l’île et le Gouvernement des États-Unis, en vue du rétablissement des relations diplomatiques entre les 2 pays. Et ce, après 50 années d’hostilités entretenues par les USA contre Cuba.

Antigua y Barbuda.

Le premier ministre d’Antigua y Barbudo, Gaston Browne, a condamné samedi le décret pris par le président des États-Unis Barack Obama, par lequel il déclare que le Venezuela représente « une menace » pour la sécurité nationale, et la politique étrangère de son pays. Une action qui a été condamnée par nombre de gouvernements et d’organisations d’intégration dans le monde. Il s’est également félicité du rétablissement des relations entre les USA et Cuba, et de la participation à ce Sommet, de cette île des Caraïbes. G Browne a appelé les pays de l’hémisphère à travailler de manière conjointe, pour lutter contre la pauvreté et offrir des emplois décents à tous ceux qui font partie de ce continent. « Continuons à travailler ensemble, solidairement, pour le progrès des peuples de cet hémisphère » a-t-il conclu.

Le Nicaragua.

Le président du Nicaragua, Daniel Ortega a observé que le décret pris par le président des États-Unis, Barack Obama contre le Venezuela, a mis à mal le consensus qui aurait pu conduire à la déclaration finale de ce VIIème Sommet des Amériques (Panama), rassemblant 35 nations du continent.

« Qui est le provocateur ? Les USA. Qui a fait du mal à ce Sommet ? Les USA. Pourquoi ce Sommet ne se termine-t-il pas, par une déclaration finale ? A cause des USA. Qui a fait du mal à ce Sommet en focalisant sur lui, les préoccupations politiques de ce Sommet ? C’est le décret. Par conséquent, ce dernier a empêché d’aboutir à tout accord sur une résolution commune. »

Le président a dédié une grande partie de son discours à l’énumération des nombreuses interventions et invasions visant les pays de l’Amérique centrale, dont les USA ont été les auteurs. Il a par ailleurs écarté l’hypothèse selon laquelle ces dernières se justifiaient du fait de la Guerre Froide, parce que la plupart ont été perpétrées, bien avant la création de l’Union soviétique. Il a précisé que le décret d’Obama est alarmant parce qu’il se situe dans le droit fil de ces ingérences et interventions.

Daniel Ortega a aussi rappelé les propos du président du Panama, Juan Carlos Valera : 97% du document final résultent d’un consensus sur les aspects économiques, sociaux et autres thèmes abordés. Toutefois, les 3% restant, relatif au volet politique ont été rejetés par les USA. Le président du Nicaragua a également insisté sur le fait que le décret Obama remettant en cause la souveraineté du Venezuela, est un coup porté à l’Amérique tout entière.

Il a en outre observé que le rétablissement des relations entre Cuba et les USA, peut être interprété comme un geste d’Obama. « Indubitablement, toute l’Amérique latine se sent concernée par ce geste. (…) Cependant, les USA se retournent maintenant contre le Venezuela, au prétexte que ce ne serait pas un pays  »démocratique ». Un pays dans lequel se sont déroulées 20 consultations électorales, ne serait pas une démocratie ? Le Venezuela incarne désormais le mal. On tend la main à droite, et l’on porte un coup à gauche ».

 

San Vicente et las Granadinas

Ralph Gonsalves, premier ministre, a exprimé sa préoccupation “face aux actions exécutives qui traitent la République du Venezuela comme une menace, et face aux sanctions, qui marquent un continuel manque de respect pour l’autonomie de ce pays. La situation qui menace le Venezuela nous menace tous. Le Venezuela a été et reste un partenaire, un ami, un pays qui a travaillé pour la paix et l’intégration entre toutes les nations d’Amérique. Caractériser le Venezuela comme une menace ou Cuba comme pays pro-terrroriste, sont des mensonges”.

Les blocus et les décrets sur des menaces attentent contre notre idéal de prospérité, de développement conjoint et de collaboration que nous appuyions ici , où nous avons besoin de respect et de dialogue”.

Jamaïque

Portia Simpson-Miller, premier ministre : “Les accords offerts par le gouvernement du Venezuela à travers Petrocaribe sont un des meilleurs exemples de coopération nord-sud et résument bien l’esprit de ce sommet : prospérité avec équité. Nous voudrions profiter de cette occasion pour remercier une fois de plus le président Maduro pour cet appui continuel apporté par le Venezuela à notre pays”.

Haïti

Michel Martelly, président : “Je voudrais profiter de cette tribune pour rendre un grand hommage au peuple et au gouvernement du Venezuela, en particulier au président Maduro, et lui donner nos remerciements pour l’alliance et la solidarité exprimées concrètement travers des programmes comme PetroCaribe initié par feu le Président Hugo Chávez Frías. Ce programme dont bénéficient une grande majorité de peuples des Caraïbes et de l’Amérique centrale, constitue une aide inestimable pour le peuple d’Haïti, sans lui nous n’aurions pas été en mesure de faire face à des besoins fondamentaux”.

Thierry Deronne, Caracas, 15 avril 2015

Traduction des interventions des chefs d’État : Jean-Marc del Percio

Notes :

(1) « Courrier International », le produit offshore du « Monde », 18 février 2015, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/18/courrier-international-le-produit-offshore-du-monde/

(2) Thomas Cluzel ou l’interdiction d’informer sur France Culture, 12 mars 2015, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/03/12/thomas-cluzel-ou-linterdiction-dinformer-sur-france-culture/

(3) C’est selon la loi ce que devrait faire le CSA en France. Il est vrai que malgré quarante ans de théorie critique des médias, la gauche occidentale n’a pas eu le courage de passer à la pratique et de démocratiser la propriété des médias.. hâtant ainsi sa propre disparition.

(4) Voir à ce sujet l’étude du conseiller parlementaire espagnol José Manuel Fernández (Izquierda Unida) : “Prisa por el Golpe”, http://www.ehu.eus/mediaberri/00tik10arte/08%20Astea/Investigaci%F3n%20realizada%20IU%20venezuela.htm

(5) “Diplomatie : une poignée de main historique entre Obama et Castro”, http://www.courrierinternational.com/article/diplomatie-une-poignee-de-main-historique-entre-obama-et-castro

(6) Sur ce coup d’État, lire le récit d’Ignacio Ramonet, La tentative de coup d’Etat contre le Venezuela, 7 mars 2015, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/03/07/la-tentative-de-coup-detat-contre-le-venezuela-par-ignacio-ramonet/

(7)  “EE.UU ya no marca la agenda”, http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-270363-2015-04-12.htmlTelma Luzzani

(8) L’UNASUR exige des États-Unis qu’ils retirent leurs bases militaires d’Amérique Latine 5 avril 2015, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/04/05/lunasur-exige-des-etats-unis-quils-retirent-leurs-bases-militaires-damerique-latine/

(9) Les États-Unis ont motivé leur refus par leur désaccord avec six points : le transfert de technologies sans conditions, le combat contre le changement climatique, la reconnaissance de la santé comme droit humain, l’accès sûr et fiable aux technologies de l’information et le respect de la privacité, et l’annulation du décret Obama contre le Vénézuela. Lire aussi de Juan Manuel Karg, América Latina después de Panamá, http://alainet.org/es/articulo/168918

(10) Lire « L’Amérique Latine et les Caraïbes saluent le principal artisan de l’unité continentale », par Maurice Lemoine, https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/12/lamerique-latine-et-les-caraibes-saluent-le-principal-acteur-de-lunite-continentale-par-maurice-lemoine/

Interventions des chefs d’État collectées par Luigino Bracci :  http://albaciudad.org/wp/index.php/2015/04/cumbre-americas-rafael-correa-dilma-rousseff-evo-morales-cristina-fernandez-rechazan-orden-ejecutiva-obama/

 

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1RP

L’unité latinoaméricaine comme projet historique

Monica Bruckmann

Monica Bruckmann

La plupart des journalistes occidentaux ignorant le mouvement historique incarné récemment par l’inauguration du siège de l’UNASUR en Équateur, puis par le sommet de la CELAC (Communauté des États Latinoaméricains et des Caraïbes) avec la Chine et son plan d’investissements massifs pour 2015-2019, nous livrons l’éclairage de Monica Bruckmann, Docteur en science politique, professeure du Département de Science Politique de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro et Directrice de Recherche de la chaire UNESCO sur l’Économie globale et le Développement Durable.

Siége de l?UNASUR, inauguré en Équateur le 5 décembre 2014

Siége de l’UNASUR, inauguré en Équateur le 5 décembre 2014

Inauguration du siège de l’UNASUR en Équateur (5 décembre 2014) en présence notamment des chefs d’État Horacio Cartes (Paraguay), Dési Bouterse (Surinam), José Mujica (Uruguay), Dilma Roussef (Brésil),Cristina Fernandez (Argentine), Rafael Correa (Équateur), Juan Manuel Santos (Colombie), Evo Morales (Bolivie), Nicolas Maduro (Venezuela), Michele Bachelet (Chili) ainsi que d’Ernesto Samper, ex-Président de la Colombie et Secrétaire Général de l’organisme.

Inauguration du siège de l’UNASUR en présence notamment des chefs d’État Horacio Cartes (Paraguay), Dési Bouterse (Surinam), José Mujica (Uruguay), Dilma Roussef (Brésil),Cristina Fernandez (Argentine), Rafael Correa (Équateur), Juan Manuel Santos (Colombie), Evo Morales (Bolivie), Nicolas Maduro (Venezuela), Michele Bachelet (Chili) ainsi que d’Ernesto Samper, ex-Président de la Colombie et Secrétaire Général de l’organisme.

La conjoncture latinoaméricaine contemporaine est marquée par de grandes avancées dans les projets et processus d’intégration régionale (1). C’est la première fois dans l’histoire que la région a une densité diplomatique aussi dynamique, un ensemble si vaste et divers de mécanismes d’échange et d’action politique conjointe. À la dynamique complexe d’intégration des nations, se joint également l’intégration des peuples et des mouvements populaires, avec un pouvoir croissant de pression sociale et de participation à l’élaboration des politiques publiques qui reflète l’affirmation du mouvement démocratique. Dans ce contexte, il est un principe qui demande toujours plus de centralité, c’est celui de la souveraineté, comme la capacité d’autodétermination des États, des nations, des peuples et des communautés.
Le débat actuel autour de l’intégration régionale et de ses perspectives possède de forts antécédents qui montrent la profondeur de l’unité latino-américaine comme projet historique. Sans nous attarder plus longuement sur le développement de ces antécédents, nous cherchons à présenter quelques exemples de ce qui constitue les bases doctrinaires de l’actuel processus d’intégration régionale. Cette approche montre surtout, les limites d’une tentative de conversion de ce processus d’intégration en un simple échange commercial.

Intégration régionale et projet stratégique

La géopolitique de l’intégration régionale latino-américaine est profondément affectée par une dispute des intérêts entre le projet hégémonique des États-Unis, exprimé dans une stratégie complexe de domination et d’appropriation des ressources naturelles considérées ’« vitales », ce qui convertit l’accès à ces ressources, qui se trouvent essentiellement hors du territoire continental et d’outre-mer des États-Unis, en un sujet de « sécurité nationale » pour ce pays. D’autre part, des processus d’intégration régionale se développent hérités des luttes continentales pour l’indépendance pendant le 19ème siècle, qui rencontrent dans la rénovation du bolivarianisme un projet d’affirmation souveraine qui a avancé et s’est approfondi au cours des dernières années.
Cependant, le renforcement de l’intégration régionale exige une nouvelle vision stratégique élaborée à partir d’une vaste discussion sur la dynamique et les tendances du système mondial, l’émergence des nouvelles puissances à l’échelle globale, et le développement d’une vision géopolitique qui articule les intérêts en jeu et la conformation de nouvelles territorialités à partir d’un grand mouvement social du ’« bas vers le haut ». Ce moment d’élaboration de la pensée régionale a pour défi la construction d’une stratégie de réappropriation sociale des ressources naturelles et de leur gestion économique et scientifique, ce qui exige une rediscussion approfondie de la notion-même de développement, du concept-même de souveraineté et de la position de l’Amérique Latine dans la géopolitique mondiale.
L’analyse des diverses dimensions qu’implique la dispute globale pour les ressources naturelles considérées stratégiques, requiert un bilan de l’histoire mondiale récente qui a pour aspect fondamental, l’émergence de la Chine. La nouvelle centralité de la Chine dans l’économie et la politique mondiale nous conduit à souligner l’importance de l’approche de longue durée (du point de vue Braudélien) et des processus de civilisation dans la construction des instruments théorico-méthodologiques pour l’analyse de la conjoncture. Dans ce contexte, et avec une approche qui s’efforce de capturer la complexité du monde contemporain, la question stratégique transcende largement le cadre de la politique de sécurité et de la défense nationale, pour s’insérer dans l’analyse des processus historiques de longues durées et de la dimension civilisatrice des visions stratégiques.
L’Amérique Latine a, en relation avec la Chine, une opportunité historique de développer une coopération stratégique à long terme, visant à rompre la relation de dépendance qui marqua son insertion dans le système mondial. Il convient à la région de profiter de cette opportunité ou de reproduire la logique de la dépendance et la dynamique d’exportation des matières premières à faible valeur ajoutée, qui a pour base la logique de ce qu’on appelle l’extractivisme, qui étranger à tout projet national, restreint notre horizon économique aux intérêts des économies centrales et des entreprises transnationales qui deviennent les agents économiques de ces intérêts.

Forum CELAC-Chine, les 8 et 9 janvier 2015 à Beijing

Forum CELAC-Chine, les 8 et 9 janvier 2015 à Beijing

De l’hégémonie unipolaire à l’hégémonie partagée

Pendant la dernière décennie, le débat théorique et politique a été profondément marqué par la crise de l’hégémonie unipolaire et par la configuration d’un espace global avec hégémonie partagée, ou multipolaire. L’importance économique et politique croissante des puissances émergentes, ceux que l’on nomme « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine et, récemment, Afrique du Sud), posent des éléments nouveaux afin de repenser la dynamique économique et politique d’un monde multipolaire, où les processus et projets d’intégration régionale se convertissent en mécanismes nécessaires pour la compartimentation du pouvoir mondial et régional et pour le renforcement des projets de développement par et pour le Sud.

img_31901correa-maduro_china

Les présidents Nicolas Maduro (Venezuela) et Rafael Correa (Équateur) en Chine les 5 et 6 janvier 2015

La collaboration sud-sud puise son inspiration plus profonde dans l’affirmation de la lutte anti-coloniale du tiers monde et dans l’apparition des pays non-alignés. La Conférence de Bandung, qui s’est tenue en avril 1955, représenta un des moments les plus importants de ce processus. Ce rassemblement, auquel participèrent 23 pays asiatiques et 5 africains, se nourrit des principes de la lutte anti-coloniale et anti-impérialiste, élaborant un vaste appel d’autodétermination et de développement des peuples basé sur la solidarité et la coopération économique et culturelle et cherchant à créer un espace politique indépendant quant aux blocs militaires et la confrontation entre États-Unis et l’Union Soviétique durant la période de la Guerre Froide. Le thème principal était porté sur les luttes nationales pour l’indépendance, l’éradication de la pauvreté et le développement économique, au travers des organisations régionales et des politiques économiques de coopération entre les pays du tiers monde.

Sommet de Bandung (1955)

Sommet de Bandung (1955)

L’esprit de Bandung a permit de créer un vaste consensus entre les principaux leaders et les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine par rapport à l’affirmation de la paix et les principes de coexistence pacifique, à un moment où le monde vivait une situation d’extrême tension et de menace de guerre : l’invasion du Guatemala organisée par les États-Unis pour renverser le président Jacobo Árbenz, le déplacement de la Septième Flotte des États-Unis vers la mer de Chine, la substitution des troupes françaises par les troupes états-uniennes dans la région sud du Vietnam, après la défaite française à Dien Bien Phu en 1954 et la guerre de Corée (1950-1953).
Les cinq principes de coexistence pacifique, proposés par le premier ministre chinois Chou En-lai et ratifiés par le premier ministre hindou Jawaharlal Neru en 1954 : pas d’agression, pas d’intervention dans les affaires internes d’autres États, égalité et avantages mutuels et coexistence pacifique, ont été repris par la Conférence de Bandung comme partie des dix principes généraux, qui incluaient :
  • le respect des droits fondamentaux en accord avec la Charte de l’ONU de 1948
  • respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de toutes les nations
  • reconnaissance de l’égalité de toutes les races et nations, indépendamment de leur taille
  • pas d’intervention et ni d’ingérence dans les affaires internes d’autres pays
  • respect des droits de chaque nation à se défendre, individuellement ou collectivement en accord avec la Charte de l’ONU
  • refus de participer aux préparatifs de défense destinés à servir les intérêts particuliers des superpuissances
  • abstention de tout acte ou menace d’agression ou emploi de force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’autres pays
  • solution pacifique des conflits internationaux, en accord avec la Charte de l’ONU
  • encouragement des intérêts communs de coopération
  • respect de la justice et des obligations internationales
Le Mouvement des non-alignés a donné du contenu diplomatique, aux Nations Unies, à ses lignes d’action. Sous influence latino-américaine se créé la United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD). Émergent également des expressions radicales de la lutte politique révolutionnaire, comme l’organisation Trilatérale, qui se crée à La Havane, en 1973. L’émergence de gouvernements comme celui de Velasco Alvarado au Pérou, de Juan José Torres en Bolivie, de Omar Torrijos au Panamá, de Salvador Allende au Chili, et le retour d’Eva Peron en Argentine, conduisent à des initiatives de l’État qui s’expriment dans la transformation de la ALALC en ALADI (Association Latino-américaine d’Intégration). Le Système Économique Latino-américain et de la Caraïbe (SELA) est également créé en 1975, destiné à l’étude de l’intégration régionale et à la formulation de ses politiques. Cependant, l’organisation interétatique la plus forte se créé en 1960 avec l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). Dans le même temps, le vote de la « Charte des Droits et Devoirs Économiques des États », en 1972, promue par le président mexicain Luis Echeverría, consacre les principes du non-alignement aux Nations Unies.
Les initiatives internationales qui forment partie de cette offensive du tiers monde sont diverses, qui voit dans la victoire de la révolution vietnamienne et la libération du Laos et du Cambodge une épopée de la lutte anti-impérialiste mondiale. La réponse du centre impérial à cette offense commence à s’articuler autour de la formation de la Commission Trilatérale (Trilateral Commission) en 1973, qui réunit les États-Unis, l’Europe et le Japon avec pour stratégie la récupération du pouvoir mondial. Cette stratégie atteindra ses résultats dans la décennie de 1980, pendant les gouvernements de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, et s’exprime dans l’établissement de l’hégémonie de la pensée unique qui réussit, à transformer le Glanost et la Perestroika, commencées par les soviétiques, grâce à dissolution de l’Union Soviétique.
Pendant la décennie de 1990 débutent de forts mouvements de restructuration de l’offensive des gouvernements et des mouvements du tiers monde, qui voit dans la réussite économique de la Chine et de l’Inde et, en partie, du Brésil au début du 21ème siècle, une recherche de formes institutionnelles qui expriment cette nouvelle situation.
Si dans la décennie de 1970 se créa le Groupe des 7 principaux pays développés (G7), dans les années 2000, en plus de l’incorporation de la Russie, sont inclus également plusieurs pays émergents composant le groupe des 20 (G20). Le principe de l’hégémonie partagée est ainsi consacré comme successeur des désastres causés par la politique de l’unilatéralisme qui a été imposée avec le gouvernement de Bush fils.
L’héritage historique des luttes du tiers monde se révèle de grande utilité pour une stratégie d’affirmation d’un système multipolaire et pour orienter, d’un point de vue stratégique, le processus d’intégration latino-américaine et son impact sur la géopolitique mondiale contemporaine.

unasurr-620x264

Sommet de l’UNASUR en Équateur (5 décembre 2014)

L’Amérique Latine et la construction de l’unité continentale

Dans le même temps, l’Amérique Latine vit un processus à travers duquel la diplomatie régionale acquiert une densité inconnue jusqu’alors. Un ensemble de nouvelles articulations se traduisent en institutions sous-régionales, régionales et continentales, qui transforment le processus d’intégration en une réalité complexe qui implique des chefs d’État, ministères des relations étrangères et diverses autres agences nationales, qui en même temps, est accompagné d’un processus d’intégration des peuples et des mouvements sociaux, incluant les syndicats et les mouvements des agriculteurs et des étudiants qui avaient déjà une certaine tradition de l’intégration régionale.
Quant aux sciences sociales, un processus croissant d’intégration régionale s’est développé avec de nouvelles institutions d’étude, des universités et des réseaux académiques qui permettent d’avancer vers l’étude de la problématique régionale, en renforçant une vision d’ensemble. Peut-être que certains des exemples les plus remarquables de ce processus sont le Conseil Latinoaméricain de Sciences Sociales (CLACSO), dont la première session s’est organisée à Lima, en 1968 ; ou la Faculté Latinoaméricaine de Sciences Sociales (FLACSO), qui se créé en 1954, au Chili, et ensuite, s’étend à l’Argentine, au Mexique, au Brésil, à l’Équateur et à l’Amérique Centrale.
images
Dans le domaine de la recherche se sont créés, après la Commission économique pour l’Amérique Latine (CEPAL), le Centre Latinoaméricain et Caribéen de Démographie (CELADE), au Chili (1957) ; la Escolatina (master à l’université du Chili), dans le secteur de l’économie (Chili) ;l’Institut Latinoaméricain de Planification Économique et Sociale (ILPES) ; la Maîtrise Latinoaméricaine de l’Administration Publique de la Fondation Getulio Vargas, au Brésil ; le Conseil Supérieur Universitaire Centre-Américain (CSUCA), qui coordonne les universités de cette sous-région ; la Coordination des Universités du Cône Sud et, plus récemment, le Forum Universitaire du Mercosur (FOMERCO) et l’Université d’Intégration Latinoaméricaine (UNILA), qui a son siège dans la ville aux trois frontières, Foz de Iguaçu (Brésil). Parmi les diverses associations professionnelles qui se sont constituées au fil des dernières décennies se distinguent l’Association d’Économistes d’Amérique Latine et de la Caraïbe (AEALC) et l’Association Latinoaméricaine de Sociologie (ALAS). Cela montre que sont en train de se créer des conditions pour une intégration à long terme par l’intermédiaire d’un réseau d’institutions qui permettent la coopération et l’échange sur divers domaines de la connaissance.
Un bilan historique un minimum informé montre la densité croissante de l’intégration régionale, contrairement à ce que les défenseurs du panaméricanisme plaident, qui disqualifient systématiquement les avancées de ce processus.
Les parlements latinoaméricains du Mercosur, de la Communauté Andine, du Traité de Coopération Amazonienne, sont également des mécanismes de développement du processus d’intégration. Ce cadre institutionnel croissant ouvre le chemin pour le débat sur une stratégie commune sudaméricaine et latinoaméricaine, avec des possibilités de se convertir en des politiques concrètes. Le renforcement du Mercosur et la création postérieure de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) ; l’impact croissant sous-régional de la Communauté et Marché Commun de la Caraïbe, qui actuellement porte le nom de Communauté Caribéenne (Caricom) et plus récemment, la création de l’Union des Nations Suraméricaines (UNASUR) et celle de la Communauté d’États latinoaméricains et caraïbes (CELAC), sont l’expression de la densité croissante et du dynamisme de l’intégration régionale, contrairement à ce que les défenseurs du panaméricanisme plaident, qui disqualifient systématiquement les avancées de ce processus et qui persistent dans leurs tentatives visant à déstabiliser et affaiblir un projet historique d’unité des peuples de la région qui se révèle, en dernier ressort, comme un projet historique de longue durée.
Monica Bruckmann
Ce texte fait partie de la Revue Amérique Latine en Mouvement, Nº500 de décembre 2014 qui traite du thème « América Latina : Cuestiones de fondo »
Note :

Le BRICS, l’UNASUR et la CELAC dessinent une nouvelle carte du monde multipolaire

¨L'axe du mal¨pour les grands médias occidentaux tend à s'étoffer puisqu'il représente à présent près de la moitié de la population mondiale. De Cristina Fernandez à Evo Morales (premier rang) et de José ¨Pepe¨Mujica à Nicolas Maduro (second rang), l'Amérique Latine a rencontré les BRICS * à Fortaleza, du 14 au 16 juillet 2014. * (Brésil, Russie, Inde, Chine et  Afrique du Sud).

¨L’axe du mal¨ tend à s’étoffer puisqu’il représente déjà près de la moitié de la population mondiale… De Cristina Fernandez à Evo Morales (premier rang) et de José ¨Pepe¨ Mujica à Nicolas Maduro (second rang), l’Amérique Latine a rencontré les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Fortaleza (Brésil) du 15 au 16 juillet 2014.

¨On nous en parle depuis si longtemps, de la nécessité d’une ¨nouvelle architecture financière¨. Nous y voilà, enfin !¨ s’est exclamé Nicolas Maduro lors de la rencontre des chefs d’État latino-américains avec ceux du BRICS. ¨Avec notre Banque du Sud et celle du BRICS, nous pouvons enfin nouer des alliances pour nous développer et pour lutter contre la pauvreté, libérés du chantage du FMI, du dollar et des spéculateurs internationaux qui ont fait des dettes extérieures un mécanisme de domination. C’est pourquoi la lutte actuelle de l’Argentine est notre lutte à tous.¨ 

Par Alberto Cova

Caracas, 24 juillet AVN – Le « nouvel ordre mondial« , surgi des Accords de Bretton Woods qui ont établi les règles de l’échange financier global et ont mis en place l’hégémonie du dollar à perpétuité dans les transactions internationales est trop usé pour rester un paradigme de la domination planétaire. Le 22 juillet 1944, il y a exactement 70 ans, s’achevait la réunion dans un hôtel du New Hampshire dans laquelle les Etats-Unis firent prévaloir leurs intérêts devant les délégués de 44 pays et imposèrent la planche à billet illimitée du dollar pour remplacer l’or en tant qu’étalon de la valeur de chaque monnaie dans le monde. C’est là que sont nés le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, deux institutions qui, depuis lors ont fixé les normes de l’impérialisme économique et ont décidé du sort de peuples entiers. Mais la planète a changé pendant ces 7 décennies : le déclin des Etats-Unis et de ses satellites européens semble inévitable alors que le modèle hégémonique né de Bretton Woods est confronté à de nouvelles approches venues d’autres centres de pouvoir et d’alliances toujours plus vigoureuses entre des pays qui s’opposent aux directives élaborées par Washington pour son propre profit.

Alicia Barcena, secrétaire exécutive de la Commission Économique pour l'Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL, organisme de l'ONU)

Alicia Barcena, Secrétaire Exécutive de la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL, organisme de l’ONU)

Pendant que l’empire états-unien lutte encore contre les effets de l’explosion de la bulle spéculative de 2008 et que les pays d’Europe sont pris dans les crises sociales et les dysfonctionnements de leur monnaie unique, un groupe de pays émergents prend l’initiative de la création de deux organismes multilatéraux qui se substitueront aux tout-puissants FMI et BM dans une limite de compétence qui comprend, pour l’instant, la moitié de la population mondiale, 30% du produit intérieur brut global et 23% de la surface de la terre. Le groupe du BRICS (Brésil, Inde, Russie, Chine et Afrique du Sud) a décidé lors de son récent sommet au Brésil de créer une banque de développement (la New Development Bank, NDB) et un fonds de réserve (le Contingency Reserve Arrangement, CRA), qui rempliront les mêmes fonctions que celles pour lesquelles sont été créés le FMI et la BM, c’est à dire, mobiliser des ressources pour financer des projets d’infrastructure et servir de mécanisme préventif face à des épisodes de volatilité financière. Il s’agit de l’accord financier multilatéral le plus important depuis la création des institutions de Bretton Woods, selon Alicia Barcena, la secrétaire exécutive de la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL).

Chacune de ces institutions aura un capital de 100 000 millions de dollars pour ses tâches de financement de projets et de protection monétaire des pays signataires. « Le nombre croissant de crises qui ont été enregistrées au niveau mondial à partir des années 80 dans les pays développés et en développement (4 dans les années 70, 38 dans les années 80 et 74 dans les années 90) démontre que la volatilité et l’instabilité sont des maux endémiques qui se sont renforcés à cause de la globalisation financière croissante et que les pays développés sont aussi vulnérables face aux aléas des marchés financiers et de leurs effets de contagion que les pays en développement« , a dit Barcena en commentant les résultats de la réunion de Fortaleza.

Ainsi, on peut affirmer que l’accord BRICS pour la création d’une banque de développement et d’un fonds de réserve a des dimensions historiques. On peut dire la même chose des méga-contrats signés en mai par la Russie et la Chine pour la fourniture de gaz russe à Pékin pour un montant de 400 000 millions de dollars qui pourra être négocié en Yuans et en Roubles, abandonnant le dollar. Un des accords souscrits entre les géants d’Etat russe et chinois , Gazprom et CNPC, stipule la fourniture de combustible au pays asiatique pendant 30 ans tandis que l’accord entre la Banque de Chine et le VTB, le second groupe bancaire le plus important de Russie, envisage d’effectuer les paiements réciproques dans les devises nationales.

Un vent nouveau porteur d’idées sur le développement soutenable et inclusif souffle sur la scène mondiale, venant du BRICS et d’Amérique Latine, secoue les bases qui soutiennent l’ordre mondial dessiné en 1944 par les Accords de Bretton Woods. Le surgissement du BRICS comme moteur de l’économie globale à cause de ses taux soutenus de croissance élevée, remet en cause l’ordre financier établi depuis la Seconde guerre Mondiale. La nouvelle architecture financière globale d’un monde toujours plus multipolaire, n’aura plus le dollar comme centre de gravité et les institutions surgies des Accords de Bretton Woods n’exerceront plus le rôle de direction qui leur fut assigné et que les intérêts transnationaux se sont approprié.

Le BRICS étend son influence en Amérique Latine.

Le président équatorien Rafael Correa avec les dirigeants du BRICS

Le président équatorien Rafael Correa avec les dirigeants du BRICS et de l’UNASUR

Le 6° sommet des pays du BRICS qui a eu lieu au Brésil du 15 au 16 juillet a été suivi avec intérêt dans le monde entier, aussi bien par les Etats-Unis et d’autres pays riches qui parient sur l’affaiblissement de cette instance que par les nations qui voient dans le BRICS une alternative vers un ordre mondial plus démocratique et équitable.

Dans la réunion des présidents du bloc, on a débattu comme thème central, de « la croissance inclusive: solutions soutenables« , dans le but d’avancer dans le développement de politiques de croissance économique d’un point de vue social. Dans leur déclaration finale, les pays du BRICS ont déclaré qu’ils « continueront à donner un rôle important à la promotion du développement social et à contribuer à la mise en place d’un agenda international dans cette limite, sur la base de leur expérience dans la recherche de solutions aux défis de la pauvreté et des inégalités« . Ils appellent aussi instamment à conclure les négociations internationales sur le changement climatique par un accord légalement obligatoire de l’ONU sur le changement climatique en tenant compte des « responsabilités communes mais différentes et des capacités respectives« .

D’autre part, ils se sont engagés à établir un programme de travail pour conclure les négociations commerciales de la Ronde de Doha afin de construire un système commercial multilatéral ouvert, inclusif, non discriminatoire, transparent et basé sur des normes. Ils ont exprimé leur désaccord et leur sérieuse préoccupation avec le fait que le FMI n’a pas mis en place les réformes décidées en 2010 et ont demandé à la Banque Mondiale des structures de gouvernement plus démocratiques et un « renforcement de sa capacité financière« . Ils ont manifesté, de même, leur préoccupation pour l’impact négatif de l’évasion fiscale,de la fraude et de la planification fiscale transnationale agressive dans l’économie globale. « Les faits se sont chargés de mettre en évidence que le développement économique, la stabilité sociale, la concentration et la collaboration ainsi que la croissance conjointe des pays du BRICS qui représentent 42,6% de la population mondiale, concordent avec les tendances de l’époque marquées par la paix, le développement et la coopération, apportant comme bénéfices une économie mondiale plus équilibrée, une gouvernance globale plus efficace et des relations internationales plus démocratiques« , a déclaré le président de la Chine, Xi Jinping.

Dilma Roussef a dit que les accords signés prouvent la dimension historique de ce forum qui, lors de son 6° Sommet, a gagné en densité politique et en poids financier. « Les pays émergents continuent à être la force motrice de l’expansion globale et devraient continuer à l’être dans l’avenir« , a noté la présidente du Brésil. Le gouvernement d’Afrique du Sud s’est montré satisfait des résultats du 6° Sommet du BRICS et a indiqué que toutes les résolutions et toutes les déclarations adoptées lors du sommet l’ont été après des délibérations et des accords sur une base d’égalité.

Une géopolitique pour le développement.

Après le Sommet du BRICS qui a eu lieu à Fortaleza, les leaders des cinq économies émergentes se sont rendus à Brasilia, où ils ont rencontré les 11 présidents des pays latino-américains regroupés dans l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR). Les 16 élus ont discuté au Palais Itamaraty, siège de la chancellerie du Brésil, sur une feuille de route concernant : « La croissance incluante et solutions soutenables« . Plusieurs des présidents ont abordé le thème de la croissance inclusive, parmi eux la présidente chilienne, Michelle Bachelet, qui a appelé à travailler pour vaincre les inégalités afin d’obtenir un développement inclusif et soutenable. La chef de l’Etat argentine, Cristina Fernandez, a défendu « une réorganisation financière globale qui inclue les besoins de croissance, de production et non de destruction de l’emploi, l’abandon des sociétés qu’ont vécues depuis tant d’années les Américains du Sud. »

Le président Maduro à la plenière de l'Assemblée BRICS-UNASUR

Le président Maduro à la plenière de l’Assemblée BRICS-UNASUR

Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, considère cette rencontre entre le BRICS et l’UNASUR comme productive car elle initie une nouvelle géopolitique mondiale pour le développement, la prospérité et la paix des peuples. » « Nous avons proposé aussi une alliance de travail entre la Banque du Sud et la naissante Banque du BRICS qui ont le même but : une nouvelle architecture financière qui bénéficie au développement économique, et de conditions d’équité pour nos pays, en plus de promouvoir l’économie productive, créatrice de travail et de richesses. » Le président Maduro a indiqué que le Venezuela demandera au prochain sommet de l’UNASUR qui aura lieu en août à Montevideo qu’on désigne une commission pour s’occuper du travail en commun avec le BRICS. « Nous avons des processus convergents, nous allons faire tous nos efforts et nous allons mettre toute notre volonté politique pour que le BRICS et l’UNASUR commencent à marcher ensemble à partir de maintenant. » Il est important de souligner que la déclaration finale du 6° Sommet du BRICS met en avant « les processus d’intégration d’Amérique du Sud et en particulier, l’importance de l’UNASUR« . Avec une nouvelle géopolitique mondiale dans laquelle les Etats-Unis ne peuvent soutenir leur hégémonie économique, l’inter-relation UNASUR-BRICS ouvre un éventail de d’opportunités pour le développement de l’Amérique du Sud.

La Chine se rapproche de la CELAC.

Cristina Fernandez et

La présidente argentine Cristina Fernandez et le Président chinos Xi Jinping.

La présence du président chinois Xi Jinping au Brésil a servi à activer le Forum Chine-CELAC, une instance de contact multilatéral créée lors du II° Sommet de la CELAC, tenu en janvier dernier à La Havane (1), dans le but d’approfondir les relations de l’Amérique Latine avec le géant asiatique. A cette rencontre ont participé le président de la République de Chine, Xi Jinping et les élus qui composent le quatuor de la CELAC: celui du Costa Rica, Luis Guillermo Solis, actuellement président de l’organisme; celui de Cuba, Raúl Castro; celui de l’Equateur, Rafael Correa et le premier ministre d’Antigua et Barbuda, Gaston Browne. Y ont participé aussi l aprésidente hôtesse, Dilma Roussef, ses homologues du Venezuela, Nicolas Maduro, du Chili, Michelle Bachelet, d’Uruguay, José Mujica, de Colombie, Juan Manuel Santos, de la Guyana, Donald Ramotar et du Suriname, Désiré Bouterse.

Dans le document final, les présidents de la CELAC signalent qu’ils ont approuvé la création de ce forum en tenant compte de la croissance soutenue des relations politiques, commerciales, dans l’investissement, les sciences et la technologie, la culture, l’éducation et dans d’autres domaines, entre la République Populaire de Chine et les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes pendant ces 10 dernières années.

Le président Nicolas Maduro a souligné que cette réunion a ratifié les relations de respect entre « un géant du monde comme la Chine et nous, l’Amérique Latine et les Caraïbes, qui peu à peu, allons faire le chemin pour nous transformer tous ensemble en une région puissante« . Le président vénézuélien a indiqué qu’avant la réunion des chanceliers qui aura lieu en Chine en janvier 2015, « on doit établir des mécanismes pour accéder aux 20 000 millions de dollars de crédit pour le développement d’infrastructures que le président de la Chine a annoncés et aux 5 000 millions de dollars du fonds de Coopération Economique pour des projets de manufacture et de commerce. » La présidente du Brésil, Dilma Roussef, a indiqué que lors du forum Chine-CELAC, des accords en matière d’énergie, de défense, de transports et de technologie, ont été signés.

La tournée latino-américaine de Vladimir Poutine.

L’intention des pays du BRICS de se rapprocher de l’Amérique Latine pour connaître les processus de changement en marche dans la région a été manifestée aussi par la Russie, dont le président, Vladimir Poutine, a fait une tournée en Amérique Latine qui a compris des visites officielles à Cuba, en Argentine et au Brésil. A Cuba, Poutine a rencontré Raúl et Fidel Castro. Et à l’occasion de cette tournée, les entreprises d’Etat russes Rosnef et Zarubezhneft ont signé des accords commerciaux pour l’exploitation pétrolière en haute mer. En Argentine, Cristina Fernandez et Vladimir Poutine ont signé des accords de coopération en matière de communications, d’assistance juridique réciproque en matière pénale et de coopération dans l’utilisation de l’énergie nucléaire pacifique. La présidente Cristina Fernandez a souligné que son gouvernement a « un grand désir d’approfondir ses relations avec la Russie » alors que Poutine a qualifié de « stratégiques » les relations entre les deux pays.

La présidente du Brésil Dilma Roussef et le président russe Vladimir Poutine

La présidente du Brésil Dilma Roussef et le président russe Vladimir Poutine

Au Brésil, Dilma Roussef et Vladimir Poutine ont réaffirmé leur objectif de doubler la valeur du commerce bilatéral pour qu’il atteigne 10 000 millions de dollars par an. Poutine a proposé d’explorer la possibilité de négocier un accord de coopération entre l’Union des Nations Sud-américaines et l’Union Economique Euro-asiatique dont son pays fait partie avec la Biélorussie et le Kazakstan. Dans la capitale brésilienne, Vladimir Poutine a rencontré le président du Venezuela, Nicolas Maduro. Pendant leur rencontre, Poutine a souligné le rôle du leader de la Révolution Bolivarienne, Hugo Chavez, dans la construction de cette relation stratégique entre le Venezuela et la Russie et a approuvé une nouvelle ligne de crédit. Le président russe a rappelé son amitié avec le commandant Chavez et a manifesté son affection pour le peuple vénézuélien et le gouvernement que dirige Nicolas Maduro.

Xi Jinping à Caracas.

Après sa visite au Brésil, le président chinois Xi Jinping s’est envolé pour Caracas pour rencontrer son homologue vénézuélien Nicolas Maduro et discuter de projets d’investissement, principalement dans le domaine pétrolier. Nicolas Maduro et Xi Jinping ont participé à la clôture de la XIII° Commission Mixte de Haut Niveau Venezuela-Chine, mise en place dans le but de contrôler les avancées des projets bilatéraux. Cette instance est organisée en 5 sous-commissions: énergétique et minière, économico-commerciale, scientifique, technologique et aérospatiale, culturelle et éducative, agricole. Les deux présidents ont signé 16 des 32 accords bilatéraux signés en matière d’énergie, d’infrastructures, de finances, de technologie et d’aliments. La création d’une entreprise mixte qui se chargera de produire des produits chimiques pour l’agriculture et des fertilisants a été décidée. Des alliances ont été souscrites pour la production de ciment et la construction de nouvelles unités d’habitation dans le pays.

Un des satellites vénézuéliens lancés en 2012 à la suite d'un accord avec la Chine.

Un des satellites vénézuéliens lancés en 2012 à la suite des accords avec la Chine.

De même, a été décidée la création d’un nouveau satellite qui s’ajoutera aux 2 satellites, Simon Bolivar et Miranda, fabriqués et mis en orbite grâce à la coopération sino-vénézuélienne. Un autre des accords concerne le renouvellement d’une ligne de crédit de 4.000 millions de dollars qui iront au fonds Conjoint Chine-Venezuela, un mécanisme créé pour financer des projets d’infrastructures, de logements, de transport et de commerce.

Depuis 2001, date de création de la Commission Mixte de Haut Niveau Venezuela-Chine, 480 accords ont été souscrits, qui ont permis de réaliser 143 projets dans différents domaines d’association stratégique, projets qui permettent un développement partagé entre les deux pays. Le président Maduro a souligné que la Chine « ne fait pas peser une dette sur le pays, il s’agit d’un financement et pour cela, on fournit du pétrole. C’est une formule vertueuse qui permet un financement et ne crée pas de dettes lourdes comme cela arrivait du temps de la Quatrième République, en ces temps de pillage de la patrie. » « Nous injectons une nouvelle vitalité dans cette association stratégique complète Chine-Venezuela« , a déclaré le président chinois Xi Jinping lors d’une réunion avec le président de l’Assemblée Nationale, Diosdado Cabello.

Bref, l’Histoire prend un nouveau tournant.

Note : 

(1) Sur le IIème Sommet de la CELAC, voir https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/02/01/iieme-sommet-de-la-celac-a-la-havane-retour-en-force-de-lequilibre-du-monde-de-bolivar-et-de-marti/

Traduction Françoise Lopez

Source : http://www.avn.info.ve/contenido/brics-unasur-y-celac-dibujan-nuevo-mapa-multicéntrico-y-pluripolar

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1yN

(vidéos et photos :) Quarante jours à la rencontre des mouvements sociaux.

«Je salue notre dangereux ami… » (rires) «…Joao Pedro Stedile, du mouvement des sans terre». Là où d’autres chefs d’Etat évitent tout risque d’incident diplomatique, le nouveau président du Venezuela, élu le 14 avril 2013, préfère bousculer le protocole pour se réunir avec les mouvements sociaux. La signature le même jour d’accords majeurs de coopération avec la présidente du Brésil n’empêche pas Nicolas Maduro de dialoguer avec ceux qui critiquent l’abandon de la réforme agraire et les progrès de l’agro-business sous le mandat de Dilma Roussef. (1)maduro_darcy_ribeiro_brasilia

conversatorio_con_movimientos_sociales_en_la_universidad_de_brasilia

Réunion avec les mouvements sociaux à l’Université de Brasilia, Mémorial Darcy Ribeiro, 9 mai 2013

Ce 9 mai 2013 au mémorial Darcy Ribeiro – qui pour Maduro «fait partie des  hommes capables de transformer la conscience d’une époque» – c’est le porte-parole du Mouvement des Sans Terre, au nom des syndicats et collectifs présents, qui accueille le président vénézuélien. Le lutteur social rappelle que Chavez fut le premier à aller vers eux, à dénoncer les limites institutionnelles de l’État bourgeois en vigueur depuis trois siècles et à chercher l’appui  des mouvements sociaux dans cette transformation.

Avec les militants brésiliens, Maduro évoque la transformation du Marché Commun du Sud (MERCOSUR) dont le Venezuela assumera la présidence le 28 juin « en une identité de peuple, une opportunité de développement, d’intégration énergétique, économique, structurelle de nos pays », notamment à travers la consolidation du SUCRE,  monnaie régionale qui met fin à la dictature du dollar pour la vente et l’achat de produits entre pays de l’ALBA, la Banque du Sud, la création d’une École de Formation des Mouvements Sociaux, la défense des ressources naturelles lors de la prochaine réunion de la CELAC à Caracas, l’organisation d’un Fonds Égalitaire de lutte conte la pauvreté à discuter au sein de l’OPEP : «nous ne sommes pas simplement un gouvernement, nous sommes une révolution populaire au pouvoir et nous transformons la société.  Le pouvoir moral, politique, organisateur des mouvements sociaux est la garantie majeure pour les processus démocratiques de notre région et la clef de leur invincibilité face aux agressions impériales».

La première étape de cette tournée dans les pays du MERCOSUR l’avait mené en Uruguay à la rencontre du Président Mujica et des travailleurs. Maduro, qui entra en politique à travers la militance syndicale, y a proposé la création d’une confédération des travailleurs à l’échelle du continent..

Uruguay, 7 mai 2013

Avec les travailleurs uruguayens, 7 mai 2013

Uruguay Madurocon los trabajadoresNicolas Cochabamba BoliviaQuelques semaines plus tard à Cochabamba, lors de sa rencontre avec les mouvements sociaux boliviens en compagnie d’Evo Morales, le président du Venezuela a de nouveau plaidé pour la création d’une organisation continentale des mouvements de travailleurs, paysans, pêcheurs, communautés indigènes, mouvements féministes, étudiants et pour faire face ensemble aux nouvelles stratégies impériales et aux traités de libre commerce – notamment l’Alliance Pacifique mise sur orbite par les États-Unis (Mexique, Colombie, Pérou et Chili)- et aux plans de la droite latino-américaine pour détruire l’ALBA.“Nous avons décidé de développer fortement à travers l’ALBA tout ce qui concerne l’éducation publique gratuite et de qualité pour nos peuples, de fortifier nos universités publiques. Les pays membres de l’ALBA sont en tête des indicateurs de l’éducation universitaire en Amérique Latine et dans certains cas, dans le monde”.Bolivia movimientos sociales 1Bolivia movimientos sociales 3

Bolivie, 25 mai 2013

Bolivie, 25 mai 2013

Ce volontarisme social de la diplomatie bolivarienne est occulté, ou réduit à une « pétrodiplomatie », par les médias occidentaux qui taisent avec le même soin le « gouvernement de rue » au coeur de la politique intérieure que mène Maduro au Venezuela. Conçu pour « rencontrer directement les problèmes et les résoudre avec la population, organiser un nouveau modèle de gouvernement avec les conseils communaux, essence d’une nouvelle démocratie et du socialisme« , ce « gouvernement de rue » a déjà pris des centaines de mesures et alloué les ressources nécessaires sur la base du diagnostic participatif. (2)

Pour rendre à l’État sa capacité d’action sur le terrain et lutter contre la corruption, Maduro a décrété six Régions Stratégiques de Développement Intégral (REDI). Tout va se jouer dans l’efficacité du suivi par les relais mis en place. Après avoir surmonté la tentative de coup d’État organisée par la droite en avril 2013, le président est en train de regrouper les forces sociales autour du programme sorti des urnes, le « Plan Patria 2013-2019 » (3). C’est pourquoi la droite latino-américaine et ses alliés états-uniens intensifient leurs manoeuvres de déstabilisation, notamment depuis la Colombie. Mais le temps joue en faveur de la révolution bolivarienne. (4)

Thierry Deronne, Caracas, 3 juin 2013.
Version espagnole de cet article : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=169235

« Gouvernement de rue », quartier de Coropo, État d’Aragua, Venezuela, 31 mai 2013.

Aragua

Notes :
(1) Voir « A Brasilia le campement national Hugo Chavez exige la reprise de la réforme agraire » http://mouvementsansterre.wordpress.com/2013/03/23/a-brasilia-le-campement-paysan-national-hugo-chavez-exige-la-reprise-de-la-reforme-agraire/
(2) Sur la méthode de gouvernement de Nicolas Maduro, on peut lire « Nous t’écoutons Claudia » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/05/06/nous-tecoutons-claudia/ ; « Gouvernement dans la rue et révolutions dans la révolution : Nicolas Maduro commence à gouverner » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/20/gouvernement-dans-la-rue-et-revolutions-dans-la-revolution-nicolas-maduro-commence-a-gouverner/ ; et « Le Venezuela en 2013 : accroche-toi, tu n’as encore rien vu » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/01/06/le-venezuela-bolivarien-en-2013-accroche-toi-tu-nas-encore-rien-vu/
(3) Voir « Ce que la révolution bolivarienne va faire de 2013 à 2019 » https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/15/ce-que-va-faire-la-revolution-bolivarienne-de-2013-a-2019/

(4) Parallèlement aux mesures issues des assemblées populaires, à l’augmentation générale des salaires et à la mise en oeuvre effective de la nouvelle Loi du Travail, voici quelques mesures qui ont marqué les quarante premiers jours de la présidence de Nicolas Maduro : (merci à Juan Miguel Díaz Ferrer)

Sécurité citoyenne

Création du “Mouvement pour la Paix et pour la Vie”, avec le désarmement effectif de bandes de jeunes délinquants, la création d’espaces culturels et de formation et la création du fonds spécial « Jóvenes de la Patria » (500 millions de Bolivars).
Mise en place du Plan National de sécurité avec l’appui mutuel des communautés populaires, des forces armées et de la police nationale bolivarienne. Dans les premiers mois le taux d’homicides a été réduit de 60 % en moyenne. Il s’agit aussi de mettre fin aux violations des droits de l’homme commises par les polices antérieures.
Renforcement de la Mission A Toda Vida Venezuela pour humaniser les conditions de détention dans le système pénitencier.
Réunion avec  les télévisions privées pour qu’elles réduisent leur dose quotidienne de violence.
Politiques alimentaires
Dialogue avec le secteur privé. La Chambre de l’industrie alimentaire du Venezuela a accepté de travailler avec l’exécutif à trouver des solutions aux problèmes d’approvisionnement et prévoit dans les 180 jours d’augmenter la production de 18%.
Lancement de la construction d’une centrale agro-industrielle près de Caracas avec un investissement d’environ 52 millions de dollars de la Chine.
Nouvelle stratégie visant à accroître les réserves alimentaires du pays.
Importation de 760.000  tonnes de nourriture, huile, lait en poudre, le sucre brut, le thon en conserve, sardines en conserve et le sorgho.
Renforcement du système des magasins d’État PDVAL, qui vend les produits de base 35% moins cher que dans le marché et du réseau FarmaPatria qui vend les médicaments à des prix 40% iférieurs à ceux du marché.
Recensement par les experts agricoles des pays du Mercosur, dans les états du Zulia, Aragua, Portuguesa et autres de 230 000 hectares aptes à la mise en culture immédiate.
 Subventions aux producteurs de riz et de canne à sucre.
 Avec l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil, la Bolivie, signature de nouveaux accords agricoles et énergétiques.
 Avec des sociétés brésiliennes, le Venezuela construit une usine d’engrais pour produire 1,5 millions de tonnes par an.
Électricité
Déclaration de l’état d’urgence pour le réseau national d’électricité. Approbation des ressources nécessaires pour renforcer le système électrique national (SEN), dans le cadre du plan de 100 jours présenté par le ministre de l’Electricité.
Inspection du parc d’énergie éolienne de La Guajira (État du Zulia)
Tarifs spéciaux pour les grands consommateurs d’électricité, afin d’encourager les économies d’énergie (commerciaux, etc) et maintien du tarif social pour la population.
Logement
Reprise du plan massif de rénovation urbaine populaire « quartier tricolore ».
Objectif de la Grande Mission Logement Venezuela pour cette année : construction de 380.000 maisons à travers le pays.
Relations Internationales
Visite des pays du MERCOSUR qui ont signé plusieurs accords de coopération avec le Vénézuéla.
Appui aux candidatures de la Bolivie et de l’Equateur au sein du Mercosur.
Articulation des processus d’intégration régionale ALBA–Mercosur, et Petrocaribe-Mercosur. Organisatio à Caracas du VIIème Sommet de Petrocaribe,avec  l’entrée du Guatemala et du Honduras en tant que membres actifs du mécanisme de coopération, démarrage des travaux pour constituer la Zone Économique de Petrocaribe (ZEP), accord spécial signé pour la fourniture d’engrais à promouvoir le développement agro-industriel régional, et régime spécial des liaisons aériennes entre tous les pays membres. Création d’un fonds pour les opérations conjointes. Développement d’un système de développement du commerce interne dans la zone de Petrocaribe.
Vidéos : dialogue avec les mouvements sociaux brésiliens, Mémorial Darcy Ribeiro, le 9 mai 2013.



URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/06/03/videos-et-photos-quarante-jours-a-la-rencontre-des-mouvements-sociaux/

Ce que va faire la révolution bolivarienne de 2013 à 2019

1110

Célébration de la victoire, 14 avril 2013, Caracas.

014_LS_8552_P

Le programme révolutionnaire (socialiste, écologique, participatif, basé sur les concepts de souveraineté et de politique étrangère multipolaire) proposé par Nicolas Maduro a été approuvé par 50,7 % des électeurs ce 14 avril 2013, contre 48,9 % au programme néo-libéral du candidat Henrique Capriles Radonski. La victoire de ce programme inconnu des citoyens occidentaux frappe d’autant plus que les médias privés du Venezuela et leurs relais internationaux ont fabriqué depuis quatorze ans l’image du “dictateur Chavez”. Pourtant, en l’absence de celui-ci et malgré l’usure de quatorze ans de pouvoir, la majorité des citoyens s’est mobilisée pour confirmer dans les urnes le programme débattu publiquement depuis juillet 2012, qui avait valu sa victoire à Hugo Chavez en octobre 2013 et qui a constitué le coeur de la campagne présidentielle de Nicolas Maduro. Alors que le candidat de la droite appuyé par les médias privés fait campagne depuis trois scrutins et a disposé de plus de temps pour construire son plancher électoral, Nicolas Maduro n’a eu que quelques semaines pour mener sa première campagne au contact de la population.

Près de 19 millions d’électeurs pouvaient voter et, bien que le vote ne soit pas obligatoire, la participation a été massive (79,8 %). Ce scrutin, comme les 16 autres qui l’ont précédé depuis le début du processus révolutionnaire, a été suivi par 173 observateurs internationaux accrédités par le Conseil National Électoral (CNE) : l’Union des douze Nations Sud-américaines (UNASUR), l’Union Interaméricaine des Organismes Électoraux (UNIORE), le MERCOSUR et le Centre Carter, notamment. Nicolas Maduro a été proclamé officiellement président de la république ce lundi 15 avril par le Centre National Électoral. Les résultats définitifs sont publiés sur le site du CNE :  http://resultados.cne.gob.ve/resultado_presidencial_2013/r/1/reg_000000.html

Du côté de la droite, le scénario se répète : le candidat Capriles Radonski, qui avait participé activement au coup d’État du patronat et de généraux made in CIA contre Chavez en avril 2002, refuse de reconnaître le verdict des urnes et appelle au coup d’État, allumant ici et là des foyers de violence avec l’aide des mêmes  « puissances étrangères » et des mêmes médias. Des centres de santé populaire, un siège du Parti Socialiste Uni du Venezuela ont été détruits, plusieurs personnes ont été assassinées par des commandos d’extrême-droite. Le gouvernement bolivarien, sans tomber dans la provocation,  s’est attelé dès ce lundi à défendre la constitution, à empêcher la violence d’interrompre le cours de la démocratie, et à réaliser son programme pour résoudre les problèmes économiques, sociaux définis durant la campagne, avec l’appui de 20 sur 23 gouverneurs, une majorité de maires et de députés, et de nombreux espaces de démocratie participative.

Comme le dit José Roberto Duque, « Si l’état communal que nous sommes à peine en train de formuler, de discuter et de construire maladroitement à travers des processus et des expériences locales et pour l’heure isolées, se convertit en forme de vie et de participation citoyenne, là oui ce sera la révolution. Cela sera, oui, l’héritage de Chavez, ce sera aussi notre fierté. Nous, formés, moulés par les codes bourgeois, dans des écoles bourgeoises et dans une manière de nous relier absolument bourgeoises, nous aurons démontré que nous pouvons nous faire violence, faire échouer notre être égoïste, individualiste, consommateur et médiocre, pour mériter l’épithète de génération révolutionnaire. La mauvaise nouvelle est que nous, les vénézuéliens vivants, ne saurons jamais si on se souviendra de nous de cette manière. Je le regrette. L’histoire est pleine de personnes qui n’ont pas mesuré la taille de leur contribution à l’humanité« . (1)

Pajarito

« J’ai voté pour Maduro ! Mission accomplie ». Face au dénigrement de Maduro par les médias comme « simple chauffeur d’autobus » (allusion à sa trajectoire de syndicaliste du transport), l’humour populaire a rendu la politesse.

morales_evoParmi les félicitations des présidents du monde entier, celle du président Evo Morales : « cette victoire montre que face à la soumission, face au pillage du capitalisme et de l’impérialisme, les peuples se manifestent démocratiquement« .

Depuis l’Équateur Rafael Correa a déclaré : “Gloire au peuple courageux qui a vaincu le joug ! Félicitations Président imagesMaduro. Commandant Chávez : le Venezuela ne retournera jamais au passé ! »

L’ensemble des présidents latino-américains seront présents à la prise de fonctions de Maduro, ce vendredi 19 avril 2013.

Le seul fait que le Venezuela bolivarien, système “excessivement démocratique” selon l’ex-président Lula, avec sa surdose de processus électoraux et la participation citoyenne aux dizaines de milliers de conseils communaux, puisse être dépeint comme un régime autoritaire démontre que les médias privés et leurs copies publiques ne défendent plus le droit des citoyens à l’information. Certes, cette propagande prend de moins en moins dans les secteurs populaires en Occident, et éveille des soupçons grandissants chez ceux qui ont compris le rôle des médias dans le maintien de l’ordre néo-libéral mondial.

Mais ni Facebook, ni les blogs ne suffiront à contrebalancer l’image du monde transmise par les médias de masse. Par exemple, la gauche occidentale ferme les yeux sur des guerres coloniales, sur des bombardements humanitaires ou laïcs de populations civiles ou sur des coups d’Etat téléguidés, parce qu’elle n’ose pas affronter les justifications démocratiques diffusées par ces médias et qu’elle préfère y soigner son image de marque. Les citoyens occidentaux ont devant eux une tâche urgente : démocratiser et répartir les ondes de radio et de télévision pour garantir la libre expression des mouvements sociaux, pour briser la colonisation du service public par la logique des médias privés et par le dogme du libre marché et pour que les citoyens puissent comprendre ce qui se passe dans le reste du monde.

L’Argentine l’a déjà fait en légiférant pour offrir un tiers des ondes radiophoniques et télévisées au service public, un tiers aux entreprises privées, un tiers aux associations citoyennes. En Equateur, en Bolivie, ou au Venezuela, la démocratisation des ondes avance plus lentement – ces pays vivent encore sous la domination médiatique de grands groupes économiques privés anti-État, anti-mouvements sociaux (2). Alors que ce thème était jusqu’ici tabou au Brésil, le Parti des Travailleurs et la principale centrale syndicale du pays, la CUT, évoquent pour la première fois publiquement la nécessité d’en finir avec la dictature du monopole privé incarné par TV Globo et toute sa chaîne de journaux, livres, revues, etc.. (3). Quelque chose s’est mis en mouvement en Amérique Latine. Mais démocratiser les ondes dans une seule partie du monde ne suffira pas s’ils restent monopolisés par de grands groupes privés ailleurs.

En Occident, il ne s’agit pas seulement de légaliser et de multiplier les médias citoyens et de refinancer le service public, mais aussi de revenir à une formation intégrale, universelle et critique des journalistes, qui les libèrera de la Fin de l’Histoire, leur rendra le sens original d’un métier qui passe par une véritable rencontre avec l’Autre, par le respect de son Histoire, de son droit d’élire qui il veut, et d’être entendu dans ses propositions. Ce qui implique de restaurer une logique de production où le temps est premier : le temps de voyager, de sortir des hôtels et des conférences de presse, le temps d’écouter, de se former, de comprendre et de découvrir tout qu’on ne savait pas, tout ce qu’on ne comprenait pas.

Sans cela, comment un journaliste européen pourra-t-il comprendre la rébellion vivante dans les gènes des vénézuéliens, ces métis qui n’ont jamais obéi à aucune capitainerie générale du royaume d’Espagne, et qui ne sont plus prisonniers du présent médiatique, mais ont un pied dans le passé et l’autre dans le futur ? Ou que la révolution au lieu de se militariser comme l’annonçaient les médias il y cinq ou dix ans, vient d’élire un président civil et que les médias privés, majoritaires, font librement campagne contre lui ? Ou ce qui pousse des voyageurs du monde entier à chercher à Caracas un sens aux mots démocratie, socialisme, politique ?

Nous publions une synthèse des 70 pages du programme choisi par les électeurs.

Dans beaucoup de pays la “gauche” gouvernementale s’est vidée de tout programme pour se muer en agence de casting et fournir des “évènements” quotidiens aux médias. Les bolivariens, eux, tiennent leurs promesses et ont ouvert le chantier infini de la transformation de la vie. “Ne nous y trompons pas : la formation socio-économique qui prévaut encore au Venezuela est de caractère capitaliste et rentier. Le socialisme commence à peine à imposer sa propre dynamique interne parmi nous. Ce programme est fait pour le fortifier et l’approfondir, en radicalisant la démocratie participative. Nous partons du principe qu’accélérer la transition au socialisme bolivarien du XXIème siècle passe nécessairement par l’accélération de la restitution du pouvoir au peuple. C’est sa condition indispensable. Le présent programme s’efforce d’exprimer la volonté des majorités populaires, mais nous avons beau vouloir figer celle-ci dans des mots, nous savons que cela est totalement insuffisant. C’est pourquoi, à partir de ce jour, nous voulons que ce texte soit le sujet du débat le plus large et le plus libre pour qu’il soit prolongé, biffé, amendé, corrigé, complété et enrichi, pour que ce deuxième Plan Socialiste de la Nation soit une oeuvre éminemment collective, comme il se doit en temps de révolution.” (Introduction du programme par Hugo Chavez, juin 2012).

Thierry Deronne, Caracas, avril 2013.

Programme de gouvernement pour 2013-2019.

Premier objectif :Défendre, étendre et consolider le bien le plus précieux que nous ayons reconquis depuis 200 ans : l’indépendance Nationale.”

INFOGRAFÍA obj 1Exemples de quelques mesures prévues :

Renforcement et expansion du Pouvoir Populaire pour que le peuple soit le pouvoir. Préserver, récupérer et avancer dans les espaces de gouvernement régional et local pour approfondir la restitution du pouvoir au peuple. Continuer à construire l’hégémonie en matière de communications, pour qu’au Venezuela, on écoute toutes les voix. Maintenir et garantir le contrôle de l’Etat sur Pétroles de Venezuela S.A. Garantir l’hégémonie de la production nationale de pétrole. S’assurer une participation majoritaire dans les entreprises mixtes. Maintenir et garantir le contrôle de l’Etat sur les entreprises d’état qui exploitent les ressources minières sur le territoire national.
Promouvoir et stimuler la recherche scientifique et le développement technologique dans le but d’assurer les opérations intermédiaires de l’industrie pétrolière. Renforcer la coordination des politiques pétrolières au sein de l’OPEP. Impulser des mécanismes pour la juste valorisation du gaz. Elever la conscience politique et idéologique du peuple et des travailleurs du pétrole et du secteur minier , ainsi que sa participation active dans la défense des ressources naturelles de la nation. Impulser la participation des travailleurs dans la planification des activités de l’industrie pétrolière. Consolider et approfondir les instances de participation politique du peuple et des travailleurs du pétrole et des mines. Impulser et promouvoir une initiative de coordination entre les grands pays pétroliers.
Garantir l’utilisation des ressources naturelles du pays, souverainement, pour la satisfaction des demandes internes ainsi que son utilisation en fonction des plus hauts intérêts nationaux. Etablir et développer un régime fiscal minier, comme mécanisme de récupération efficace de recouvrement des revenus de l’activité minière.
Projets de développement social, notamment via la convention Chine-Vénézuéla : logements, hôpitaux et centres médicaux. Projets de développement énergétique tels que raffineries, usines de production de gaz naturel, de pipelines et de gazoducs, usines de gaz liquide, projets d’extraction, transport et commercialisation du charbon, etc.. Cette politique a permis de nous rendre indépendants des organismes financiers multilatéraux comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale (BM) et la Banque Interaméricaine de Développement (BID). Fortifier et amplifier les accords de coopération énergétique. Renforcement des accords dans le cadre de Petrocaribe pour contribuer à la sécurité énergétique, au développement socio-économique et à l’intégration des pays des Caraïbes et de l’Amérique Centrale par l’emploi souverain des ressources énergétiques. Renforcement de l’ALBA.
Souveraineté alimentaire pour garantir le droit sacré de notre peuple à l’alimentation. Développer notre potentiel de production agricole. Augmenter la surface agricole irriguée de 178 000 ha jusqu’à 538000 ha irrigués en 2019, ce qui représente une augmentation de 202%. Accélérer la démocratisation de l’accès , pour les paysans, les producteurs et les différentes collectivités et entreprises socialistes, aux ressources nécessaires (terres, eau, arrosage, semences et capitaux) pour la production, en encourageant leur utilisation rationnelle et soutenable. Commencer la construction de 14 Maisons de Pêcheurs au niveau national dans les états de Carabobo, Aragua, Apure, Falcon, Nueva Esparta, Sucre, Miranda et Portuguesa. Créer et consolider les centres de distribution et de vente locale dans les grandes villes, vente et distribution directe de produits de consommation directe dont l’accès sera garanti à la population avec une rémunération juste du travail du paysan dans le but de développer le commerce d’exportation. Multiplication des réseaux de distribution socialiste Mercal, PDVAL, BICENTENARIO, marchés communaux et programmes de distribution gratuite. Renforcer et moderniser le système de régulation sociale d’état pour combattre l’usure et la spéculation dans l’achat et la distribution des aliments, étant donné son caractère de bien essentiel pour la vie humaine.
Mettre en place une politique d’exportation dans les pays des Caraïbes et au nord du Brésil. Donner un coup de pouce au développement et à l’utilisation de technologies pour les matières premières, réduisant les émissions nocives dans le milieu environnemental. Consolidation des espaces de participation citoyenne dans la gestion publique des aires thématiques et territoriales en rapport avec les sciences, la technologie et l’innovation. Consolider le déploiement des infrastructures éducatives du pays dans les centres universitaires, techniques, des médias et pour la formation pour le travail libérateur. Accroître la capacité défensive du pays avec la consolidation de la redistribution territoriale des Forces Armées Nationales Bolivariennes. Accroître la participation active du peuple pour consolider l’union civique et militaire. Renforcer et accroître le système de renseignements et de contre-espionnage militaire pour la défense intégrale de la patrie.

Deuxième objectif :Continuer à construire le socialisme bolivarien du XXIème siècle comme alternative au système destructeur et sauvage du capitalisme et ainsi, assurer la «plus grande sécurité sociale possible, la plus grande stabilité politique et le plus grand bonheur possibles» (Simón Bolívar) pour notre peuple.

INFOGRAFÍA obj 2Exemples de quelques mesures prévues :

Favoriser la démocratisation des moyens de production et impulser de nouvelles formes d’articulation de formes de propriété, en les plaçant au service de la société. Fortifier l ‘appareil productif national, en le modernisant technologiquement pour fournir la base matérielle en l’orientant vers le nouveau modèle du socialisme. Développer des modèles de gestion des unités de production basés sur l’inclusion, la participation des travailleurs et travailleuses, alignés sur les politiques nationales ainsi que sur une culture du travail qui s’oppose au rentisme du pétrole, en démontrant la structure d’ oligopole et de monopole existante. Assurer la formation collective dans les centres de travail en assurant son incorporation dans le travail productif, solidaire et libérateur. Augmenter durablement la production et la distribution de biens culturels au niveau national, à travers la production de 15.000.000 d’exemplaires du système massif de revues, et avec l’augmentation de 200% de la production de livres. Augmenter les infrastructures culturelles mises à la disposition du peuple avec la construction de 336 salles de bibliothèques, une par municipalité, avec le mobilier nécessaire à la lecture. Universaliser la sécurité sociale pour les artistes, les employés du secteur de la culture et les créateurs.
Rendre plus puissantes les expressions culturelles libératrices. Rendre visible l’identité historique et communautaire (Mision Cultura Corazon Adentro). Améliorer l’habitat et les infrastructures pour les peuples indigènes. Accélérer la délimitation territoriale de leurs espaces, à travers la remise de titres de propriété de terres aux communautés indigènes et de dotation de logements dignes à chaque famille indigène en situation de vulnérabilité, dans le respect de leurs choix culturels. Encourager la formation et le financement pour des unités socioproductives, avec le renforcement de 2345 conseils communaux et communes socialistes indigènes au moyen du financement de projets, dans le respect de leurs pratiques et de leurs formes d’organisation traditionnelles. Approfondir la participation politique et active des femmes dans le Pouvoir Populaire. Améliorer et construire des infrastructures pour les communautés pénitentiaires. Développer une politique intégrale de protection et de divulgation scientifique en relation avec la diversité biologique de notre pays, et en particulier en ce qui concerne nos Parcs, ainsi que les réservoirs d’eau de notre pays et ce qu’ils représentent pour la planète.
Renforcer la lutte contre ce qui détermine les conditions d’inégalité qui doivent être supprimées pour éradiquer l’extrême pauvreté. Etendre la couverture de l’inscription scolaire à toute la population. Développer l’éducation interculturelle bilingüe avec la participation des populations indigènes. Consolidation de la transformation universitaire autour de la formation intégrale, de la production intellectuelle et des liens sociaux qui garantissent le développement des capacités créatives et des capacités qui permettent de résoudre les problèmes prioritaires du pays. Renforcer le droit constitutionnel à l’éducation universitaire pour tous et toutes en augmentant les investissements, la poursuite et la dépense, au moyen de l’augmentation de 90% de l’inclusion des jeunes bacheliers au système d’éducation universitaire. Assurer la santé de la population à travers la consolidation du système public national de santé, sur la base de l’approfondissement de Barrio Adentro, du pouvoir populaire et de l’articulation de tous les niveaux du système de protection, de promotion, de prévention et de soin intégrala u service de la santé individuelle et collective. Assurer une alimentation saine et adéquate tout au long de la vie, en concordance avec les demandes de la Constitution concernant la Santé, la Souveraineté et la Sécurité Alimentaire, avec l’augmentation de la prédominance de l’allaitement Maternel Exclusif  jusqu’à 70%.
Renforcer 4500 magasins d’alimentation pour en faire des centres de formation et de soins nutritionnels. Consolider et agrandir le Réseau de Pharmacies Populaires sur tout le territoire national. Développer le Système Economique Communal avec les différentes formes d’organisation socio-productive : entreprises de propriété sociale, unités familiales, groupes d’échange solidaires et d’autres formes associatives pour le travail. Fortifier la base sociale du système d’économie communale. Développer le Pouvoir Populaire dans les entreprises de propriété sociale indirecte. Constitution de Conseils de Travailleurs et Travailleuses dans les entreprises de propriété sociale indirecte. Créer de nouvelles Grandes Missions dans des zones et sur des thèmes ou des problèmes prioritaires. Développer à partir des Grandes Missions, les systèmes d’accompagnement territoriaux pour transformer la vie des familles et des communautés en situation de pauvreté. Garantir la participation active du peuple organisé en ce qui concerne la formation, la transformation du modèle économique de production, la prévention et la protection sociale par les nouvelles instances de participation populaire comme les Conseils Communaux, les organisations de femmes, de jeunes , d’adolescents, d’indigènes, d’afro-descendants, d’étudiants, d’ouvriers et d’ouvrières, de paysans et de paysannes,  de travailleurs du transport, de professionnels, de petits et moyens producteurs et commerçants, associations de la diversité sexuelle, employés de la culture, écologistes, mouvements de villageois parmi beaucoup d’autres dans les sphères de la formation.
Accélérer la participation du peuple aux conseils communaux, groupes de bataille sociale, communes socialistes, cités communales, fédérations et confédérations communales pour le renforcement des possibilités d’action locales dans une perspective territoriale , politique, économique, sociale, culturelle, écologique,et de défense de la souveraineté nationale . De 2013 à 2016 : on développera l’organisation des 21 004 Conseils Communaux qui relieront 8.821.296 personnes (couverture totale de la population vénézuélienne). Le renforcement et l’accompagnement du Pouvoir Populaire dans la période 2013-2019 permettront la mise en conformité de 3 000 Communes Socialistes, selon des prévisions approximatives de 450 Communes, conformément à la démographie des axes de développement territorial. Ces Communes regrouperont 39 000 Conseils Communaux où vivront 4 680 000 familles , ce qui représente 21 060 000 citoyens. Garantir le transfert de compétences en ce qui concerne la gestion et l’administration de la chose publique à partir des instances institutionnelles régionales et locales vers les communautés organisées , les organisations de base et autres instances du Pouvoir Populaire comme stratégie de restitution totale du pouvoir au peuple souverain. Création de 3 000 Banques Communales qui serviront à consolider la nouvelle architecture financière du Pouvoir Populaire. Supprimer toutes les démarches inutiles demandées aux citoyens et aux citoyennes, pour réaliser des opérations légales avec l’Etat, ou pour obtenir des licences, des enregistrements, des diplômes, des certifications, etc…
Elaborer à partir de l’Etat une profonde et définitive révolution dans le système d’administration de la justice pour que cesse l’impunité, pour l’égalité et pour supprimer le caractère de classe et le caractère raciste dans son application. Poursuivre la transformation du Système Pénitentiaire. Activer le Système National de Soins aux Victimes. Garantir le droit et l’accès au libre exercice de l’information et de la communication véritable. Consolider la régulation sociale des moyens de communication en tant qu’outils pour le renforcement du Pouvoir Populaire en promouvant le Système National de Communication Populaire (radios, télévisions communales, journaux communautaires, environnementaux, personnels de l’environnement, ouvriers, jeunes, membres des partis, syndicalistes, paysans,entre autres) en tant qu’espace pour l’articulation de signifiants et de relations produites par la pratique de la communication sociale et humaine dans le but de transformer la réalité à partir du Pouvoir Populaire organisé. Actualiser et développer les plate-formes technologiques des moyens de communication en profitant du développement que représente la mise en arche de la Télévision Digitale Ouverte (TDA) qui permettra d’améliorer la qualité des transmissions.

Troisième objectif :Transformer le Venezuela en une puissance du point de vue social, économique et politique, à l’intérieur de la grande puissance naissante de l’Amérique Latine et des Caraïbes qui garantisse la création d’une zone de paix dans Notre Amérique.

INFOGRAFÍA obj 3Exemples de quelques mesures prévues :

Développer la capacité de production du pays en rapport avec les immenses réserves d’hydrocarbures conformément au principe d’exploitation nationale et de la politique de conservation des ressources naturelles épuisables et non renouvelables. Développer des projets pétrochimiques pour l’exploitation du gaz naturel, la production de carburants et dérivés de raffinage en les transformant en produits d’une plus grande valeur ajoutée. Renforcer et étendre la souveraineté technologique. Approfondir les stratégies de diversification des marchés du pétrole brut et des produits dérivés, avec l’objectif, pour 2019, de 2.200 MBD destinés aux pays asiatiques, 1.250 MBD vers l’Amérique Latine et les Caraïbes, 550 MBD vers l’Europe et 1,150 MBD vers l’Amérique du Nord. Renforcer et élargir le réseau électrique national. Diversifier les sources de production électrique en favorisant le recours au gaz naturel, au coke, et aux autres sources d’énergie. Développer l’utilisation efficace de l’électricité, en ayant recours à des sources alternatives et en développant le recours à la ressource éolienne. Approfondir les alliances politiques et économiques avec les pays qui ont un positionnement géostratégique favorable et dont les intérêts convergent avec ceux de notre nation, ce qui encouragera la construction d’un monde multipolaire.
Développer et adapter les Forces Armées pour le défense de notre Patrie. Consolider la coopération avec les pays frères en accord avec les exigences de la Défense Intégrale de la Patrie. Conserver et préserver les milieux naturels. Incorporer la reconnaissance de la Culture propre à chaque Peuple dans les processus de planification et de mise en valeur des territoires. Entretenir et étendre le réseau de routes, autoroutes et voies de raccordement qui relient les agglomérations grandes et moyennes sur toute l’étendue du territoire national et pour relier les zones industrielles aux zones d’exploitation des ressources. Améliorer l’état des routes dans les zones rurales et agricoles. Développer la seconde phase de la Grande Mission Logement Venezuela pour en finir définitivement avec la pénurie de logements récurrente. Renforcer la construction de logements dans les zones rurales pour améliorer les conditions de vie des familles paysannes. Poursuivre la construction de réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement des eaux usées dans les agglomérations encore dépourvues de ces services. Accélérer le Plan de distribution de gaz domestique. Développer l’usage des transports collectifs pour qu’ils l’emportent sur les transports privés.

Quatrième objectif :Contribuer au développement d’une nouvelle géopolitique internationale incarnant un monde multipolaire pour atteindre l’équilibre de l’univers (Simón Bolívar)et garantir la paix mondiale.

4Exemples de quelques mesures prévues :

Promouvoir le rôle d’avant-garde de l’ALBA dans le processus des changements en cours en Amérique Latine et les Caraïbes et dynamiser les nouveaux espaces tels que l’UNASUR et la CELAC. Renforcer le rôle du Système Unitaire de Compensation Régionale (SUCRE) et celui de la Banque de l’Alba dans la stratégie de complémentarité économique, financière, productive et commerciale de la zone. Renforcer le mécanisme de PETROCARIBE comme schéma de coopération énergétique et sociale solidaire. Assurer la participation active dans chacun des Conseils de UNASUR pour impulser des politiques et des actions bénéfiques pour les peuples de Notre Amérique. Impulser et renforcer la Communauté des États Latino-Américains et des Caraïbes (CELAC) comme mécanisme d’union de l’Amérique Latine et les Caraïbes. Développer les projets nationaux d’union économique avec les pays de l’ALBA et de complémentarité productive avec les pays du MERCOSUR. Renforcer la Banque du Sud en tant qu’institution visant l’intégration financière régionale. Consolider le rôle du Venezuela en tant qu’acteur d’une coopération solidaire, sans prétensions hégémoniques, et respectueux du principe de l’autodétermination de chaque peuple.
Développer le nouvel ordre latino-américain dans le domaine des communications en insistant sur les nouveaux systèmes et les nouvelles technologies de l’information et en développant de nouveaux outils de communication. Renforcer Telesur et lui assurer une plus grande présence régionale et mondiale. Développer les émissions de Radio du Sud comme outil de communication pour faire connaître les processus politiques en cours dans la région. Développer les réseaux de chaînes d’information alternatives et communautaires dans la région de même que les réseaux sociaux. Diffuser de façon permanente l’information véridique émise par les pays de l’ALBA et les pays alliés du Sud. Défendre la présence des miminorités ethniques et des peuples autochtones dans les organes décisionnels “notre-américains”. Développer le rapprochement et la coordination entre les nouveaux mécanismes de l’union latino-américaine et Caraïbes (ALBA, UNASUR, CEPALC) et le groupe BRICS pour donner plus de force à la voix des peuples du Sud dans l’arène mondiale. Nouer des alliances avec des chaînes de communication et d’information des pôles émergents du monde pour améliorer la compréhension mutuelle et l’information authentique sur nos réalités à l’abri du filtre déformant des grandes entreprises de la communication propriétés des puissances impérialistes.
Promouvoir la diplomatie des peuples et la participation active des mouvements populaires organisés dans la construction d’un monde multipolaire et équilibré.Promouvoir la participation des réseaux mondiaux des mouvements sociaux dans les grands Forums et Sommets internationaux. Poursuivre une politique active et entreprenante en partenariat avec les pays progressistes de notre zone en appelant à une urgente et indispensable réforme du Système Inter-américain de Défense des Droits de l’Homme et de la Justice étant donné que celui-ci est un bastion hautement politisé de l’impérialisme nord-américain. Dénoncer les traités et les accords bilatéraux pouvant limiter la souveraineté nationale face aux intérêts des puissances néocoloniales (promotion et défense des investisements). Porter à un niveau non vital les échanges commerciaux avec les puissances néocoloniales. Porter à un niveau non vital la connexion du Venezuela avec les réseaux de communication dominés par les puissances néocoloniales. Augmenter la part des devises des pays émergents dans les réserves et le commerce international du Venezuela. Réaliser la majeure partie des échanges économiques et commerciaux avec les pôles émergents du monde nouveau.

Cinquième objectif :Contribuer à préserver la vie sur la planète et au sauvetage de l’espèce humaine”.

5Exemples de quelques mesures prévues :

Développer l’action aux niveaux national et international pour la protection et la conservation des zones stratégiques, entre autres les sources et plans d’eau (eaux de surface et nappes phréatiques) pour une gestion globale des bassins hydrographiques, la biodiversité, la gestion soutenable des mers, des océans et des forêts. Continuer à militer pour la reconnaissance du droit à l’accès à l’eau comme un des Droits Humains supplémentaire dans tous les forums et toutes les enceintes. Combattre les chémas internationaux qui prônent la marchandisation de la nature, des services environnementaux et des écosystèmes. Rechercher des alliances stratégiques dans tous les forums internationaux pour lutter contre la marchandisation de la nature. Redynamiser la coopération avec les pays frontaliers sur les questions concernant la gestion respectueuse de l’environnement et les zones écologiques d’intérêt commun sur la base des principes du droit international. Défendre les droits territoriaux et la souveraineté de l’État du Venezuela dans les négociations concernant l’administration des espaces marins et océaniques de même que la diversité biologique marine au-delà de la juridiction nationale.
Elever le niveau des débats de fond sur les questions économiques, sociales et environnementales dans les instances pertinentes au niveau régional et international pour que les décisions y soient prises de façon inclusive et transparente, hors de toute orientation de type paternaliste et néocolonial de la part des pays développés.  Impliquer les institutions publiques dans la production d’une critique percutante des formes culturelles et des reconstructions historiques imposées par la culture jusqu’à présent dominante. Faire circuler la critique à travers les médias publics (magazines, télévision, manifestations événementielles, etc.). Développer l’édition de manuels scolaires pour faire naître une conscience nouvelle et former l’esprit critique des nouvelles générations. Créer des lieux d’expression et des mécanismes d’enregistrement et de conservation des cultures populaires et de la mémoire historique des groupes sociaux et ethniques tenus jusqu’à présent pour secondaires. Aux niveaux national et régional, recenser les lieux d’expression et les formes populaires de conservation de la mémoire historique (par exemple, les conteurs). Organiser, au sein de chaque Conseil de Communauté et dans chaque Commune en Création, des groupes de travail pour la conservation de la mémoire historique et pour la diffusion des acquis de la culture populaire ou ethnique (par exemple, s’agissant, des Afro-Vénézueliens, les travaux réalisés par les Comités “Tierras Urbanas”, “Mesas de Agua” et autres…).
Former des experts issus de ces populations pour la sauvegarde de leur patrimoine culturel et de leur mémoire historique. Accorder une attention toute particulière aux rapports entre les sexes. Dans ce sens, développer des groupes de travail constitués de femmes pour réfléchir sur leur vie familiale et professionnelle et mettre au point des stratégies de résistance et de libération, car les femmes sont les principales victimes des cultures dominantes, cultures qui lesrelèguent dans des rôles secondaires et qui font d’elles, souvent, les victimes de formesexplicites de violence. La même chose peut s’appliquer aux groupes dont l’orientation sexuelle est diverse (gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels), contraints de vivre dans un état de répression et d’humiliation permanentes et dont la seule issue est la frivolité offerte par le monde capitaliste. Élaborer des stratégies pour que soit conservée et diffusée, dans l’actuelle société“mondialisée”, la mémoire culturelle et historique du peuple de Venezuela. Contribuer à la constitution d’un mouvement mondial visant à enrayer les causes et à remédier aux effets du changement climatique conséquence du modèle capitaliste prédateur. Poursuivre la lutte pour la préservation, le respect et la stabilisation du régime climatique conformément à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique et son Protocole de Kyoto.
Faire abolir les schémas de marchés internationaux du carbone qui légalisent l’achat de droits à polluer et la destruction de la planète en toute impunité. Développer et renforcer le régime juridique actuel concernant le climat en insistantsur les responsabilités historiques des pays développés. Impulser et soutenir toutes les actions qui visent à porter devant la justice internationale tous les manquements des pays développés à leurs obligations dans le cadre du Protocole de Kyoto. Concevoir, au niveau national, un Plan National de Modération qui concerne les secteurs productifs émetteurs de gaz à effet de serre, comme une contribution nationale volontaire aux efforts pour sauver la planète. Promouvoir, au niveau national, la transformation des secteurs productifs selon la ligne tracée par l’éthique transformatrice du modèle économique socialiste, en insistant en particulier sur les secteurs de l’energie, de l’agriculture et de l’élevage, de la gestion des déchets solides et celui de la forêt. Mettre au point un ambitieux Plan National d’Adaptation, conforme à l’engagement éthique bolivarien éco-socialiste, en vue de préparer notre pays à affronter les scénarios et impacts climatiques à venir en raison de l’irresponsabilité des pays industrialisés et pollueurs du monde.

Notes :

  1. « Hacia un nuevo ciclo de nuestra historia », http://www.tracciondesangre.blogspot.com/2013/04/hacia-un-nuevo-ciclo-de-nuestra-historia.html
  2. https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/04/au-venezuela-la-marche-vers-la-democratisation-des-medias/
  3. http://www.cut.org.br/destaques/23103/comunicacao-publica-e-debatida-por-cutistas-e-parceiros-da-luta-pela-libertacao-da-palavra

Illustrations : Collectif d’artistes “Crea y combate

Traduction du programme : Manuel Colinas, Gaston Lopez et Françoise Lopez. Texte intégral : https://venezuelainfos.files.wordpress.com/2012/10/programme-de-chavez-2013-2019-texte-integral1.pdf

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/15/ce-que-va-faire-la-revolution-bolivarienne-de-2013-a-2019/

Les bolivariens en campagne ne croient pas aux larmes (II)

Le Chancelier uruguayen Almagro et le Président vénézuélien Maduro à Caracas, le 26 mars 2013.

Le Chancelier uruguayen Almagro et le Président vénézuélien Maduro à Caracas, le 26 mars 2013.

Parallèlement à la mobilisation populaire pour l’élection présidentielle du 14 avril 2013, le gouvernement bolivarien poursuit la réalisation de la politique extérieure lancée par le président Chavez.

Le 24 mars 2013 le président par interim Maduro a ratifié un mécanisme d’échange et de complémentarité économique entre les pays membres de l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (Alba-TCP) et le Marché Commun du Sud (Mercosur), accord qui laissse la porte ouverte à l’adhésion de nouveaux pays. Maduro, qui fut ministre des affaires étrangères de Chavez durant plus de six ans (2006-2013) explique qu’il s’agit d’une «grande alliance économique, financière, technologique et commerciale entre ce puissant moteur qu’est le MERCOSUR duquel le Venezuela est déjà membre à part entière, et les nouvelles zones économiques de l’ALBA et de Petrocaribe. Il faut également accélérer la mise en fonctionnement de la Banque du Sud».

Tout en conversant avec l’ex-président Lula pour organiser les prochans rendez-vous de l’agenda politique latino-américain, le vénézuélien a également fait l’éloge de la création d’une Banque de Soutien au Développement par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui permet aux pays émergents de se libérer de la tutelle d’organismes néo-libéraux tels que le FMI. Les nations signataires représentent à elles seules 25% de l’économie mondiale et 40 % de la population. Le 28 juin prochain le Venezuela assumera la présidence pro tempore du Mercosur, troisième marché mondial.

Le même jour à Caracas, le chancelier uruguayen Luis Almagro a signé de nouveaux accords de coopération avec le Président Maduro, ainsi que l’adhésion de son pays à la nouvelle unité monétaire latino-américaine – le SUCRE. Ce «Système Unitaire de Compensation gionale», créé à l’initiative du Venezuela, a été adopté en novembre 2008 par les pays membres de l’ALBA pour remplacer le dollar US dans le commerce inter-régional. En février le Nicaragua et le Venezuela ont effectué leurs premières transactions via ce système de paiement pour un montant de 25 milliards de Sucres, équivalents à 31.2 millions de dollars (1). Pour l’uruguayen Luis Almagro, «ces accords permettront de faire croître le commerce entre le Venezuela et l’Uruguay de 30%. Nous sortons des fonds baptismaux du Mercosur, de l’ALBA, du Pacte Andin, nous devenons chaque jour un peu plus latino-américains». (2)

« La paix en Colombie était le rêve de Chavez. Que n’a-t-il fait pour la Colombie, combien d’infamies n’a-t-il subies pour son amour et son respect de la Colombie. Nous renouvelons au président Juan Manuel Santos, aux FARC, notre engagement, en privé ou en public, en faveur du processus de paix en Colombie, car cette paix est celle de notre patrie» : c’est ce que le président Maduro a répondu à un paysan des montagnes du Chocó (Colombie) invité à la Xème Rencontre d’intellectuels, artistes et mouvements sociaux en Défense de l’Humanité organisée à Caracas du 25 au 26 mars 2013.

Pour ce militant colombien, « l’héritage de Chavez, c’est la paix, l’amour pour la terre-mère, pour nous qui l’habitons. Chavez a toujours insisté sur l’harmonie qui doit exister entre l’homme, la femme et la nature. C’est pourquoi nous sommes venus à cette rencontre, pour vous dire que nous sommes en lutte, en résistance, que nous aimons la révolution bolivarienne et que nous voulons la liberté des peuples ».

Autre invité de l’assemblée de Caracas, l’anthropologue et sociologue mexicain Héctor Díaz Polanco, qui estime que «Chávez est le centre de l’innovation politique des deux dernières décennes. Même sur un plan mondial, il y a longtemps que nous n’avions eu un leader de cette envergure. Il avait pris de l’avance sur beaucoup d’intellectuels avec sa vision adéquate du thème de l’environnement qu’il développe dans son programme de gouvernement, le Plan Patria 2013-2019 (3) : protéger la vie, la biodiversité, garantir la nature et ses ressources pour les générations futures : une éthique trans-temporelle qui ne nous engage pas seulement pour la génération contemporaine mais pour celles à venir».

Pour le vice-président bolivien Álvaro García Linera, présent lui aussi à la Xème Rencontre, Hugo Chávez “fut un parapluie pour que s’éveille le continent, un mur de contention pour que puisse affleurer l’impulsion bolivarienne dans la région. Il a surgi comme une force, un tourbillon, un ouragan qui a fait bouger l’histoire, a fait émerger les potentiels de lutte nichés dans les peuples, chacun d’eux apportant sa particularité tout en recueillant la force révolutionnaire de Chávez. Nous vivons une géopolitique continentale inédite : l’Amérique Latine est la région du monde qui possède le plus de gouvernements progressistes. Nous n’avions jamais vécu cela. Les vénézuéliens se sont tournés vers le monde pour améliorer la vie de tous. Aujourd’hui nous ne percevons qu’une partie de l’héritage de Chavez : sa vérité est dans le futur”.

«Chávez nous a appris que les processus d’intégration ne se basent pas seulement sur des principes financiers mais aussi sur la construction de mécanismes sociaux».

Patricia Rodas, Secretaria de Estado en el despacho de Relaciones Exteriores de Honduras, interviene en el acto de clausura de la Cumbre de la Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América (ALBA), en el Palacio de Convenciones, en La Habana, Cuba, el 14 de diciembre de 2009. AIN FOTO/Marcelino VAZQUEZ HERNANDEZ

Patricia Rodas, Ex-Ministre des Affaires Étrangères du Honduras

Après les élections du 14 avril 2013, se tiendra à Caracas une réunion spéciale des pays membres de l’ALBA et de Petrocaribe (4) pour sceller l’accord de collaboration entre les deux mécanismes de solidarité et de complémentarité, et créer «une grande zone pour le développement économique, la croissance authentique de notre industrie, la capacité de produire des aliments » (Maduro).

Présente à Caracas, Patricia Rodas, ex-Ministre des Affaires Étrangères du président Zelaya déchu par un coup d’État militaire en 2009, a déclaré : «Chávez nous a appris que les processus d’intégration ne se basent pas seulement sur des principes financiers mais aussi sur la construction de mécanismes sociaux».

Le cas du Honduras est exemplaire. En août 2008, las de ne pas recevoir d’aide états-unienne, le président Zelaya (centre-droit) avait adhéré à l’ALBA pour affronter l’énorme pauvreté régnant dans la population. Il fut renversé en juin 2009 par des militaires soutenus par des États-Unis soucieux de défendre leur arrière-cour (dans le même sens Wikileaks a révélé les efforts de Washington pour contrer l’aide du Venezuela et de PetroCaribe à Haïti). La presse française fit preuve de complaisance envers ce coup d’État qui remit le Honduras à l’heure des privatisations, des transnationales et des «assassinats sélectifs» de journalistes et de militants de mouvements sociaux. Dans le journal «Libération», Gérard Thomas alla jusqu’à mettre en doute l’existence du coup d’État et à critiquer le président Zelaya pour « avoir joué avec le feu » en adhérant à l’ALBA. (5)

a2964a6f825ba83d8348bf9d7e895b09_XL

« Nous allons revenir dans l’ALBA, nous tourner vers la CELAC, le Brésil, vers le Vénézuéla » Manuel Zelaya, ex-président du Honduras.

Quatre ans plus tard, en mars 2013, le parti hondurien LIBRE (Liberté et Refondation), né de la résistance populaire au coup d’État, annonce qu’en cas de victoire aux prochaines présidentielles, le Honduras redeviendra membre de l’Alliance Bolivarienne des Peuples de l’Amérique (ALBA) : « La situation économique du pays a atteint une gravité sans précédent dans notre histoire. Nous n’avons jamais atteint un tel degré de détérioration des finances publiques, d’augmentation de la pauvreté et de manque de production et d’emploi au Honduras » a déclaré l’ex-président Zelaya. « La population ne mange pas de ciment mais des haricots, du maïs. Elle exige que soient résolus les problèmes de famine, de pauvreté et de manque de travail. La position de notre candidate Xiomara Castro est claire : nous allons revenir vers le Brésil, vers le Venezuela, vers des mécanismes de solidarité latino-américaine come l’ALBA, la CELAC, Petrocaribe et d’autres instances d’intégration continentale. Nous allons récupérer ce que nous avons perdu depuis le coup d’État » (6)

Après les récents rapports d’organismes de l’ONU – comme la CEPAL (commission d’études économiques et sociales en Amérique Latine) ou de la FAO (agriculture et alimentation mondiales) – faisant l’éloge du gouvernement bolivarien pour la réduction des inégalités, la croissance économique, la souveraineté alimentaire, c’est un autre organisme des Nations-Unies, le PNUD (développement mondial) qui vient de saluer le travail accompli par Hugo Chavez. Le 18 mars 2013, le représentant du PNUD au Venezuela Niky Fabiancic a remis au président Maduro le rapport intitulé «l’ascension du Sud» selon lequel le Venezuela est devenu «un des pays du monde possédant les plus hauts coefficients de développement humain, au-dessus du Brésil, de la Colombie et de l’Équateur» (7). Niky Fabiancic a déclaré à cette occasion : « Ce thème était très cher au Président Hugo Chávez, il a lutté pour cet objectif toute sa vie, pour le progrès humain. Il a lutté infatigablement pour le bien-être de son peuple, pour protéger les pauvres et pour promouvoir la cause de l’unité des peuples de l’Amérique Latine et des Caraïbes ». (8)

Thierry Deronne, Caracas, 26 mars 2013

avec AVN, Ciudad Caracas, Correo del Orinoco. pnud1

pnud2pnud4

Notes :

  1. Outre l’Uruguay ont déjà souscrit au S.U.C.R.E. : le Venezuela, Cuba, Antigua et Barbuda, la Bolivie, la Dominique, le Nicaragua, San Vicente et les Granadines, et l’Équateur.
  2. L’unité de l’Amérique Latine s’exprime également ce 26 mars 2013 dans la rencontre du Ministre des Affaires Étrangères argentin Héctor Timerman avec le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et avec le président du Comité de Décolonisation de l’ONU, Diego Morejón (Equateur). Au menu, le retour des île Malouïnes sous la souveraineté argentine. Pour cette réunion le chancelier argentin est accompagné par les Ministres des Affaires Étrangères Bruno Rodríguez (Cuba), Luis Almagro (Uruguay), et José Beraún Aranibar (vice-ministre, Pérou), respectivement représentants de la Communauté des États d’Amérique Latine et des Caraïbes (Celac), du Marché Commun du Sud (Mercosur) et de l’Union des Nations Sud-Américaines (Unasur). Jusqu’ici le Royaume-Uni colonise et occupe miltairement ce territoire pour ses ressources, notamment pétrolières, et fait la sourde oreille aux résolutions de l’ONU qui l’invitent à négocier avec l’Argentine.
  3. Hugo Chávez Frías, « Plan Patria 2013-2019 » : programme repris et soumis aux électeurs par le candidat bolivarien Nicolas Maduro pour les présidentielles du 14 avril 2013. Texte complet : https://venezuelainfos.files.wordpress.com/2012/10/programme-de-chavez-2013-2019-texte-integral1.pdf
  4. Créée par le président Chavez, l’alliance Petrocaribe bénéficie à 22 pays de toute la zone caraïbe et centraméricaine – certains très pauvres comme Haïti ou le Honduras – en leur permettant d’acquérir du pétrole à un prix préférentiel. Petrocaribe a reçu de nouvelles demandes d’adhésion du Salvador, du Panamá et du Costa Rica. Le dernier pays en date à adhérer fut le Guatemala.
  5. Signe de la dérive des médias français : alors qu’en 1973 la presse parisienne défendait la démocratie face au coup d’État de Pinochet, en 2009 elle trouve des arguments pour justifier un coup d’État militaire. Voir l’analyse d’ACRIMED, par Henri Maler : http://www.acrimed.org/article3178.html
  6. Source : le Blog de Giorgio Trucchi http://nicaraguaymasespanol.blogspot.com/2013/03/honduras-partido-libre-ataca-politica.html
  7. Voir le site du PNUD – Venezuela : http://www.pnud.org.ve/
  8. Par comparaison, de 1995 à 2012, dans le même rapport du PNUD, la France a perdu 18 places au sein du classement mondial du Développement Humain, ce qui représente quasiment un recul d’un rang tous les ans. Lire « La France en route vers le tiers monde »  http://www.legrandsoir.info/la-france-en-route-vers-le-tiers-monde.html

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/03/26/les-bolivariens-en-campagne-ne-croient-pas-aux-larmes-ii/

Le Venezuela et l’Amérique du Sud : la fin de deux cents ans de solitude.

Ce  31 juillet 2012, à Brasilia, lors du sommet extraordinaire du Marché Commun du Sud (MERCOSUR), la présidente argentine Cristina Fernández, a salué l’adhésion du Venezuela : « les gouvernements du Venezuela, de l’Uruguay, du Brésil et de l’Argentine représentent la force sociale et historique de leurs peuples qui se rassemblent au bout de 200 ans d’Histoire pour signifier enfin que la solitude a pris fin, que nous nous sommes retrouvés. Ne croyez pas qu’il s’agit d’une bataille d’idées politiques ou économiques, non, c’est une bataille culturelle. Pendant longtemps nos sociétés, même nos chefs d’entreprise, ont été bombardés par le discours selon lequel les paradigmes étaient autres, les modèles étaient autres. Cette bataille ne peut se mener en termes individuels parce que nous faisons partie de projets collectifs, nous sommes nés collectivement à la politique. Nous ne sommes pas des projets individuels, derrière nous il y a les partis, les mouvements sociaux et politiques nourris d’une longue histoire. »

Brasilia, 31 juillet 2012. En marge du sommet du Mercosur, l’Argentine et le Venezuela ont signé d’importants accords liant leurs compagnies pétrolières publiques.

Lors de son arrivée à Brasilia le président Chavez était attendu par les délégués de nombreux mouvements sociaux et partis de gauche venus de tout le Brésil. Parmi eux les représentants de la CUT, principal syndicat du Brésil et le Mouvement des Sans Terre (www.mst.org.br), dont le coordinateur national, Joao Pedro Stedile, explique la mobilisation : « l’Amérique Latine vit une conjoncture positive pour le monde du travail en général, parce que nous sommes sortis de l’hégémonie totale des États-Unis et du néolibéralisme, avec l’élection de gouvernements progressistes dans tout le continent. L’avenir se joue dans la bataille entre trois projets : le premier est la reprise de l’offensive des États-Unis qui veulent recoloniser la région et la transformer en simple fournisseur de matières premières et d’énergie en vue de maximiser le profit de leurs entreprises qui opèrent ici. Le deuxième projet défend une intégration continentale sans les États-Unis mais qui reste dans le cadre des intérêts des entreprises capitalistes. Et il y a un troisième projet que nous appelons l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour l’Amérique) qui vise à construire une intégration politique, économique et culturelle à partir de l’alliance entre gouvernements progressistes et organisations populaires. Ces trois projets s’affrontent tous les jours dans tous les espaces et à chaque élection présidentielle, on trouve des candidats des trois projets.»

Pour éclairer l’honnête citoyen(ne) sur ce sommet historique du MERCOSUR et sur ses développements à court et à long terme (l’événement ayant été comme d’habitude occulté par les médias français), nous publions le point de vue d’un spécialiste des stratégies économiques publiques : Luciano Wexell Severo. Économiste brésilien formé à l’Université Pontifícia Católica de São Paulo (PUC/SP), Severo est titulaire d’un Master et doctorant d’Économie Politique Internationale (PEPI) de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), chercheur de l’Institut de recherche Économique Appliquée (IPEA) au Brésil et professeur invité de l’Université Fédérale de l’Intégration Latino-Américaine (UNILA). Entre 2004 et 2005, Luciano Wexell Severo fut consultant de la Banque du Commerce Extérieur du Venezuela (Bancoex), puis, de 2005 a 2007, conseiller du Ministère des Industries Basiques de Minerai du Venezuela (Mibam). Entre 2008 et 2012, il a exercé les fonctions de Directeur Exécutif de La Chambre de Commerce et d’Industrie Brésil-Venezuela à Rio de Janeiro.

Hugo Chavez, Dilma Roussef, Pepe Mujica et Cristina Fernandez lors du sommet extraordinaire du MERCOSUR scellant l’adhésion du Venezuela, le 31 juillet 2012, à Brasilia. Roussef a annoncé la création d’un fonds spécial destiné à réduire les asymétries entre économies des membres du Marché Commun du Sud.

Les développements de l’entrée du Venezuela dans le marché Commun du Sud (Mercosur)

Par Luciano Wexell Severo

De manière générale, c’est aux alentours de 2003 que s’est opérée une inflexion dans l’orientation politique des gouvernements d’Amérique du Sud. Les mesures principales furent liées à la déconstruction des asymétries régionales, à une insertion internationale plus souveraine et au renforcement de la participation des mouvements sociaux.

C’est cette année-là que le gouvernement brésilien annonça le Programme de Substitution Compétitive des Importations (PSCI). Quelques mois plus tard fut annoncée la création du Fonds de Convergence Structurelle du MERCOSUR (FOCEM). Les Accords de Complémentarité Économique entre les pays membres du MERCOSUR et de la Communauté Andine des Nations (CAN) s’intensifièrent, permettant le surgissement de la Comunauté Sud-Américaine des Nations (CASA), créée lors du IIIème sommet des Présidents Sud-Américains à Cuzco, en 2004. Ultérieurement, lors du Ier Sommet Énergétique Sud-Américain dans l’île de Margarita, au Venezuela, en 2007, cette institution fut rebaptisée Union des Nations Sud-Américaines  (UNASUR). Celle-ci naquit  avec l’objectif d’être un organisme ample, capable de promouvoir l’intégration non seulement du commerce, mais aussi de l’infrastructure, des finances, de la communication, des transports, de la matrice énergétique, du système éducatif, de la santé, des stratégies scientifiques et technologiques, avec pour  membres la totalité des pays du sous-continent.

Parmi les principales conquêtes de l’UNASUR citons la création des Conseils de Défense Sud-Américain, Energétique de l’Amérique du Sud et de l’Infrastructure et de la Planification, en plus du projet de la Nouvelle Architecture Financière Internationale (NAFR) qui a permis le rapprochement entre Banques Centrales, la Constitution de la Banque du Sud et qui s’est accompagnée d’efforts pour former un marché régional de titres publics. En outre, en 2010, lors de la Réunion des Chefs d’État de l’UNASUR à Buenos Aires, les présidents ont annoncé la création de la Communauté des États Latino-Américains et des Caraïbes (CELAC). La naissance de cette institution fut scellée en 2011 à Caracas, coïncidant avec la commémoration du Bicentenaire de la Déclaration de l’Indépendance vénézuélienne.

Pendant de nombreuses années l’Amérique Latine n’a pas conçu de projet propre, mais la dernière décennie, avec l’ascension de gouvernements progressistes, développementistes, populaires ou intégrationnistes, a rendu la situation favorable à la construction d’une dynamique intégratrice, basée sur la coopération, la solidarité, la complémentarité, le développement économique et la déconstruction  des asymétries. Malgré les avancées importantes de l’UNASUR et les nouvelles initiatives qu’elle rend possibles, il reste fondamental d’affirmer le rôle du MERCOSUR como projet d’union régionale et, principalement, comme stratégie de développement des pays sud-américains. Plus que l’aspect purement commercial, il doit incarner une proposition commune de développement. Sur ce point un des éléments les plus siginficatifs est l’entrée du Venezuela dans le MERCOSUR ce 31 juillet 2012.

Avec l’adhésion de ce pays des Caraïbes, le PIB du MERCOSUR totalise en effet près de  3,2 trillions de US$, soit les 75% du total de l’Amérique du Sud. La population des pays membres augmente à 272 millions, soit 70% du total régional. Le bloc devient un des producteurs mondiaux les plus importants d’énergie, d’aliments et de produits manufacturés. Le Venezuela possède d’autres avantages comparatifs, liés à ses immenses réserves de minerai, d’eau potable et de biodiversité, qui lui assurent un rôle croissant dans le scénario mondial. En outre le pays bénéficie d’une position  géographique spéciale, relativement beaucoup plus ouverte aux flux internationaux du commerce de l’Hémisphère Nord.

A la suite de la crise mondiale et de la chute des prix du pétrole, l’économie vénézuélienne a achevé 2010 avec le quatrième plus grand PIB d’Amérique du Sud, derrière le Brésil, l’Argentine et la Colombie. En 2009, il avait accumulé le deuxième PIB le plus grand, dépassé seulement par le Brésil. La population vénézuélienne, physiquement et culturellement très proche de celle du Brésil, frôle les 29 millions d’habitants sur un territoire de 916 mille km2. Le pays est traversé par la Cordillère des Andes, le Delta de l’Orénoque, la Forêt Amazonienne, à la frontière de la région nord du Brésil.

Selon le rapport annuel de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), diffusé en juillet 2011, le Venezuela possédait, à la fin de 2010, une réserve certifiée de plus de 250 milliards de barils, dépassant l’Arabie Saudite. Les réserves vénézuéliennes ont triplé dans les cinq dernières années et ont atteint près de 20% du total mondial. Le résultat est lié aux récentes découvertes de la Frange Pétrolifère de l’Orénoque. Depuis 2010, les entreprises multinationales ont également découvert d’immenses champs de gaz dans la frange gazifère de la Côte Caraïbe du Venezuela. Le rapport Statistique de l’Énergie 2011 de la British Petroleum, signale que le pays détient la huitième plus grande réserve de gaz de la planète. Ces récentes découvertes renforcent l’idée de constituer une Organisation des Pays Exportateurs de Gaz (OPEG) et fortifient les articulations pour la construction du Gazoduc du Sud qui connectera le sous-continent du Venezuela jusqu’à l’Argentine.

Dans le nord du Venezuela, les plus grandes concentrations de minerai sont celles de nickel, charbon, zinc, argent, cuivre, chrome, plomb et silices. Au sud, les gisements se localisent dans la région stratégique de La Guyane, zone industrielle où se trouvent les entreprises basiques de la Corporation Vénézuélienne de la Guyane (CVG). Cette région, traversée par les fleuves Orénoque et Caroní, possède près de 600 kilomètres de frontière avec le Brésil. Autour de l’axe qui relie les villes de Puerto Ordaz à Santa Elena de Uairén se concentrent principalment les réserves de bauxite, de minerai de fer, de diamant, d’or, de baryte, de caolin et de manganèse. Selon le Ministère des Industries Basiques et Minières du Venezuela (MIBAM), il existe aussi des gisements, bien que peu qualifiés et en quantité indéfinie, de minerais tels que le graphite, le titane, le cobalt, le platine, le tungstène, le mercure, la dolomite, la magnésite, l’étain, et la fluorite, le mica, le vanadium, la bentonite, la cianyte, le bismuth, la colombite et l’asbeste, entre autres. Il y a une ample marge pour les activités des entreprises sud-américaines dans ce pays, tant dans l’exploitation que dans le traitement de ces matières premières.

“Semer le pétrole” et économie productive

L’activité pétrolière du Venezuela a commencé durant la deuxième décennie du siècle dernier dans la région du Lac de Maracaibo, État du Zulia. Depuis lors le pétrole s’est transformé en moteur principal de l’économie du pays ainsi que des transformations politiques et sociales. Selon l’économiste et poète vénézuélien Orlando Araujo (2006, p. 24), le boom de l’économie pétrolière vers la troisième décennie du 20ème siècle a coincidé, entre deux guerres mondiales, avec la crise internationale la plus violente qui a secoué le système capitaliste au cours du 20ème siècle; et sur le plan national, avec la faiblesse séculaire de l’économie agricole héritée du XIXème siècle. Le pétrole est apparu ainsi comme une irruption brutale et providentielle, comme le coup de baguette magique heureux, comme un cadeau divin, manne jaillie des entrailles de la terre pour une tribu sur le point de mourir de faim et à l’aube d’un désastre économique mondial.

Dans la répartition des exportations du Venezuela, le pétrole est passé de 0,9% en 1908 à 76,6% en 1928. Les exportations de café ont chuté de 72,3% à 13,7%, et celles du cacao de 10,1% à 4,4%. En 1948, les ventes de pétrole et de ses produits dérivés avaient déjà atteint le niveau actuel , impressionnant, de 95,9% de toute l’exportation vénézuélienne. L’accès croissant aux pétrodollars et la facilité permanente de l’importation découragea le développement d’autres activités productives internes, comme l’activité minière de l’or, du fer et de l’agriculture. Les ventes de café et de cacao continuèrent de baisser jusqu’à atteindre 2,0% et 1,4% du total respectivement. Entre 1928 et 1970, durant plus de quatre décennies, le pays occupa la position de plus grand exportateur mondial de pétrole.

En plus de marquer une division des eaux dans l’histoire vénézuélienne, la dynamique pétrolière a engendré  une des principales caractéristiques de l’économie du pays – la surévaluation de la monnaie nationale, le Bolívar. Au long des décennies ce phénomène a fouetté les importations tout en freinant les exportations, décourageant le développement des activités productives internes. Cette situation historique explique la relative fragilité de l’industrie et de l’agriculture du Venezuela. En analysant la politique économique vénézuélienne, on note que le plus grand défi historique, qui a échoué de manière répétée, a été de consacrer efficacement les ressources du pétrole dans un processus de diversification productive. Cette politique fut baptisée “Semer le pétrole” (1).

Actuellement, plus de 95% des exportations vénézuéliennes se concentrent sous le code  27 de la Nomenclature Commune du MERCOSUR  (NCM), qui inclut des minerais combustibles, des huiles minérales et les produits de leur distillation, des matières bétumineuses et des cires minérales. Près de 80% des ventes vont vers les États-Unis, la Chine, l’Inde, Singapour, l’Équateur, l’Espagne, la Hollande et quelques îles des Caraïbes. Le Brésil, pour sa part, représente moins d’1% des exportations vénézuéliennes de pétrole.

Pour un pays pétrolier qui veut avancer sur la voie du développement économique, le contrôle du taux de change a été crucial. Après la fuite des capitaux qui a suivi le coup d’État de 2002 et le sabotage des gérants de PDVSA (Entreprise du Pétrole du Venezuela), le Venezuela adopta à la fin de la même année le change fixe, établissant le taux de 1600 Bs. par dollar. Un an plus tard, le taux passa à 1920 Bs./dollar et en 2005  à 2150 Bs/dollar. En 2007, avec l’élimination de trois zéros du Bolívar, le taux officiel fut fixé à 2,15 Bs. A travers la Commission de l’Administration des Devises (CADIVI), le gouvernement a augmenté le contrôle sur le dollar, privilégiant les importations de “produits prioritaires” comme les aliments, les biens de capitaux, technologie, revenus familiaux, transactions diplomatiques et dépenses gouvernementales.

Les produits considérés comme non prioritaires ne bénéficient pas de l’accès garanti aux dollars de CADIVI, et sont importés souvent à travers d’autres mécanismes et avec des taxes qui atteignaient 8,5 Bolivars par dollar. Même de cette manière les données du Ministère du Commerce démontrent que le commerce binational a augmenté de 430% entre 2003 et 2010. Jusqu’à aujourd’hui plus de 60% des exportations brésiliennes vers le Venezuela sont des “produits prioritaires”.

Durant la crise internationale de 2009, le Venezuela a ressenti la forte chute des prix du pétrole. Après deux ans sans modification de taux, le gouvernement annonça la création de deux taux: l’un à. 2,60 Bs. pour l’importation de “produits prioritaires” et l’autre de 4,30 Bs. pour les autres achats. D’un côté la mesure a eu pour effet de contenir l’inflation, de l’autre elle a augmenté la quantité de ressources pour le gouvernement : chaque pétrodollar pour l’usage du gouvernement fut converti à 4,30 Bolivars, multipliant l’effet positif sur les budgets publics. En 2010, ce double taux de change fut éliminé au profit d’um taux unique de 4,30 Bolivars. Le succès de ces initiatives dépendra de plus en plus de l’efficacité de mesures complémentaires  comme l’élargissement du crédit, l’augmentation du salaire réel, la stimulation de la production nationale et l’efficacité de CADIVI.

Dans cet effort de “semer le pétrole” au  Venezuela, les principaux mécanismes utilisés pour surmonter l’économie rentière et pour promouvoir la diversification économique furent (entre autres) :

1) Le retour de l’entreprise PDVSA sous contrôle de l’État. Depuis sa création en 1976 l’entreprise a fonctionné comme un État dans l’État. Cette première mesure a rendu possible en grande partie l’application des autres mesures ;

2) Le contrôle du change, des capitaux et des prix, qui se sont révélés efficaces pour freiner la détérioration de la monnaie nationale et la fuite des capitaux, que ce soit à travers la spéculation internationale sur le bolivar, des revenus de profits à l’extérieur ou d’importations superflues;

3) La nationalisation, à travers le paiement d’indemnisations, d’entreprises stratégiques dans les secteurs des communications, de l’électricité, de l’alimentation et de la construction, ainsi que d’institutions financières;

et 4) La réforme de la Loi de La Banque Centrale du Venezuela, qui a établi un plafond annuel pour les réserves internationales; les valeurs qui dépassent ce plafond doivent être transférés au Fonds de Développement National, le FONDEN, dont l’objectif est de financer des secteurs comme les industries lourdes, les industries de transformation, l’agriculture, la pétrochimie, le gaz, l’infrastructure, les transports et le logement, entre autres. Depuis sa création en 2005, ont été versés au FONDEN, rien que par la compagnie nationale du pétrole PDVSA, près de 21,8 billions de dollars (Chávez, 2009, p.23).

Ces dernières années ont vu de grands progrès dans le processus d’intégration binationale Venezuela/Brésil. Accords noués entre des organismes vénézuéliens et brésiliens comme La Caisse Economique Fédérale (CEF), l’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (EMBRAPA), l’Agence Brésilienne de Développement Industriel (ABDI), l’Association Brésilienne d’Industrie des Machines et Équipements (ABIMAQ), la Superintendance de la Zone Franche de Manaos (SUFRAMA), l’Institut Nacional de Métrologie, Qualité et Technologie (INMETRO), l’Institut du Coeur (INCOR), entre autres.

En 2010, les présidents Lula et Chávez annoncèrent leur intention de créer des liens de coopération entre l’Institut de recherche Économique Appliquée (IPEA) et des institutions vénézuéliennes. Le ministre Samuel Pinheiro Guimarães, alors responsable du Secrétariat des Affaires Stratégiques (SAE), structure à laquelle l’IPEA était subordonné, a eu un rôle important dans cet accord. L’Institut inaugura son premier bureau de représentation à l’extérieur avec un siège au Ministère de l’Énergie et du Pétrole du Venezuela (MENPET) et à Petróleos de Venezuela (PDVSA). Actuellement des techniciens et des spécialistes brésiliens contribuent à la planification territoriale du développement des régions de la Frange Pétrolifère de l’Orénoque, zone certifiée comme la plus riche en pétrole du monde, et de la Zone Gazifère de l’État de Sucre.

Bien que la région du nord brésilien possède un des plus hauts indices de croissance économique et démographique du Brésil, elle n’est que faiblement intégrée au reste du Brésil. De part et d’autre de la frontière se concentrent les états dotés des plus bas indices de Développement Humains (IDH) des deux pays. L’Amazonie étant une pièce-clef dans le processus d’intégration de l’Amérique du Sud, il convient de considérer les possibilités d’amplifier les travaux autour de l’axe Amazone-Orénoque. Cette région possède les plus grandes réserves pétrolières du monde, et autour de cet axe se trouvent aussi les entreprises basiques et les principaux gisements de bauxite, minerai de fer, or et diamants du Venezuela. Les dernières années ont été marquées par de grandes avancées dans l’infrastructure énergétique (connexion du Barrage de Guri avec les lignes d’Eletronorte) et de communications (fibre optique de Caracas à Boa Vista et Manaus). Par cette zone passerait le méga-projet de Gazoduc du Sud, oeuvre fondamentale pour garantir la souveraineté énergétique sud-américaine. Actuellement le Groupe Frontalier Binational travaille à l’articulation des chaînes productives (Pôle Industriel de Manaos et Zone Franche de Puerto Ordáz, au Venezuela), à l’augmentation des échanges commerciaux entre les deux régions et au renforcement de l’infrastructure qui va de Manaos et Boa Vista (Brésil) jusqu’à Puerto Ordaz et Ciudad Bolívar, en passant par Pacaraima et Santa Elena de Uairén (Venezuela). Il est clair que c’est surtout à travers le nord du Brésil que le Venezuela entrera dans le Mercosur.

Ces dernières années les gouvernements du Brésil et du Venezuela, ainsi que les administrations de Roraima et de l’État vénézuélien de Bolívar, ont pris des initiatives pour dynamiser les relations commerciales, intensifier les flux d’investissements et promouvoir l’intégration productive du nord brésilien avec le sud vénézuélien. Il y a de grands potentiels en particulier dans les secteurs de la métallo-mécanique, de  l’agroindustrie, la pétrochinie, l’automobile et l’industrie pharmaceutique. En novembre 2010 et en août 2011, le Ministère des Relations Extérieures (MRE), le Ministère du Développement, de l’Industrie et du Commerce Extérieur (MDIC) et l’IPEA, entre autres organismes brésiliens et vénézuéliens, ont réalisé à Manaos et à Caracas respectivement, des séminaires pour débattre de l’intégration des régions du Nord du Brésil et du Sud du Venezuela.

Les relations entre le Brésil et le Venezuela ont atteint une phase particulière et un niveau très élevé qui ouvre d’innombrables perspectives, devenues plus favorables avec l’entrée du Venezuela dans le Mercosur. Peu de pays comptent autant d’importantes agences brésiliennes établies dans leurs capitales et dans les villes principales. En plus des progrès d’une vaste alliance du secteur public, s’intensifie l’agenda des projets engageant des entreprises privées brésiliennes au Venezuela telles qu’Odebrecht, OAS, Camargo Corrêa, Andrade Gutierrez, Queiroz Galvão, Braskem, AMBEV, Gerdau, Alcicla, Petrobras et Eletrobras, entre autres.

Les exportations brésiliennes vers le Venezuela étaient restées à un niveau relativement bas dans les années 80 jusqu’en 2003. Mais la forte croissance de l’économie vénézuélienne et la décision politique de traiter le Brésil comme un partenaire commercial préférentiel ont dopé les ventes brésiliennes vers le Venezuela. En 2003, les exportations du Brésil ont atteint 600 millions de dollars US. En 2008 déjà, ce montant avait été multiplié par neuf, dépassant 5,2 billions de dollars US. En 2009, même avec la diminution des exportations due à la crise internationale, les ventes brésiliennes au Venezuela ont atteint 3,6 billions de dollars, soit cinq fois plus qu’en 2003. En 2010, elles furent de 3,8 billions de dollars.

En 2003, les exportations brésiliennes vers le Venezuela représentèrent seulement 0,8% des ventes brésiliennes dans le monde. Em août 2010, ce pourcentage fut de 1,5%. En 2009, le Brésil était déjà le deuxième plus grand exportateur d’automobiles et de pièces détachées vers le Venezuela, le troisième plus grand exportateur d’électro-électroniques, d’aliments et de machines et d’équipements et le sixième de produits pharmaceutiques. Il existe, malgré tout, une grande asymétrie dans ces relations commerciales, avec un fort excédent en faveur du Brésil.

Comprenant que l’avancée du processus d’intégration sud-américaine dépend de la déconstruction des asymétries entre les pays et de la complémentarité conséquente des chaînes productives régionales, la chancellerie brésilienne a contribué depuis 2003 à affronter ce scénario défavorable. Cette année-là le gouvernement brésilien a adopté le Programme de Substitution Compétitive d’Importations (PSCI) (2). Ce plan avait pour objectif d’impulser le commerce entre le Brésil et les autres pays sud-américains, em susbstituant, chaque fois que c’était possible et sur base de prix compétitifs, les importations brésiliennes depuis des marchés tiers par des importations provenant de voisins du sud.

En outre dans les dernières années sont néees ou ont pris un nouvel essor les structures tournées vers l’intégration qui prennent en compte les grandes asymétries. Dans ce cadre sont nés l’UNASUR, le Fonds de Convergence Structurelle (FOCEM) et, plus récemment, la Banque du Sud. Dans les années futures l’expansion du réseau d’infrastructures vénézuéliennes permettra au pays caraïbe de développer des liens forts avec le reste de l’Amérique du Sud. On sait que le futur ne dépend pas que des oeuvres humaines. Mais il existe des preuves suffisantes pour affirmer que la planification rationnelle et l’intervention humaine peuvent changer le destin dans l’espace et dans le temps. Il incombe aux penseurs d’aujourd’hui de contribuer à la construction du Mercosur de demain, car il n’y a plus de doutes quant à l’importance fondamentale de l’entrée du Venezuela dans le bloc régional.

(1) L’expression fut lancée par l’intellectuel vénézuélien Arturo Uslar Pietri, em  1936. L’idée était de “convertir la richesse transitoire du pétrole en richesse permanente de la nation”. Pour l’avocat vénézuélien Ramón Crazut (2006), il s’agit d’une “politique orientée à consacrer le gros des ressources obtenues à travers l’exploitation des hydrocarbures à des investissements vraiment productifs qui contribuent à la diversification de la production et des exportations,et nous rendent indépendants de la relative monoproduction et monoexportation d’hydrocarbures, situation qui confère à notre économie une haute vulnérabilité, vu le caractère épuisable de cette ressource extractive et ses continuelles fluctuations de prix”.

(2) Samuel Pinheiro Guimarães (2008) affirme que “la compréhension brésilienne de la necessité de récupération et renforcement industriels de ses voisins nous a menés à la négociation du Mécanisme d’Adaptation Compétitive avec l’Argentine, aux efforts de construction des chaînes productives régionales et à l’exécution du PSCI. L’objectif de celui-ci était de contribuer à la réduction des extrêmes et chroniques déficits commerciaux bilatéraux, quasi tous favorables au Brésil”.

Traduction du portugais : Thierry Deronne

Bibliographie consultée:

– ALEM, Ana Claudia & CAVALCANTI, Carlos Eduardo. O BNDES e o Apoio Internacionalização das Empresas Brasileiras: Algumas Reflexões. Revista do BNDES, Rio de Janeiro, V. 12, n. 24, p. 43-76, Dez. 2005.
 
– ARAUJO, Orlando. La industrialización de Venezuela en el siglo XX. Plan de Publicaciones del Ministerio de Industrias Básicas y Minería (MIBAM), Caracas, 2006.
 
– BANDEIRA, Luiz Alberto Moniz. “A integração da América do Sul como espaço geopolítico”, Seminário sobre integração da América do Sul, Palácio Itamaraty, 23.07.09, Rio de Janeiro.
 
– CALIXTRE, André e BARROS, Pedro Silva. A integração sul-americana, além da circunstância: do Mercosul à Unasul In: Brasil em Desenvolvimento: Estado, Planejamento e Políticas Públicas, IPEA, 2010.
 
– CHÁVEZ, Hugo. Mensaje anual a la Nación del Presidente de la República Bolivariana de Venezuela, Hugo Chávez, el 13 de enero de 2009 [Cadena nacional de radio y televisión].
 
– COSTA, Darc. Estratégia Nacional. A cooperação sul-americana como caminho para a inserção internacional do Brasil. LP&M Editores: Porto Alegre, 2003.
 
– CRAZUT, Ramón (2006). La siembra del petróleo como postulado fundamental de la política económica venezolana: esfuerzos, experiencias y frustraciones. Caracas: Universidad Central de Venezuela – Consejo de Desarrollo Científico y Humanístico.
 
– FFRENCH-DAVIS, Ricardo; MUÑOZ, Oscar & PALMA, José Gabriel. As economias latino-americanas, 1950-1990. História da América Latina, Volume VI, A América Latina após 1930. Edusp: São Paulo, 2009.
 
– GADELHA, Regina Maria Fonseca D’Aquino. Pensamento hegemônico versus emancipação: repensando a atualidade de Celso Furtado. Revista Pesquisa & Debate. v. 15, n. 26, pp. 209-224, São Paulo, 2004.
 
– GONÇALVES, Williams. Latinidade e Mundialização. In: COSTA, Darc. Mundo Latino e Mundialização. Mauad Editora Ltda: Rio de Janeiro, 2004
 
– GUIMARÃES, Samuel Pinheiro. O desafio da integração. O mundo multipolar e a integração sul-americana. Amersur: Buenos Aires, 2008.
 
– MEDEIROS, Carlos. Modelos alternativos para la integración sudamericana. In: Integración regional en América Latina: desafíos y oportunidades. Monografía de la Red del Instituto Virtual de la UNCTAD. Nova Iorque e Genebra, 2010.
 
– LIST, Friedrich. Sistema nacional de economia política. Editora Abril [Os Economistas], São Paulo, 1983.
 
– LOPES, Carlos. Empresas externas levam 33% dos recursos do BNDES para indústria, Jornal Hora do Povo, 18 de junho de 2009.
 
– PADULA, Raphael. Uma concepção de integração regional, papel da infraestrutura e ocupação dos espaços. In: COSTA, Darc (org). América do Sul. Integração e infraestrutura. Loco por ti, Rio de Janeiro, 2011. No prelo.
 
– PAIVA, Donizetti Leônidas de & BRAGA, Márcio Bobik. Integração econômica regional e desenvolvimento econômico: reflexões sobre a experiência Latino-Americana. X Encontro Nacional de Economia Política, 2005.
 
– PERÓN, Juan Domingo. La hora de los pueblos. Editorial El encuentro mágico: Buenos Aires, 1968.
 
– PINTO, Luiz Fernando Sanná e SEVERO, Luciano Wexell. O Sistema de Pagamentos em Moeda Local (SML) e suas potencialidades para o Mercosul. Boletim de Economia e Política Internacional, Brasília, Ipea, n. 5, dez. 2010.
 
– RODRÍGUEZ, Octavio. Teoria do subdesenvolvimento da CEPAL. Rio de Janeiro: Forense-Universitária, 1981.
 
– TAVARES, Maria da Conceição. Da substituição de importações ao capitalismo financeiro. Rio de Janeiro: Zahar Editores, 1976. 

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/08/02/le-venezuela-et-lamerique-du-sud-la-fin-de-deux-cents-ans-de-solitude/

Et de trois : après la Bolivie et l’Équateur, le Venezuela quitte le CIRDI ! Vers un « CIRDI du Sud » ?

24 février par Cécile Lamarque

Le Venezuela a annoncé qu’il se retirait du CIRDI, le Centre international de règlement des différends liés à l’investissement. Cette décision de se retirer du CIRDI, prise également par la Bolivie et l’Équateur en 2007 et 2009 |1|, a été officialisée le 24 janvier 2012 dans une lettre envoyée par le gouvernement vénézuélien à la Banque mondiale.

Le CIRDI est un organe d’arbitrage créé en 1966 pour trancher les litiges entre les transnationales et les États. Aujourd’hui, 147 États reconnaissent sa compétence en cas de litige avec des transnationales. Le Venezuela a adhéré au CIRDI en 1993. Ce tribunal, qui est une composante du groupe Banque mondiale, est majoritairement saisi par les multinationales pour réclamer des indemnisations et compensations lorsque l’État prend des mesures qui « privent l’investisseur des bénéfices qu’il pourrait raisonnablement espérer » ou qui pourraient s’apparenter à une « expropriation indirecte ». Il suffit qu’un parlement adopte une mesure (comme une loi environnementale ou une loi augmentant les impôts sur les sociétés) qui va à l’encontre des intérêts des transnationales pour que l’État soit sanctionné par ces arbitres internationaux. Par exemple, en 1996 l’entreprise étasunienne Metalclad a poursuivi le gouvernement mexicain pour violation du chapitre 11 de l’ALENA quand le gouvernement de San Luis Potosi a interdit à ladite entreprise d’ouvrir un dépôt de produits toxiques. Le non-octroi du permis d’ouvrir une décharge fut considéré comme un acte d’« expropriation » et le gouvernement mexicain a dû payer à Metalclad une indemnisation de 16,7 millions de dollars |2|. Plus récemment, en 2007, le gouvernement équatorien a annoncé que les entreprises pétrolières qui opèrent dans le pays devaient verser une plus grande partie de leurs revenus à l’Etat |3|. Les entreprises Murphy Oil (USA), Perenco (France) et Conoco-Philips (USA) ont alors porté plainte devant le CIRDI pour expropriation. Ces deux affaires sont loin d’être des cas isolés. Le problème fondamental est que le CIRDI offre l’impunité pour les transnationales et mine la souveraineté des Etats. Il était donc logique que le Venezuela réagisse en se retirant enfin du CIRDI.

Suite aux nationalisations dans plusieurs secteurs stratégiques (hydrocarbures, industrie alimentaire, électricité, finances, télécommunications, etc.), le gouvernement vénézuélien affronte, principalement devant le CIRDI, une vingtaine de plaintes de multinationales qui exigent des indemnisations colossales. Après plusieurs annonces sans suite, c’est le litige avec la pétrolière étasunienne Exxon qui a décidé le Venezuela à quitter le CIRDI |4|. Dès lors, la décision du Venezuela de sortir du CIRDI marque un pas plus affirmé vers une reconquête de sa souveraineté.

L’Amérique latine en première ligne devant le CIRDI

Au cours des dernières décennies, la politique entreguista et vendepatrias |5| de gouvernements latino-américains successifs a permis de nombreux investissements étrangers dans l’agriculture, l’industrie minière, pétrolière, etc., protégés par des traités de libre-échange et de protection des investissements qui prévoient le recours à des tribunaux d’arbitrage supranationaux en cas de différends, principalement le CIRDI |6|. Depuis le début des années 2000, grâce aux mobilisations citoyennes, plusieurs gouvernements latino-américains essaient de récupérer le contrôle sur leurs ressources stratégiques, ou tout au moins de tendre vers des conditions qui leur sont plus favorables. Dès lors, les pays d’Amérique latine, qui représentent 10% des 147 membres du CIRDI, sont à l’heure actuelle parmi les plus affectés par les recours intentés par des multinationales : ils sont la cible de 69% des 135 litiges en cours devant le CIRDI, et de 26% des 45 litiges liés aux secteurs de l’industrie pétrolière, minière et du gaz (contre 3 cas pour ces secteurs il y a 10 ans) |7|.

Le bradage du patrimoine national, les traités de libre-échange et de protection des investissements (totalement contraires à la souveraineté nationale) et la soumission permanente à la compétence du CIRDI (ou à tout autre organe d’arbitrage comme la Cour d’Arbitrage de la Chambre de Commerce International – CCI – et la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international – CNUDCI) constituent un cocktail explosif. La sortie du CIRDI doit s’accompagner d’une dénonciation par les États de ces traités, ou, au minimum, d’une révision des clauses qui permettent aux multinationales de saisir directement les tribunaux supranationaux en faisant l’impasse sur les recours juridiques nationaux. L’Equateur et la Bolivie l’ont bien compris : parallèlement à leur sortie du CIRDI, ces deux pays ont renégocié ou mis un terme à plusieurs de ces accords. Le Venezuela devrait à présent leur emboîter le pas.

Quitter le CIRDI pour recouvrer sa souveraineté

Dans son communiqué faisant suite au retrait du CIRDI |8|, le Venezuela rappelle que le recours au CIRDI contrevient à l’article 151 de la Constitution vénézuélienne qui prévoit le recours aux tribunaux nationaux en cas de litiges concernant des contrats d’intérêt public |9| (l’évaluation de l’intérêt public relève de la compétence des pouvoirs publics). Par exemple, la nationalisation par le Venezuela de secteurs considérés comme stratégiques (pétrole, industrie alimentaire, électricité, etc.) est soutenue au nom de l’intérêt public afin de s’assurer du maintien ou du développement du secteur au bénéfice de la population et/ou d’éviter que les bénéfices d’un secteur ne profitent démesurément à des entreprises privées, aux dépens de la population. Ces nationalisations sont tout à fait fondées en droit. En effet, au delà des dispositions prévues par la Constitution et les lois nationales, de nombreux textes juridiques internationaux |10| affirment la primauté de l’intérêt du développement national, des mesures visant à assurer le bien-être de la population, sur les intérêts privés (nationaux et internationaux), et le droit inaliénable des États à la souveraineté et à l’autodétermination.

Il faut, par ailleurs, souligner que la ratification par un État de la Convention CIRDI n’oblige pas les États parties à se soumettre systématiquement aux tribunaux d’arbitrage internationaux en cas de litiges avec des investisseurs étrangers. Le consentement des États doit avoir été donné avant que le CIRDI ne soit saisi |11| et un État contractant peut exiger que les recours internes soient épuisés (article 26 de la Convention). L’article 25 alinéa 4 de la Convention CIRDI |12| autorise également les États contractants à indiquer au CIRDI les catégories de différends qu’ils souhaitent soustraire du champ de compétence du CIRDI ou que leur loi nationale leur interdirait de soumettre au CIRDI (c’est le cas de l’Équateur qui a notifié en décembre 2007 qu’il excluait du CIRDI tous les différents concernant les ressources naturelles, avant de se retirer totalement du CIRDI en 2009). En revanche, des clauses de renonciation à la juridiction nationale et de soumission directe à des tribunaux d’arbitrage supranationaux font partie des obligations stipulées dans nombre d’accords de protection et de promotion des investissements étrangers (TPPI), de libre-échange et autres accords similaires. D’où la double nécessité de remettre en cause ces accords et de sortir du CIRDI, où sont piétinées les lois et Constitutions nationales ainsi que les normes fondamentales du droit international en matière de droits humains.

Les États et les tribunaux nationaux peuvent déterminer si ces traités sont conformes au droit interne et aux grands principes de droit international tels que ceux figurant dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les deux pactes sur les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels de 1966, ainsi que les normes impératives de droit international (jus cogens), incluant le droit à l’autodétermination. En effet, le respect et l’application des droits humains, tels qu’ils sont reconnus universellement par les différentes conventions internationales, priment sur les autres engagements pris par les États, parmi lesquels l’application des traités de libre-échange, de protection des investissements et autres accords similaires. L’article 103 de la Charte de l’ONU, à laquelle les États membres des Nations unies doivent impérativement adhérer, est sans ambiguïté : « En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ». L’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose également que : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général ».

L’existence de vices de procédure et de fond lors de la ratification d’un traité peut également entraîner sa nullité, conformément aux dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités (articles 46 à 53). Par exemple, un État peut invoquer la violation manifeste d’une norme d’importance fondamentale du droit interne de l’une des parties à ce traité, le dol, la corruption des représentants de l’État, la violation des Principes généraux du droit (tels que la lésion, l’abus de droit, la bonne foi, l’autodétermination des peuples, l’équilibre contractuel, entre autre) |13|.

Un gouvernement qui en a la volonté politique peut donc légalement refuser l’application des accords bilatéraux de libre-échange et de promotion des investissements qui portent atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels de sa population et hypothèquent sa souveraineté. Il peut dénoncer les actions en justice lancées par les transnationales devant le CIRDI en invoquant la prééminence d’une hiérarchie des normes internationales.

En outre, les États doivent quitter le CIRDI et rétablir leur compétence souveraine de régler les litiges survenus sur leur territoire devant leurs tribunaux nationaux, conformément à la doctrine Calvo |14|. En vertu de cette doctrine, en cas de plaintes ou de réclamations, les multinationales ont l’obligation d’épuiser tous les recours légaux en vigueur dans la législation nationale de l’État qu’ils prétendent poursuivre.

Vers un « CIRDI du Sud » ?

On l’a vu : de nombreux litiges ont surgi ces dernières années entre les Etats latino-américains et les multinationales. Ces États ont donc intérêt à s’allier pour dénoncer les traités bilatéraux d’investissement, pour qu’ils se retirent du CIRDI et appliquent la doctrine Calvo. L’intégration latino-américaine implique de se doter d’une architecture financière, juridique et politique commune. En matière juridique, les pays de la région devraient avancer vers la création d’un organe régional de règlement des litiges en matière d’investissement auquel les différentes parties recourent librement, après l’épuisement des voies de recours devant les juridictions nationales du pays hôte des investissements. En d’autres termes, il faut créer un « CIRDI du Sud », alternatif au CIRDI de la Banque mondiale qui sert les intérêts des grandes transnationales privées. Plus largement les États, qui mènent des politiques progressistes heurtant directement les intérêts des transnationales, ont tous intérêt à se retirer du CIRDI et à réaffirmer la compétence des tribunaux nationaux devant faire respecter la supériorité des droits humains sur les droits des investisseurs.

Notes

|1| Mentionnons que dans la région latino-américaine et caribéenne, le Brésil, Cuba et le Mexique n’ont pas signé la Convention CIRDI et que la République dominicaine ne l’a pas ratifié jusqu’à aujourd’hui. Dans d’autres régions, l’Inde par exemple n’est pas partie au CIRDI.

|2| On peut consulter la sentence arbitrale du cas « Metalclad Corporation contre les Etats-Unis du Mexique » (cas No ARB(AF) 97/1) sur www.worldbank.org/icsid/case….

|3| Jusque 2007, les sociétés pétrolières devaient verser à l’Etat 50 % des bénéfices résultant d’un dépassement sur les marchés internationaux du prix fixé dans le contrat. En octobre 2007, après sa victoire électorale, Rafael Correa a signé un décret obligeant les sociétés pétrolières à verser 99% des bénéfices résultant du dépassement du prix plancher. Cela a fait rentrer 3,2 milliards de dollars supplémentaires dans les caisses de l’Etat en 2008. Voir Mark Weisbrot et Luis Sandoval « La economia ecuatoriana en anos recientes », juillet 2009, CEPR, Washington www.cepr.net

|4| Le gouvernement vénézuelien a décidé en 2007 de récupérer la souveraineté sur ses ressources pétrolières par le biais de la création d’entreprises mixtes au sein desquelles l’entreprise publique PDVSA détient au moins 60% des actions. Entre autres multinationales, Exxon, qui voit ses investissements affectés par cette décision, porte plainte contre l’Etat vénézuelien devant le CIRDI, et parallèlement contre PDVSA devant la Cour d’Arbitrage de la Chambre de Commerce International (CCI). La CCI a rendu sa décision début janvier et statué que PDVSA devait indemniser Exxon à hauteur de 908 millions de dollars (revoyant cependant à la baisse les aspirations exagérées de la transnationale). Le CIRDI devrait quant à lui rendre sa décision au plus tôt fin 2012.

|5| Ces termes font partie de la culture politique de plusieurs pays d’Amérique latine. Ils renvoient à des représentations collectives fortement ancrées dans l’histoire de pays progressivement spoliés de leurs ressources par des puissances étrangères ou des multinationales qui s’appuient sur des élites économiques et politiques entreguista– qui « offrent » les biens du pays – et qui sont dénoncées comme « vendeurs de la patrie », « valets de l’impérialisme », et dont l’action est perçue comme une trahison de l’intérêt public.

|6| Au côté du CIRDI, les principaux tribunaux d’arbitrage supranationaux sont la Cour d’Arbitrage de la Chambre de Commerce International (CCI) et la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).

|7| Entretien avec Miguel Perez Rocha, RFI, http://www.espanol.rfi.fr/americas/…

|8http://www.cadtm.org/Gobierno-Bolivariano-denuncia

|9Article 151. Dans les contrats d’intérêt public, dont la nature n’a pas été prise en compte, il sera considéré comme incorporé, même s’il n’est pas explicite, une clause selon laquelle les doutes et les controverses qui peuvent surgir sur lesdits contrats et qui ne peuvent être résolus à l’amiable d’un commun accord par les parties contractantes, ils seront réglés par les tribunaux compétents de la République, en conformité avec ses lois, sans qu’aucun motif, ni cause puissent être à l’origine de réclamations étrangères.

|10| La Charte de l’ONU de 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, les deux Pactes de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et sur les droits civils et politiques (PIDCP), la résolution 1803 des Nations unies du 14 décembre 1962 relative à la souveraineté permanente des Etats sur les ressources naturelles, la Convention de Vienne sur le droit des traités 1969 ou encore la Déclaration sur le droit au développement 1986, etc.

|11| Le dernier paragraphe du Préambule de la Convention dit que : «  Déclarant qu’aucun Etat contractant, par le seul fait de sa ratification, de son acceptation ou de son approbation de la présente Convention, ne sera réputé avoir assumé aucune obligation de recourir à la conciliation ou à l’arbitrage, dans des cas particuliers, sans son consentement ».

|12| Article 25 alinéa 4 : « Tout Etat contractant peut, lors de sa ratification, de son acceptation ou de son approbation de la Convention ou à toute date ultérieure, faire connaître au Centre la ou les catégories de différends qu’il considérerait comme pouvant être soumis ou non à la compétence du Centre .Le Secrétaire général transmet immédiatement la notification à tous les Etats contractants. Ladite notification ne constitue pas le consentement requis aux termes de l’alinéa (1) ».

|13| On peut également mentionner la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international qui dispose dans son article 34 qu’une sentence arbitrale peut être annulée si « le tribunal constate : i) que l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par arbitrage conformément à la loi du présent État ; ou ii) que la sentence est contraire à l’ordre public du présent Etat  ».

|14| Cette doctrine de droit international, établie en 1863 par le juriste et diplomate argentin Carlos Calvo, prévoit que les personnes physiques ou morales étrangères doivent se soumettre à la juridiction des tribunaux locaux pour les empêcher d’avoir recours aux pressions diplomatiques de leur Etat ou gouvernement. Selon cette doctrine, tous les biens, corporels, incorporels, matériels et immatériels, sont soumis à la loi de l’Etat souverain et en cas de différends, ce sont les tribunaux nationaux qui sont compétents. La doctrine Calvo est incorporée dans la Charte de l’Organisation des Etats Américains (article 15), le Pacte de Bogota (article 7), la résolution 3171 du 17 décembre de 1973 de l’Assemblée générale des Nations Unies (Souveraineté permanente sur les ressources naturelles), paragraphe 3, et dans plusieurs constitutions nationales : la constitution de l’Argentine (article 116), de la Bolivie (article 24), du Guatemala (article 29), du Salvador (articles 98 et 99), de l’Equateur (article 14), du Pérou (article 63.2), du Venezuela (article 151), etc.

Cécile Lamarque est membre du groupe droit du CADTM Belgique

Source : http://www.cadtm.org/Et-de-trois-apres-la-Bolivie-et-l