Semences de souveraineté

« La semence est comme une bénédiction, on ne peut la refuser à personne« .
Bernabé Torres (Vallée de Gavidia, État de Mérida).

À 3500 mètres au-dessus du niveau de la mer, au-dessus de la vallée silencieuse de Mucuchíes, dans l’État de Mérida, se trouve un endroit très réel, qui semble imaginé. Un lieu aussi extraordinaire que les montagnes, la terre, la végétation et les paysages andins. Dans ce lieu, discrètement et minutieusement, on réinvente la souveraineté alimentaire du Venezuela. Il s’agit du Centre biotechnologique pour la formation à la production de semences Agamiques (Cebisa), dirigé par des paysan(ne)s dans le cadre de la coopération scientifique/paysanne du Ministère de la science, de la technologie et de l’innovation.

Le centre est géré par Proimpa, Productores Integrales del Páramo, une association libre de paysan(ne)s, de producteur(trice)s locaux et de travailleur(se)s de Mérida. Cette association a été fondée en 1999, motivée par l’idée d’Hugo Chávez de travailler à la souveraineté alimentaire. Elle travaille aujourd’hui en étroite collaboration avec des scientifiques de différentes institutions, telles que l’Institut vénézuélien de recherche scientifique (IVIC), l’Institut d’études avancées (IDEA) et l’Institut national de recherche agricole (INIA).

Dans ce petit bâtiment de trois étages, au bord d’une colline, auquel on accède par une route très escarpée, la recherche en laboratoire s’allie à la production sur le terrain, pour créer et reproduire des variétés de semences. Dans un laboratoire soigné, dans des conditions techniques strictes, la biotechnologie permet de produire des plantes conservant leur identité génétique. Des clones, dont naîtront des semences asexuées (agamiques) pour la pomme de terre, l’ail, la fraise, l’igname, la patate douce et d’autres cultures. C’est ici qu’a été initiée, par exemple, la production des semences de pommes de terre autochtones, qui a permis de substituer l’importation. Elle sont aujourd’hui distribuées à des producteurs dans tout le Venezuela.

Ces procédés, dont on pensait jusqu’à récemment qu’ils n’étaient réalisables que dans des laboratoires extérieurs ou dans de grandes entreprises transnationales, sont aujourd’hui pratiqués dans ce petit espace géré principalement par des paysannes, par de jeunes travailleurs et des scientifiques qui ont étudié dans les lycées des montagnes de Mucuchíes et qui sont aujourd’hui des spécialistes des techniques de reproduction génétique, au plus haut niveau. Une science appliquée au droit à l’alimentation. « Une science pour la vie et non pour le marché » comme la définit la vice-présidente des sciences, Gabriela Jiménez.

À Cebisa, nous sommes accueillis par Edith, Moralva, Ingrid, Lalo et Jesús. Une activité intense se déroule dans les laboratoires dont le produit – les plantes génétiquement produites de 80 variétés de pommes de terre et d’autres cultures – ira à un réseau de 12 pépinières pour générer la production de semences qui, à leur tour, iront dans les champs et les cultures de diverses régions du pays.

La plupart des personnes travaillant au Cebisa sont des femmes. Elles parlent avec passion. « Nous unissons les connaissances ancestrales et les connaissances scientifiques pour produire une souveraineté technologique et alimentaire. » Ce sont elles qui dirigent le laboratoire et veillent à la rigueur des procédures scientifiques. Dans les pépinières, les tâches sont réparties pour assurer l’achèvement du cycle, l’évaluation du rendement, des caractéristiques et de la production finale des semences.

Dans la plus moderne de leurs installations, la pépinière aéroponique, les semences sont produites « dans l’air ». Les plants produits en laboratoire ne sont pas enterrés, mais poussent suspendus tout en étant alimentés par le haut grâce à un ingénieux système de micro-tubulures.

Mais l’organisation paysanne va bien au-delà de la production de semences. Plus haut, à Apartaderos, l’Entreprise socialiste de production et de stockage « Hugo Chávez », une entité sociale gérée par les communes (autogouvernements populaires), permet de collecter des pommes de terre et des semences à travers un circuit qui relie les producteurs locaux aux institutions publiques et au marché, en éliminant les coûts des intermédiaires et en faisant baisser les prix. De là, par exemple, plus de 100.000 kilos de pommes de terre sont distribués mensuellement – avec paiement immédiat au producteur et à un prix équitable – par les programmes du ministère de l’alimentation, dans les foires agricoles souveraines et les cantines scolaires. L’alliance entre les connaissances scientifiques et les savoirs ancestraux a permis de remettre la science entre les mains des paysans. Aujourd’hui, les pommes de terre sont produites à basse altitude, ce qui ne serait jamais arrivé si les semences indigènes, paysannes et souveraines n’avaient pas été sauvées.

Dans différentes régions du pays, plus de cinq mille familles utilisent la biotechnologie et s’intègrent à cette innovation qui ouvre peu à peu la voie à une nouvelle économie. Avant la révolution bolivarienne, l’agrobusiness s’était développé au Venezuela à travers l’appropriation de la rente pétrolière et des biens publics par une oligarchie liée aux États-Unis. Le président Chávez a commencé par interdire l’importation de semences OGM. Quelques années plus tard le mouvement social et les députés chavistes ont promulgué la Loi des Semences (2015). En 2024, cette politique d’État se renforce, comme à Mérida, avec la participation directe des organisations populaires, sur le territoire lui-même.

William Castillo Bollé

Photo : la vice-présidente des sciences, de la technologie, de l’éducation et de la santé, Gabriela Jiménez Ramírez, lors d’une livraison de semences de sept variétés de maïs, pour la culture de 30.000 hectares au cours du cycle de plantation 2024.

Source : https://medium.com/@planwac/semillas-de-soberan%C3%ADa-0e6bece6fd12

Traduction de l’espagnol : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/04/12/semences-de-souverainete/

Venezuela : douze points sur les « i » d’élections présidentielles.

Par Thierry Deronne, Caracas.

1. Depuis la victoire électorale de Hugo Chávez en décembre 1999, le Venezuela a organisé 35 élections en 24 ans, dont un référendum sur la nouvelle Constitution. Le chavisme a perdu deux élections nationales. La droite a fait élire des gouverneurs, des députés, des maires et des conseillers municipaux. La transparence du système électoral vénézuélien, à double vérification, électronique et imprimée, a fait dire dès 2012 à Jimmy Carter qu’«en le comparant aux 92 processus électoraux que j’ai observés dans le monde entier, le système électoral vénézuélien est le meilleur du monde» (1). Dans l’isoloir, l’écran numérique permet à l’électeur/trice de voter sur écran puis de lancer l’impression de son vote, qu’il ou elle vérifie et plie avant de le déposer dans l’urne à proximité. Tous les partis et observateurs peuvent ainsi comparer les votes électroniques avec les votes imprimés, dans n’importe quel bureau, partout où ils le souhaitent. Les élections les plus récentes (2021) ont été validées par l’ensemble des observateurs internationaux. (2)

2. A la suite de l’«Accord des Barbades» (3), cosigné par le gouvernement du Venezuela et l’opposition de droite en octobre 2023, 40 partis d’opposition ou pro-chavistes – soit 97% des partis politiques -, et 155 délégué(e)s des principaux secteurs économiques, culturels, religieux et sociaux du Venezuela, se sont réunis pendant plusieurs jours à Caracas pour définir une feuille de route électorale (photos). Cet accord, relu et signé par toutes les parties le 4 mars 2024, a permis au Centre National Électoral (CNE) de fixer la date des présidentielles au 28 juillet.

Seule à refuser de prendre part à ces réunions : l’oligarque d’extrême droite Maria Corina Machado, admiratrice du Likoud, qui a participé à tous les coups d’État contre Chávez et Maduro, avant d’être déclarée inéligible par la justice, comme la justice brésilienne l’a fait pour le putschiste Bolsonaro. En cause : son implication dans le réseau de corruption de Juan Guaido, sa participation à l’organisation des violences, ses appels à l’invasion armée du Venezuela par les États-Unis, et avoir représenté un pays étranger (le Panama) pour appuyer cette intervention (alors qu’elle était députée vénézuélienne) ce qui est interdit par la Constitution (4). Cette décision a été confirmée en appel par la Cour suprême du Venezuela. Ces dernières semaines, son parti «Vente Venezuela», qu’elle a toujours refusé d’inscrire au Conseil National Électoral, a renoué avec les méthodes insurrectionnelles pratiquées en 2014 et en 2017 (attentats contre le président Maduro, violences de rue, destructions de services publics). Plusieurs militants du premier cercle de la dirigeante ont été arrêtés alors qu’ils préparaient des violences et un attentat contre le président (5). Ils ont aussitôt été présentés par Machado, Washington et les grands médias comme des «prisonniers politiques». Comme l’explique Ignacio Ramonet, «depuis des années, les dénonciations du gouvernement bolivarien sur les déstabilisations et les attentats terroristes sont occultées ou traitées avec les guillemets de l’ironie par les grands médias».

3. Les élections présidentielles de 2024 auront le deuxième plus grand nombre de candidats depuis 31 ans (6). Sur les treize candidats en lice pour la présidentielle, douze appartiennent à l’opposition (en majorité de droite, mais aussi de l’évangélisme ou de la social-démocratie). Ces partis vont d’«Acción Democrática» et «Copei», venus de l’ancien régime bipartisan qui a gouverné le pays pendant 40 ans, à «Fuerza Vecinal», récemment issu d’une dissidence de l’extrême droite. Le président sortant, Nicolás Maduro, a été choisi comme candidat par les onze organisations politiques du «Gran Polo Patriótico Simón Bolívar». Dans cette coalition de la gauche, le principal parti chaviste – le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) -, est le seul à avoir organisé des primaires avec plus de quatre millions et demi de sympathisant(e)s, militant(e)s et dirigeant(e)s de base qui ont tenu des assemblées dans près de 50.000 communautés populaires de tout le pays.

4. Actuellement, les sondages de la firme privée Hinterlaces donnent une majorité à Nicolas Maduro (7). Son directeur Oscar Schémel explique: «A peine 9 % des Vénézuéliens sympathisent avec un parti d’opposition. C’est le niveau le plus bas jamais atteint. La plupart de ses dirigeants sont rejetés par l’opinion publique à plus de 80 % – Juan Guaidó, Capriles, Henry Ramos et d’autres, à cause de leurs conflits internes mais aussi des sanctions occidentales qu’ils ont promues et des souffrances sociales générées (…) Pendant 25 ans, nous n’avons vu de la part de l’opposition aucun programme structurel (à part renverser le gouvernement bolivarien), aucune présence massive dans les rues. L’opposition a perdu la capacité de diriger une meeting dans un quartier populaire, elle «a perdu la rue». Une bonne partie de ses victoires est due au vote des mécontents des mauvaises gestions gouvernementales. (…) Par contre, le chavisme est la seule force politique qui, en 25 ans, a proposé un plan à long terme. Une sorte de «culture chaviste» s’est installée, mettant au cœur de la politique les thèmes de l’égalité, de l’inclusion de celles et ceux qu’une sorte d’apartheid avait écarté de la participation politique.» Les agences de renseignement des États-Unis sont arrivées à la même conclusion qu’Hinterlaces: le dirigeant vénézuélien Nicolás Maduro remporterait les prochaines élections présidentielles de la nation sud-américaine en juillet. (8)

5. Après les années les plus dures d’un blocus occidental dénoncé par les rapporteurs de l’ONU (9), et qui a entraîné la mort de 100.000 personnes, Hinterlaces note aussi que « 81% des électeurs vénézuéliens retrouvent l’espoir. » L’ex-Président et économiste Rafael Correa a expliqué récemment que malgré le blocus et les 926 sanctions renouvelées en mars 2024 par l’administration de Joe Biden, les chiffres de la CEPAL (ONU) indiquent que les politiques du gouvernement révolutionnaire (stimulation de la production nationale, alliances multipolaires..) permettront d’atteindre de nouveau cette année la croissance la plus élevée d’Amérique du Sud. L’hyper-inflation a été freinée: l’inflation du troisième trimestre 2023 fut la plus basse depuis 2012. Ce qui explique le retour progressif des migrant(e)s qui avait fui le pays massivement à partir du blocus occidental.

6. Pour s’inscrire aux présidentielles, toutes les organisations politiques qui le voulaient se sont enregistrées auprès du Centre National Électoral (sans le moindre obstacle, en respectant la législation électorale). Mais «Vente Venezuela», le «parti» d’extrême droite de Maria Corina Machado, n’a jamais demandé à être inscrit, et n’a jamais participé à une élection. Plus que d’un parti, il s’agit d’une ONG (financée par les États-Unis) qui s’est fait connaître en 2023 par le biais d’une «primaire de l’opposition» controversée, menée avec un énorme battage médiatique international mais sans inscription sur les listes électorales et avec pour seul arbitre l’ONG «Súmate», dont María Machado est membre fondatrice. Les cahiers de vote ont été détruits après le scrutin. Dès juin 2004, l’économiste états-unien Mark Weisbrot du CEPR a dénoncé devant la sous-commission des affaires de l’hémisphère occidental du Sénat états-unien, le financement de Súmate par la NED (une des façades de la CIA). (10)

7. Comme dans de nombreux pays, en Espagne par exemple, la loi électorale vénézuélienne prévoit que chaque parti qui souhaite inscrire une candidature nomme un représentant légal auprès du Conseil Électoral. Seul ce représentant légal dispose du mot de passe pour introduire les données dans le système. Ne s’étant jamais inscrite et n’ayant aucun représentant légal, Maria Corina Machado n’a pas pu entrer dans le système, tout en affirmant devant les caméras que la page était «bloquée pour elle par la dictature». En réalité, la dirigeante savait dès le départ qu’elle ne pourrait pas participer aux élections. Pourquoi, dès lors, cette mise en scène ? Explications.

8. L’an passé, Washington avait accepté de lever temporairement plusieurs des 926 sanctions contre le Venezuela, tout en menaçant de les reconduire en 2024 si Maria Corina Machado ne figurait pas parmi les candidats. En clair, les États-Unis veulent imposer la raison du plus fort contre la loi électorale du Venezuela. C’est ce sentiment de puissance que lui donne l’appui de Washington et de l’internationale médiatique, qui permet à Machado d’affirmer, devant les médias, que la «dictature l’empêche de se présenter».

9. Les médias occultent que la majorité de la gauche et des mouvements sociaux latino-américains, comme les Mouvements de l’ALBA ou le Réseau des Intellectuels en Défense de l’Humanité, appuient la démocratie vénézuélienne face à cette manœuvre. Sans Terre, féministes, communistes, syndicalistes, afrodescendant(e)s, responsables du PT (parti de Lula) : un manifeste signé par de nombreux partis de gauche et mouvements populaires brésiliens dénonce la désinformation sur les élections au Venezuela et appelle la gauche mondiale à exprimer sa solidarité (11). La Présidente du Honduras (également présidente de la CELAC) Xiomara Castro demande que cessent les «ingérences extérieures dans les élections vénézuéliennes» et, répondant favorablement à l’invitation du gouvernement bolivarien, enverra sur place une équipe d’observateurs électoraux (12). Comme le Honduras, le Nicaragua ou Cuba, la Bolivie de Lucho Arce exprime dans un communiqué officiel sa solidarité avec «la République bolivarienne du Venezuela, son peuple et notre frère le président Nicolas Maduro face aux menaces et aux actions de certaines organisations d’extrême droite qui, au lieu de se joindre à la compétition électorale comme l’ont décidé d’autres organisations d’opposition, s’emploient à déstabiliser les élections et le système politique vénézuélien. (…) Les États-Unis doivent respecter l’autodétermination du Venezuela et abandonner leurs plans d’ingérence et d’intervention.» (13)

Position semblable du célèbre «Groupe de Puebla» qui regroupe des (ex-) présidents et leaders latino-américains progressistes : «Nous sommes témoins que le gouvernement et l’opposition se sont engagés dans un dialogue intensif ces derniers temps (…) Cette étape doit garantir que la voie électorale pacifique est le moyen de régler les différends, de légitimer pleinement le processus électoral et de mettre fin aux voies déstabilisatrices, aux interventions, aux actions militaires, aux sanctions économiques ou à d’autres actions de force, toutes incompatibles avec la voie démocratique.» (14)

Pour sa part l’ex-président Evo Morales lance « un appel fraternel à tous les gouvernements et à toutes les organisations politiques et sociales de gauche, progressistes et humanistes pour qu’ils ne se laissent pas entraîner par la désinformation sur ce qui se passe au Venezuela. Comme aujourd’hui, d’autres attaques préparées par l’impérialisme ne manqueront pas de se produire plus tard. Il est de notre devoir de défendre le processus révolutionnaire initié par le Président Chávez et poursuivi par notre frère le Président Nicolás Maduro. »

Le 5 avril, le président du Mexique Lopez Obrador dénonce : « le Venezuela est attaqué par la droite du monde entier, tout comme Cuba. Nous connaissons ce type de guerre sale » et exige de laisser le Venezuela mener ses présidentielles « sans ingérence, et que le peuple choisisse librement, et en paix ». (15)

Le monde multipolaire manifeste également son appui. Le porte-parole des Affaires Étrangères de la Chine a déclaré: «Nous soutenons le Venezuela dans l’organisation des élections conformément à sa constitution et à ses lois, lui souhaitons plein succès dans ce scrutin et nous nous opposons à toute ingérence extérieure dans ses affaires intérieures. La Chine appelle la communauté internationale à jouer un rôle positif et constructif à cette fin.» (16) Comme pour les élections de 2021, l’ONU a accepté l’invitation du gouvernement bolivarien à envoyer son équipe d’observateurs (17), arrivée le 23 avril. Dans les prochaines semaines arriveront au Venezuela les équipes du Centre Carter et de l’Union Européenne (18).

10. Lorsque des fonctionnaires des affaires étrangères de Colombie et du Brésil, dont les présidents sont des alliés du Venezuela, ont émis des communiqués en phase avec les médias dominants et critiqué la non-inscription de Maria Corina Machado (écartée depuis lors par la droite elle-même), les grands médias ont aussitôt annoncé «la rupture de Lula et de Petro avec Maduro». C’est faux. Les relations bilatérales se poursuivent sans obstacles (19). Quelques jours plus tard, le 9 avril, s’est tenue à Caracas la cinquième réunion de travail entre les présidents Maduro et Petro pour renforcer les relations bilatérales en économie et en politique. Le mandataire colombien a rencontré également des partis d’opposition, et la Colombie a accepté l’invitation du Venezuela d’envoyer une équipe d’observateurs électoraux aux élections du 28 juillet. En outre la guérilla de l’ELN et le gouvernement colombien vont se retrouver à Caracas pour avancer dans le processus de paix. Pour le président Petro, « le Venezuela peut beaucoup nous aider, comme il l’a souvent fait, à surmonter le problème des conflits armés. » (20)

Photo : Caracas, le 9 avril, cinquième réunion de travail entre les présidents Maduro et Petro pour renforcer les relations bilatérales.

Quant au Président Lula, il a expliqué à la presse, le 23 avril 2024, que la droite a enfin nommé un candidat unique aux présidentielles de juillet (écartant la putschiste Machado, inéligible), qu’il y aura des observateurs internationaux, que le Brésil en sera volontiers, et redemande aux USA – comme l’ont fait ses homologues colombien et mexicain -, de lever les 936 « sanctions » pour favoriser le retour des migrants économiques.

Le Coordinateur National du Mouvement des Sans Terre du Brésil Joao Pedro Stedile, les analystes Walter Smolarek de Liberation News, Zoe Alexandra de People’s Dispatch (21), les journalistes brésiliens Breno Altman d’Opera Mundi et Lorenzo Santiago de Brasil de Fato (22), l’historien Vijay Prashad du Tricontinental Institute, ont démonté la fake news de la « candidate exclue » diffusée par l’extrême droite vénézuélienne.

Une réponse particulièrement intéressante est venue du politologue espagnol Juan Carlos Monedero, ex-dirigeant de Podemos (23): «Je crains que Lula et Petro n’aient pas été informés par ces fonctionnaires sur ce qui s’est passé au Venezuela. Ne soyons pas dupes. Les États-Unis ne veulent pas que Nicolas Maduro gagne les élections et recommencent à les saboter. Le problème de l’opposition vénézuélienne, ce sont ses divisions. L’inégibilité de Maria Corina Machado n’a constitué une surprise pour personne au Venezuela. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle n’a tenu aucun compte de la législation vénézuélienne ni de ce que dit l’«Accord des Barbades» signé par le gouvernement et l’opposition. Les milieux d’affaires vénézuéliens ne veulent pas de Machado au pouvoir car ils savent qu’elle déclencherait une guerre civile. La population déteste l’alter ego de Machado, Juan Guaido, pour les milliards de dollars qu’il a volés et pour les sanctions qui ont causé tant de souffrances. Machado a été jugée et condamnée pour exiger une intervention militaire des États-Unis. C’est comme si les juges espagnols déclaraient inéligible un politicien qui demande par exemple qu’on bombarde l’Espagne ou qui promeut la violence ou la désobéissance à la Constitution espagnole. Pour beaucoup moins que ça, en Espagne, nous avons jugé inéligibles beaucoup de personnes.

Monedero conclut : «Restons humbles: ce qu’on ne veut pas pour son pays, on ne peut le vouloir pour un autre pays. Comme l’avait d’ailleurs dit Lula, la droite vénézuélienne devrait cesser de pleurer et se chercher un autre candidat. Machado a préférer jouer à la victimisation. Le reste de la droite le sait, et a refusé d’inscrire sous sa bannière Machado ou la candidate de substitution qu’elle voulait imposer au dernier moment. La droite a fait savoir à Machado qu’elle n’acceptait pas qu’elle prenne des décisions sans les consulter, puis lui a joué un bon tour en nommant par surprise, in extremis, son propre candidat: Manuel Rosales,le gouverneur du Zulia, qui s’était déjà présenté contre Chávez. Bref, quand Machado crie à la «dictature», ou quand elle dit que la page électronique du Centre national Électoral est «bloquée pour elle», etc… la réalité est tout simplement qu’elle n’a pas de base légale pour présenter sa candidature et que les partis de droite lui ont préféré un autre candidat.» (24)

La droite vénézuélienne elle-même a reconnu, le 16 avril, que Maria Corina Machado « ne croit pas aux élections et veut toujours jouer la carte de la violence » (25).

11. Maria Corina Machado est la fille d’un magnat de l’acier vénézuélien, Henrique Machado Zuloaga, dirigeant de Sivensa, une des plus grandes entreprises sidérurgiques du Venezuela (26), nationalisée en 2008 par Hugo Chávez lorsqu’il commença une politique de redistribution en faveur des plus pauvres. Machado en a gardé une soif de vengeance et incarne parfaitement l’oligarchie raciste du Venezuela pressée d’effacer la révolution bolivarienne et l’inclusion de la population métisse. Son projet est de replacer le Venezuela sur orbite états-unienne, et d’en faire «un pays de propriétaires et d’entrepreneurs» en privatisant tout ce qui peut l’être – un programme ultra-libéral proche de celui de Milei en Argentine. Privatiser l’entreprise pétrolière mais aussi les millions de logements sociaux que le «régime» comme elle dit, construit gratuitement pour les secteurs populaires.

À l’extrême-droite de l’échiquier politique, elle a longtemps occupé une position marginale. En 2010, elle est élue députée. En 2012, elle se présente aux primaires de la droite mais n’obtient que 3% des voix. Sa «base» sont des ONGs comme «Sumate» ou «Vente Venezuela», financées par les États-Unis. Son admiration pour le Likoud est la sublimation de ce qu’elle ferait au pouvoir, après avoir appuyé en vain les coups d’État contre Chávez puis contre Maduro. Elle a signé un accord «stratégique» de coopération avec ce parti pour, en cas de victoire, compter sur le savoir-faire contre-insurrectionnel dont les israéliens sont spécialistes (voir les massacres commis par leurs « élèves » en Colombie, au Guatemala, etc…). Cette répression de la rébellion populaire a déjà eu lieu pendant les 48 heures du coup d’État contre Chávez en 2002 (27). Maria Corina était des signataires du décret putschiste qui supprima toutes les autorités démocratiques du pays et intronisa le chef du patronat Pedro Carmona comme président. En 2005, elle a rencontré George W. Bush à la Maison-Blanche pour discuter du « retour à la démocratie », c’est-à-dire du renversement du gouvernement bolivarien.

Ci-dessus: Maria Corina était des signataires du décret du coup d’État contre Chavez qui supprima toutes les autorités démocratiques du pays et intronisa le chef du patronat Pedro Carmona comme président du Venezuela en 2002.
Ci-dessus : Accord de « partenariat opérationnel » sur des thèmes comme « géopolitique et sécurité » entre deux partis d’extrême droite, le « Vente Venezuela» de Maria Corina Machado, et le Likoud.
Photo : il y a cinq ans, María Corina Machado appelait au coup d’État, demandant aux militaires d’obéir au fake-président (non-élu, nommé par Trump), Juan Guaido (aujourd’hui en fuite aux États-Unis, après avoir été dénoncé par ses alliés d’extrême droite pour sa corruption).

En 2014, on la retrouve à l’origine de l’opération «La Salida» (la sortie) qui consistait à déchaîner la violence pour renverser par la force le président Maduro. Le bilan s’élève à plusieurs dizaines de morts parmi policiers et manifestants. En 2017, lors d’autres émeutes d’extrême droite, un jeune homme noir de 22 ans est lynché, poignardé puis brûlé vif parce que «noir donc chaviste» (28). La même année, des bombes sont utilisées pour attaquer des policiers et des câbles de fer sont tendus dans les rues pour décapiter les motards de la police. En 2019, elle participe activement à l’instauration du président fantoche, non élu mais nommé par Donald Trump, Juan Guaido. Les 31 tonnes d’or du Venezuela au Royaume-Uni, la filiale pétrolière états-unienne CITGO et beaucoup d’autres actifs de l’État vénézuélien sont volés par un fake-président adoubé avec empressement par des présidents comme Emmanuel Macron. Machado fait partie de son clan. Elle applaudit le blocus occidental des aliments et des médicaments : exigeant aux États-Unis de « mettre toute la pression, toutes les sanctions, et l’asphyxie financière totale pour arriver au point de rupture et renverser Maduro » (29), et se prononce publiquement à partir de 2020, en faveur d’une intervention militaire menée par les États-Unis, en invoquant l’activation du traité TIAR.

12. Vingt-cinq ans après l’élection d’Hugo Chávez et le début de la révolution bolivarienne, les États-Unis n’ont pas renoncé à la détruire, en raison de son opposition au néo-libéralisme et à l’impérialisme, de ses alliances multipolaires et de ses politiques visant à mettre les ressources du pays, notamment pétroliers, au service des majorités historiquement exclues. En avril, la commandante générale du Southern Command Laura Richardson visitera Buenos Aires, comme l’a déjà fait le directeur de la CIA William J. Burns, pour y organiser avec le président d’extrême droite Javier Milei, une nouvelle base avancée contre l’axe du mal: Cuba-Venezuela-Nicaragua et bien sûr contre « l’influence croissante des BRICS », lire : de la Chine et de la Russie, en Amérique Latine.

La méthode de Washington est bien connue : faire campagne pour jeter le doute sur l’intégrité du processus électoral de manière à présenter le résultat comme frauduleux, quelles que soient les preuves réelles le jour de l’élection. Le rôle des grands médias est d’invalider la possible élection du favori des sondages, Nicolas Maduro, en installant l’idée qu’une élection sans Machado ne peut être considérée comme légitime. Le 30 janvier, quelques jours après le rejet de son appel par la Cour suprême du Venezuela, Machado a été interviewée par CNN et présentée comme « la principale dirigeante de l’opposition vénézuélienne ». Le Washington Post a titré: «Elle est la tête de liste dans la course pour chasser Maduro. Mais il veut la bloquer».

Le président français Emmanuel Macron s’était ridiculisé en recevant le putschiste d’extrême droite Juan Guaido à l’Élysée comme « président du Venezuela» avant de reconnaitre en 2023 le président élu, Nicolas Maduro. Dénoncé par ses alliés de droite pour sa corruption, Guaido a fui la justice du Venezuela et vit un exil doré aux États-Unis. Après ce désastre diplomatique, le mandataire français est vite retombé dans l’ornière états-unienne en déclarant au Brésil, le 28 mars 2024: «Nous condamnons très fermement l’exclusion d’une candidate très sérieuse et crédible de l’élection présidentielle au Venezuela, nous demandons sa réintégration (…) Nous ne devons pas désespérer aujourd’hui, si je puis dire, mais la situation est grave et s’est détériorée avec la décision qui a été prise.» (30)

Le gouvernement bolivarien a maintenu un principe simple : les forces politiques de toute idéologie peuvent participer aux élections tant qu’elles ne conspirent pas avec des puissances étrangères pour porter atteinte à l’indépendance du Venezuela. Ce principe est pratiqué dans le monde entier. Aux États-Unis par exemple, où le 14ème amendement interdit aux coupables d’insurrection d’exercer une fonction publique. Quand le porte-parole du département d’État états-unien Matthew Miller a critiqué l’inégibilité de Machado, Caracas a répondu : «Votre communiqué montre le vrai visage du propriétaire du cirque qui voudrait délégitimer les prochaines élections présidentielles.» Les autorités du Conseil National Électoral du Venezuela ont également critiqué « l’audace » du Département d’État états-unien à vouloir diriger les élections au Venezuela: «Le CNE ne peut pas assumer la responsabilité de l’inéligibilité de certains individus qui placent leurs intérêts au-dessus de la légalité nationale, se croyant oints par une puissance extérieure ». (31)

La cible prioritaire des médias sont les militant(e)s de gauche. Les menaces occidentales contre les élections présidentielles de juillet 2024 nous rappellent qu’on n’attaque pas le Venezuela parce qu’il est une «dictature» mais parce qu’il faut endiguer l’exemple contagieux de la démocratie de gauche la plus avancée des Amériques, celle où le record en nombre d’élections côtoie le progrès constant de la démocratie participative et des autogouvernements populaires. De même que l’Occident n’a jamais pardonné aux Jacobins noirs d’Haïti de fonder la première république libre des Amériques et fait tout, à la faveur du narco-chaos, pour y renforcer son emprise, les vénézuéliens savent que les États-Unis et l’Europe ne leur pardonneront jamais leurs racines : l’armée de Bolivar servit à libérer de l’esclavage et du joug impérial les peuples latino-américains, jamais à les asservir.

Thierry Deronne, Caracas, 31 mars 2024.

Merci pour leurs contributions à Joao Pedro Stedile, Zoe Pepper, Christian Rodriguez et Maria Luisa Nunez.

Notes :

(1) « Former US President Carter: Venezuelan Electoral System “Best in the World” » https://venezuelanalysis.com/news/7272/

  1. « Les observateurs internationaux saluent la transparence du scrutin » https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/11/23/venezuela-alors-que-les-observateurs-internationaux-saluent-la-haute-transparence-du-scrutin-des-leaders-de-la-droite-appellent-a-tourner-la-page-du-putschisme-de-guaido/
  2. Sur cet accord : « Venezuelan Gov’t, Opposition Resume Dialogue, Establish Electoral Conditions » https://venezuelanalysis.com/news/venezuelan-government-opposition-dialogue/
  3. « Les lois électorales vénézuéliennes sont conçues pour garantir la démocratie en dépit des ambitions personnelles » https://www.counterpunch.org/2024/04/01/venezuelan-election-laws-are-designed-to-guarantee-democracy-despite-personal-ambitions/ et « Une fois de plus, Washington s’immisce dans les élections d’un autre pays » https://b-tornare.overblog.com/2024/04/une-fois-de-plus-washington-s-immisce-dans-les-elections-d-un-autre-pays.html / (en anglais:) https://orinocotribune.com/yet-again-washington-meddles-in-another-nations-election/
  4. Sur les préparatifs de violences et d’attentats : « Venezuela: Authorities Arrest Two María Corina Machado Associates Over Alleged Violent Plot » https://venezuelanalysis.com/news/venezuela-authorities-arrest-two-maria-corina-machado-associates-over-alleged-violent-plot/ Voir aussi :https://twitter.com/latablablog/status/1772381434486866302 / http://www.mp.gob.ve/index.php/2024/03/26/fiscal-general-informo-detencion-de-dos-hombres-armados-cerca-de-tarima-presidencial-en-caracas/ / https://diariovea.com.ve/incendio-en-transaragua-destruyo-112-autobuses-no-se-descarta-sabotaje/
  5. Lire « Les élections présidentielles de 2024 auront le deuxième plus grand nombre de candidats depuis 31 ans » https://operamundi.uol.com.br/politica-e-economia/venezuela-eleicoes-presidenciais-de-2024-terao-2o-maior-numero-de-candidatos-em-31-anos/
  6. Sondages d’Hinterlaces : https://www.hinterlaces.net/monitor-pais-6-de-cada-10-venezolanos-votara-por-el-candidato-del-psuv-en-las-presidenciales/
  7. Les agences de renseignement de Washington confirment une probable victoire de Maduro aux présidentielles : https://es-us.noticias.yahoo.com/agencias-espionaje-eeuu-creen-maduro-204010134.html
  8. Sur les souffrances causées à la population par les mesures coercitives unilatérales (« sanctions ») occidentales : https://venezuelanalysis.com/analysis/on-unilateral-coercive-measures-part-ii-a-conversation-with-alena-douhan/
  9. Témoignage de Mark Weisbrot devant la sous-commission de l’hémisphère occidental, du Peace Corps et des affaires de stupéfiants de la commission des relations extérieures (Sénat), 24 juin 2004 https://www.cepr.net/democracy-venezuela/
  10. Lire le manifeste : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/04/03/sans-terre-feministes-communistes-syndicalistes-afrodescendantes-les-mouvements-populaires-bresiliens-denoncent-la-desinformation-sur-les-elections-au-venezuela-et-appellent-a-la-solidarite-de/. Les mouvements sociaux de l’ALBA défendent le processus électoral du Venezuela : https://albamovimientos.net/celebramos-la-democracia-defendemos-la-soberania-abrazamos-la-dignidad-del-bravo-pueblo-declaracion-de-apoyo-a-las-elecciones-presidenciales-en-venezuela/
  11. Communiqué de la Présidente du Honduras : https://twitter.com/XiomaraCastroZ/status/1773029865119154681
  12. Communiqué du Ministère des Affaires Étrangères de Bolivie du 30 mars 2024 : https://cancilleria.gob.bo/mre/2024/03/30/14485/
  13. Communiqué du Groupe de Puebla : https://www.grupodepuebla.org/comunicado-del-grupo-de-puebla-sobre-las-elecciones-presidenciales-en-venezuela/
  14. La Jornada : https://www.jornada.com.mx/noticia/2024/04/05/politica/venezuela-y-cuba-tienen-en-contra-a-toda-la-derecha-del-mundo-amlo-4492
  15. Déclarations du Ministère des Affaires Étrangères de la Chine : https://www.fmprc.gov.cn/eng/xwfw_665399/s2510_665401/202403/t20240329_11273709.htm
  16. Rencontre ONU/gouvernement bolivarien : https://twitter.com/yvangil/status/1775641308679307744
  17. https://twitter.com/VTVcanal8/status/1775935543374643471
  18. L’ambassade du Venezuela à Brasilia a demandé une réunion avec le gouvernement de Lula, estimant qu’il ne dispose pas « d’informations claires », et précise que la réunion se déroulera sur le même ton amical que d’habitude. La réunion s’est tenue avec Celso Amorim, conseiller en chef spécial de la présidence de la République au Brésil. Le Président Lula a expliqué à la presse, le 23 avril 2024, que la droite a enfin nommé un candidat unique aux présidentielles de juillet (écartant la putschiste Machado, inéligible), qu’il y aura des observateurs internationaux, que le Brésil en sera volontiers, et redemande aux USA – comme l’ont fait ses homologues colombien et mexicain, de lever les 936 « sanctions » pour favoriser le retour des migrants économiques.
  19. Continuité des relations Colombie/Venezuela : https://twitter.com/venezuelainfos/status/1777828843337679194. Sur la médiation vénézuélienne des négociations entre gouvernement colombien et guérilla : https://venezuela-news.com/eln-gobierno-petro-reuniran-venezuela-avanzar-proceso-paz/
  20. Zoe Pepper et Walter Smolarek, « Venezuela’s election in the crosshairs of new US regime change scheme » https://peoplesdispatch.org/2024/03/15/venezuelas-election-in-the-crosshairs-of-new-us-regime-change-scheme/
  21. Lorenzo Santiago, « Entenda por que Corina Yoris, motivo de discórdia com Brasil, não disputará as eleições da Venezuela », https://www.brasildefato.com.br/2024/04/03/entenda-por-que-corina-yoris-motivo-de-discordia-com-brasil-e-colombia-nao-disputara-as-eleicoes-da-venezuela
  22. Message vidéo de Juan Carlos Monedero : https://twitter.com/i/status/1774041151789527056
  23. Maria Corina Machado aurait pu choisir la troisième option prévue par la loi organique sur les processus électoraux : l’initiative individuelle. Dans ce cas, conformément aux dispositions de l’article 52, elle devait présenter au CNE des signatures de soutien correspondant à 05 % du nombre de votant(e)s enregistrés lors de la dernière élection, afin d’approuver sa candidature. La question est de savoir pourquoi elle ne l’a pas fait, surtout si comme elle l’affirme, elle a obtenu le soutien de plus de 2 millions d’électeurs lors de primaires organisées par son ONG… Voir aussi la déclaration du dirigeant de l’opposition Manuel Rosales : https://twitter.com/manuelrosalesg/status/1773115988612948270
  24. Voir https://twitter.com/elpoliticove/status/1780578535620427818
  25. Pour une « biographie non-autorisée » de Maria Corina Machado : https://twitter.com/latablablog/status/1773758289341280369
  26. Ce coup d’État est raconté dans le documentaire passionnant de Kim Bartley : « La révolution ne sera pas télévisée » (VO STF) : https://t.co/ieL3lUMVbQ
  27. « Ils ont brûlé vif mon fils parce qu’il était noir et chaviste », https://venezuelainfos.wordpress.com/2019/05/19/ils-ont-brule-vif-mon-fils-parce-quil-etait-noir-et-chaviste/
  28. Message audio de Maria Corina Machado : https://twitter.com/yvangil/status/1777086443879379106
  29. Déclaration d’Emmanuel Macron au Brésil : https://www.france24.com/es/francia/20240328-macron-culmina-su-visita-a-brasil-qu%C3%A9-acord%C3%B3-el-presidente-franc%C3%A9s-con-lula-da-silva. Sur l’histoire incroyable de Juan Guaido et les fourvoiements de Macron et de son ambassadeur à Caracas, on lira l’excellent «thriller» du journaliste Maurice Lemoine : « Juanito roi de la vermine », Le Temps des Cerises éditeur, 2023 https://www.amazon.fr/Juanito-vermine-Roi-du-Venezuela/dp/2370712759
  30. « Le Venezuela rejette l’intervention extérieure et la campagne de délégitimation du processus électoral » : https://venezuelanalysis.com/news/venezuela-rejects-foreign-interference-in-elections-denounces-us-delegitimization-campaign/

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/04/01/venezuela-douze-points-sur-les-i-delections-presidentielles/

Sandino, retour vers le futur (L’Huma Magazine, février 2024)

A l’occasion des 90 ans de l’assassinat du général nicaraguayen Augusto C. Sandino sur ordre de Washington, L’Humanité Magazine m’a demandé de lui consacrer un article. J’y mets en lumière un Sandino méconnu : constructeur de communes autogérées dans les zones libérées par sa guérilla paysanne, suivant une vision très proche des communes populaires organisées aujourd’hui au Venezuela; et prophète, avec son « Plan pour la réalisation du rêve suprême de Bolivar », des politiques de coopération reprises par la gauche latino-américaine, en particulier sous l’impulsion d’Hugo Chávez. Le 21 février, j’ai prononcé à l’Institut Simon Bolivar à Caracas une conférence intitulée « De Sandino a Chávez » pour développer cette continuité historique (photos ci-dessous)

Le 19 juillet 1979, lorsque s’effondre la dictature des Somoza – longue de près de 45 ans – et qu’entrent à Managua, juchés sur des blindés, les guérilleros du Front Sandiniste, les Nicaraguayens euphoriques découvrent à la télévision l’image en noir et blanc d’un général qui enlève et remet son chapeau. Ce salut de quelques secondes, passé en boucle, est l’unique image en mouvement de Sandino. Revanche pour celui que la longue nuit du somozisme a tenté d’expulser de l’Histoire après son assassinat perpétré sur ordre de Washington, il y a 90 ans, le 21 février 1934.

Dans Augusto C. Sandino, le « C » ne vient pas comme on le lit parfois de « César » mais de «  Calderon » – nom de sa mère, domestique au service d’un propriétaire terrien. De leur relation, le « bâtard » naît en 1895 dans le village de Niquinohomo, à une trentaine de kilomètres de la capitale du Nicaragua. « J’ai ouvert les yeux dans la misère et j’ai grandi dans la misère. Dès que j’ai pu marcher, je l’ai fait sous les plantations de café en aidant ma mère (…) C’est ainsi que j’ai grandi, ou peut-être est-ce pour cela que je n’ai pas grandi. »

C’est là qu’à 17 ans, en 1912, il voit passer le corps mutilé du général patriote Benjamin Zeledón –  un des chefs de l’insurrection contre le président fantoche Adolfo Diaz, agent des Etats-unis -, fusillé par les Marines intervenus massivement dans le pays, emmené dans une charrette à bœufs : « cela m’a donné la clé de la situation nationale ». Travailleur migrant, il part au Guatemala où il est témoin des exactions de la United Fruit Company (1) , empire de la production bananière qui domine déjà l’économie de l’Amérique Centrale. Puis il se fond parmi les travailleurs de la Huasteca Petroleum Company au Mexique, où il apprend énormément des luttes syndicales, au moment où parviennent les vents de l’anarchosyndicalisme, des utopies socialistes, de l’anti-impérialisme et de la révolution soviétique. La déflagration révolutionnaire du Mexique (1910), la grande rédemption des paysans sans terre et des peuples indigènes autour d’hommes à cheval comme Emiliano Zapata et Pancho Villa, le marquent profondément. Sandino y reconnaît la ligne insurrectionnelle initiée au Nicaragua par les leaders de la résistance indigène Diríangén et Nicarao lors de la Conquista espagnole au XVIe siècle, rallumée en 1881 par la rébellion, brutalement réprimée, du peuple indigène Matagalpa qui défend sa terre.

De retour dans sa patrie, Sandino s’enrôle dans l’armée des libéraux en guerre contre les conservateurs. Jusqu’au jour où il décide de rompre avec ce bipartisme de grands propriétaires terriens qui ne voient dans le paysan qu’une chair à canon pour leurs batailles du «pouvoir pour le pouvoir». Il refuse de signer le Pacte de l' »Espino Negro » qui place le pays sous la coupe des États-Unis. « Je ne me vends pas, je ne me rends pas. Patrie libre ou mourir ».

Autour d’un drapeau rouge pour la liberté et noir pour la mort, avec une poignée de mineurs, de paysans et d’artisans, avec toutes et tous ceux qu’ont invisibilisés des siècles de colonialisme, il lance en 1927 sa « guerre de libération nationale ». Le «  général des hommes libres », comme l’appelle l’écrivain communiste français Henri Barbusse, est un homme sûr de lui. Pour les paysans indigènes, il est le « huehualt », le vieux sage . “Justicia, redención, dignidad, libertad” : sa langue fluide parle aux exclus. Autodidacte, Sandino se forge une solide philosophique politique qui va de Bolivar a Lénine. Il entre dans la franc-maconnerie, étudie les alternatives aux religions de l’oppresseur, cherche dans la théosophie – utopie mystique de la fraternité et de l’égalité, les fondements de sa «commune universelle». Il s’intéresse à Gandhi, médite, croit dans la télépathie et dans la réincarnation. Mais son Dieu est anticlérical, c’est le Dieu des pauvres, et la cohésion de son armée repose sur l' »abrazo », l’accolade simple des « hermanos » – frères en toute chose.

Bien avant Guernica (1937), la première frappe aérienne contre une population civile a lieu à Ocotal, en 1927, lorsque les États-Unis bombardent un village où sont retranchés les combattants sandinistes. Sandino comprend qu’une guerre frontale est vouée à l’échec. Il réorganise sa guérilla dans les montagnes profondes de Nueva Segovia, au nord, près de la frontière avec le Honduras, et recrute des milliers de soldats parmi les paysans exploités, humiliés, dont les terres sont volées par les grands propriétaires, formant progressivement une « Armée de Défense de la Souveraineté Nationale ». « Nous ne sommes pas des militaires. Nous sommes du peuple, nous sommes des citoyens armés. Nous irons jusqu’au soleil de la liberté ou jusqu’à la mort ; et si nous mourons, notre cause continuera à vivre. ».

La « petite armée folle », comme l’a appelée la poétesse chilienne Gabriela Mistral, affronte les compagnies états-uniennes – dont la United Fruit – et déstabilise les Marines qui ne soupçonnent pas que derrière les cris d’oiseaux se cache le « télégraphe » de la guérilla. Le « Chœur des Anges », brigade d’enfants, accompagne les embuscades d’un tintamarre qui fait croire que la troupe sandiniste est plus nombreuse. Les prostituées recueillent les confidences des occupants sur l’oreiller.

Face à cette armée insaisissable, les Marines répondent par la terreur, ce qui ne fait que grossir les rangs des rebelles. Au contre-amiral Sellers qui lui propose de renoncer au combat, Sandino répond : « La souveraineté d’un peuple ne se discute pas, elle se défend les armes à la main. » En 1933, après six ans de guerre, les États-Unis retirent enfin leurs troupes non sans avoir armé, entraîné et installé derrière eux « leur » Garde Nationale. Un an plus tard, alors que Sandino s’est rendu à Managua pour signer la paix avec le président libéral Sacasa, il est trahi et assassiné sur ordre de Washington par le directeur de ce corps répressif, Anastasio Somoza García.

Sandino était-il un « bandit », « un assassin communiste » comme le martèleront les manuels scolaires de la dictature somoziste pendant 40 ans ?  « Un naïf », « un aventurier », un « caudillo bourgeois anticolonial » comme pontifiera une gauche liée à Moscou au moment où l’Internationale Communiste décida de substituer à sa ligne anti-impérialiste une ligne exclusive de «classe contre classe» ?

Pour comprendre Sandino, mieux vaut le conjuguer au futur. Dès 1932, il annonce son projet de créer des coopératives dans les zones libérées. Dans un continent où les élites ont les yeux fixés sur le nord, Sandino chambarde la politique. Son armée de paysan(ne)s ébauche une nouvelle géométrie du pouvoir qui puise aux racines du socialisme communard et du bien commun indigène. « La propriété privée est la source des guerres fratricides », explique-t-il. Là où les Yankees semaient la mort et la destruction, le travail agricole des combattant(e)s permet de créer l’embryon d’une société communautaire, autogérée, avec réseau de santé, logements décents, réfectoires communs, écoles d’alphabétisation. Les coopératives sandinistes sont d’authentiques communes, conçues pour vivre et produire collectivement. En faisant la guerre, en résistant, en cultivant, les nombreuses femmes qui se sont jointes à la rébellion acquièrent un statut nouveau. Sans être féministe au sens strict, le mouvement sandiniste marque pour elles le début d’un processus d’autodétermination, en rupture avec une société archaïque, violente, patriarcale, qui les avait complètement annulées. C’est sur cette base populaire que Sandino rêve de construire l’État nouveau. A Wiwili, sur les rives du Rio Coco qui connecte la paysannerie du nord avec les peuples autochtones de la côte caraïbe, il crée un modèle de coopératives qu’il envisage d’étendre peu à peu vers la région atlantique puis, pourquoi pas, au-delà du Nicaragua.

Pour l’élite des États-Unis comme pour l’oligarchie locale, Sandino n’est pas seulement le guérillero à abattre, mais le leader d’une dangereuse révolution qui rend le pouvoir au peuple et dont l’économie oppose la petite propriété aux « latifundios », vastes domaines agricoles aux mains d’une poignée de seigneurs féodaux qui exploitent jusqu’au sang les travailleurs journaliers 

Quelques heures après l’avoir assassiné, la Garde Nationale détruit les coopératives sandinistes et massacre tous leurs membres, y compris les personnes âgées, les femmes et les enfants. Jusqu’en 1979, la dynastie somoziste devient la « grande propriétaire » exclusive des secteurs clefs d’une économie où les relations de production s’apparentent plus au féodalisme qu’au capitalisme.

Une autre prophétie de Sandino inquiète l’Empire : « l’avènement du Nicaragua comme nation latino-américaine », un concept nourri par ses lectures bolivariennes. «  Profondément convaincu que le capitalisme américain a atteint la dernière étape de son développement en se transformant, par conséquent, en impérialisme ; qu’il ne tient plus compte des théories du droit et de la justice ; qu’il méconnaît les principes absolus d’indépendance de chaque section de la nation latino-américaine, nous considérons, écrit-il, que l’Alliance des nationalités latino-américaines nous est encore plus indispensable.»

En 1929, il envoie aux présidents latino-américains son « Plan pour la réalisation du rêve suprême de Bolivar » : une alliance des 21 nations latino-américaines avec conférence permanente de ses dirigeants, constitution d’une Cour de justice latino-américaine pour régler les litiges entre nations, citoyenneté latino-américaine, force de défense commune, base navale et canal interocéanique au service de tous, réparations pour les destructions causées par les États-Unis. Sans oublier la banque latino-américaine pour « financer, sans dépendre de l’extérieur, la construction d’ouvrages et de moyens de communication et de transport », l’union douanière pour stimuler le marché intérieur et « l’appui au tourisme latino-américain afin de promouvoir la connaissance mutuelle entre nos citoyens ». 44 articles au total qui prennent aujourd’hui tout leur sens, à l’heure de la révolution bolivarienne, de l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de nos Amériques (ALBA, créée en 2004), de la Communauté des États Latino-Américains et des Caraïbes (CELAC, 2010) et de l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR, 2008).

En 1934, Somoza fait disparaître le corps de Sandino et de ses compagnons, jamais retrouvés. Le désespoir s’abat sur les quelques survivant(e)s. Mais l’histoire de l’Amérique latine est une course de relais.

Trente ans plus tard, Carlos Fonseca Amador, le fils myope d’une couturière de Matagalpa, réveille la mémoire de l’Armée de Défense de la Souveraineté Nationale jusqu’à en faire l’acte de naissance du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN, créé en 1961). Fonseca sait que « la mémoire de Sandino est plus vivante chez les paysans que chez l’habitant des villes ». Il rencontre des survivants comme Santos Lopez qui a combattu sous les ordres directs de Sandino. Pendant des années, Fonseca et son équipe recherchent, étudient tout ce qui reste des écrits du « général des hommes libres ». C’est l’époque du Che, et la rébellion des années 1930 confirme le caractère crucial de la guérilla pour la victoire des peuples sur l’impérialisme. Mais aussi, en fin de compte, l’unité nationale comme stratégie fondamentale. La réflexion historique de Fonseca nourrit l’école de cadres du FSLN et contribue puissamment à la victoire de 1979.

Au journaliste basque Ramón de Belausteguigoitia venu l’interviewer dans ses montagnes du nord en 1933, le général rebelle décrit une vision qui garde son mystère: « Depuis l’origine du monde, la terre n’a cessé d’évoluer. Mais c’est ici, en Amérique centrale, que je vois une formidable transformation… Je vois quelque chose que je n’ai jamais dit auparavant… (…) le Nicaragua enveloppé d’eau. Une immense dépression venant du Pacifique… Les volcans au-dessus seulement… Comme si une mer se vidait dans une autre. »

De la fraternité des communes autogérées à l’alliance entre nations-sœurs, la vision de Sandino a gardé sa puissance d’avenir. Celle d’un monde multipolaire, libéré du mythe occidental d’un «centre», avec ses «marges» et ses «périphéries».

T.D., Caracas, 18 février 2024.

Aperçu de l’édition enrichie de nombreuses photos. Pour celles et ceux qui souhaiteraient acheter la version numérique de cette édition de l’HM (avec l’article en p. 76-81) et une mise en page plus riche que la version Web, c’est ici : https://kiosque.humanite.fr/detail/publication/detail-top-right/17?issue_id=167775&switch_toc=archive. Pour une version résumée de l’article : https://www.humanite.fr/histoire/amerique-latine/nicaragua-augusto-sandino-le-sillon-de-la-revolution

L’auteur : Thierry Deronne, Cinéaste, universitaire, licencié en communications sociales http://ihecs.be. A vécu au Nicaragua (1986-88) et réside au Venezuela depuis 1994. Compte «X» : https://twitter.com/venezuelainfos

Notes:

(1) Voir « l’HD » n°641 du 10 janvier 2019 et sur humanite.fr, « 1899, naissance de la United Fruit Company. Bananes, massacres et coups d’État », par Marc de Miramon.

(2) Pour une iconographie intégrale, voir https://acsandino.org.ni/libro-fotos/ (livre de photos téléchargeable en PDF sur le site du petit-fils de Sandino) et http://www.sandinorebellion.com/index.htm (site états-unien).

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2024/03/02/sandino-retour-vers-le-futur-lhuma-magazine-fevrier-2024/

Exxon Mobil veut déclencher une guerre en Amérique latine, par Vijay Prashad

Photo: Le président du Venezuela, Nicolás Maduro (à droite) lors de la fête populaire à Caracas après le référendum consultatif sur El Esequibo. EFE/ Miguel Gutiérrez

Défaite cuisante des grands médias, d’Exxon Mobil et du Pentagone à la manœuvre pour s’emparer d’un territoire riche en pétrole appartenant au Venezuela (1). Le 3 décembre 2023, la population vénézuélienne a participé massivement à un référendum consultatif, et a répondu par l’affirmative aux cinq questions posées. Ces questions demandaient aux votant(e)s s’ils ou elles reconnaissaient la souveraineté de leur pays sur l’Esequibo. Une très forte majorité (droite et gauche confondues) a voté pour le respect de l’intégrité territoriale.

Loin de l’image construite par les médias, le Venezuela est non seulement la démocratie participative la plus avancée du monde, mais il bat tous les records en nombre de scrutins: 30 en 24 ans de révolution, validés par la majorité des observateurs internationaux. (2)

« Les campagnes médiatiques internationales ne pourront jamais le cacher. Le référendum consultatif a été un succès pour le peuple vénézuélien. Et nous devons respecter la décision de celles et ceux qui se sont exprimés dans les urnes », a expliqué le président Maduro, avant de proposer à l’Assemblée Nationale d’approuver une loi spéciale décrétant des zones de protection environnementale et de nouveaux parcs nationaux dans l’Esequibo, ou d’établir une règle interdisant la conclusion de contrats avec des entreprises comme Exxon Mobil qui exploitent les concessions unilatérales accordées par le Guyana dans la mer à délimiter. Maduro a également autorisé le lancement du plan d’assistance sociale pour la population de l’Esequibo, ainsi que la réalisation d’un recensement pour les aides sociales et la délivrance de cartes d’identité à ses habitants. » « Aujourd’hui, a conclu le président vénézuélien Nicolas Maduro, il n’y a ni gagnant ni perdant. Le gagnant est la souveraineté du Venezuela. » Le principal perdant, selon M. Maduro, est la compagnie extractiviste états-unienne ExxonMobil.

De quoi Exxon Mobil est le nom

En 2022, Exxon Mobil a réalisé un bénéfice de 55,7 milliards de dollars, ce qui en fait l’une des compagnies pétrolières les plus riches et les plus puissantes du monde. Les entreprises telles qu’Exxon Mobil exercent un pouvoir démesuré sur l’économie mondiale et sur les pays qui possèdent des réserves de pétrole. Elles ont des tentacules dans le monde entier, de la Malaisie à l’Argentine. Dans son ouvrage Private Empire : ExxonMobil and American Power (2012), Steve Coll décrit comment l’entreprise est devenue un « État corporatif au sein de l’État états-unien« . Les dirigeants d’Exxon Mobil ont toujours entretenu des relations étroites avec le gouvernement états-unien : Lee « Iron Ass » Raymond (directeur général de 1993 à 2005) était un ami personnel proche du vice-président états-unien Dick Cheney et a contribué à façonner la politique du gouvernement états-unien en matière de changement climatique ; Rex Tillerson (successeur de Raymond en 2006) a quitté l’entreprise en 2017 pour devenir le secrétaire d’État états-unien sous la présidence de Donald Trump. Coll décrit comment Exxon Mobil utilise le pouvoir de l’État états-unien pour trouver de plus en plus de réserves de pétrole et s’assurer qu’Exxon Mobil devient le bénéficiaire de ces découvertes.

En se promenant dans les différents centres de vote de Caracas le jour du référendum, il était clair que les personnes savaient exactement pour quoi elles votaient : nullement contre le peuple du Guyana, un pays avec une population d’un peu plus de 800 000 habitants, mais pour la souveraineté vénézuélienne, contre des entreprises telles qu’Exxon Mobil. L’atmosphère de ce vote – empreinte de patriotisme – était marquée sur le désir de supprimer l’influence des multinationales et de permettre aux peuples d’Amérique du Sud de résoudre leurs différends et de partager leurs richesses entre eux.

Quand le Venezuela a éjecté Exxon Mobil

Lorsque Hugo Chávez a remporté l’élection à la présidence du Venezuela en 1998, il a déclaré presque immédiatement que les ressources du pays – principalement le pétrole – devaient être entre les mains du peuple et servir dorénavant à financer le développement social du pays, et non les dividendes des compagnies pétrolières telles qu’Exxon Mobil. « El petroleo es nuestro » (le pétrole est à nous) était le slogan du jour. À partir de 2006, le gouvernement de Chávez a entamé un cycle de nationalisations, avec le pétrole au centre (le pétrole avait été nationalisé dans les années 1970, puis privatisé à nouveau deux décennies plus tard). La plupart des multinationales pétrolières ont accepté les nouvelles lois de régulation de l’industrie pétrolière, mais deux ont refusé : ConocoPhillips et Exxon Mobil. Les deux sociétés ont exigé des dizaines de milliards de dollars de compensation, bien que le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) ait estimé en 2014 que le Venezuela ne devait payer à Exxon Mobil que 1,6 milliard de dollars.

Rex Tillerson était furieux, selon des personnes qui travaillaient chez Exxon Mobil à l’époque. En 2017, le Washington Post a publié un article qui traduisait le sentiment de Tillerson : « Rex Tillerson s’est fait griller au Venezuela. Puis il s’est vengé. » Exxon Mobil a signé un accord avec le Guyana pour explorer le pétrole offshore en 1999, mais n’a commencé à explorer le littoral qu’en mars 2015, après le verdict négatif du CIRDI. Exxon Mobil a utilisé toute la force de la campagne de pression maximale des États-Unis contre le Venezuela à la fois pour consolider ses projets dans le territoire contesté et pour saper la revendication du Venezuela sur la région de l’Esequibo. C’était la revanche de Tillerson.

La mauvaise affaire d’Exxon Mobil pour le Guyana

En 2015, Exxon Mobil a annoncé qu’elle avait trouvé 295 pieds de « réservoirs de grès pétrolifères de haute qualité » ; il s’agit de l’une des plus grandes découvertes de pétrole de ces dernières années. Le géant pétrolier a entamé des consultations régulières avec le gouvernement guyanais, s’engageant notamment à financer tous les coûts initiaux de l’exploration pétrolière. La fuite de l’accord de partage de la production conclu entre le gouvernement guyanais et ExxonMobil a révélé la piètre position du Guyana dans les négociations. ExxonMobil s’est vu attribuer 75 % des recettes pétrolières pour le recouvrement des coûts, le reste étant partagé à parts égales avec le Guyana ; la compagnie pétrolière, quant à elle, est exonérée de tout impôt. L’article 32 (« Stabilité de l’accord ») stipule que le gouvernement « ne peut amender, modifier, annuler, résilier, déclarer invalide ou inapplicable, exiger une renégociation, imposer un remplacement ou une substitution, ou chercher à éviter, altérer ou limiter le présent accord » sans le consentement d’Exxon Mobil. Cet accord piège tous les futurs gouvernements guyanais dans un très mauvais accord.

Pire encore pour le Guyana, l’accord est conclu dans des eaux disputées avec le Venezuela depuis le 19ème siècle. L’incurie des Britanniques, puis des États-Unis, a créé les conditions d’un différend frontalier dans cette région qui ne connaissait que des problèmes limités avant la découverte du pétrole. Au cours des années 2000, le Guyana a entretenu des liens fraternels étroits avec le gouvernement vénézuélien. En 2009, dans le cadre du programme PetroCaribe, le Guyana a acheté du pétrole à prix réduit au Venezuela en échange de riz, une aubaine pour l’industrie rizicole guyanaise.Le programme « pétrole contre riz » a pris fin en novembre 2015, en partie en raison de la baisse des prix mondiaux du pétrole.Pour les observateurs de Georgetown et de Caracas, il est clair que le programme a souffert des tensions croissantes entre les pays au sujet de la région contestée de l’Esequibo.

ExxonMobil divise pour mieux régner

Le référendum du 3 décembre au Venezuela et la manifestation des « cercles d’unité » au Guyana suggèrent un durcissement de la position des deux pays. En marge de la COP-28, le président du Guyana, Irfaan Ali, a rencontré le président cubain Miguel Díaz-Canel et le premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ralph Gonsalves, pour discuter de la situation. M. Ali a demandé à M. Díaz-Canel d’exhorter le Venezuela à maintenir une « zone de paix ».

La guerre ne semble pas se profiler à l’horizon. Les États-Unis ont levé une partie de leur blocus sur l’industrie pétrolière vénézuélienne, permettant à Chevron de redémarrer plusieurs projets pétroliers dans la ceinture de l’Orénoque et dans le lac de Maracaibo. Washington n’a pas envie d’aggraver son conflit avec le Venezuela. Mais Exxon Mobil, si. Ni le peuple vénézuélien ni le peuple guyanais ne bénéficieront de l’intervention politique d’ExxonMobil dans la région. C’est pourquoi tant de Vénézuéliens venus voter le 3 décembre ont considéré qu’il s’agissait moins d’un conflit entre le Venezuela et le Guyana que d’un conflit entre ExxonMobil et les peuples de ces deux pays d’Amérique du Sud.

Vijay Prashad

Traduction et adaptation : Thierry Deronne

Source : https://peoplesdispatch.org/2023/12/05/exxonmobil-wants-to-start-a-war-in-latin-america/

Notes :

(1) Lire : « Venezuela : l’accaparement d’un territoire par Exxon Mobil et le Pentagone. » https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/12/03/venezuela-laccaparement-dun-territoire-par-exxon-mobil-et-le-pentagone/

(2) Lire « Venezuela: les observateurs internationaux saluent la transparence du scrutin. » https://venezuelainfos.wordpress.com/2021/11/23/venezuela-alors-que-les-observateurs-internationaux-saluent-la-haute-transparence-du-scrutin-des-leaders-de-la-droite-appellent-a-tourner-la-page-du-putschisme-de-guaido/

L’auteur : Vijay Prashad est un historien, éditeur et journaliste indien. Il est chargé d’écriture et correspondant en chef de Globetrotter.Il est éditeur de LeftWord Books et directeur du Tricontinental Institute for Social Research.

Auteur de plus de 20 livres dont The Darker Nations et The Poorer Nations. Ses derniers ouvrages parus sont Struggle Makes Us Human : from Movements for Socialism et (avec Noam Chomsky) The Withdrawal : Iraq, Libya, Afghanistan, and the Fragility of U.S. Power.

Cet article a été produit par Globetrotter.

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/12/06/exxon-mobil-veut-declencher-une-guerre-en-amerique-latine-par-vijay-prashad/

Venezuela : l’accaparement d’un territoire par Exxon Mobil et le Pentagone.

Photo : ExxonMobil extrait du pétrole au large du Guyana (Photo : Keith Wood).

« Le-Venezuela-veut-envahir-le-Guyana !». L’internationale médiatique inverse (une fois de plus) les rôles pour occulter une énième stratégie états-unienne contre le Venezuela. Exxon Mobil et le Pentagone, après avoir acheté le gouvernement du Guyana, déploient un plan médiatico-militaire pour tenter de s’emparer de l’Esequibo – zone riche en pétrole, qui fait historiquement partie du Venezuela. Le Guyana affirme que ce territoire lui appartient, et a officiellement exprimé son intention d’y établir des « bases militaires états-uniennes ». « Nous devons protéger nos intérêts nationaux », a déclaré le vice-président du Guyana, Bharrat Jagdeo, « nous travaillons avec nos alliés pour mettre au point un plan pour toutes les éventualités et nous aurons la visite de deux équipes du ministère états-uniens de la défense la semaine prochaine, puis plusieurs visites en décembre et une représentation de haut niveau. » Les grands médias inversent les rôles, mais qu’attendre d’autre de leur part ? N’ont-ils pas relooké les violences d’extrême droite de ces dernières années en « manifestations-populaires-réprimées-par-Maduro » ? N’ont-ils pas occulté le blocus pétrolier et les sanctions de l’Occident pour imputer l’exode de population à « l’échec-du-socialisme-bolivarien » ? Ou sacré le putschiste d’extrême droite Juan Guaido « président du Venezuela » ?

Explications de María Páez Victor, sociologue et Docteure en philosophie d’origine vénézuélienne vivant au Canada.

Les attaques des États-Unis et de leurs alliés contre le Venezuela comprennent 930 sanctions illégales qui excluent le pays des financements internationaux et l’empêchent d’acheter des médicaments, de la nourriture, de produire ou de vendre son pétrole. Il y a également eu un soutien direct et indirect à des tentatives de coup d’État, des violences de rue entraînant des meurtres et des blessures, des cyberattaques sur le réseau électrique, le sabotage du pétrole et des infrastructures, le financement de bandes criminelles, la corruption de fonctionnaires, des tentatives d’assassinat contre le président et son cabinet. Mais aussi la mise en place d’une fausse présidence, l’appropriation de la compagnie pétrolière CITGO et de milliards d’actifs vénézuéliens dans les banques, l’impossibilité pour le pays d’obtenir des vaccins Covid-19 en cas de pandémie, ainsi qu’une attaque brutale contre la monnaie. On estime qu’au moins 100.000 Vénézuéliens ont perdu la vie à cause des sanctions illégales [1]. Il semble que cela n’ait pas suffi. Les États-Unis, par l’intermédiaire de leur créature Exxon Mobil, et main dans la main avec leur allié impérial, la Grande-Bretagne, s’apprêtent à réaliser le plus grand accaparement de terres depuis que les États-Unis se sont emparés d’un quart du Mexique, au moyen d’un tour de passe-passe judiciaire.

Des problèmes de longue date : la terre et l’or

Toutes les anciennes cartes du Venezuela, depuis l’époque où il a été cartographié pour la première fois sous la domination espagnole, montrent que sa frontière orientale est le fleuve Esequibo (en rouge sur la carte ci-dessous, le Rio Esequibo limitrophe avec le Guyana).

De l’autre côté du fleuve se trouvait un territoire revendiqué plus tard par l’Angleterre et qui est devenu la Guyane britannique. C’est un endroit que les explorateurs assoiffés d’or ont envahi à la recherche du mythe de l’El Dorado, qu’ils n’ont pas trouvé, mais ils ont trouvé de l’or et l’or sucré de la canne à sucre. Grâce à une campagne de désinformation délibérée, impliquant la cartographie bidon de R. Schomburgk, dès 1835, l’Empire britannique a pénétré sur le territoire vénézuélien. Après que la Grande-Bretagne a donné son indépendance à la Guyane britannique, qui est devenue le Guyana, ces incursions n’ont pas cessé. Le territoire à l’ouest du fleuve ainsi revendiqué par le Guyana et qui fait l’objet du litige, mesure 159 542 km², soit un territoire plus grand que le Portugal et les Pays-Bas réunis.

La controverse de longue date a atteint son paroxysme lorsqu’en 1899, un tribunal arbitral a été convoqué à Paris pour régler la question – sans la présence d’un seul Vénézuélien ! Les juges étaient britanniques, américains et russes. Les États-Unis, invoquant une quelconque raison d’être présents en raison de leur propre doctrine Monroe, ont présumé représenter le Venezuela. La sentence, à la surprise générale, a profité à la Grande-Bretagne.

Le Venezuela a continué à lutter contre ce vol judiciaire étonnant de la terre qui avait toujours fait partie du Venezuela, et après de longues luttes diplomatiques, l’accord de Genève de 1966 a été accepté par les deux parties. Il déclarait catégoriquement nulles et non avenues les actions du Tribunal de Paris de 1899 et stipulait que les deux parties – le Venezuela et le Guyana – étaient obligées de négocier à l’amiable et de bonne foi pour résoudre toutes les questions concernant l’Esequibo. En outre, compte tenu de cet accord, les deux parties ont accepté en 1980 le mécanisme de bons offices des Nations unies, selon lequel une personne nommée conjointement aiderait à mettre en œuvre les négociations.

Le sujet du jour :  L’or noir

En 2014/15, la société pétrolière la plus sinistre et la plus prédatrice du monde, Exxon Mobil, ennemie déclarée du Venezuela, a découvert du pétrole sur terre et en mer dans le territoire contesté. Cela a mis fin à toutes les négociations à l’amiable en cours entre le Venezuela et le Guyana, car la prospérité d’Exxon Mobil a pris le dessus sur le gouvernement du Guyana. L’actuel premier ministre, par exemple, a reçu 18 millions de dollars en échange de son refus de poursuivre les négociations, de sa dénonciation de l’accord de Genève de 1966 et de sa demande d’application de la décision du tribunal de Paris de 1899 par l’intermédiaire d’une nouvelle équipe de juges partiaux de la Cour internationale de justice, qui n’a en fait d’autre compétence que son propre mandat élargi. En juin dernier, la journaliste Amy Westervelt, du site états-unien The Intercept, a rédigé un rapport intitulé « How Exxon Captured a Country Without Firing a Shot » (Comment Exxon s’est emparé d’un pays sans tirer un coup de feu), faisant allusion au Guyana, et alertant par ailleurs sur le grave risque environnemental que représente le refus de la Exxon Mobil de laisser contrôler ses activités extractivistes.

Mais le plus dangereux, c’est que la société pétrolière exhorte le Guyana à provoquer agressivement le Venezuela pour qu’elle puisse se présenter au monde comme une « victime » du Venezuela. L’objectif est de provoquer une guerre frontalière afin que la flotte navale du commandement sud des États-Unis – désormais commodément postée dans les mers adjacentes – puisse ensuite intervenir militairement et envahir le Venezuela. Depuis 2015, le Guyana effectue des manœuvres militaires avec le Southern Command des USA, avec le Venezuela comme cible.

Il n’y a rien que les États-Unis souhaitent davantage qu’une « cause », réelle ou non, pour envahir le Venezuela et mettre la main sur le pétrole, le gaz et les minerais précieux qui y abondent. Comme ils ne peuvent plus compter sur les gouvernements de droite de la Colombie et du Brésil, ils manipulent maintenant le Guyana pour qu’elle devienne leur suppléant dans la guerre. La flotte du commandement sud des États-Unis est déjà stationnée dans les eaux au large de l’Esequibo et, en fait, les États-Unis ont une présence militaire au Guyana même.

Cependant, le Venezuela comprend clairement cette ruse. Il a rappelé n’être jamais entré en guerre pour envahir un autre pays comme le montre l’histoire de la république du Venezuela, enracinée dans l’épopée de Simon Bolivar. Si l’armée vénézuélienne a bataillé au 19ème siècle en Colombie, au Pérou, en Bolivie et en Équateur, ce fut toujours pour les libérer de l’empire espagnol. Le Venezuela recherche une issue pacifique.

Les habitants de l’Esequibo

Le Guyana est l’un des pays les plus inégaux et les plus pauvres de la région. Ses entreprises d’extraction sont aux mains de sociétés étrangères, et les revenus qu’elles procurent au pays n’ont pas eu l’impact correspondant sur les indicateurs de santé et de bien-être de la population. La première tentative de mesure de la pauvreté a eu lieu en 1992-93, puis en 2006. Un universitaire a conclu : « L’histoire économique du Guyana est celle de l’esclavage, de l’indignation, du colonialisme et d’une stratification sociale basée sur la couleur de la peau » [2] Les premières élections libres ont eu lieu en juin 1953, mais elles ont été suivies en octobre de la même année par une invasion britannique avec des troupes et des navires, soutenue par les États-Unis, qui a renversé le gouvernement populiste élu de Cheddi Jagan et de Forbes Burnham.

La société guyanaise souffre d’accusations de corruption, d’inefficacité et de brutalité policière. Elle compte environ 78.500 autochtones, soit 10 % de la population, qui ont été malheureusement et historiquement négligés par le gouvernement guyanais, mais qui défendent aujourd’hui leurs droits par le biais de leurs propres mouvements, car depuis 1990, l’exploitation multinationale des ressources s’est accrue et a mis en évidence l’incapacité du gouvernement à reconnaître et à garantir les droits des autochtones [3]. [De nombreux autochtones de l’Esequibo se considèrent comme des Vénézuéliens, ou du moins comme ayant une double nationalité. Depuis le gouvernement Chávez, le Venezuela propose des projets conjoints qui profiteraient aux deux pays, en particulier à la population de l’Esequibo, tout comme il exploite efficacement et à l’amiable le gaz avec Trinité-et-Tobago sur les mers partagées.

Le référendum : plus de dix millions de votant(e)s le 3 décembre.

La position du Venezuela sur l’Esequibo est fondée sur les frontières qu’il a toujours eues depuis qu’il était une capitainerie générale de l’empire espagnol, comme l’indique clairement l’article 10 de la constitution vénézuélienne. Par conséquent, le 6 décembre 2023, le peuple vénézuélien sera invité à répondre par « oui » ou par « non » à un référendum de cinq questions : s’il rejette l’arbitrage de Paris de 1899, s’il approuve l’accord de Genève de 1966 comme seul mécanisme contraignant pour résoudre le problème, s’il accepte de ne pas reconnaître la compétence de la Cour internationale de justice, s’il s’oppose à l’appropriation unilatérale des eaux territoriales de l’Esequibo par le Guyana. La cinquième question clé demande aux électeurs s’ils acceptent la création d’un nouvel État, appelé Guayana Esequiba, sur le territoire contesté, l’octroi de la citoyenneté vénézuélienne à ses habitants et la mise en œuvre de programmes sociaux accélérés.

Cette dernière question est d’une importance politique cruciale car elle offre aux habitants d’Esequibo tous les avantages, les droits, l’égalité, les services et la prospérité que le gouvernement et les institutions vénézuéliens peuvent aujourd’hui offrir à leurs citoyens. Cette question est si cruciale que le Guyana et Exxon Mobil ont immédiatement demandé à la Cour internationale de justice d’intervenir dans le litige pour faire quelque chose d’impossible : interdire à la nation vénézuélienne d’organiser un référendum pour ses propres citoyens ! Autrement dit, intervenir directement dans les affaires intérieures d’un pays souverain et violer sa Constitution. Telle est la crainte qu’ils éprouvent à l’égard de la voix du peuple.

La CIJ n’est pas compétente sur cette question, parce que toute demande de cette nature doit être formulée par les deux parties, et que le Venezuela n’a pas accepté l’implication ou la compétence de cette cour. La CIJ a des problèmes de partialité : un de ses juges a reconnu Juan Guaido, le putschiste d’extrême droite intrônisé par Donald Trump comme président du Venezuela sans la moindre élection, et c’est… Exxon Mobil qui a payé les frais de justice considérables du Guyana devant ce tribunal… Le 1 décembre, la CIJ n’a pas donné de suite concrète à la demande du Guyana d’empêcher les électeurs vénézuéliens de s’exprimer via le référendum.

Photo: mobilisation populaire des vénézuélien(ne)s pour défendre l’appartenance de l’Esequibo au territoire du Venezuela.

Le processus électoral vénézuélien – considéré par l’ancien président américain Jimmy Carter comme le meilleur au monde – procède toujours à un vote d’essai afin de s’assurer que tout fonctionne correctement. Ce vote d’essai du 19 novembre avait eu un résultat surprenant : la participation a été trois fois plus importante que lors de tout autre vote d’essai, plus de 3 millions d’électeurs s’étant déplacés ! C’est une indication claire du grand intérêt que les Vénézuéliens portent à l’Esequibo. En fait, l’Esequibo est la question unificatrice la plus importante au Venezuela aujourd’hui. Gouvernement, artistes, oppositions, ONG, syndicats, secteur privé, éducateurs, etc., il semble que le pays tout entier se lève pour défendre l’Esequibo. Les résultats de ce scrutin, organisé le 3 décembre, ont confirmé la reconnaissance très majoritaire de la population, tous signes politiques confondus, à l’appartenance historique de l’Esequibo au Venezuela : https://twitter.com/teleSURtv/status/1731498911263494506 (9). Le « oui » l’a emporté sur les cinq questions à plus de 95 %, avec une participation de plus de 10,5 millions d’électeurs, un chiffre plus élevé que lors des deux élections précédentes. Pour le journaliste argentin Marco Teruggi : « Ce qui est atypique dans ce concours, ce n’est pas seulement l’objet du vote, mais aussi la participation de la majorité des dirigeants de la droite aux élections. Ainsi, dimanche, les anciens candidats à la présidence Henrique Capriles Radonski et Javier Bertucci, le leader Henry Ramos Allup du parti Acción Democrática, le prochain candidat à la présidence au profil d’outsider Benjamin Rausseo, des maires et des gouverneurs de l’opposition ont voté. « Nous nous conformons au mandat de la Plate-forme unitaire, qui a accepté et recommandé que les Vénézuéliens analysent les questions, donnent leur avis et votent lors de ce référendum qui nous permet, après avoir examiné et réfléchi à chaque question, de donner notre avis pour défendre un morceau de terre », a déclaré Manuel Rosales, gouverneur de l’État de Zulia, du parti Un Nuevo Tiempo. « Je suis un opposant à ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui (…) mais il est important que nous défendions la souveraineté nationale, nous devons savoir séparer le bon grain de l’ivraie », a déclaré Luis Florido, autre dirigeant de l’opposition, après avoir voté. » (10)

Mais il y a un facteur, en dehors des cartes, du droit judiciaire et du référendum, qui aura un impact sur cette question : il s’agit d’Exxon Mobil et des millions qu’elle distribue aux politiciens, aux avocats et aux médias pour obtenir cet accaparement de terres.

Exxon Mobil est peut-être la compagnie pétrolière la plus criminelle au monde. Pendant des décennies, ses ingénieurs connaissaient parfaitement les effets des combustibles fossiles sur le climat, mais non seulement ils ont étouffé cette information, mais ils ont payé des écrivains, des scientifiques et des médias pour qu’ils nient l’existence du changement climatique [4]. Elle a violé les droits de l’homme d’innombrables populations rurales et indigènes ; et en Indonésie, sa collaboration avec un gouvernement brutal lui a valu d’être accusée de génocide [5].

Il semble que partout où elle opère, elle commette des écocides, des crimes contre la nature. L’un de ses pires crimes a été la catastrophe écologique causée par son pétrolier, l’Exxon Valdez. En 1989, il a déversé 10,8 millions de gallons de pétrole brut en Alaska, provoquant la mort de 100 000 à 250 000 oiseaux marins, de centaines de loutres, de phoques, d’aigles, d’orques et d’innombrables poissons. Exxon Mobil a passé des années à se battre devant les tribunaux, à nier sa culpabilité et à tenter de se soustraire au paiement des dommages causés. En fin de compte, après 20 ans de litiges, elle a versé à l’État d’Alaska la somme dérisoire de 507 millions de dollars, soit un dixième du coût des dommages causés par sa marée noire [6]. [Si elle peut faire cela à l’Alaska dans son propre pays, imaginez le peu de protection environnementale que les habitants, la flore et la faune vierges de l’Esequibo obtiendraient de cette société irresponsable.

C’est ce monstre qui a acheté le Guyana et qui s’attaque aujourd’hui à la souveraineté du Venezuela. Il ne s’agit pas simplement d’un différend territorial entre deux pays, mais plus encore, ce qui est en jeu, c’est la validité du droit international, l’intégrité de l’accord de Genève de 1966, l’intégrité des bons offices des Nations Unies et l’honnêteté de la Cour internationale de justice (si elle existe). En fin de compte, il s’agit d’une lutte entre la démocratie d’une nation latino-américaine et les intérêts rapaces d’une puissante société pétrolière au service de l’empire américain.

Cependant, le Venezuela a déjà vaincu un empire…

María Páez Victor

Traduction: merci à Bernard Tornare. Source en anglais

Notes:

1 – Alfred de Zayas, “Former UN rapporteur on Human rights: US Sanctions Have Killled More Than 100,000 Venezuelans”, March 2020, https://orinocotribune.com/former-un-rapporteur-on-human-rights-us-sanctions-have-killed-more-than-100-thousand-venezuelans/ ; Centre for Economic and Policy Research, April 2019, “Report Finds US Sanctions on Venezuela are responsible for tens of thousands of Deaths”, April 2019, https://cepr.net/press-release/report-finds-us-sanctions-on-venezuela-are-responsible-for-tens-of-thousands-of-deaths/; Maria Paez Victor, “Disease as a Weapon: has the US Blocked vaccines fro Venezuela?”, COUNTERPUNCH, 18 June 2021, https://www.counterpunch.org/2021/06/18/disease-as-a-weapon-has-the-us-blocked-vaccines-for-venezuela/

2 – John Gafar, Guyana: “From State Control to Free Markets”, 2003, https://books.google.ca/books?hl=en&lr=&id=odHg0flvH5UC&oi=fnd&pg=PR19&dq=poverty+and+inequality+un+Guyana&ots=9ilo15RbpQ&sig=9ZkObVI6AvHTfiINKwuqyrECkbo#v=onepage&q=poverty%20and%20inequality%20un%20Guyana&f=false

3 – Jean La Rose,Fergus MacKay, “Our Land, Our Life, Our Cultures: The Indigenous Movement in Guyana”, 2 April 2010, Cultural Survival ; https://www.culturalsurvival.org/publications/cultural-survival-quarterly/our-land-our-life-our-culture-indigenous-movement-guyana?gclid=EAIaIQobChMItMnTuvzXggMV0i3UAR0LSQS8EAAYASAAEgI44PD_BwE

4 – Ein Beitrag von Joe McCarthy, global Citizen, 23 August 2017; https://www.globalcitizen.org/de/content/exxon-mobil-lied-about-climate-change/?gclid=EAIaIQobChMI4OWz-trYggMV9DmtBh2KYgmAEAAYASAAEgJfrvD_BwE

5 – Business & Human rights resource Centre, “Trial in US Lawsuit against ExxonMobil over alleged complicity in torture & beatings by military in Indonesia could start after 20 years”, https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/trial-in-us-lawsuit-against-exxonmobil-over-alleged-complicity-in-torture-beatings-by-military-in-indonesia-could-start-after-20-years/

6 – WIKIPEDIA, https://en.wikipedia.org/wiki/Exxon_Valdez_oil_spill

7– Sur la longue liste d’attaques de la part d’Exxon Mobil contre le Venezuela : https://misionverdad.com/venezuela/el-extenso-historial-de-las-agresiones-de-exxonmobil-contra-venezuela, et sept articles de Mision Verdad sur ce thème : https://misionverdad.com/seis-trabajos-de-mision-verdad-en-torno-la-guayana-esequiba

8 – Pour un résumé historique très pédagogique, avec cartes à l’appui, réalisé par le journal vénézuélien Ultimas Noticias : https://twitter.com/UNoticias/status/1707920743785279541

9 – Sur cette victoire électorale : https://www.telesurtv.net/news/presidente-maduro-felicita-pueblo-referendo-consultivo-20231203-0046.html

10 – du journaliste Marco Terrugi, pour Pagina 12 : https://www.pagina12.com.ar/691624-venezuela-voto-en-referendum-por-el-reclamo-de-una-region-en. Excellente explication, aussi, de l’historien Vijay Prashad sur pourquoi « Exxon Mobil veut entrer en guerre contre le Venezuela et l’Amérique latine » https://peoplesdispatch.org/2023/12/05/exxonmobil-wants-to-start-a-war-in-latin-america/

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/12/03/venezuela-laccaparement-dun-territoire-par-exxon-mobil-et-le-pentagone/

Au Brésil, huit pays latino-américains s’engagent à sauver l’Amazonie (déclaration finale intégrale)

« Avancées limitées » (Le Monde), « Sommet en demi-teinte » (Courrier international), « Un sommet qui n’arrêtera pas la déforestation » (Ouest-France) : les médias du Capital, en soulignant des différences internes, voudraient minimiser la portée historique du sommet qui a réuni les 8 et 9 août à Belém (Brésil) les huit pays du Traité de Coopération Amazonienne (OTCA). Pourtant, les cent objectifs de la déclaration finale témoignent d’avancées concrètes (dont une vingtaine sur la lutte contre la déforestation) qui contrastent avec la lettre morte des COP.

Invitée par le président Lula en compagnie des autres mandataires, la vice-Présidente du Venezuela Delcy Rodríguez a d’emblée proposé plusieurs actions : « déforestation zéro » et cartographie des zones critiques, création d’une banque de semences amazoniennes pour préserver la biodiversité, éradication des activités minières illégales, création du Centre de recherche sur l’Amazonie pour préserver la biodiversité, lancement d’un satellite amazonien permettant la protection de la région. Tout en dénonçant « trois graves menaces que nous ne pouvons pas ignorer : la voracité des transnationales pharmaceutiques et alimentaires, l’externalisation des fonctions de l’État aux mains d’ONGs transnationales et les plans de l’OTAN pour garantir la marchandisation de l’Amazonie. », elle a suggéré aux membres du Traité d’expulser les bases militaires des USA/OTAN/UE qui « surveillent » les richesses naturelles de la région. Le Venezuela est un des rares pays à n’être pas occupé par ces bases (7 en Colombie, 5 au Pérou, 2 au Brésil, 2 en Equateur, etc.). Le président Gustavo Petro a proposé une force militaire commune de protection de la région. Les propositions des peuples autochtones et des mouvements sociaux, formulées lors de la rencontre antérieure au sommet des chefs d’État, ont été prises en compte dans la déclaration finale.

Bien sûr, au sein du camp progressiste latino-américain, le débat sur la politique des ressources naturelles reste ouvert (voir par exemple le point de vue de Rafael Correa sur la position de Gustavo Petro). Mais ces points de vue différenciés renforcent la synthèse commune. Les énergies fossiles sont, comme l’a rappelé le président Petro, le moteur séculaire du capitalisme, et comme pour l’économie de la drogue, c’est au consommateur et principal émetteur de CO2 – l’Occident – de transformer ses pratiques. Par ailleurs l’immense dette sociale des peuples latino-américains – héritée du pillage colonial et du néo-libéralisme -, est une priorité pour les gouvernements de gauche. D’où l’importance de nationaliser les ressources naturelles pour financer des politiques visant à combler les énormes déficits d’éducation, d’alimentation, de santé, de logement, etc.. dont souffrent encore des millions de concitoyen(ne)s. Le débat porte en réalité sur la vitesse de sortie des énergies fossiles. Le sommet d’août 2023 – qui se poursuivra en Colombie en 2025 – montre une compréhension générale de la nécessité de sortir de la dépendance pétrolière entre autres, d’avancer vers les sources alternatives d’énergie, de développer la souveraineté alimentaire, etc.. Cette stratégie se concrétise dans une Amérique Latine où les États reprennent force grâce à des gouvernements capables d’écouter les mouvements sociaux. Les mouvements écologistes occidentaux, immergés dans des sociétés de consommation où les gouvernements ne pèsent plus grand-chose face au capitalisme, ne peuvent pour l’heure rêver de ruptures structurelles.

T. D., Caracas, 10 août 2023

Déclaration finale intégrale

Belém, État du Pará.- Avec la décision de mettre en œuvre les 113 objectifs et principes transversaux de la Déclaration de Belém, s’est achevé ce mercredi le Sommet Amazonien qui a réuni les 8 et 9 août les Présidents et hauts représentants des États parties au Traité de Coopération Amazonienne (OTCA).

Les parties s’engagent à éviter le point de non-retour en Amazonie et ratifient l’engagement de la Région à poursuivre le dialogue, afin de sauver le poumon végétal de 7 millions de kilomètres carrés.

En ce sens, les dirigeants des États parties au Traité de coopération amazonienne (OTCA), réunis dans la ville de Belém do Pará, le 9 août 2023,

Conscients de l’urgence du défi de protéger l’intégralité de l’Amazonie, de lutter contre la pauvreté et les inégalités dans la région amazonienne, et dans le but d’unir leurs efforts pour promouvoir un développement durable, harmonieux, global et inclusif dans la région ;

Gardant à l’esprit les résultats des consultations internes menées par les États parties au niveau gouvernemental et avec la société civile de leurs pays respectifs en vue de ce Sommet ;

Convaincus que la coopération, une vision intégrée et une action collective sont essentielles pour relever les défis politiques, sociaux, économiques et environnementaux de la région amazonienne, notamment ceux liés à la crise climatique, à la perte de biodiversité et à la pollution des eaux, des sols, la déforestation et les incendies de forêt, l’augmentation des inégalités, de la pauvreté et de la faim, dans le but d’empêcher l’Amazonie d’atteindre le point de non-retour ;

Déterminés, par conséquent, à relancer et à actualiser l’agenda commun de coopération entre nos pays, adapté aux nouvelles réalités régionales et mondiales, pour garantir la conservation, la protection et la connectivité écosystémique et socioculturelle de l’Amazonie, le développement durable, le bien-être de leurs populations autochtones, avec une attention particulière aux peuples autochtones et aux communautés locales et traditionnelles en situation de vulnérabilité ;

Soulignant le visage humain de l’Amazonie, la centralité des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles pour la conservation de la biodiversité et des ressources naturelles de la région, la nécessité de garantir le bien-être des populations amazoniennes et la solidarité envers les générations présentes et futures ;

Soulignant l’urgence de convenir d’objectifs communs d’ici 2030 pour lutter contre la déforestation, éradiquer et stopper la progression de l’extraction illégale des ressources naturelles, et promouvoir des approches d’aménagement du territoire et la transition vers des modèles durables avec l’idéal d’atteindre le déboisement zéro dans la Région ;

Réaffirmant les principes de respect de la démocratie, de la dignité des peuples, de l’état de droit, des droits humains, y compris le droit au développement, des droits des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, de la justice sociale, de l’autodétermination des peuples et de la souveraineté territoriale, dans le cadre de l’engagement pour le développement durable en Amazonie ;

Réaffirmant les principes de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et la Déclaration de principes sur les forêts de 1992, de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris, de la Convention sur la diversité biologique (CDB), les protocoles et le Cadre mondial pour la diversité biologique de Kunming-Montréal, la Convention sur la lutte contre la désertification (UNCCD), la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages (CITES), de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, de la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), du document « L’avenir que nous voulons », approuvé par la Conférence des Nations Unies sur le Développement Développement (Rio+20), l’Agenda 2030 et ses Objectifs de Développement Durable, la Convention de Minamata sur le mercure et la Cadre de Sendai pour la réduction des risques et des catastrophes 2015-2030 ;

Prenant note des Lignes directrices pour la protection des peuples autochtones en isolement et en premier contact de la région amazonienne, du Gran Chaco et de la région orientale du Paraguay du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, du rapport sur les peuples autochtones en isolement volontaire et en Contact initial dans les Amériques de la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’OEA, les « Principes et lignes directrices pour les soins de santé des peuples autochtones isolés et en contact initial de l’OTCA et le Cadre stratégique pour la protection des peuples autochtones de l’OTCA en isolement et premier contact ;

Rappelant les Déclarations adoptées lors des précédentes Réunions des Présidents des États parties au Traité de coopération amazonienne tenues en 1989, 1992 et 2009 ;

Soulignant l’importance des réunions des présidents des États parties au Traité de coopération amazonienne en tant que mécanisme politique stratégique pour la prise de décisions et l’adoption de priorités dans le cadre de la coopération amazonienne, et l’opportunité de voir leurs réunions plus régulières, avec une rotation entre les États parties ;

Reconnaissant que des solutions efficaces aux problèmes de la région amazonienne ne peuvent être trouvées qu’avec la participation pleine et effective de ses populations, tant urbaines que rurales, des gouvernements infranationaux, de la société civile, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, avec une attention particulière aux femmes, les jeunes et les autres acteurs sociaux, conformément à la législation nationale et aux spécificités locales ;

Reconnaissant que les femmes et les enfants sont touchées de manière disproportionnée par les effets néfastes du changement climatique et de la dégradation de l’environnement et que leur participation à la prise de décisions est essentielle pour le développement durable, la promotion de sociétés pacifiques justes et inclusives et l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et dimensions;

Reconnaissant la centralité de la richesse naturelle et de la diversité culturelle pour la construction de stratégies de développement à moyen et long terme pour la région, conscient de l’importance de protéger ce patrimoine culturel, économique et environnemental, et notant que le respect de la diversité et de l’identité culturelle de chaque communauté joue un rôle fondamental dans la construction d’un avenir durable et harmonieux pour l’Amazonie ;

Reconnaissant la pertinence de l’eau en tant que source de vie dans la région amazonienne et la nécessité de continuer à promouvoir sa gestion durable, dans le cadre des efforts nationaux et régionaux en Amazonie ;

Reconnaissant les interrelations entre l’Amazonie et les autres biomes et régions des États parties, qui lui sont étroitement liées, et la nécessité de préserver ces interrelations pour garantir l’intégrité et l’équilibre de la région amazonienne ;

Constatant l’importance que les pays andins-amazoniens accordent au cycle de l’eau et aux fleuves qui prennent leur source dans la zone andine et qui composent le bassin amazonien ;

Soulignant que l’éradication de la faim, de la pauvreté et de la violence à l’encontre des populations amazoniennes sous toutes ses formes et dimensions, dans le cadre du respect de l’Agenda 2030 et de ses Objectifs de développement durable, est une exigence essentielle pour le développement de la région amazonienne et que le renforcement du multilatéralisme dans les domaines environnemental, social et économico-commercial est un outil important à ces fins;

Condamnant la multiplication des mesures commerciales unilatérales qui, fondées sur des exigences et des normes environnementales, se traduisent par des barrières commerciales et affectent principalement les petits producteurs des pays en développement, la recherche d’un développement durable, la promotion des produits amazoniens, les efforts d’éradication de la pauvreté et la lutter contre la faim et menacer l’intégrité du système commercial international ;

Exhortant les pays développés à remplir leurs obligations de fournir et de mobiliser un soutien prévisible et adéquat aux pays en développement, y compris le financement du développement, le financement climatique et la protection de la biodiversité avec la portée, l’échelle et la rapidité nécessaires et proportionnelles, ainsi que l’accès à la technologie et à ses marchés, et à la construction et au développement des capacités, comme mesures fondamentales de la coopération internationale pour la mise en œuvre des politiques et programmes nationaux pour le développement durable de l’Amazonie ;

Réitérant la promotion et le respect des buts et principes de la Charte des Nations Unies et du droit international, qui promeut le règlement pacifique des différends et un système international fondé sur des relations respectueuses d’amitié et de coopération, exempt de menaces, d’agressions et de mesures coercitives unilatérales des mesures contraires au droit international, dans un environnement de paix, de stabilité et de justice ;

Réaffirmant les principes d’égalité des États et de respect de la souveraineté des pays sur leurs territoires, ainsi que l’objectif de renforcement de la coopération régionale, exprimé dans le Traité de coopération amazonienne signé le 3 juillet 1978, et qui a motivé la création de l’Organisation du Traitéde Coopération Amazonienne (OTCA);

Considérant que certains pays reconnaissent les droits de la nature ou de la Terre Mère dans le cadre de la promotion du développement durable, et expriment la conviction que, pour parvenir à un juste équilibre entre les besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations présentes et futures, il est nécessaire promouvoir l’harmonie avec la nature pour bien vivre, et noter l’importance pour certains du concept de « justice climatique » lors de l’adoption de mesures pour lutter contre le changement climatique ;

Prenant note des accords promus par certains ministres des finances, du trésor/de l’économie et de la planification des pays amazoniens pour accélérer les efforts conjoints visant à accroître le financement, partager les connaissances et améliorer la coordination régionale pour le développement durable, en répondant aux priorités des États parties à la région amazonienne ;

Reconnaissant l’indépendance des autres pouvoirs publics existants dans les États parties, et les invitant à envisager les actions pertinentes dans le cadre de leurs attributions pour l’application effective de la présente déclaration ;

Reconnaissant que l’OTCA est le seul organe intergouvernemental de coordination des huit pays amazoniens pour le développement conjoint de projets, d’actions qui produisent des résultats équitables et bénéfiques pour les pays amazoniens, en raison de son institutionnalisation, de sa connaissance approfondie de la région et de l’expérience pertinente de ses Secrétariat permanent dans la coordination du dialogue et la mise en œuvre des initiatives de coopération au développement ;

Notant également que, sur la base de cette coordination, les États parties favoriseront le dialogue, l’échange d’expériences et la coopération avec les pays en développement possédant d’importantes superficies de forêts tropicales dans différentes régions du monde ;

Appréciant l’orientation pragmatique et opérationnelle adoptée par l’OTCA, qui se manifeste dans l’expansion et l’exécution des projets et programmes, et dans les efforts visant à donner de la visibilité à l’agenda de coopération amazonienne dans les débats multilatéraux et régionaux sur les questions liées au développement durable ;

ONT DÉCIDÉ CE QUI SUIT :

Objectifs et principes transversaux pour la mise en œuvre de la Déclaration de Belém

  1. Combiner les efforts, au plus haut niveau, de leurs gouvernements pour faire avancer un nouvel agenda commun de coopération en Amazonie qui est mise en œuvre dans le cadre de l’objectif de développement, de conservation et d’utilisation durables gestion durable de la biodiversité, des forêts et des eaux, action urgente pour éviter le point de non-retour en Amazonie, lutter contre la déforestation et les activités illégales dans la région, la développement économique avec inclusion sociale et génération de revenu et d’emploi, fondés sur des mécanismes de participation sociale, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, et le renforcement de l’OTCA. En ce sens, Ils respecteront les principes suivants :
  2. a) Participation active et respect et promotion des droits des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelle, avec une attention particulière aux populations en situation de vulnérabilité;
  3. b) La protection et la promotion des droits humains, l’égalité de toutes les personnes, sans distinction de race ou toute autre nature et la lutte contre toutes les formes de discrimination;
  4. c) Égalité des genres, avec participation active et promotion des droits de toutes les femmes, pour leur autonomisation ;
  5. d) Une approche interculturelle et intergénérationnelle qui favorise reconnaissance, respect de l’identité et de la diversité culturelle en Amazonie;
  6. e) La souveraineté de la États, y compris le respect des lois nationales de chaque pays;

Renforcement institutionnel de l’OTCA

  1.        Soutenir fermement le renforcement institutionnel de l’OTCA et l’élargissement de leurs domaines de coordination, de coopération et des moyens de la mise en œuvre comme instrument de développement durable, harmonieuse et inclusive de l’Amazonie et l’amélioration des capacités ressortissants des États parties, par l’échange de biens pratiques, connaissances et politiques publiques, coopération sud-sud et la mobilisation des ressources de la coopération International;
  2. Confier aux ministres de Affaires étrangères la négociation d’un protocole additionnel au Traité de coopération amazonienne instituant la Réunion des Présidents des États parties au traité de coopération Amazonienne en tant qu’instance de prise de décision et d’adoption de priorités politiques stratégiques dans le cadre de l’OTCA. Instruction à exécuter, dans le cadre du processus préparatoires aux réunions présidentielles, réunions qui inviteront les représentants du gouvernement, de l’académie, de la société civile et peuples autochtones et communautés locales et traditionnels, pour identifier d’éventuelles recommandations à examiner par la Réunion des présidents ;
  3. Réactiver les Commissions Spéciales, au niveau ministériel le cas échéant, dans le domaine de l’OTCA, y compris sur (i) l’environnement, (ii) la science et Technologie, (iii) Santé, (iv) Éducation, (v) Affaires autochtones, (vi) Transports, Infrastructures et Communications et (vii) Tourisme, sans préjudice de la mise en place de nouvelles commissions dédiées à d’autres domaines, comme la sécurité publique;
  4. Réactiver et renforcer la bon fonctionnement des commissions nationales permanentes (CONAPER), dans chacun des pays membres, des instances en charge de la l’application sur leurs territoires respectifs des dispositions de l’OTCA, ainsi que l’exécution des décisions adoptées par le réunions des ministres des affaires étrangères et par le Conseil de Coopération Amazonienne, sans préjudice d’autres activités qui qui leur sont confiées par chaque État ;
  5. Mettre en place le mécanisme amazonien des peuples autochtones, pour renforcer et promouvoir le dialogue entre les gouvernements et les peuples autochtones d’Amazonie pour la gestion et la coordination sur les questions qui concernent les peuples autochtones et contribuer aux objectifs de l’OTCA ;
  6. Établir un groupe de travail pour évaluer un mécanisme financier visant à la coopération amazonienne dans le cadre de l’OTCA, qui permet la captation et la capitalisation de ressources non financières remboursables de diverses sources, y compris les contributions volontaires des États parties, moyens de coopération internationales, banques de développement et autres donateurs soutenus par États parties aux fins de financement de projets, programmes, études et autres initiatives de portée nationale et régional, renforcement des capacités humaines et institutionnelles, ainsi que l’échange permanent d’expériences entre les pays Amazoniens;
  7. Institutionnaliser l’Observatoire de la Région Amazonienne (ORA), dans la structure de l’OTCA, et renforcer ses différents modules sur les thématiques économique, social, environnemental et culturel, en tant qu’instrument de veille permanente, consolidation des informations, données et connaissances, approuvées par les États parties, et demander aux différents secteurs de leurs gouvernements à collaborer à travers la fourniture régulière de données et d’informations qui alimentent différents modules ORA. L’OCTA facilitera l’accès à l’ORA et ses différents modules aux États parties et à leurs établissements;
  8. Établir un groupe de travail pour préparer une proposition de modernisation et de renforcement du Secrétariat Permanent de l’OTCA et un nouveau Règlement du Processus de succession, basé sur les travaux antérieurs, afin de renforcer l’institutionnalisation et la gouvernance des Organisation dans ses diverses instances;
  9. reprendre les négociations mise à jour de l’Agenda Stratégique pour la Coopération Amazonienne (ASCA);
  10. Renforcer la coopération pour le développement à travers la constitution d’un Groupe de travail sur la coopération Sud-Sud dans le cadre de l’OTCA pour coordonner, articuler et mieux rationaliser la coopération pour le développement et les activités des organes responsables de la coopération des États parties, en faveur de la région amazonienne, surtout dans ses zones frontalières ;
  11. Renforcer les canaux de communication et l’échange d’expériences entre les programmes la recherche scientifique et l’innovation technologique et ses mécanismes associés dans le cadre de l’OTCA avec d’autres mécanismes similaire international;
  12. Réaffirmer l’engagement à la mise en œuvre de la projets, programmes, études, négociations et autres initiatives en cours, tels que les programmes forestiers, la diversité biologique et le Projet Biomaz, d’Actions Stratégiques pour la Gestion Ressources en eau intégrales et le projet du bassin amazonien, le Protocole d’entente sur la gestion globale des incendies, le Projets Amazonas, aquifères amazoniens, Bioamazonía, Appui à l’élaboration et à la mise en œuvre des AECA, des Plans de Contingence pour la protection de la santé des peuples autochtones Hautement Vulnérables et en Premier Contact, la Plateforme Régionale Amazone des peuples autochtones, Études sur les inégalités et Écarts sociodémographiques et évaluation rapide de la Diversité Biologique et Services Ecosystémiques, l’ORA et la Chambre de la situation des ressources en eau, le Groupe de travail pour la Préparation d’un règlement pour la navigation commerciale dans le fleuves Amazone et, de même, le plan stratégique de santé, le plan de l’Amazonie intégrale et interculturelle et le Plan Régional de l’Eau, Assainissement et déchets solides ;

Villes amazoniennes

  1. Créer le Forum des Villes Amazoniennes, dans le domaine de l’ACTO, pour renforcer la coopération entre les collectivités locales dans les États parties, en particulier les villes des zones frontières pour la mise en œuvre, au niveau local, de l’Agenda 2030 pour le développement durable et ses objectifs de développement durable, le renforcement du leadership des femmes, des dirigeants autochtones et des communautés locales et traditionnelles et la promotion de l’interculturalité, dans laquelle il sera possible d’identifier des propositions d’action pour les principaux défis zones urbaines de l’Amazonie, comme l’accès des populations amazoniennes aux services publics, ainsi que le développement et la mise en œuvre des politiques publiques ;

Parlement amazonien

  1. Établir un groupe de travail de l’OCTA pour faire avancer examen d’un lien institutionnel entre le Parlement amazonien (PARLAMAZ) et l’Organisation ;

Science, éducation et innovation : savoir et entrepreneuriat en Amazonie

  1. Déterminer la création du Panel Technico-scientifique intergouvernemental de l’Amazonie, dans le domaine de l’OCTA, qui réunira chaque année des représentants des États parties, y compris techniciens, scientifiques et chercheurs spécialisés dans la région amazonienne, avec la participation permanente des organisations de la société civile, des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, afin de promouvoir le partage des connaissances et des discussions approfondies sur les études, les méthodologies, le suivi et les alternatives pour réduire la déforestation, promouvoir le développement durable et prévenir le déséquilibre environnemental en Amazonie alors qu’elle s’approche d’un point de non retour; le panel favorisera la systématisation de l’information et la préparation de rapports périodiques sur ces sujets prioritaires, en plus d’analyser la dynamique sociale et économique de la région, afin de faciliter la planification des actions préventives et d’identifier les goulots d’étranglement et le potentiel de production scientifique et technologique dans la région amazonienne, avec recommandations aux gouvernements des États parties, sur la en fonction de vos priorités et de vos besoins ;
  2. Promouvoir les échanges sur la conception, la mise à jour et l’articulation de Politiques nationales d’éducation à l’environnement qui garantissent l’intégration de la dimension environnementale dans le cursus des éducation pour la formation de citoyens éthiques et responsables, avec des connaissances, des compétences, des attitudes et comportements en matière de gestion durable de l’environnement, préparés pour prendre des décisions éclairées sur la gestion de l’environnement, respectueux d’eux-mêmes, des autres et de leur environnement;
  3. Promouvoir les réseaux de contacts et articuler les institutions de recherche et d’enseignement de la Région Amazon, y compris les universités autochtones, et celles axées sur l’enseignement professionnel et technologique, et créer des programmes d’action pour la mobilité académique et étudiante en Amazonie, y compris des stages et des bourses, afin de contribuer à la réduction des inégalités, à la prévention des déséquilibres socio-environnementaux, au développement scientifique et technologique, à la génération d’opportunités pour développement professionnel des jeunes de la région et de la renforcement et valorisation des pratiques durables de production et consommation, avec une attention particulière à la promotion de l’interculturalité et la protection des savoirs des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles ;
  4. Promouvoir et soutenir les programmes la formation et l’échange d’enseignants et de chercheurs de Amazon, à tous les niveaux d’éducation, pour la reconnaissance d’expériences pédagogiques et scientifiques significatives qui permettre la qualification des éducateurs et des acteurs du secteur académique de manière contextualisée ;
  5. Renouer le dialogue et la coopération entre l’OCTA et l’Association des universités Amazonas (UNAMAZ), un espace privilégié pour la gestion des connaissances et informations scientifiques et technologiques de l’Amazonie;
  6. Promouvoir l’élaboration de stratégies, de programmes et de projets pour le développement et le renforcement de la science, de la technologie et de l’innovation dans le région amazonienne dans le cadre de la recherche et l’innovation axées sur la conservation et la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la biodiversité et son utilisation durable, s’agissant de la faune, de la flore et du territoire ; promotion du droit humain à l’alimentation; à l’accès à l’énergie; à la santé et à la science pour la paix et le développement, entre autres;
  7. Améliorer les capacités techniques et la technologie pour la planification, la conception et la construction, capture, traitement, validation, analyse, diffusion et l’amélioration continue des informations environnementales et celles liées à la gestion durable de l’eau, qui contribue à la mise en place de actions et stratégies prioritaires à court, moyen et long terme atteindre les objectifs de l’OCTA en termes de suivi et évaluation environnementale et hydrique, conformément l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable et autres instruments internationaux ratifiés et en vigueur par les États Partie;
  8. Renforcer les modèles de gouvernance nationale pour la génération et la gestion de l’information, favorisant l’interaction et l’interconnexion des acteurs, ce qui permet l’échange d’informations environnementales et la gestion durable de l’eau; combler les lacunes identifiées dans l’accès à l’information et la participation publique dans les décisions environnementales, et partager les leçons apprises entre les États parties ;
  9. Établir le réseau d’innovation et Diffusion technologique de l’Amazonie, dans le but de stimuler le développement régional durable et l’entrepreneuriat basés sur une technologie durable et faciliter la création de solutions à visée environnementale, économique et sociale dans la région. Le Réseau réunira des acteurs des écosystèmes de l’innovation en Amazonie, y compris les peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles, et favorisera les rencontres entre agents publics, entreprises locales et startups, en plus d’assurer l’échange de bonnes pratiques entre parcs technologique, universités, instituts de recherche, les incubateurs et accélérateurs, et les agences de promotion commerciale, dans le respect des droits humains et les droits des peuples indigènes. En outre, on facilitera la diffusion de l’esprit d’entreprise auprès des jeunes de la région, à travers des stages spécialisé, avec un accent particulier sur les familles à faible revenu revenu, valorisant les savoirs traditionnels associés à la biodiversité, et on travaillera de manière intégrée avec l’Agenda Stratégique de Coopération Amazonienne (AECA) et un agenda stratégique de développement intégral de la production basée sur l’utilisation durable des ressources de la biodiversité dans les pays amazoniens;
  10. Encourager les récupération, extension et consolidation des infrastructures de la recherche scientifique et technologique en Amazonie, ainsi que stimuler les cours de troisième cycle sur les questions amazoniennes et les programmes de formation coopération internationale pour l’intégration et l’utilisation des mêmes par des chercheurs des États parties, ainsi que renforcer les actions de réduction des inégalités socio-économique, numérique et technologique, notamment dans le cadre des frontières;
  11. Soutenir la mise en œuvre de programmes et initiatives d’assistance technique et de vulgarisation rurale destinés à l’agriculture familiale, aux pêcheurs artisanaux et communautés traditionnelles de la région, en se concentrant sur production alimentaire durable et génération de revenus à travers des espaces commerciaux ;
  12. Promouvoir la création d’un Observatoire des femmes rurales pour l’Amazonie en le cadre de l’ACTO, avec une plate-forme de données interactive et d’autres des outils pour éclairer le développement de stratégies, de projets, programmes et politiques publics pour les femmes qui travaillent dans activités agricoles, forestières et aquicoles, et soutenir la organisation de réseaux de connaissances pour l’entrepreneuriat par une partie des femmes;
  13. Promouvoir la mise en place, dans le cadre du Mécanisme Amazonien des peuples autochtones, d’un forum de peuples et de communautés autochtones et locales et traditionnelles pour partager leurs connaissances, données et informations techniques ancestrales et sciences interculturelles pour l’avancement des technologies appropriée à la préservation et à la durabilité de l’Amazonie dans le domaine de la gestion et de la formulation des politiques publiques ;

Surveillance et coopération dans la gestion des ressources en eau

  1. Promouvoir des actions coordonnées pour garantir le droit humain à l’eau potable et à l’assainissement, équilibre et harmonie avec les écosystèmes liés à l’eau et à ses équilibre sain avec les besoins alimentaires et énergétiques Amazone;
  2. Mettre en place le Réseau des autorités de l’eau des États membres de l’OCTA pour la coopération dans la gestion durable des ressources en eau la région, dans le but d’établir des protocoles régionaux pour le suivi, la coopération et l’entraide dans la gestion des ressources en eau de l’Amazonie par les États parties, pour la revitalisation, conservation et protection des sources de l’eau et ses bassins, de critères et paramètres de la qualité d’eau; et soutenir la mise en œuvre de projets et initiatives régionales sur les eaux de surface et souterraines, planification et coopération dans la gestion durable des ressources en eau, y compris transfrontalières, le renforcement progressif des capacités techniques, technologiques et institutions, l’innovation technologique et dialogue interculturel, en fonction des circonstances nationales, y compris les engagements politique, social et culturel de chaque pays ;
  3. Renforcer la coopération et l’harmonisation des systèmes de surveillance intégrés et alerte hydrométéorologique des États parties pour la l’échange d’expériences, d’informations et de connaissances effectives, et l’amélioration des capacités de suivi grâce à renforcement des réseaux nationaux de surveillance; pour la génération d’alertes pour les risques environnementaux, la santé humaine, catastrophes et événements extrêmes de nature hydrométéorologique pour les populations de l’Amazonie ; pour la planification environnementale, l’élaboration de protocoles et d’actions pour la prévention, la prise en charge et l’atténuation des impacts des catastrophes naturelles ; et pour soutenir la gestion de l’eau comme instrument de prévention, adaptation et atténuation des effets du changement climatique, lutter contre la faim, assurer la qualité et la quantité de l’eau potable le bassin amazonien, pour cette génération et les générations futures ;
  4. Promouvoir le renforcement d’actions de surveillance de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine la région, y compris les études techniques et la recherche discussions scientifiques conjointes, axées sur l’exposition au mercure et autres substances dangereuses dérivées de l’exploitation minière/activité minière à petite et à grande échelle, en particulier celle qui touche les peuples les peuples autochtones et les communautés locales et traditionnelles, et mener à bien les activités de prévention et de remédiation et renforcer les coopération régionale et internationale dans la lutte contre exploitation minière illégale, trafic illicite et autres délits connexes ;

Changement climatique

  1. Souhaiter la bienvenue à la candidature brésilienne soutenue par Grulac pour la célébration de la COP-30 de la Convention Cadre des Nations Unies Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) à Belém, en Amazonie, en 2025, exprimant sa volonté d’unir ses efforts pour sa pleine réussite et notant que le processus de la COP-28 à la COP-30 sera critique pour l’avenir de la réponse mondiale au changement climat;
  2. Établir un dialogue entre les États parties sur le traitement approprié qui devrait être accordée à l’Amazonie dans le contexte du changement climatique, en vue de travailler à la construction de positions communes des pays Amazoniens sur le sujet dans des déclarations et autres actions dans des forums les institutions financières internationales et multilatérales ;
  3. Exhorter les pays développés à respecter leurs engagements de mise à disposition et de mobilisation des ressources, dont l’objectif de mobiliser 100 milliards dollars par an en financement climatique, pour soutenir les besoins des pays en développement et reconnaissent la nécessité de faire des progrès substantiels dans les délibérations sur nouvel objectif de financement quantifié collectif pour le climatique, pour s’achever en 2024 compte tenu de l’urgence d’augmenter l’action climatique, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement;
  4. Promouvoir des mécanismes innovants de financement de l’action pour le climat, parmi lesquels pourraient figurer considérer l’échange, par les pays développés, de la dette par l’action climatique ;
  5. Encourager la coordination et échange d’expériences en matière de planification et la mise en œuvre des politiques publiques liées au changement changement climatique, ainsi que la coopération pour canaliser les flux de financement pour la mise en œuvre des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la déforestation et de la dégradation des forêts. On cherchera à intégrer, dans les dites politiques et actions publiques, des opportunités des emplois et des revenus durables pour les populations locales, avec une attention particulière aux familles à faible revenu, aux femmes, aux peuples autochtones, aux communautés traditionnelles et producteurs de l’agriculture familiale paysanne, selon les réalités locales et en synergie avec les plans et initiatives les ressortissants des pays amazoniens ;
  6. Promouvoir la mise en œuvre de les programmes d’adaptation au changement climatique dans les États parties, favoriser l’accès aux financements extérieurs non remboursables pour réduire la vulnérabilité des peuples et des communautés autochtones locales et traditionnelles, selon les réalités et les plans nationaux ;
  7. Renforcer la coopération entre les institutions scientifiques et universitaires des États parties. Approfondir la compréhension des interrelations entre les changement climatique et écosystèmes forestiers et tourbières de la Région Amazonienne, en vue de favoriser les apports à la prise de décision de politiques publiques liées au changement climat, avec adaptation et résilience, avec reprise ou restauration de la végétation indigène dans les zones déboisées, dégradées ou altérées, avec la conservation des forêts, avec la gestion durable des forêts et avec la transition vers de nouvelles formes de production et de consommation durables, suivant la plans nationaux;
  8. Systématiser, échanger et mettre disponibles, dans le cadre de l’action pour le climat, des technologies et des stratégies pour consolider et améliorer les systèmes agroforestiers et d’autres pratiques agricoles liées à la gestion la foresterie durable, y compris l’agriculture familiale ou paysanne, sur la base de plans nationaux;
  9. Renforcer le leadership et la participation de toutes les femmes, des peuples autochtones et les jeunes dans les forums et espaces décisionnels; approfondir et construire des propositions qui les transforment en acteurs des solutions climatiques, et créer un espace de débat discussion intersectionnelle sur le genre, les cultures, l’ethnicité et le climat pour participer au débat sur la construction et la mise en œuvre de politiques publiques d’adaptation dans les États Parties, en coordination avec les plans nationaux ;
  10. Créer un espace de dialogue sur les perspectives communes concernant la mise en œuvre de l’article 6.8 d’approches non fondées sur le marché, y compris la possibilité d’établir un mécanisme conjoint pour la Gestion Intégrale et Durable des Forêts, dans le cadre de la décision 16/CP.21 de la CCNUCC, présentant les expériences concrètes des pays, favorisant la recherche de ressources financières pour la coopération à cette fin;
  11. Renforcer la participation de la perspective amazonienne dans la Plateforme des Communautés Locales et peuples autochtones de la Convention-cadre des Nations Unies sur Changement climatique, en coordination avec le Mécanisme amazonien pour les Peuples indigènes;
  12. Garantir les droits des peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles en accord avec les différentes cadres réglementaires des États parties et notamment à travers l’application, le suivi, la notification et la vérification des garanties sociales et environnementales ;

Protection des forêts, des zones côtières amazoniennes, des écosystèmes vulnérables et de la biodiversité

  1. Créer l’Alliance Amazonienne de lutte contre la déforestation entre les États parties, promouvoir la coopération régionale dans la lutte contre déforestation, afin d’empêcher l’Amazonie d’atteindre le point de non-retour, en reconnaissant et promouvant le respect des objectifs nationaux, y compris ceux de la déforestation zéro, pour l’élimination de l’exploitation forestière illégale, le renforcement de l’application de la législation forestière des États parties, de la gestion durable des forêts, de la gestion intégrée pour la réduction des incendies de forêt, le rétablissement et l’augmentation des réserves de végétation indigène grâce à des incitations et des instruments financiers et non financiers et autres pour la conservation et la gestion durable des forêts, la promotion de la connectivité des écosystèmes, l’échange de technologies, expériences et informations pour faciliter les actions de prévention, suivi et contrôle, y compris la promotion de bureaux régionaux pour l’appui au contrôle forestier, la fourniture de programmes de formation pour les gestionnaires de zone et les gardes des aires protégées et le renforcement des écosystèmes amazoniens faire face aux impacts du changement climatique ;
  2. Assurer et activer conformément aux engagements pris au niveau multilatéral, la protection de nos zones terrestres et de nos eaux continentales et marines et les zones côtières, qui revêtent une importance particulière pour la biodiversité, développer la fourniture de fonctions/services écosystémiques, efficacement conservés et protégés en tant qu’unités de conservation, reconnaître et respecter les droits des peuples peuples autochtones et communautés locales, y compris sur leurs territoires traditionnel;
  3. Garantir les droits de peuples autochtones, communautés locales et traditionnelles, y compris le droit aux territoires et terres habités par les dits peuples, en pleine et effective possession, compte tenu de la connaissance et pratiques de conservation ancestrales, notamment par les processus de définition, de délimitation ou de démarcation, et titrage de leurs territoires et terres, conformément aux différents cadres réglementaires nationaux, ainsi que le développement de politiques autochtones de gestion territoriale et environnementale, condition essentielle pour la conservation de la biodiversité ;
  4. Établir, dans le cadre de l’OCTA, le réseau amazonien des autorités forestières pour renforcer la mise en œuvre du Programme Forêt OCTA et des actions pertinentes dans le cadre de l’agenda de coopération stratégique amazonienne, en vue d’améliorer la gestion des forêts et capacités locales, échanger des avancées technologiques, établir des projets de développement durable et favoriser l’accès au financement des dits projets, entre autres ;
  5. Promouvoir, dans le cadre du Programme des Forêts de l’OCTA, l’échange de bonnes pratiques sur les cadres réglementaires nationaux pour l’environnement liées à la régularisation des usages du sol, renforcer les mécanismes de planification et de gestion du territoire, favoriser la reconnaissance des terres et territoires des peuples autochtones et des communautés locales et traditions, y compris leur contribution aux efforts des conservation;
  6. Approfondir la coopération dans la gestion des risques et des catastrophes, en particulier pour faire face aux inondations, aux sécheresses intenses et aux incendies foresterie, avec une coordination dans les différents domaines de la réponse d’urgence des systèmes nationaux de protection civile et coopération humanitaire conformément à la demande de l’État où se produisent ces phénomènes;
  7. Développer une stratégie commune pour prévenir et atténuer les effets du phénomène du « Niño » en Amazonie, conformément aux lois ressortissants des États parties recommandant à l’OCTA d’explorer l’échange d’informations scientifiques avec des entités organisations internationales telles que la Commission permanente du Pacifique Sud (CPPS) et le Centre international d’investigation du phénomène d’El Niño (CIIFEN);
  8. Approfondir la coopération et les actions conjointes dans le cadre du protocole d’accord de coopération et d’assistance mutuelle pour une gestion globale des incendies entre les États parties, pour faire face aux incendies forestiers, par le développement de politiques, d’instruments, actions techniques, et utilisation de l’innovation et de la technologie, visant à la prévention, la maîtrise des incendies, la promotion d’alternatives à l’utilisation du feu dans les zones rurales, et le renforcement des capacités techniques, scientifiques et institutionnel, ainsi que communautaires;
  9. Renforcer la cartographie et le suivi des les zones dégradées, contaminées ou altérées et identifier les zones prioritaires pour la restauration et/ou la récupération du écosystèmes, en mettant l’accent sur la végétation indigène, avec l’objectif promouvoir des activités économiques durables, favoriser la gestion forestière durable et contribuer à la durabilité, à la productivité et la résilience des systèmes productifs locaux ;
  10. Promouvoir les opportunités d’emploi lié au développement durable et la génération de revenus pour les populations locales programmes et projets, y compris ceux des accords conclus par les États parties et la coopération internationale, visant à protéger les forêts, la biodiversité, la restauration et la récupération des zones dégradées;
  11. Unir les efforts pour créer un fonds destiné à financer des programmes de promotion de la gestion intégrale et durable et la valeur ajoutée des produits de forêts et biodiversité et la reconversion socio-professionnelle pour les acteurs sociaux, paysans et agriculteurs, pour leur participation aux efforts de conservation des écosystèmes, réduire la déforestation et la dégradation des forêts et des sols et les incendies de forêt et la perte de biodiversité, avec participation active des peuples et communautés autochtones locale;
  12. Prise en charge de l’identification, la reconnaissance, le maintien et la pérennité des plans et des gestion conservatrice des zones d’agrobiodiversité et de systèmes agricoles traditionnels de l’Amazonie, sauvant l’expérience du Programme International des Systèmes Importants du Patrimoine agricole mondial (GIAHS), créé par l’Organisation des l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) par l’intermédiaire de l’État et/ou des coopérateurs qui établissent des fonds pour leur maintien et leur pérennité ;
  13. Renforcer la conservation et gestion durable des écosystèmes des eaux intérieures et marines et côtières et leurs ressources, compte tenu de leurs fonctions écologique, les usages multiples et les modes de vie des communautés local et traditionnel, notamment grâce à la synergie entre les initiatives nationales et régionales pour la conservation et l’utilisation biodiversité durable des écosystèmes aquatiques de la Région amazonienne, y compris la mise en œuvre du Plan de Conservation (CMP) des dauphins du fleuve Amazone, adopté par les membres de la Commission baleinière internationale;
  14. Promouvoir la gestion participative et la durabilité de la pêche artisanale, renforçant la coordination des mesures communautaires et collectives de planification, ainsi que le suivi des réserves de pêche et la qualité du poisson, avec une attention particulière à la contamination par les activités économiques et les rejets de déchets, y compris de l’exploitation minière illégale;
  15. Promouvoir des actions pour le conservation et gestion des espèces menacées dans la Région Amazonienne, favoriser la veille et encourager les levées de fonds pour ces initiatives ;
  16. Créer un groupe de travail, dans le cadre de l’OCTA, destiné à l’intégration et à l’harmonisation des Systèmes Nationaux de Accès et partage des avantages (APA) des pays amazoniens, pour une utilisation durable du patrimoine de la génétique et des savoirs traditionnels associés aux processus de recherche, développement et innovation de produits et procédés exploités commercialement en vertu de la Convention sur la diversité biologique, du protocole de Nagoya et de la législation des États parties, ainsi que le dialogue et l’échange de positions sur l’agenda des ressources génétiques et savoirs traditionnels associés (APA) dans différents forums multilatéraux;

Coopération policière, judiciaire et de renseignement dans la lutte contre les activités illégales, y compris les délits environnementaux

  1. Renforcer et étendre la coopération policière et de renseignement pour la prévention, la répression et l’investigation des activités illégales, y compris les crimes environnementaux et les violations des droits des activistes des droits humains, des droits des peuples autochtones et les droits socio-environnementaux, qui affectent la Région Amazonienne, par l’échange d’informations, intelligence, expériences, les recherches et la coordination des opérations et la formation des ressources humaines, entre autres actions, toujours dans le respect de la protection des la biodiversité et les droits des peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles, compte tenu notamment d’accords internationaux applicables; promouvoir, dans le cadre de l’OCTA, des discussions techniques entre représentants gouvernementaux, dans le but d’identifier les domaines prioritaires pour la coopération;
  2. De plus, est nécessaire une coopération efficace des pays concernés pour lutter contre le trafic illicite des espèces et produits amazoniens, y compris les espèces endémiques, les semences et les produits indigènes dérivés de l’exploitation illégale des minerais et des crimes s’y rapportant, conformément à la législation des pays d’origine, afin d’empêcher l’entrée et de décourager la demande de ces produits sur les marchés de consommation ;
  3. Développer la coopération régionale et intersectorielle : entre les acteurs en termes de contrôle administratif des contraventions, enquête et les poursuites judiciaires pour les délits environnementaux et connexes ; y compris l’échange d’informations, le renforcement de capacités de renseignement, l’élaboration de lignes directrices d’action en vue d’harmoniser la législation et d’élaborer des protocoles d’action complets et communs pour prévenir et enquêter et poursuivre les dits crimes qui affectent la déforestation et perte de biodiversité en Amazonie et menacent les droits des générations présentes et futures, les peuples autochtones et les communautés locales et traditionnelles ;
  4. Travailler conjointement à la mise en place d’actions pour éradiquer l’exploitation l’exploitation minière illégale et les crimes connexes, y compris le blanchiment d’argent actifs, notamment ceux liés à l’échange de informations sur le commerce et la contrebande de mercure et autres métaux lourds et l’harmonisation des politiques publiques pour leur réglementation et contrôle;
  5. Accueillir le futur création du Centre de coopération policière internationale de l’Amazonie, dont le siège se trouvera à Manaus, et qui s’articulera avec les instances et autorités de chaque État partie, pour l’échange d’information, le renseignement et le développement des enquêtes, alertes et activités de formation pour renforcer coopération régionale et aider à l’éradication des activités illicites, y compris les crimes environnementaux et connexes ;
  6. Lancer un processus de dialogue pour la création d’un système intégré de contrôle du trafic aérien entre les États parties, à coordonner avec les instances et autorités nationales compétentes, en vue de collaborer à la surveillance du trafic aérien illicite et la lutte contre le trafic de drogue et d’autres crimes connexes, la déforestation et l’exploitation illégale des ressources naturelles dans la région amazonienne ;
  7. Prendre note, avec satisfaction, de la proposition de convocation d’une réunion des ministres et autorités en matière de la sécurité publique des États parties à effectuer en Colombie, afin d’évaluer la situation actuelle des phénomènes des groupes criminels et du crime organisé transnational en Amazonie et promouvoir l’échange d’informations et la coopération policière et renseignement, pour lutter contre les activités illégales et les crimes qui affectent les conditions environnementales de la région amazonienne ;

Infrastructures durables

  1. Renforcer les politiques de relations publiques, coopération et dialogue ouvert sur l’intégration des normes de durabilité dans la planification du territoire et l’exécution de projets d’infrastructure dans la région amazonienne, compte tenu de ses enjeux environnementaux, sociaux et économiques directes et indirectes, en harmonie avec la conservation des écosystèmes, des paysages, des fonctions et services environnementaux et écosystèmes associés, en consultation et en mettant dûment l’accent sur les droits humains en relation des communautés affectées, y compris les peuples autochtones et les communautés locales et traditionnel, dès la phase de planification, conformément aux législations nationales respectives;
  2. Approfondir la coopération, afin de favoriser l’inclusion technologique, la réduction des écarts technologies numériques et formation, le développement durable, l’accompagnement et la surveillance environnementale, y compris en matière réglementaire pour la cartographie conjointe des infrastructures et de la demande de connectivité ; la promotion de nouveaux points d’interconnexion ; la coordination sur l’utilisation des bandes de fréquences ; et la certification/homologation des équipements utilisés pour la la protection du public, pour les secours en cas de catastrophe, pour la sécurité, pour la télédétection et pour les télécommunications par satellite;
  3. Approfondir les initiatives existantes pour intégrer et renforcer les réseaux électriques des communautes isolées dans les États parties, ainsi que d’identifier de nouveaux projets de production et interconnexion d’électricité et nouveaux modèles énergétiques propres, afin de favoriser l’accès à l’énergie, la sécurité l’énergie, le développement durable et l’intégration des région, en vue de tirer pleinement parti des complémentarités des différentes ressources de chaque pays ;

L’économie du développement durable

  1. Promouvoir l’innovation de technologies pour la durabilité, dans les chaînes productives de agriculture, élevage, pêche et aquaculture, foresterie, agroforesterie, agriculture familiale et autres domaines prioritaires, grâce à la gestion intégrée des forêts sur pied et l’utilisation durable des ressources naturelles, la génération de connaissances, la valorisation des zones dégradées, la promotion des pratiques agricoles durables et de l’agroécologie, reconnaître les savoirs et les pratiques de production agriculture traditionnelle, les autres approches innovantes, systèmes agricoles une production aquicole plus durable, la production et l’utilisation de les énergies renouvelables, la promotion de l’économie circulaire, la amélioration des systèmes agroalimentaires et de la sécurité alimentaire des populations amazoniennes, conformément aux lois et les mécanismes de suivi existants dans les territoires amazoniens respectifs ;
  2. Encourager et renforcer les études géochimiques du sol de la région amazonienne et de ses ressources hydrographiques afin de développer les instruments de zonage des risques agroécologiques et climatiques, pour définir les zones propices aux activités productives et leur échelle, profitant de la nécessité de renforcer la durabilité dans la région amazonienne et de récupérer les zones dégradées, contenir la déforestation dans les zones sensibles et renforcer la conservation de la biodiversité ;
  3. Développer, dans lecadre de l’Agenda stratégique de l’OCTA pour la coopération en Amazonie, un agenda stratégique pour le développement intégral de la production basée sur l’utilisation durable des ressources de la biodiversité en Amazonie, promouvoir un modèle de développement économique équitable et éthique, générant des produits, processus et services basés sur l’utilisation durable des ressources biologiques en particulier de la biodiversité, et la connaissance de la science, l’innovation, technologies, les savoirs ancestraux et traditionnels, en particulier des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles, ainsi que des politiques de promotion et de consolidation de la recherche, du développement, de l’innovation et de la production basées sur l’utilisation durable de biodiversité des pays amazoniens et les connaissances traditionnelles associées;
  4. Établir, dans le cadre de cet agenda, un programme de filières productives pour l’utilisation durable de la biodiversité en faveur des peuples et des communautés autochtones locales et traditionnelles fondées, entre autres, sur l’objectif de la la gestion forestière et la récupération des forêts, pour cartographier ces chaînes de production, avec la protection et la reconnaissance des valeur de leurs pratiques et connaissances, avec génération de revenus et promotion de leur qualité de vie et de l’environnement, formation et renforcement des organisations productives desdites communes et les communautés, le développement et le partage de technologies pour donner une plus grande valeur ajoutée, la promotion de stratégies commerciales équitable et reconnaissance des services/fonctions environnementaux et de l’échange de bonnes pratiques de production d’une manière complémentaire aux activités des programmes forestiers et de Diversité Biologique de l’OCTA;
  5. Préparer un programme de promotion conjointe des produits et services d’Amazonie et produits compatibles avec la durabilité des forêts dans le marché international, pour ajouter de la valeur aux produits et promouvoir les initiatives pour améliorer la qualité des produits et la qualification des producteurs des peuples autochtones et de la communautés locales et traditionnelles, collecteurs et organismes communautaires, comme les associations et les coopératives des agriculteurs familiaux et les communautés riveraines, à travers des agences de promotion commerciale et autres organismes et entités des États parties, avec l’appui de la coopération Internationale;
  6. Agir en coordination avec les partenaires et des organisations internationales, en particulier l’Office Mondial des Douanes (OMD), dans le but de faciliter, lorsquec’est nécessaire, l’enregistrement des produits amazoniens dans le système de désignation et de codage harmonisés des marchandises ;
  7. Instaurer un dialogue pour développement d’un cadre de coopération régionale dans les domaines de certification et valorisation des produits amazoniens et d’incitations à la reconnaissance des services/fonctions environnementaux et écosystèmes;
  8. Promouvoir les investissements conjoints dans des activités et des réseaux régionaux de recherche et d’innovation permettre le développement de nouvelles solutions et technologies, le sauvetage des savoirs et savoirs traditionnels, afin d’élargir les possibilités de création de richesses associées à l’utilisation la conservation durable et forestière sur le territoire amazonien ;
  9. Amorcer un dialogue entre États parties sur la durabilité de secteurs tels que l’exploitation minière et des hydrocarbures en Amazonie, dans le cadre de l’Agenda 2030 pour le Développement Durable et ses politiques nationales souverains;
  10. Promouvoir le développement du tourisme durable, et surtout les typologies et morphologies plus associés à la région, tels que le tourisme de nature, culturel, autochtone, régénérateur, communautaire et agro-écotourisme, comme l’un des vecteurs du développement durable de la Région Amazonienne, afin de proposer, entre autres avantages, des alternatives de revenus, y compris par la formation et l’amélioration des services de voyage;
  11. Prendre des mesures urgentes pour concilier les activités économiques dans le but d’éliminer les la pollution de l’air, du sol et de l’eau, en mettant l’accent sur les fleuves amazoniens, en vue de protéger la santé humaine et l’environnement. Accueillir le leadership des pays Amazoniens à la présidence du Comité intergouvernemental de Négociation sur un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, un instrument qui envisage une approche de l’ensemble du cycle de vie des plastiques et qui comprenne des moyens de mise en œuvre suffisants pour les pays en développement, basés sur la science. À cet égard, les États parties s’engagent à contribuer à l’élaboration d’un accord ambitieux, ainsi qu’à l’adoption de politiques publiques qui prennent en compte l’ensemble du cycle de vie des plastiques, en particulier liées à la production durable et au renforcement de la gestion sûre des déchets, la recyclabilité des matériaux et la pérennité des filières de recyclage produits, reconnaissant le rôle important joué par recycleurs et autres travailleurs de ces filières, les systèmes de connaissances traditionnelles indigènes, en plus de promouvoir des solutions durables qui n’aggravent pas les pressions déjà existantes sur l’Amazonie, ni créent de nouveaux impacts négatifs ;
  12. Inviter les banques de développement des États parties qui opèrent dans la région amazonienne à travailler de manière intégrée et concertée dans le développement durable du région par la formation et l’annonce d’une Coalition Verte, qui promeut des solutions financières conformes avec la programmation des États parties, pour, dans le respect des spécificités locales et régionales, créer et améliorer les activités productives locales et promouvoir la viabilité des entreprises socialement, écologiquement et économiquement durable. Accompagnement financier de projets publics et privés qui adhèrent aux objectifs de la Coalition et qui permettront de structurer et soutenir des alternatives économiques durables, inclusives, avec la création locale d’opportunités d’emploi et de revenu, en particulier pour les familles à faible revenu. Les solutions financières proposées doivent utiliser les ressources de catalyseurs publics et privés pour favoriser la réduction des risques et promouvoir la participation du secteur privé, avec l’objectif d’élargir et d’accélérer le développement durable de la région;
  13. Échanger des informations sur les actions menées par les États parties pour obtenir un financement non remboursable bilatéraux ou multilatéraux pour le développement durable et, lorsque c’est nécessaire, articuler les dites actions en faveur des projets groupés en Amazonie à mettre en œuvre par l’OCTA ;

Santé

  1. Promouvoir des systèmes universels de santé avec une approche interculturelle qui garantisse l’accès et réponde aux caractéristiques du territoire et des populations de la région amazonienne, avec un accent particulier sur les besoins des femmes;
  2. Promouvoir des actions et des services pour la connaissance et la détection des changements des déterminants sociaux et environnementaux qui interfèrent avec la santé considérant l’approche d’une Santé Unique, dans le but de recommander et adopter des mesures de promotion de la santé, de prévention et surveillance des facteurs de risque liés à la maladie ou problèmes de santé;
  3. Coopérer pour le développement et la mise en œuvre des plans nationaux de santé pour les peuples autochtones et communautés locales et traditionnelles, pour éliminer les obstacles persistants à l’accès aux services de santé, respectant le droit à une consultation préalable et éclairée et renforcer la participation sociale dans la construction d’actions, programmes et politiques destinés à ces populations ;
  4. Promouvoir la diffusion auprès des fournisseurs des pays amazoniens d’appels pour acquisitions et achats de technologies et de produits de santé, ainsi que des produits de médecine traditionnelle avec enregistrement sanitaire, dans le respect des cadres réglementaires nationaux, contribuant au développement durable;
  5. Améliorer les performances des programmes et institutions de santé publique environnementale, en donnant la priorité aux communautés et aux villes respectueuses de l’environnement durable et résilient, et promouvoir les études sur la santé épidémiologiques environnementales et générer des programmes d’intervention pour celles qui privilégient l’incidence des déterminants sociaux et de santé environnementale des peuples autochtones;
  6. Renforcer, dans le cadre de l’OCTA, les programmes et plans de contingence pour la protection des la santé des peuples autochtones très vulnérables et en contact initial ou en condition de dispersion géographique, visant à créer un contexte favorable à l’atténuation des menaces des pandémies et des maladies tropicales endémiques et maladies émergentes, réémergentes et associées à des maladies impacts du changement climatique;
  7. Développer la coopération dans le domaine de la santé en Amazonie, avec une attention particulière aux actions de la santé à la frontière et aux populations qui y vivent, à travers des actions communes pour la santé et la nutrition des peuples autochtones et des communautés locales et traditions, en mettant l’accent sur le respect de la culture et des habitudes alimentaires des peuples, avec une attention particulière à la santé des femmes, la lutte contre la malnutrition chronique enfants, la lutte contre le VIH/SIDA, tuberculose, hépatite virale, parasitose, paludisme, dengue, zika, chikungunya, maladies tropicales négligées et autres maladies, en proposant des actions de coopération humanitaire pour la santé et l’élargissement de la couverture vaccinale. Cette coopération comprendra une formation pour les peuples et les communautés autochtones locales et traditionnelles pour le développement de thérapies de réadaptation en cas d’invalidité et la gestion de la douleur, entre autres des mesures;
  8. Engager un processus de dialogue en vue de développer un système régional de surveillance épidémiologique et solliciter l’appui du Secrétariat Permanent de l’OCTA pour la coordination des États parties à cet égard ;
  9. Renforcer les actions de surveillance sanitaire des populations exposées aux produits chimiques notamment le mercure, les déchets dangereux et la pollution par les plastiques et la surveillance de la qualité de l’air face aux polluants atmosphériques en Amazonie, en favorisant l’échange d’expériences pour atténuer les risques et les impacts négatifs sur la santé humaine et la qualité de l’environnement, compte tenu des engagements assumés par les pays amazoniens dans les conventions, traités et accords internationaux sur le mercure, produits chimiques, déchets dangereux, pollution atmosphérique et plastiques;
  10. Promouvoir l’articulation des systèmes de médecine occidentale ou allopathique avec la médecine ancestrale ou traditionnelle, en respectant les connaissances des personnes qui pratiquent et promeuvent une approche globale et holistique basée sur réalité des peuples indigènes de l’Amazonie ;

Sécurité et souveraineté alimentaire et nutritionnelle

  1. Coordonner les actions pour la sécurité et la souveraineté alimentaires et nutritionnelles, conformément à la législation applicable et les accords internationaux, privilégiant les systèmes productifs traditionnels, familiaux et communautés, améliorant le flux et la qualité des produits dérivés des forêts, de la biodiversité et de l’agriculture sur le marché région amazonienne et sa présence internationale, y compris l’accès et la diffusion des technologies;
  2. Lancer un processus de dialogue pour l’élaboration d’une stratégie amazonienne de sécurité et de souveraineté alimentaire et nutritionnelle, avec une attention particulière à la production, disponibilité, approvisionnement et accès aux aliments issus de la biodiversité amazonienne, où la lutte contre la malnutrition chronique infantile soit prioritaire;
  3. Solliciter le soutien du Secrétariat Permanent de l’OCTA pour l’organisation d’événements et d’initiatives visant à promouvoir l’échange d’expériences et la collaboration en matière de sécurité et souveraineté alimentaire et nutritionnelle, assistance technique et vulgarisation rurale, notamment pour promouvoir les systèmes de la production alimentaire basée sur l’agriculture traditionnelle, l’agriculture, l’aquiculture familiale et la pêche artisanale, en mettant l’accent sur les produits et les particularités de la région. Ces actions doivent tenir compte des défis et des solutions spécifiques pour garantir la dignité, la subsistance et le droit à une alimentation adéquate, en particulier pour les peuples autochtones, communautés et populations traditionnelles pauvres dans les centres urbains de la région, en ce qui concerne leurs particularités culturelles, en vue de promouvoir une alimentation adéquate et saine et prévenir de multiples formes de malnutrition;

Protection sociale

  1. Envisager la protection sociale comme une politique comportant une approche interculturelle structurante pour la préservation du bien-être, des manières, des projets de vie et des coexistence sociale de la population amazonienne ;
  2. Coopérer au développement commun de technologies de connectivité et de soutien mutuel, coordonné et programmées, pour faciliter l’accès aux localités isolées par les eaux et les airs, à des fins sociales;
  3. Développer et partager des modalités de service qui identifient et traitent les phénomènes de vulnérabilité de communautés spécifiques, en reconnaissant le besoin de participation pleine et effective de ces populations aux processus de prise de décision, en cherchant la reconnaissance de leurs particularités et éviter les impacts négatifs sur leurs modes de vie ;

Droits de l’homme et participation sociale

  1. Mener des politiques les gouvernements sectoriels, y compris les gouvernements infranationaux, afin de prendre des mesures pour assurer la pleine, efficace, participation des peuples autochtones, des populations urbaines et des communautés locales et traditionnelles de la région amazonienne dans les processus de prise de décision et d’élaboration des politiques publiques, conformément à leur législation nationale, la Convention 169 de l’OIT, la Convention sur la diversité biologique et la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des paysans et des autres personnes qui travaillent dans le zones rurales, notamment des protocoles de consultation gratuite, préalablement informée, pour les peuples autochtones;
  2. Promouvoir des actions pour protéger et garantir les droits humains des peuples autochtones et des droits collectifs sur leurs territoires et les terres situées dans le région amazonienne, en particulier les peuples autochtones en isolement et en premier contact, et renforcer les moyens politiques disponibles et publiques adaptées à cette région ;
  3. Prendre des mesures pour prévenir et éviter les impacts négatifs des projets d’infrastructures sur les terres et territoires autochtones et traditionnels et pour sauver et valoriser la diversité des pratiques, des savoirs traditionnels, ancestrales, et cosmovisions des peuples les communautés autochtones et locales et traditionnelles ;
  4. Renforcer la coopération pour la prévention de la violence basée sur le genre, la misogynie et le racisme dans la Région Amazonienne, sous toutes ses formes et dimensions, et avec l’intégration de la promotion et de la protection des droits des personnes afrodescendantes, des enfants et des femmes, comme thème transversal aux actions de conservation, restauration, gestion et utilisation durable de la biodiversité;
  5. Mettre en place des mesures pour assurer un environnement sûr et favorable dans lequel les personnes, groupes et organisations qui promeuvent et défendent les droits humains, l’environnement, les terres, les territoires et les ressources de les peuples autochtones et les droits culturels, peuvent agir sans subir de racisme, de violence, de discrimination, de menaces et d’insécurité, en promouvant des actions pour garantir le plus haut niveau de santé physique et mentale des défenseurs des droits humains et des victimes de violences sur le territoire où ils exercent leurs activités, sur la base des lois de les États parties ;
  6. Promouvoir, dans le cadre de l’OCTA, la création d’un Observatoire sur la situation des défenseurs des droits humains et des droits des peuples autochtones et questions environnementales en Amazonie, en vue de promouvoir l’échange de expériences et la coopération entre les États parties et d’identifier méthodologies, sources de financement et meilleures pratiques pour les activités de protection ;

Reconnaissance des cultures amazoniennes

  1. Promouvoir la conservation, revitalisation et reconnaissance des expressions culturelles amazoniennes, en particulier les langues et cultures indigènes, notamment dans le cadre de la Décennie internationale des langues des peuples autochtones de l’UNESCO, en encourageant la collaboration entre les États parties et soutenir les initiatives qui favorisent l’échange de connaissances et expériences;
  2. Promouvoir et soutenir, dans le cadre de l’OCTA, les réunions de promoteurs et de gestionnaires de la culture de la région amazonienne, pour stimuler le dialogue entre les agents culturels et institutionnels, en renforçant la compréhension collective des cultures de l’Amazonie en tant que patrimoine commun et avec la possibilité d’organiser des activités culturelles communes, de génération de revenus et d’inclusion sociale;
  3. Coopérer pour la construction de politiques nationales et autorités régionales visant à garantir la protection et l’utilisation respectueuse et digne du savoir des peuples autochtones et des communautés locales et traditionnelles habitant la région amazonienne;

Coopération diplomatique

  1. Permettre, à travers le Ministères des Affaires étrangères, que les Ambassades et Missions des États parties accrédités auprès des organisations internationales et des pays donateurs puissent, le cas échéant, échanger des informations et coordonner les actions sur des questions d’intérêt pour les États parties liés à l’OCTA et à la coopération amazonienne Négociations internationales;
  2. Confier à l’OCTA, un suivi régulier et alterné entre les différents États parties, de nouvelles éditions de cours sur la diplomatie amazonienne pour les jeunes diplomates des États membres de l’OCTA, pour promouvoir le dialogue et la coopération dans un domaine d’importance stratégique pour les académies diplomatiques ou équivalentes dans la région, et saluer le première édition, organisée par le Gouvernement du Brésil, dans le cadre de ce Sommet;

Mise en œuvre de la Déclaration de Belém

  1. Charger l’Assemblée de Ministres des affaires étrangères du traité de coopération Amazon (OTCA), d’adopter les mesures correspondant à la mise en œuvre et l’intégration progressive des actions de cette Déclaration, avec un calendrier prévisionnel, des délais et des moyens de mise en œuvre,mettant au point dès que possible les méthodes de travail de l’organisation et la prochaine version de l’Agenda Stratégique ;
  2. Accueillir la Rencontre Techno-Scientifique de l’Amazonie (Leticia, 5 au 8 juillet 2023) et les Dialogues Amazoniens (Belém, 4 au 6 août 2023), auxquels ont participé les représentants de différents secteurs des sociétés des États parties, et prendre note de leurs conclusions, qui seront également examinées par la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTCA pour décider de leur mise en œuvre progressive et de leur incorporation dans les cadres de travail de l’Organisation;
  3. Remercier l’offre du Président de la République de Colombie de convoquer et d’organiser la Vème Réunion des présidents des États parties au traité de coopération amazonienne au mois d’Août 2025.

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Europe – Amérique latine : retrouvailles au Sommet, par Maurice Lemoine (MEDELU)

Bruxelles, 16 juillet 2023. Réunis pour deux jours, vingt-sept dirigeants européens, trente-trois latino-américains. Discours d’ouverture du Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Ralph Gonsalves, en sa qualité de président pro tempore de la Communauté des Etats latino-américains et caraïbes (CELAC) : « Nous devons améliorer la situation pour tous, avec un multilatéralisme respectant le droit international et suivant les préceptes de la paix et du développement durable. » Suit le président en exercice du Conseil de l’Union européenne, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez : « Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons renouveler notre confiance commune dans les valeurs du multilatéralisme. » S’extrayant un instant de sa principale préoccupation – faire nommer une Américaine proche des GAFAM [1], Fiona Scott Morton, à la tête de la très stratégique direction générale de la concurrence de la Commission européenne –, la présidente de la dite Commission, l’atlantiste Ursula von der Leyen, y va de son appréciation : « Nous sommes alliés pour renforcer l’ordre international fondé sur des règles, pour défendre la démocratie, les droits de l’homme et la paix. Nous avons intérêt à renforcer notre partenariat politique. »

Voilà. Tout le monde semble d’accord. Le Sommet Union Européenne-CELAC peut commencer.

Huit années que les deux organismes intergouvernementaux ne se sont pas retrouvés. De multiples causes : outre la crise du Covid, qui n’a pas favorisé les contacts, un relatif désintérêt de la « vieille Europe » pour ses partenaires de l’autre bord, la quasi-désagrégation de l’organisme latino-américain, auxquels se sont ajoutés, en 2017, un désaccord concernant la participation du Venezuela.

Née officiellement à Caracas les 2 et 3 décembre 2011, à l’initiative de la première vague des chefs d’Etat de gauche désireux de s’émanciper de l’influence pesante de Washington – Hugo Chávez (Venezuela), Luis Inácio Lula da Silva (Brésil), Rafael Correa (Equateur), Evo Morales (Bolivie), Néstor et Cristina Kirchner (Argentine), etc. –, le mécanisme d’intégration régionale qu’est la CELAC n’en a pas moins eu pour premier président pro tempore le conservateur chilien Sebastián Piñera. Le 28 janvier 2013, et pour une année, le cubain Raúl Castro lui succéda. Dans l’idée de ses créateurs, les divergences idéologiques devaient s’effacer devant la concertation politique et la coopération sociale et culturelle des trente-trois pays continentaux et insulaires de la région – sans les États-Unis ni le Canada.

Revenue un temps et majoritairement au pouvoir, la droite – Enrique Peña Nieto (Mexique), Mauricio Macri (Argentine), Pedro Pablo Kuczynski (Pérou), Lenín Moreno (Equateur), Jair Bolsonaro (Brésil), Iván Duque (Colombie), etc. – n’a eu de cesse que de détruire cet instrument en voie de concurrencer, voire supplanter, l’Organisation des Etats américains (OEA) si chère aux amis de la Maison-Blanche et du Département d’Etat. La création en août 2017 du Groupe de Lima, chargé par Washington des basses besognes dans la déstabilisation de la République bolivarienne du Venezuela, marqua le paroxysme de cette séquence de… désintégration de l’intégration [2].

Élection après élection, à commencer par la mexicaine et l’argentine, le vent a tourné. Le Groupe de Lima n’a pas survécu à ses turpitudes, au changement politique régional et à la solide résistance du président vénézuélien Nicolás Maduro. L’organisation par le mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) d’un VIe Sommet en octobre 2021 a marqué la résurrection d’une CELAC que, au cours des quatre années précédentes, beaucoup avaient prématurément enterrée. Le retour au pouvoir de Lula au Brésil et de Luis Arce en Bolivie (après un coup d’Etat s’étendant sur une année), l’arrivée de Gustavo Petro en Colombie, de Xiomara Castro au Honduras et (d’une façon moins affirmée) de Gabriel Boric au Chili n’ont fait que redonner du souffle au vieux rêve de l’émancipation. Que n’a jamais abandonné la « troïka de la résistance » (Cuba, Nicaragua, Venezuela).

Dans un contexte géopolitique chahuté par les crises en cascade, le ralentissement de la croissance des économies et du commerce, l’augmentation des niveaux d’inégalité ainsi qu’une destruction de l’environnement aux conséquences potentiellement catastrophiques se sont exacerbés. « Les impacts socio-économiques de la pandémie de Covid-19 et du conflit en Ukraine ont confirmé qu’aucun pays, région ou continent ne peut relever seul les défis du développement durable », a noté la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) [3].

Pour faire face aux défis, les pays développés amorcent de nouvelles politiques industrielles, technologiques et environnementales – Pacte vert en Europe, CHIPS and Science Act et Inflation Reduction Act aux Etats-Unis – qui, inévitablement, auront un fort impact sur la compétitivité mondiale et ses conséquences sociales. Dans ce contexte, note toujours la CEPAL, « il est essentiel d’éviter d’aggraver les asymétries technologiques qui peuvent avoir de graves conséquences liées au retard de production et de revenu des économies en développement. Il sera donc essentiel d’explorer les possibilités pour l’Amérique latine et les Caraïbes de s’associer à ces politiques par le biais d’investissements et d’autres mécanismes de collaboration ».

Montée en puissance de la Chine et conflit OTAN-Russie sur le territoire ukrainien : l’Union européenne, en ce qui la concerne, doit revoir et/ou renforcer ses filières d’approvisionnement en matières premières et en minéraux stratégiques. Après l’avoir négligé, sauf pour appuyer les forces conservatrices et leur mentor Donald Trump ligués contre le Venezuela, l’UE redécouvre donc l’ensemble latino-américain. Et la CELAC. Laquelle a retrouvé tout son poids lorsque le Brésil de Lula l’a réintégrée – Bolsonaro l’en ayant retiré en 2020.

En octobre 2022, à Buenos Aires, une réunion bi-régionale des ministres des Affaires étrangères marqua la volonté commune de rétablir les liens et d’organiser un sommet. Quelque peu en difficulté dans son pays face à un Parti populaire (PP ; droite) « dans une bonne dynamique », Pedro Sánchez souhaitait faire de ce conclave l’événement phare de la présidence espagnole du Conseil de l’UE. De ce fait, il jeta tout son poids afin de convaincre Lula et Petro de ne pas déléguer leurs ministres des Affaires étrangères, mais de se déplacer personnellement, pour donner un maximum de brillant à la réunion qu’il co-présiderait.

Au-delà des sourires de circonstance, les relations ne sont pas particulièrement au beau fixe entre européens et « latinos ». L’UE a perdu chez ces derniers de son influence. Si elle est le premier investisseur dans cette partie du monde – 35 % des investissements étrangers directe (IED) –, elle n’est que son troisième partenaire commercial après la Chine et les Etats-Unis. Toutes tendances politiques confondues, les économies latino-américaines se sont en effet largement tournées vers la Chine, devenue le premier partenaire commercial de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, de Cuba, du Paraguay, du Pérou, de l’Uruguay, et le deuxième de la plupart des autres pays [4]. De 10 milliards de dollars en 2000, la valeur des échanges est passée à 485,7 milliards de dollars en 2022.

Sur le grand échiquier des relations internationales, les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – sont beaucoup plus « tendance » au sein des gauches continentales que l’UE et les Etats-Unis. A l’occasion du dernier sommet des BRICS, l’ex-présidente brésilienne Dilma Rousseff est devenue présidente de leur Nouvelle Banque de Développement (NBD). Pour la seule Amérique latine, l’Argentine, Cuba, le Mexique, le Nicaragua et le Venezuela ont exprimé le souhait de rejoindre l’alliance, qui pourrait à terme devenir « BRICS+ » [5].

Une rude concurrence pour Bruxelles (et Washington, cela va de soi). Qui ne doit rien au hasard. Car, confie un brésilien de São Paulo à Jana Puglierin, directrice à Berlin du bureau du Conseil européen des relations extérieures, « quand les Américains viennent au Brésil, ils veulent parler de la Chine. Quand viennent les Chinois, ils parlent de développement [6].  »

Le nombre des Européens qui eux aussi font le déplacement a augmenté de façon considérable ces derniers temps. Le Haut représentant pour les affaires étrangères Josep Borrell en Argentine et en Uruguay (octobre 2022), puis à Cuba (juin 2023). Le chancelier fédéral Olaf Scholz et le président allemand Frank-Walter Steinmeier au Brésil en janvier dernier. La cheffe de leur diplomatie, Annalena Baerbock, au Brésil, en Colombie et au Panamá, du 4 au 9 juin. Ursula von der Leyen au Brésil, en Argentine, au Chili et au Mexique quasiment au même moment.

Chacune de ces visites permet de percevoir dans quelle direction souffle ostensiblement le vent. A Brasilia, Baerbock propose une relation plus étroite, sous réserve d’un changement de position à l’égard de la guerre en Ukraine et de Pékin. A Buenos Aires, Von der Leyen signe avec Alberto Fernández un protocole d’accord sur les matières premières, et notamment le lithium – dont la demande en Europe « sera multipliée par 12 d’ici 2030 », précise la présidente de la Commission. Un métal essentiel pour la stratégie de décarbonation de l’UE, qui, entre autres mesures, a prévu d’interdire la vente de voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035. Sachant que 56 % (au moins) des ressources en lithium de la planète se trouvent dans le triangle formé par la Bolivie (première réserve mondiale), l’Argentine et le Chili. Et que la Bolivie, non seulement a nationalisé le secteur à travers l’entreprise publique Yacimientos de Litio Bolivianos (YLB), mais, ulcérée par l’appui implicite et explicite des Etats-Unis et de l’UE au coup d’Etat mené contre Evo Morales en novembre 2019 [7], vient de signer en juin un accord d’association avec une entreprise russe (Uranium One Group JSC, filiale de Rosatom) et un groupe chinois (Citic Guoan) pour l’extraction et l’industrialisation du nouveau métal précieux.

En préparant le Sommet, l’UE a donc en tête quelques objectifs bien précis. Aborder, bien entendu, tous les grands sujets inhérents à ce type de rassemblement : droits de l’homme, démocratie, réchauffement climatique, environnement, développement, coopérations multiples, etc. Mais aussi faire sortir les « latinos » de l’ « insupportable neutralité » qu’ils observent quant au conflit ukrainien et signer, après des années d’atermoiements, le traité de libre-échange UE-Mercosur (Marché commun du sud : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). Ce qui très vite, et malgré l’opération de séduction entreprise, va se révéler moins aisé qu’espéré.

Premier accroc d’importance, en amont du Sommet : l’Ukraine.

Le 2 mars 2022, lors de l’Assemblée générale des Nations unies réunie en urgence du fait du blocage du Conseil de sécurité (où la Russie dispose d’un droit de veto), la quasi totalité des pays latino-américains ont voté la résolution qui « déplore dans les termes les plus énergiques l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte [de l’ONU] »  ; qui « exige également que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays [8]  ».

Si la Bolivie, Cuba et le Nicaragua se sont abstenus, si le Venezuela n’a pu s’exprimer (il n’a plus le droit de vote du fait d’arriérés de paiement), personne n’a voté contre. Compte tenu de leur histoire, le paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte dit « quelque chose » à ces pays : « Tous les Etats sont tenus de s’abstenir, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies, et de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques. » En y faisant référence, ils ne pensent pas qu’à la Russie !

Ultérieurement, au sein des gauches latinas de gouvernement, nul n’appuiera l’invasion de l’Ukraine, mais nul ne « condamnera » Moscou (à l’exception du Chili). Nul n’acceptera de livrer des armes, fussent-elles très anciennes, à Kiev ; d’isoler diplomatiquement ou d’infliger des sanctions à la Russie. Les relations avec le Kremlin sont généralement bonnes. Et bien peu, lorsqu’ils analysent les origines du conflit, considèrent l’OTAN comme une colombe de la paix [9].

Aussi, le rejet est-il brutal lorsque la CELAC découvre que, sans l’avoir en rien consultée, Pedro Sánchez a invité Volodomyr Zelensky au Sommet. En mai 2022, déjà, le président Lula avait exprimé son sentiment au sujet de ce dernier : «  [Zelensky] est à la télévision le matin, le midi et le soir. Il est au Parlement britannique, au Parlement allemand, au Parlement français, au Parlement italien (…). Il veut la guerre. S’il ne la voulait pas, il aurait négocié un peu plus [10].  » En position de force au sein de la CELAC, les pairs de Lula partagent cette opinion. La réaction est telle que, sous pression à son tour, l’Union européenne doit annuler l’invitation.

Deuxième couac précédant l’atterrissage des délégations à Bruxelles : le Mercosur.

Quatre pays fondateurs : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay. Des hauts, des bas, des réussites somme toute modestes. Deux partenaires dans l’antichambre : la Bolivie, au processus d’adhésion inachevé ; le Venezuela, intégré depuis 2012, mais suspendu en décembre 2017 du fait des tensions entre Caracas et les gouvernements néolibéraux. Avec l’UE, vingt années de négociations pour réduire les droits de douane et stimuler les échanges commerciaux ! En attendant mieux, le Mercosur exporte déjà vers l’Europe des productions agricoles, minérales et énergétiques ; l’UE expédie en retour des marchandises à contenu technologique et à haute valeur ajoutée.

Les deux blocs représentent ensemble environ 25 % de l’économie mondiale et un marché de 780 millions de personnes. Malgré les réticences de quelques pays européens tels que l’Autriche, la Belgique, la France, l’Irlande et les Pays-Bas, un accord a été présenté comme « finalisé » en juin 2019. Il a toutefois été mis en suspens. S’ils l’appuyaient à 100 % dans sa participation active à la destruction du Venezuela, les dirigeants de l’UE ne tenaient pas trop à apparaître sur la photo aux côtés d’un Jair Bolsonaro qui, en même temps, massacrait l’Amazonie.

Exit Bolsonaro. « Il serait bon que l’accord commercial soit signé avant la fin de l’année [2023] », a pressé Von der Leyen. Patatras ! Voici que Lula et l’argentin Alberto Fernández ruent dans les brancards. A l’accord de 2019, l’UE a ajouté en mars 2023 un strict « protocole additionnel » – la « side letter » – dont les normes environnementales (déforestation, pesticides, OGM) posent des conditions drastiques à l’entrée en Europe des produits latino-américains.

Nouvelle, l’approche européenne ne peut être purement et simplement rejetée. Elle est d’ailleurs jugée encore trop laxiste par l’ensemble des mouvements altermondialistes et des partis écologistes, qui, depuis les années 1990, contestent l’existence même de ce type de Traité de libre commerce (TLC). En mettant en avant quelques exemples emblématiques pour expliciter leur position. Ainsi : menée dans huit pays européens, dont la France, une enquête sur les citrons verts importés du Brésil publiée en avril 2023 montre que des produits phytosanitaires toxiques, pour certains non autorisés dans l’UE, sont exportés par les firmes de cette même UE vers le Brésil et reviennent en boomerang à leur point de départ, sous forme de résidus dans les denrées alimentaires – dont les citrons en question [11].

De même, il n’est pas scandaleux pour un pays comme la France, mais pas que lui, de vouloir protéger ses agriculteurs, déjà en forte difficulté et sommés de se reconvertir dans le « durable », du déferlement prévu de 99 000 tonnes de viande de bœuf supplémentaires par an, de 180 000 tonnes de volailles (et de 180 000 tonnes de sucre) – avec l’impact environnemental entraîné par la circulation transatlantique de tels chargements [12].

Toutefois, le fameux « protocole additionnel » reste en travers de la gorge des dirigeants de l’autre rive. En vertu d’un règlement « contre la déforestation » voté le 19 avril 2023 par les parlementaires européens, l’huile de palme, le bétail, le soja, le café, le cacao, le bois, le caoutchouc, ainsi que leurs produits dérivés, ne pourront plus être vendus dans l’UE à partir de 2026, s’ils proviennent de terres déboisées ou dégradées. Fort bien. Un Lula peut très bien comprendre ce type de nécessité. Sous ses précédents mandats (2004-2012), il est parvenu à passer de 30 000 km² défrichés par an à 5000 km², grâce à un contrôle renforcé. Après que, sous Bolsonaro, la déforestation moyenne annuelle ait grimpé de 75 % par rapport à la décennie précédente, Lula, depuis son retour au pouvoir, s’est engagé à respecter l’Accord de Paris [13] et a présenté un nouveau plan de lutte très ambitieux pour protéger l’Amazonie. Malgré les résistances d’un Congrès au sein duquel il ne dispose pas de la majorité, il a publiquement affirmé vouloir faire du Brésil un exemple mondial en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre et en mettant fin à la déforestation illégale d’ici 2030. Et voici que l’UE « exige » un « objectif intermédiaire » de réduction de la déforestation d’au moins 50 % par rapport aux niveaux actuels jusqu’en… 2025 (c’est-à-dire demain). Et voici que l’UE « ordonne » que soit assuré « un développement durable et une transformation rurale inclusive », qu’elle est elle-même incapable de mettre en œuvre sur son propre territoire. Le tout, sous peine de sanctions !

Attitude insupportable, s’emportent tant l’Argentine que le Brésil. « Entre partenaires stratégiques, il doit y avoir une prémisse de confiance mutuelle et non de méfiance et de sanctions », ajoute Lula, qui préside le Mercosur. Employé à outrance par les Etats-Unis et l’UE, le concept de « sanction » ne passe plus chez des « latinos » excédés. Et il passe d’autant moins que, dans l’accord tel qu’ainsi modifié, les ambiguïtés ne manquent pas. Ainsi, note le ministre argentin des Affaires étrangères Santiago Cafiero, « si le Mercosur libère les droits de douane pour 95 % des exportations européennes de produits agricoles, l’UE ne libère que 82 % des importations agricoles en provenance du Mercosur et n’offre que des quotas ou des préférences fixes pour la plupart des autres produits ». Sachant que, pour les rubriques telles que le bœuf, la volaille, le miel, le fromage, le maïs et l’éthanol, ces futurs quotas permanents seraient inférieurs aux présentes exportations du Mercosur. « Ce qui signifie que, si cet accord est mis en œuvre, nous devrons réduire ce que nous exportons à l’heure actuelle ! » Et que, le critère des contingentements « ne s’applique pas dans le sens inverse : les biens industriels importés de l’UE ne sont soumis à aucun quota [14]. » Car, bien entendu, l’une des exigences de l’UE est d’avoir accès aux marchés publics des pays impliqués. Et de concurrencer sans entraves les industries locales, en particulier argentines et brésiliennes, les plus performantes du bloc. Sans parler des moyennes entreprises. « Le Brésil ne peut pas renoncer à son droit de se réindustrialiser. L’Argentine ne peut pas renoncer à être un pays doté d’une industrie forte. Un accord doit être bénéfique pour tout le monde », conclue Lula. Qui annonce avant même de quitter Brasilia : non acceptable en l’état, cet accord devra être renégocié [15].

Troisième motif de fort agacement, de l’autre côté de l’Atlantique : sous l’influence du Parti populaire européen (PPE ; droite de droite), aligné sur la politique hostile des Etats-Unis, le Parlement européen donne un très mauvais signal en se livrant à une véritable provocation. Le 12 juillet, sur la base d’un débat tenu le 13 juin en son sein, il condamne « les atteintes systématiques aux droits de l’homme à Cuba » (359 « pour », 226 « contre », 50 abstentions), réclame des sanctions contre le président Miguel Diaz-Canel et invite l’UE à « suspendre immédiatement le dialogue politique et l’accord de coopération » en cours avec La Havane.

Le lendemain, ce même Parlement s’en prend au Venezuela et, sur la base d’éléments très contestables, invite les participants au prochain sommet UE-CELAC « à publier une déclaration exigeant le plein respect des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés fondamentales ». Dans le même élan, les eurodéputés réactionnaires mènent campagne pour que la République bolivarienne soit exclue du dit Sommet et que, s’il se présente à Bruxelles, le président Maduro soit « immédiatement détenu ».

Pour faire bonne mesure, les latino-américains découvrent enfin que, parallèlement à la célébration officielle, un forum « Société civile, jeunesse et autorités locales » est organisé par le Forum Policy of Development (plate-forme multipartite soutenue par la Commission européenne) et la Fondation UE-ALC (organisation intergouvernementale) dans la plus totale opacité et sans qu’ils aient été invités à donner leur avis sur le choix des mouvements et autres ONG appelés à y participer.

Compte tenu de ces précédents, il n’y a pas eu de véritable surprise dans le déroulement du Sommet [16]. En surface, aucun clash. Beaucoup de poignées de main. Suivant qui observait ou commentait la scène, des ondes de rage ou de jubilation ironique ont flotté lorsque Delcy Rodriguez, vice-présidente de l’ex-paria vénézuélien, a posé tout sourire pour la photo officielle entre Pedro Sánchez, Charles Michel et Ursula von der Leyen. Ensuite, chacun a continué à jouer sa partition [17]. La question du changement climatique, de ses effets et des mesures qu’il impose a été présente dans presque toutes les interventions. Par avance, lors de la cérémonie d’ouverture, le président du Conseil européen Charles Michel a parfaitement résumé la vision commune et très politiquement bienséante des chefs d’Etat et responsables politiques de l’UE : « Nous partageons des racines, des valeurs et une culture communes ainsi que des liens économiques et sociaux étroits. Et nous sommes une force puissante au sein de l’Assemblée générale des Nations unies, pour défendre la démocratie, le multilatéralisme et les droits de l’homme. » Sans oublier le récurent : « Tous les pays de notre planète doivent être en sécurité. C’est pourquoi nous ne pouvons pas laisser la Russie parvenir à ses fins. Ce serait un désastre pour le multilatéralisme et notre système fondé sur des règles. »

Côté latino, indépendamment des différences notables entre gouvernements de gauche et pouvoirs de droite, on a beaucoup entendu ce type de considération : « Nous ne pouvons pas et ne voulons pas maintenir le paradigme centre-périphérie. Nous refusons de continuer à être les fournisseurs de matières premières essentielles et de main-d’œuvre peu qualifiée aux salaires les plus bas » (Alicia Bárcenas, ministre mexicaine des Affaires étrangères). Ou encore : « L’Amérique latine et les Caraïbes ne sont plus l’arrière-cour des Etats-Unis. Nous ne sommes pas non plus d’anciennes colonies qui ont besoin de conseils, et nous n’accepterons pas d’être traités comme de simples fournisseurs de matières premières » (Diaz-Canel, président cubain). Très en pointe sur le sujet, Petro a plaidé pour « un premier Plan Marshall climatique à l’échelle mondiale ».

Toutefois, même les révoltés ont eu de bonnes manières. Rien qui ne risque, en apparence, de faire capoter la rencontre. On s’est raccompagnés, au terme des réunions, avec force tapes dans le dos.

Le Sommet s’est achevé le 18 juillet par une déclaration en 41 points dont plusieurs liés à la lutte contre le changement climatique, à l’environnement, à la promotion des énergies renouvelables, à la réforme du système financier international, à la santé publique et à l’éducation. Des accords bilatéraux ont été signés par l’UE avec le Chili (matières premières critiques, dont lithium), avec l’Argentine et l’Uruguay (énergies renouvelables). Au terme du raout, non sans un zeste d’ironie, Lula constatera : « J’ai rarement vu autant d’intérêt politique et économique des pays de l’Union européenne envers l’Amérique latine. Peut-être en raison du différend entre les Etats-Unis et la Chine. Peut-être en raison des investissements chinois en Afrique et en Amérique latine. Peut-être pour la nouvelle route de la soie. Peut-être à cause de la guerre. Le fait concret est que l’Union européenne a montré beaucoup d’intérêt à investir à nouveau en Amérique latine, annonçant un investissement de 45 milliards d’euros dans la prochaine période. »

Avec en arrière-fond la concurrence des « Nouvelles routes de la soie », la stratégie « Global Gateway » (« Passerelle mondiale ») : Von der Leyen vient effectivement d’annoncer 45 milliards d’euros d’investissement dans des projets d’infrastructure et des partenariats économiques jusqu’en 2027 (voir l’encadré en fin d’article). Tout en accueillant l’annonce avec intérêt et sympathie, les latinos demeurent prudents, pour ne pas dire circonspects. « En 2009, rappelle Ralph Gonsalves, on parlait déjà d’un fonds d’un milliard de dollars pour atténuer le changement climatique et rien ne s’est encore produit. » Un prochain sommet devant se tenir en Colombie dans deux ans, l’actuel président de la CELAC a complété : « On se retrouvera en 2025 et on verra bien si nous avons reçu l’argent d’ici là ! »

Comme en témoignera le même Gonsalves, la rédaction du communiqué final, en coulisse, loin des projecteurs, n’a pas été de tout repos : « Tout le monde n’a pas obtenu ce qu’il souhaitait dans la déclaration. Il y a eu des désaccords comme on s’y attendait, mais nous y sommes parvenus. Des sujets comme le financement de la lutte contre le changement climatique, la réforme de l’architecture financière mondiale ou le développement social inclusif. D’autres issus de notre histoire et qui laissent encore des traces comme l’esclavage ou la traite des esclaves… »

Il fallait s’y attendre. L’UE a fait de l’Ukraine l’alpha et l’oméga de sa politique extérieure. Un mois avant le Sommet, elle a fait parvenir à la CELAC un projet de déclaration finale mettant Moscou au ban des accusés. En réponse, les latinos et les caribéens ont renvoyé une contre-proposition supprimant tous les paragraphes sur le soutien à Kiev. Sans doute agacés par l’insistance des euro-atlantistes, ils ont introduit dans le texte un sujet les concernant de beaucoup plus près : « La nécessité de prendre des mesures appropriées pour restaurer la dignité des victimes [de la traite transatlantique des esclaves africains], y compris des réparations et des indemnisations ». Puis ils ont refusé la présence de Zelensky.

La rencontre débute. Non sans une certaine arrogance à l’égard de leurs interlocuteurs, dont ils connaissent désormais parfaitement la position, les Européens remettent le couvert. « Nous ne pouvons pas faire de ce sommet UE-CELAC un sommet sur l’Ukraine, doit réagir d’emblée Ralph Gonsalves, observant que la question « a été et continue d’être abordée dans d’autres forums plus pertinents ». Cause toujours… Le bras de fer continue. L’UE entend que, dans le communiqué final, les participants « condamnent fermement » la Fédération de Russie. Les latinos ne cèdent pas. « Il ne fait aucun doute qu’il y a une invasion impérialiste de l’Ukraine, a déclaré Petro dans sa première intervention, mais comment appelez-vous celle de l’Irak, de la Libye ou de la Syrie ? Pourquoi cette invasion provoque-t-elle cette réaction et pas les précédentes de ce siècle ? Ne vaudrait-il pas mieux travailler sur un concept général qui empêche quiconque d’envahir un autre pays ? »

La CELAC impose finalement un texte très succinct qui mentionne « une profonde préoccupation concernant la guerre en cours contre l’Ukraine », sans mentionner Moscou. Suivi, aux antipodes de l’approche guerrière maximaliste européenne, du credo d’une région qui se veut Zone de paix : « Nous soutenons la nécessité d’une paix juste et durable et les efforts en vue d’une solution diplomatique. »

Grand classique : en fonction de ses penchants, chaque média ou réseau social qui s’empare du paragraphe le rapporte à sa façon. Pour les uns, la profonde préoccupation exprimée concerne «  la guerre en cours en Ukraine ». Pour les autres, c’est «  la guerre en cours contre l’Ukraine ». Si l’on s’en réfère aux versions officielles en anglais – « We express deep concern on the ongoing war against Ukraine [18]… » – et en espagnol – « Expresamos nuestra profunda preocupación por la guerra en curso contra Ucrania [19] » –, c’est bien l’expression « guerre contre l’Ukraine » qui est employée.

Un point, malgré les reculs qu’ils ont dû concéder, pour les Européens.

Insuffisant ! Dans son habituel numéro de bon élève qui « fait de la lèche » pour s’attirer un sourire de la maîtresse, le président chilien « de gauche » Gabriel Boric fustige ses pairs latinos pour s’être opposés à une condamnation de Moscou. Par la même occasion, il s’en prend une nouvelle fois au Nicaragua, au Venezuela et à Cuba, qu’il considère comme des « dictatures ». Toutefois, s’agissant de l’île, il se rallie courageusement aux 185 pays sur 189 qui, en 2022, pour la vingt-troisième fois, à l’Assemblée générale des Nations unies, ont condamné le blocus auquel la soumettent Etats-Unis. Il critique même les sanctions appliquées par Washington au Venezuela, non pour leur caractère injuste, mais parce qu’elles « n’apportent rien ».

Plutôt indulgent antérieurement lors d’une situation similaire, Lula, cette fois, réagit. Attribuant les critiques de Boric à un criant déficit d’expérience – « Le manque d’habitude de participer à ces réunions rend peut-être un jeune plus assoiffé, plus pressé » –, il souligne : « Nous savons tous ce que pense l’Europe, nous savons tous ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie. Nous savons tous ce que pense l’Amérique latine. Je ne suis pas obligé d’être d’accord avec Boric, c’est sa vision. »

Considéré avec une suspicion croissante par les gauches latino-américaines, Boric, fort heureusement pour lui, se fait de nouveaux amis : « Concernant mon entretien avec Emmanuel Macron, va-t-il confier au quotidien Le Monde (25 juillet), nous avons discuté, notamment, des valeurs que nous partageons et de la manière dont nous pouvons lutter pour faire triompher la démocratie et les droits humains. » D’après la presse allemande, par son alignement sur la droite latina et l’UE, Boric « a sauvé le Sommet ».

Autre blocage prévisible : « Nous prenons note des travaux en cours entre l’UE et le Mercosur », se contente de pointer le communiqué final. Par rapport aux prémices, les positions n’ont pas évolué pas pendant le Sommet. Là encore, Lula résume la situation : « Nous allons devoir apprendre qu’en matière de négociation, nous n’obtenons pas tout ce que nous voulons, mais que nous ne cédons pas non plus sur tout ce que l’autre partie veut. Nous nous mettons d’accord sur ce qui est possible. C’est ce que je suis prêt à faire, c’est ce que le Mercosur est prêt à faire et c’est ce qui se passera. »

Il est de bon ton de dire que de tels sommets n’accouchent que de souris. Dans le cas présent, ce n’est que partiellement vrai. Côté UE, on a repris langue avec une partie du monde que, multilatéralisme oblige, il serait néfaste de négliger et dont il serait absurde d’être exclu. Côté latino-américain et caraïbe, on note avec satisfaction la tonalité de la déclaration finale. Il n’est pas si fréquent qu’un conclave tenu avec les Eurocrates rappelle la résolution de l’ONU enjoignant la levée du blocus imposé à Cuba ; critique le maintien de l’île, par Washington, sur la liste des Etats soutenant le terrorisme ; s’oppose aux lois extraterritoriales ; désigne les pays latinos et caraïbes comme appartenant à une Zone de paix ; réaffirme les principes de souveraineté, d’autodétermination, de non-intervention dans les affaires qui relèvent principalement de la compétence nationale des Etats et de non-recours, dans les relations internationales, à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ; revient sur le soutien sans réserve au processus de paix en Colombie et, notamment, à la mise en œuvre intégrale de l’accord de paix de 2016 conclu entre le gouvernement colombien et les FARC-EP ; évoque une réforme du système financier international ; offre « une victoire diplomatique historique » à Buenos Aires, d’après le président Alberto Fernández, en mentionnant l’appui historique de la CELAC « sur la question de la souveraineté des Iles Malouines » occupées par la Grande-Bretagne et revendiquées par l’Argentine. « Merci, le Brexit », sourient les latino-américains…
Seul un pays n’a pas signé ce communiqué final : le Nicaragua. En cause, le point 15, sur la « guerre contre l’Ukraine ». Mais aussi le fait que les Européens ont mis leur veto sur deux des propositions de Managua. La première : une mise en cause des sanctions contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua. Si l’exigence d’une levée du blocus contre Cuba a bien été retenue, note Managua, « ils n’ont pas accepté de mettre le Venezuela ni le Nicaragua. » Pas plus qu’il n’a été demandé aux Etats-Unis, comme le souhaitaient les sandinistes, de respecter la sentence de la Cour Internationale de Justice de La Haye (27 juin 1986) et d’indemniser (17 milliards de dollars) le Nicaragua pour les « actes de terrorisme » (activités militaires et paramilitaires) commis contre lui par Washington dans les années 1980.

Pour mémoire, on notera qu’à l’ombre du Sommet, s’est déroulée une réunion sur la crise au Venezuela. Y participaient la vice-présidente Delcy Rodríguez et le représentant d’une partie de l’opposition Gerardo Blyde, mais aussi les présidents Macron, Lula, Petro, Fernández, ainsi que le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères Josep Borrell. De cette rencontre qui a prôné « une négociation politique débouchant sur l’organisation d’élections équitables pour tous », s’accompagnant d’une « levée des sanctions » (sans préciser quand), on notera que, quand bien même elle serait portée par les meilleures intentions, elle demeure un chapelet de vœux pieux dans la mesure où le seul pays susceptible de lever les dites sanctions, les Etats-Unis, en était totalement absent et s’en désintéresse complètement.
Si l’on excepte la reconnaissance de Delcy Rodríguez comme vice-présidente légitime de la République bolivarienne, une victoire pour Caracas, le seul résultat tangible de l’événement est donc que les participants feront à nouveau « le point » lors du Forum de Paris sur la Paix du 11 novembre 2023.
On ne pourrait que se féliciter de l’implication croissante du président Macron dans une « tentative de résolution de la crise vénézuélienne » si, alors qu’il prônait une négociation saine et respectueuse face à Delcy Rodríguez et aux présidents de gauche latino-américains, il n’avait chaudement félicité Gabriel Boric, lors d’une rencontre à Paris, le 21 juillet, pour sa condamnation des atteintes aux droits de l’Homme au… Venezuela. Ce n’est plus du « en même temps », c’est du « je joue cyniquement sur tous les tableaux ».

De façon aussi symbolique que significative, un certain nombre de chefs d’Etat – Miguel Díaz Canel, Gustavo Petro, Luis Arce –, une vice-présidente – Delcy Rodríguez – et deux ministres des Affaires étrangères – Alicia Bárcena (Mexique), Iván Gil (Venezuela) – sont passés à un moment ou à un autre, et en particulier lors de sa clôture, à la « Cumbre de los Pueblos » (Sommet des Peuples). Ce chaud Forum a été organisé, également à Bruxelles, à l’initiative d’une centaine de collectifs, organisations populaires et sociales ainsi que partis politiques latino-américains et européens – représentés, entre autres, pour ces derniers, par Jean-Luc Mélenchon (LFI ; France), Raoul Hedebouw et Peter Mertens (Parti des travailleurs ; Belgique), Sandra Pereira (Parti communiste ; Portugal).
Les interventions des hauts dirigeants échappés du Sommet officiel et, dans le contexte de cette « Cumbre », beaucoup plus « libres » de parole, ne se sont en rien démarquées du ton très offensif de cette base que certains qualifieraient de « radicale », bien que n’étant en rien excessive. Elle aussi a délivré sa déclaration finale. Condamnant « les campagnes médiatiques visant à déstabiliser les gouvernements démocratiquement élus par leurs peuples en Amérique latine et dans les Caraïbes », pointant du doigt l’ingérence de l’impérialisme étatsuniens et de ses collaborateurs dans le renversement des gouvernements populaires, celle-ci a de plus stigmatisé le blocus contre Cuba, rejeté les mesures coercitives américaines contre le Venezuela et le Nicaragua, et répudié la politique de l’UE les approuvant.

Depuis en bas cette fois, mais en phase avec le sommet, une pierre de plus dans la revendication d’autonomie de l’Amérique latine et dans sa recherche d’une coopération avec l’UE, mais en condition de transparence, de respect et d’égalité.

Maurice Lemoine

Global Gateway

Telle qu’elle a été présentée, l’initiative « Global Gateway » impliquerait l’investissement de l’UE dans (environ) 130 projets aussi divers que (liste indicative, au conditionnel et non exhaustive) :

  • Argentine  : chaînes de valeur pour les matières premières essentielles (lithium et cuivre) ; production d’énergie renouvelable ; efficacité énergétique ; bio-économie.
  • Belize  : mini-infrastructures pour les communautés indigènes ; crédits pour les PME, les micro-entreprises et les agriculteurs
  • Bolivie  : exploitation du lithium.
  • Brésil  : prévention de la déforestation en Amazonie ; télécommunications, également en Amazonie ; promotion d’une bio-économie durable ; financement d’initiatives énergétiques vertes et promotion de l’hydrogène vert.
  • (Iles de la) Caraïbe (en général) : énergie solaire et éolienne ; lutte contre les pénuries d’eau ; adaptation au changement climatique ; lutte contre la pollution de l’océan.
  • Chili  : chaînes de valeur des matières premières essentielles (lithium, cuivre) ; production de carburants neutres en carbone (hydrogène vert).
  • Colombie  : production d’hydrogène vert et d’énergies renouvelables ; augmentation de la connectivité Internet ; contribution à la ligne 2 du métro de Bogotá.
  • Costa Rica  : pêche et agriculture durables ; électrification des transports publics.
  • Cuba  : industrie biotechnologique ; centrales éoliennes et solaires afin d’augmenter la production d’électricité.
  • Equateur  : extension et amélioration des systèmes d’assainissement et d’eau potable ; système andin d’interconnexion électrique.
  • Guatemala  : lutte contre la contamination des bassins hydrographiques ; maintien de l’approvisionnement en eau de la capitale Ciudad Guatemala.
  • Guyana  : soutien à la sylviculture, au traitement de l’eau et à la fabrication d’équipements sanitaires.
  • Haïti  : soutien à l’éducation.
  • Honduras  : construction d’un barrage pour production d’énergie durable.
  • Jamaïque  : rénovation urbaine ; gestion des déchets ; micro-entreprises ; réseaux G-5.
  • Mexique : développement de parcs industriels et de chaînes de valeur de l’économie verte.
  • Panamá  : projets de transition énergétique.
  • Paraguay  : plantation forestière ; nouvelle usine de pâte à papier ; modernisation du réseau de distribution d’électricité.
  • Pérou  : tourisme « durable » ; plans d’interconnexion électrique ; amélioration de la mobilité urbaine.
  • République dominicaine  : infrastructures de transport urbain ; gestion de l’eau et des déchets.
  • Salvador  : cofinancement du train du Pacifique et de la première ligne du métro de San Salvador.
  • Trinité-et-Tobago  : collecte et traitement de l’eau ; soutien à la transition numérique.
  • Uruguay  : production d’hydrogène renouvelable ; adaptation de l’infrastructure du port de Montevideo.
  • Venezuela  : programme de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de méthane dans les raffineries et les puits de pétrole de la province pétrolière et gazière de Monagas (est du pays).

Avec Inter Press Service – https://ipsnoticias.net/2023/07/america-latina-y-la-ue-casi-unanimes-al-cerrar-su-cumbre/

Illustrations : Conseil de l’Union européenne


NOTES

[1] Acronyme reprenant l’initiale des « géants du net » : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.

[2] A l’origine, le Groupe de Lima comprend l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panamá, le Paraguay, le Pérou, le Guyana et Sainte-Lucie.

[3] Comisión Económica para América Latina y el Caribe (CEPAL), Oportunidades para la inversión y la colaboración entre América Latina y el Caribe y la Unión Europea (LC/TS.2023/78), Santiago, 2023 – https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/48984/3/S2300118_es.pdf

[4] Christophe Ventura, Géopolitique de l’Amérique latine, IRIS et Editions Eyrolle, Paris, 2022.

[5] Les BRICS n’ont pas finalisé la documentation définissant les principes et critères permettant d’accueillir de nouveaux membres. Un tel document pourrait être prêt et présenté lors du Sommet de l’organisation, en Afrique du Sud, en août. Alors que trente pays ont déclaré leur intention de rejoindre le bloc, vingt demandes d’adhésions ont été enregistrées.

[6https://www.dw.com/es/prensa-alemana-europa-pierde-influencia-en-am%C3%A9rica-latina/a-66160232

[7] Lire « Les petits télégraphistes du coup d’Etat qui n’existe pas » (4 février 2020) – https://www.medelu.org/Les-petits-telegraphistes-du-coup-d-Etat-qui-n-existe-pas

[8https://press.un.org/fr/2022/ag12407.doc.htm

[9] Lire « OTAN, suspends ton vol » (14 mars 2022) – https://www.medelu.org/OTAN-suspends-ton-vol

[10https://time.com/6173232/lula-da-silva-transcript/

[11https://www.greenpeace.fr/accord-ue-mercosur-un-cocktail-toxique/

[12] Sur l’argumentation des opposants à l’Accord, lire : https://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/dossier_militant.pdf

[13] L’Accord de Paris est un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques. Il a été adopté par 196 Parties lors de la COP 21, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques tenue à Paris, le 12 décembre 2015. Il est entré en vigueur le 4 novembre 2016.

[14https://ladiaria.com.uy/mundo/articulo/2023/7/cumbre-del-mercosur-canciller-argentino-planteo-actualizar-los-textos-del-acuerdo-alcanzado-con-la-union-europea-en-2019/

[15] Montrant un fort empressement à voir affluer les investissements étrangers, l’Uruguay fait bande à part et souhaite depuis longtemps s’extraire des règles du Mercosur, qui impliquent des négociations « en bloc », pour signer des accords bilatéraux.

[16] Outre le Sommet proprement dit, la réunion de la « société civile » a eu lieu les 14 et 15 juillet, sans grandes répercussions ; une table ronde des entreprises, le 17 ; une rencontre des ministres de l’Economie se tiendra à Saint-Jacques-de-Compostelle le 15 septembre.

[17] L’Amérique latine a été représentée par vingt-et-un chefs d’Etat – Argentine, Bahamas, la Barbade, Belize, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, République dominicaine, Equateur, Guyana, Haïtí, Honduras, Jamaïque, Paraguay, SaintChristopheetNiévès, Surinam, Uruguay – , deux vice-president(e)s – Panamá, Venezuela –, huit ministres des Affaires étrangères – El Salvador, la Grenade, Guatemala, Mexique, Nicaragua, Pérou, Sainte-Lucie, Trinité et Tobago.

[18https://www.consilium.europa.eu/media/65920/st12000-en23.pdf

[19https://www.consilium.europa.eu/media/65925/st12000-es23.pdf

URL de cet article : https://www.medelu.org/Europe-Amerique-latine-retrouvailles-au-Sommet

Nicolas Maduro résiste aux pressions de l’UE et des USA et défend le droit au suffrage universel des vénézuélien(ne)s

L’Union européenne (UE) a finalement ratifié sa position initiale : elle ne comptera pas parmi les observateurs internationaux des élections législatives du 6 décembre au Venezuela. Cette annonce s’est faite dans un contexte de fortes pressions diplomatiques et même militaires, comme la présence jeudi, dénoncée par le ministère des affaires étrangères vénézuélien, d’un destroyer de missiles guidés du Commandement Sud des Etats-Unis (US) à 16,1 miles nautiques des côtes.

« Les conditions ne sont pas réunies pour qu’un processus électoral, équitable et démocratique ait lieu », a déclaré le communiqué de presse du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) publié après la visite de deux membres du SEAE à Caracas, où ils ont rencontré Juan Guaidó, « toutes les forces d’opposition », la Conférence épiscopale, « la société civile et le secteur privé », selon ses informations.

La possibilité pour l’UE de reconnaître les élections législatives était paradoxalement liée… au report du scrutin : « sans un report et une amélioration des conditions démocratiques et électorales, l’UE ne peut envisager d’envoyer une mission d’observation électorale« .

Ces derniers jours, les sénateurs américains Marco Rubio et Benjamin Cardin ont envoyé une lettre au « chancelier européen« , Josep Borrell, pour lui demander de ne pas reconnaître le suffrage. Au même moment, un groupe de dirigeants et de partis de la droite européenne a envoyé une lettre au président du Conseil européen Charle Michel, pour dénoncer Borrell et ses « incongruités et ses conséquences désastreuses (…) pour ses initiatives politiques promues en collaboration avec le gouvernement espagnol« .

Lettre signée par des secteurs ouvertement pro-coup d’État au Venezuela, tels que María Corina Machado, Enrique Aristeguieta, Humberto Calderón Berti, et un arc de forces de droite avec des acteurs d’extrême droite tels qu’Álvaro Uribe, le PAN du Mexique, le PRO d’Argentine, ainsi que le Parti Populaire, Ciudadanos et VOX d’Espagne. L’initiative visait à la fois à discréditer Borrell, et à faire pression pour une non-reconnaissance du scrutin du 6 décembre, et enfin à attaquer le gouvernement espagnol : le Venezuela est à la fois un dispositif de politique internationale et intérieure.

La décision de l’UE a eu des conséquences prévisibles. L’une d’entre elles est la décision d’un des leaders de la droite, membre de l’oligarchie économique vénézuélienne, Capriles Radonski, de ne pas se présenter aux élections. Il avait déjà prévu qu’il ne participerait pas au cas où l’observation internationale européenne ne serait pas présente. « Cette élection doit être reportée. Nous demandons qu’elle soit reportée« , a-t-il déclaré mercredi soir. Son annonce était accompagnée de celle de Stalin Gonzalez, un autre leader de l’opposition, qui avait décidé de s’écarter de la feuille de route du Guaidó.

La carte électorale nationale et internationale ressemble maintenant à la situation du mois d’août : sans nouvelle reconnaissance internationale, et avec les mêmes acteurs politiques nationaux qui y participeront. Maduro a ratifié que les élections auront lieu le 6 décembre, pour lesquelles 107 organisations politiques et plus de 14.000 candidats se sont inscrits dans tout le pays, leur liste étant disponible sur le site du le Conseil National Electoral.

Plusieurs des chefs de l’opposition non putschiste et indépendante des USA et de l’UE, qui se présenteront aux élections ont été sanctionnés par les États-Unis, qui ont pris ces dernières semaines de nombreuses mesures pour empêcher la participation des forces politiques de croître à l’approche du vote du 6 décembre. La politique actuelle de Washington est d’empêcher que la dispute politique puisse être médiée démocratiquement, via les résultats électoraux, tant que le président Maduro poursuivra son mandat.

Cela signifie trois choses. D’une part, cinq nouvelles récompenses d’un million de dollars du gouvernement états-unien, la plus élevée étant de 10 millions de dollars. Différents acteurs qui font partie de tentatives d’incursion armée parlent publiquement d’extraditions de dirigeants chavistes. Ces menaces se sont accompagnées d’une nouvelle manœuvre d’un navire de guerre états-unien près des côtes vénézuéliennes.

Dans le même temps, le gouvernement Trump a confirmé qu’il continuera à soutenir le président fantoche Juan Guaidó jusqu’à ce que la « liberté » soit acquise. Dans le but de fabriquer une légitimité à sa permanence sans Assemblée nationale élue, l’opposition partisane d’une stratégie de « non-participation électorale« , a annoncé qu’elle mènera une « consultation Populaire » pour « rejeter la fraude » du 6 décembre, et autoriser « toutes les actions nationales et internationales« …

Enfin, les sanctions économiques menacent d’affecter davantage le commerce effectué par certaines grandes compagnies pétrolières étrangères dans le pays, en affectant par exemple l’importation de diesel. L’impact du blocus a affecté les revenus de l’Etat : Maduro a rapporté qu’au 28 septembre, seuls 477 millions de dollars ont été perçus par la Banque centrale du Venezuela en provenance d’entités publiques, et a annoncé une loi anti-blocus en cours de discussion à l’Assemblée nationale constituante.

Dans ce contexte, diverses protestations ont eu lieu dans différentes parties du pays, marquées par le besoin de services tels que le gaz, l’électricité, l’eau, l’essence et le problème des bas salaires. L’opposition appelle à la mobilisation et cherche à prendre la tête de ce qui pourrait être un conflit plus large, bien que, pour le moment, elle ait échoué dans ces plans en raison de sa crise de leadership et, plus généralement, d’une érosion générale de la politique dans de larges pans de la population.

Le dernier trimestre de l’année annonce donc de fortes pressions contre les élections et d’éventuels affrontements politiques. Le scrutin du 6 décembre pourrait être un tournant décisif, non seulement en raison de la date elle-même, mais aussi de ce qui le suivra.

Marco Teruggi

Source : https://www.pagina12.com.ar/296163-nicolas-maduro-resiste-a-las-presiones-y-convoca-a-votar

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/10/02/nicolas-maduro-resiste-aux-pressions-de-lue-et-des-usa-et-defend-le-droit-au-suffrage-universel-des-venezueliennes/

Comprendre la guerre de l’essence au Venezuela sans attendre d’être « informé » par les grands médias

25 mai 2020. Menacés par les Etats-Unis, cinq tankers iraniens entrent dans les eaux vénézuéliennes sous la protection des Forces Armées Bolivariennes.

Peu à peu la coopération des « deux tiers du monde » rêvée par Simon Bolivar s’incarne. Le blocage états-unien de ses raffineries extérieures et de l’importations d’additifs pour la produire sur place avait privé le Venezuela d’essence. Cinq tankers envoyés par l’Iran viennent de briser le blocus états-unien/européen. Menacés par l’administration Trump, escortés par l’armée bolivarienne dès leur arrivée dans les eaux vénézuéliennes, ces navires apportent de l’essence pour deux semaines et des additifs pour poursuivre sur place la production. Cette victoire face à la longue guerre économique – lancée en 2013 et renforcée pendant la pandémie – est un espoir pour tant de nations subissant les « sanctions » – mesures coercitives unilatérales – de l’Occident.

Le plan du gouvernement vénézuélien est de réactiver les raffineries pour répondre à la demande intérieure. Le pari des États-Unis est que non seulement cela n’arrivera pas mais qu’il faut continuer à travailler pour que toute l’économie s’effondre, et qu’une rupture sociale permette enfin le “changement de régime”, soit à travers un coup d’Etat soit à travers une invasion militaire. Le 28 mai, Gustavo Petro, sénateur, ex-candidat aux présidentielles en Colombie, tweete à propos du débarquement d’un nouveau contingent de soldats états-uniens dans son pays: « On ne peut plus cacher l’évidence : on prépare une invasion du Venezuela, avec le pire : l’aide du narcotrafic ». (1)

Quelles sont les clefs de cette guerre ? Sous la pression d’un champ médiatique devenu homogène, la plupart des journalistes ou politologues occidentaux remplacent les causes par les effets, rendent responsable le Président Maduro d’une “crise” ou établissent un « fifty-fifty » plus idéologique qu’empirique entre la guerre économique et les problèmes internes de mauvaise gestion ou de manque d’investissements du gouvernement bolivarien.

Facts first”. Comme l’explique la journaliste Erika Ortega Sanoja, le Venezuela importe de l’essence de l’Iran pour diverses raisons :

– Sabotages et attentats continuels comme l’incendie de la raffinerie d’Amuay (Paraguaná) qui fit 55 morts en août 2012.

– Affaiblissement chronique de la compagnie publique Petroleos De Venezuela (PDVSA) après la chute brutale et soutenue des prix du pétrole entre 2014 et 2016, et la constitution d’un réseau de corruption des hauts cadres pétroliers.

– La fuite des cerveaux, sous la pression de la guerre économique, de son personnel le plus important : les travailleurs qui avaient réussi, avec Chavez, à récupérer l’industrie en 2002, après le sabotage pétrolier de l’opposition organisé depuis les USA.

– L’infiltration de l’opposition dans l’entreprise, démontrée avec le cas de CITGO (Etats-Unis).

– L’impossibilité de remplacer les pièces et d’acheter des additifs face au blocus imposé par l’administration de Donald Trump et resserré depuis 2017.

– Les menaces constantes et croissantes des États-Unis sur les investisseurs potentiels.

– Le paiement de plus de 70 milliards de dollars de dettes de la République qui n’ont pas pu être refinancées.

– La dépossession des ressources de la République bolivarienne qui se trouvaient dans les banques en Europe et aux USA.

– Le blocage des raffineries extérieures à Curaçao, et aux États-Unis via le transfert illégal des actifs de la société pétrolière d’État vénézuélienne CITGO, basée aux USA, à Juan Guaido au motif de son auto-proclamation comme “président” en 2019, aujourd’hui mise en vente, autre manoeuvre illégale dénoncée par le gouvernement bolivarien. Autre entreprise frauduleusement acquise par les amis du fake-président: Monómeros Colombo Venezolanos, une entreprise pétrochimique de l’Etat dont le siège se trouve en Colombie.

Citgo possède trois raffineries et un réseau de pipelines qui traversent 23 États des États-Unis.

Le journaliste et sociologue Marco Teruggi vit au Venezuela. Nous traduisons son analyse qui éclaire ces faits dans le contexte de la révolution bolivarienne:

« La station d’essence devant chez moi s’est vidée quelques jours après le début du confinement généralisé. Les responsables sont partis, après avoir tendu une corde pour barrer l’accès : « fermé ». Les gens ont commencé à parler de l’endroit où on pourrait trouver de l’essence et à dresser une carte des stations en activité, dans une situation qu’on croyait momentanée.

Puis, comme face à toute pénurie, la revente a commencé. Les prix ont augmenté à mesure que la situation se faisait plus critique : 1… 1,5… 2… jusqu’à 3 dollars par litre, dans un pays où le remplissage d’un réservoir est pratiquement gratuit pour les consommateurs depuis toujours. Les files d’attente se sont allongées, durant parfois plus d’un jour, parfois deux, et le manque d’essence s’est “normalisé”.

Ce qui était un fait nouveau pour Caracas – bien qu’on l’avait déjà vécu lors du lock-out pétrolier organisé par les hauts cadres de PDVSA pour renverser Hugo Chávez entre 2002 et 2003 – ne l’a cependant pas été pour de nombreux états intérieurs du pays, notamment ceux qui ont une frontière avec la Colombie. Là-bas, comme dans les Etats d’Apure, du Táchira, de Mérida ou du Zulia, les files pour faire le plein d’essence sont apparues depuis déjà près de trois ans, conséquence de la contrebande massive vers la Colombie où elle est revendue au prix du marché. En 2006 par exemple, le président Alvaro Uribe légalisa la contrebande d’essence vénézuélienne : la seule « Cooperativa Multiactiva del Norte », autorisée par lui, peut stocker jusqu’à près de 3 millions de litres.

Ces derniers mois, le manque d’essence s’était étendu aux villes proches de Caracas. Dès le mois de mars, alors qu’il y avait une pénurie dans la capitale, on a commencé à parler de la crise de l’essence. Au Venezuela, comme dans de nombreux pays d’Amérique latine, la capitale joue un rôle surdimensionné dans la dynamique politique. Ce qui se passe à Caracas revêt dès lors un « caractère national », ce qui peut affecter le pouvoir politique central.

Pour mieux comprendre les causes de cette situation, on peut tracer une ligne de temps des différents acteurs impliqués, dans un contexte politique de sièges, de tranchées, de négations, dans un des moments les plus complexes de ces dernières années.

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Le blocus

En août 2017, la Maison Blanche a émis la première d’une longue liste de sanctions contre l’industrie pétrolière vénézuélienne, PDVSA, par le biais du décret 13808. Ce mois-là a coïncidé avec une défaite électorale de la droite, matérialisée par l’élection de l’Assemblée nationale constituante qui a signifié une victoire pour le chavisme.

Le premier décret a commencé à façonner un blocus technique de PDVSA avec un objectif central : frapper la principale colonne vertébrale de l’économie vénézuélienne. Cette mesure visait à fermer les sources de capitaux étrangers, nécessaires au fonctionnement de l’industrie pétrolière. En 2018, trois autres décrets ont été pris à l’encontre du Venezuela, touchant différents secteurs de l’économie. Le 28 janvier 2019, cinq jours après l’autoproclamation de Juan Guaidó et sa reconnaissance immédiate par Donald Trump, la Maison Blanche a publié le décret 13850 centré sur PDVSA et la Banque centrale du Venezuela : « À la suite de l’action d’aujourd’hui, tous les biens et intérêts détenus par le PDVSA qui relèvent de la juridiction américaine sont bloqués et il est interdit aux personnes américaines de faire des transactions avec eux« , a déclaré le département du Trésor.

Cette mesure comprenait le blocage de 7 milliards de dollars d’actifs de PDVSA aux États-Unis, l’appropriation par le “clan états-unien de Guaido” de CITGO, une raffinerie affiliée de la compagnie pétrolière sur le territoire américain, dont un juge vient d’annoncer la vente, dénoncée comme illégale par le gouvernement vénézuélien. En outre, PDVSA a été bloqué sur le marché américain de l’énergie, ce qui a eu un impact sur les acheteurs internationaux.

Les sanctions ont continué à se multiplier : plus de 30 navires et pétroliers du PDVSA ont été inscrits sur la liste noire du département du Trésor, et le 5 août 2019, la Maison Blanche a publié le décret 13884 qui a saisi tous les actifs vénézuéliens aux États-Unis, y compris CITGO. L’arsenal de mesures visant à détruire le champ économique de PDVSA s’est ensuite abattu sur des compagnies pétrolières étrangères, en particulier, début 2020, les compagnies russes Rosneft Trading et TNK Trading International. Les médias occidentaux jubilaient déjà à l’idée que la Russie abandonne le Venezuela pour sauver Rosneft, quand Moscou freina les plans de Trump en décidant de faire passer sous contrôle direct du Kremlin les activités de cette entreprise.

L’asphyxie états-unienne a donc fonctionné des deux côtés. D’une part le blocage des activités de la compagnie pétrolière publique PDVSA en tant que principale source de revenus pour l’État, et d’autre part l’économie dans son ensemble avec une paralysie générale liée à l’impossibilité de s’approvisionner en essence. L’agence Reuters avait rapporté: « La pénurie d’essence au Venezuela s’aggrave après que des fonctionnaires américains ont fait pression sur les compagnies étrangères pour qu’elles s’abstiennent de fournir du carburant« . La mesure a débuté fin 2019 et a été ratifiée en 2020.

Les dernières mesures ont été annoncées lundi par Mauricio Claver-Carone, responsable de la sécurité nationale de la Maison Blanche pour l’Amérique Latine, qui a menacé les entreprises étrangères présentes au Venezuela : « Il n’y a pas d’exception pour la production de Chevron, il n’y a d’exception pour aucune entreprise dans le monde, nous avons parlé avec Repsol, Reliance, Eni, et nous leur avons montré ce qui s’est passé avec Rosneft Trading (…) nous leur avons dit que s’ils continuaient dans ces activités, ils le feraient sous le risque de sanctions qui pourraient être dévastatrices pour eux« .

Refinería-EC2017, l’année du premier décret contre PDVSA, coïncide avec la décision importante, qui a constitué un séisme politique, du président Maduro d’assainir l’ensemble de l’industrie pétrolière tombé en décadence sous la gestion de Rafael Ramirez nommé par Hugo Chavez. Les deux derniers présidents de l’industrie pétrolière et ministres du pétrole, Eulogio Del Pino et Nelson Martinez, qui étaient impliqués dans un plan de corruption à l’intérieur de CITGO et qui avaient été en charge de 2014 à 2017, ont été arrêtés. À la fin de 2017, le ministère public a également accusé Rafael Ramírez, ancien président de PDVSA et ministre du pétrole, d’être responsable de détournements de fonds et de faits tels que le maquillage comptable, le sabotage et la surfacturation des contrats. Les événements dont Ramírez est accusé ont commencé en 2009 et se sont poursuivis jusqu’en 2014, date à laquelle il a été remplacé par Del Pino. Ramirez a fui la justice de son pays et négocie son absolution avec la justice états-unienne pour d’autres faits de corruption.

L’enquête menée par le ministère public depuis la nomination de son nouveau Procureur Général en 2017 dévoile un système de corruption à la présidence du PDVSA, impliquant des dizaines de gestionnaires et le ministère du pétrole entre 2009 et 2017. Un système bien huilé garantissant l’impunité en échange de commissions payées à la procureure générale Luisa Ortega Diaz, qui a depuis fui la justice vénézuélienne et qui est elle aussi impliquée dans des faits de corruption aux Etats-Unis. Dans quelle mesure cette longue histoire de corruption a-t-elle eu un impact sur la gestion des investissements dans les puits, les raffineries, la production, les décisions adéquates sur une entreprise complexe comme PDVSA ?

2017 est donc une année cruciale: c’est à la fois le début du blocus direct de la part des États-Unis sur l’industrie pétrolière, mais aussi le changement de sa présidence après huit années de dirigeants impliqués dans la trame de corruption. Il s’agit donc à la fois d’un travail de révision interne, et de refonder une architecture pour surmonter la pluie de sanctions qui affectent de plus en plus de secteurs et d’itinéraires. Exemple : le blocus a affecté l’importation d’additifs et de produits chimiques pour le raffinage de l’essence, et le vol de CITGO a entraîné la coupure d’une voie centrale d’approvisionnement en essence, en pièces détachées et en intrants pour le raffinage.

Près de trois ans après l’arrestation de Del Pino et Martinez, la production de pétrole et le raffinage de l’essence ont continué à diminuer. Manuel Quevedo, mis en place pour restructurer PDVSA a été remplacé en avril 2020 par l’ingénieur chimiste Asdrubal Chavez, respecté pour sa longue expérience en matière de politique pétrolière et de relations avec l’OPEP.

La compagnie PDVSA a une particularité : elle a été structurée à partir du milieu des années 1970 en fonction des besoins des transnationales d’extraction états-uniennes, avec leurs machines, leurs intrants, leurs technologies et leur gestion. Tant que ce schéma de haute dépendance restait intact, PDVSA était un objectif sur lequel les États-Unis avaient un haut niveau de connaissances et de puissants moyens de réduire les fournitures d’intrants et de machines-clés. C’est pourquoi une partie des accords actuels du PDVSA avec les alliés internationaux consiste, outre l’exportation de brut et l’importation d’essence, à acheter des pièces pouvant remplacer celles des États-Unis pour remettre les raffineries en service comme celle d’El Palito qui recevra une partie des cargaisons envoyées par l’Iran.

L’arrivée au Venezuela de ces cinq pétroliers iraniens (Carnation, Fortune, Forest, Petunia et Faxon) avec une capacité de 1.487.500 barils de pétrole, avait suscité des menaces de l’administration Trump qui avait rendu public l’envoi de quatre navires de guerre dans les Caraïbes pour une “opération antidrogue” menée par le Southern Command et annoncée en mars dernier. Mais le gouvernement iranien a rappelé qu’il s’agit d’un accord entre deux Etats souverains : “Les Etats-Unis et les autres pays savent que nous sommes déterminés. Si les obstacles continuaient ou augmentaient, la réponse de l’Iran serait énergique« .

Photos: la raffinerie d’El Palito, destination d’une partie des cargaisons envoyées par l’Iran.

Note: (1) https://twitter.com/petrogustavo/status/1266200208809099270

Sources : Compte twitter de la journaliste Erika Ortega Sanoja https://twitter.com/ErikaOSanoja, et article de Marco Teruggi dans Sputnik News, https://mundo.sputniknews.com/america-latina/202005211091498584-iran-y-desabastecimiento-radiografia-de-la-crisis-de-la-gasolina-en-venezuela/ 

Traduction et adaptation : Thierry Deronne

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